23_POS_74 - Postulat Claire Attinger Doepper et consorts au nom PSV - Églises - État : même combat ?.

Séance du Grand Conseil du mercredi 18 décembre 2024, point 36 de l'ordre du jour

Texte déposé

L’Église catholique est dans la tourmente et les derniers événements[1]dénonçant des abus sexuels, exercés par leurs représentants sont terrifiants et s’éloignent largement d’une attitude miséricordieuse, saine et légitime à laquelle on s’attend. Du côté de l’Église protestante, un pasteur a été reconnu coupable d'actes sexuels avec un enfant par négligence[2]. Dès lors  que ces affaires de violence sexuelles, d’abus sur mineurs et de harcèlement doivent être traitées, le Conseil d’État a des responsabilités et doit participer au train de mesures à prendre  pour les combattre avec vigueur.

 

Sur notre territoire vaudois, compte tenu du soutien financier important accordé, la question qui saute aux yeux s’adresse à notre État subventionneur et sur les moyens mis à dispositions pour éviter de tels dérapages. Sauf erreur, en 2023, l’enveloppe budgétaire que se répartit les 2 églises (Église catholique et l’EERV) s’élève à 62,5 millions de francs. L’EERV reçoit 33 millions pour env. 185'000 protestants déclarés et l’Église catholique touche 29 millions pour env. 213'000 fidèle . La subvention est importante et stable depuis plusieurs années,  alors même que le nombre de fidèles décroit. En effet, les chiffres statistiques indiquent que la proportion des chrétiens dans la population vaudoise a passé sous la barre des 50% (2010 : 60% - 2021 : 46%).

Ne serait-ce pas le moment  de questionner ce subventionnement à la lumière de cette évolution et de s’assurer que les subventions allouées soient utilisées dans le respect, entre autres, des droits de l’enfance ?

Le principe inscrit dans la Constitution cantonale prévoit que les subventions servent à fournir les moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission au service de tous.

Compte tenu de ce qui précède , il est indispensable qu’une plus grande attention soit portée sur  la gestion des Églises et les comportements déviants perpétrés par certains de leurs membres. Ainsi, le Conseil d’État pourrait se doter d’indicateurs performants permettant de développer une stratégie active de lutte contre ces dérives .

La direction et le  secteur RH des églises catholiques et de l’EERV devrait se doter de moyens pour éviter que des gestes, des comportements et des actes illicites ne s’y déroulent ( tolérance zéro). Ainsi, de la même manière que les institutions socio-éducatives exigent avant chaque engagement un extrait de casier judiciaire et un extrait spécial renouvelables tous les cinq ans, il paraît judicieux de vérifier que cet acte soit exigé avant tout engagement tout comme l’obligation de suivre un cours de prévention ,voire  d’être soumis à une évaluation psychologique standardisée. Il ne devrait plus y avoir de nomination ni d’engagement sans une analyse détaillée préalable de chaque dossier de candidature. En plus, par exemple,  la création d’espace d’écoute, d’un plan de prévention, la  mise sur pied de cellules pour établir les faits, une collaboration plus étroite à créer avec le ministère public pourrait participer à une plus grande maîtrise des cas et des situations problématiques.

Dès lors que le montant des subventions doit se renouveler prochainement pour la période 2025- 2029, la convention qui lie l’État et les Églises pourrait être assortie d’une stratégie RH avec des objectifs évaluables .

 

A la lumière de ce qui précède, j’ai l’honneur de demander au CE d’élaborer dans le cadre de la convention une stratégie dont les objectifs sont évaluables et assortie d’un plan de mesures contre tout abus exercé par des membres de l’Église. Ces dernières pourraient aussi présenter au Grand Conseil, deux fois par législature, l’évolution et l’évaluation de cette stratégie.                                                              

                                                                                  

Claire Attinger Doepper

 

 

 

[1] In 24 Heures du 20.11.2023,

 

[2]https://www.24heures.ch/le-pasteur-sm-pose-un-dilemme-ethique-a-leglise-499968781163

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Eliane DesarzensSOC
Cédric RotenSOC
Jerome De BenedictisV'L
Martine GerberVER
Vincent JaquesSOC
Carole DuboisPLR
Denis DumartherayUDC
Sandra PasquierSOC
Yannick MauryVER
Géraldine DubuisVER
Laure JatonSOC
Muriel ThalmannSOC
Julien EggenbergerSOC
Monique RyfSOC
Felix StürnerVER
Nicola Di GiulioUDC
Valérie ZoncaVER
Denis CorbozSOC
Romain PilloudSOC
Vincent BonvinVER
Théophile SchenkerVER
Cendrine CachemailleSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Graziella SchallerV'L
David RaedlerVER
Yves PaccaudSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Michael Wyssa (PLR) — Rapporteur-trice

Le postulat demande que les affaires de violence sexuelle, d’abus sur les mineurs et de harcèlement au sein des différentes Eglises soient désormais appréhendées avec le concours de l’Etat, qui a une responsabilité et un rôle à endosser. L’enveloppe budgétaire de l’Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV) et l’Eglise catholique s’élève à plus de 62 millions de francs annuels. Le rôle social et spirituel des Eglises auprès d’une large frange de la population − visites dans les hôpitaux ou les prisons, accueil des migrants et aumônerie dans les prisons, les hôpitaux et les lieux de formation, etc. − est reconnu. 

Le postulat interroge différentes mesures : un espace neutre d’écoute tel le Centre de consultation concernant la Loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions (Centre LAVI) ; un plan de prévention avec la création d’une cellule chargée d’établir les faits ; une collaboration plus étroite avec le Ministère public. Le renouvellement de la convention de subventionnement liant l’Etat aux Eglises devrait être assorti d’une stratégie en ressources humaines avec des objectifs évaluables et d’un plan de mesures contre les abus. 

Le Conseil d’Etat rappelle que les Eglises sont des institutions de droit public, avec une autonomie d’organisation dans le respect de l’ordre juridique et de la paix confessionnelle. L’Etat ne peut donc pas intervenir dans la gestion interne, notamment dans l’engagement du personnel. 

Avant le renouvellement de la convention, les Eglises ont spontanément proposé d’ajouter des mesures sur deux niveaux : 

  1. dans le processus de recrutement : l’obligation de formation continue dans le soutien et la prévention, obligation de présenter un extrait du casier judiciaire. 
  2. Le second niveau concerne les suites à donner en cas d’abus. Des organismes indépendants sont mis en place pour recueillir les plaintes et écouter les victimes. 

En revanche, aller au-delà en contraignant les Eglises à adopter une stratégie en ressources humaines n’est pas compatible avec la Constitution vaudoise et revient à la situation où les pasteurs étaient employés de l’Etat, ce qui n’est pas voulu. 

Lors des discussions, l’ensemble de la commission reconnaît que les abus sont inadmissibles et que toutes les mesures doivent être prises pour les combattre. La commission se déclare rassurée par les réponses du Conseil d’Etat. Certains commissaires se demandent s’il faut conserver le postulat à la suite des réponses fournies. A contrario, pour d’autres, il faut maintenir le postulat pour recevoir des réponses du Conseil d’Etat, même si une interpellation identique a déjà été déposée. Il pourrait être répondu aux deux textes en même temps. Comme la prochaine convention est à bout touchant, les éléments sont réunis pour une réponse rapide. Par 4 voix et 4 abstentions, la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération le postulat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Les affaires de violence sexuelle, d’abus sur mineurs et de harcèlement au sein des Eglises doivent être combattues de manière intransigeante. Nous sommes toutes et tous d’accord sur ce principe. En séance de commission, le Conseil d’Etat a indiqué qu’il ne pouvait pas intervenir directement dans la gestion interne des Eglises. Cependant, il a confirmé avoir la possibilité de contrôler leur règlement général d’organisation, ainsi que l’affectation des subventions qui leur sont versées. Ces subventions sont assorties de conditions spécifiques. 

Face aux dérapages multiples et récurrents qui ont lieu, je considère qu’il est de la responsabilité de l’Etat d’intervenir tant que les subventions sont accordées. Sans un contrôle rigoureux construit en concertation avec les Eglises – je ne pense pas qu’elles y soient opposées – l’Etat, en l’absence de mesures concrètes, pourrait potentiellement être perçu comme cautionnant des agissements déviants. En effet, le principe constitutionnel prévoit que les subventionnements publics doivent permettre aux Eglises de remplir les missions de service au bénéfice de toutes et tous. Il est donc légitime de s’interroger sur des mesures nécessaires et efficaces pour garantir que ces missions sont exercées dans le respect et la sécurité de chacune et chacun.

Mon collègue a retracé ce que demande l’interpellation. Parmi les actions possibles, sont envisagés l’espace neutre d’écoute et de consultation et un plan de prévention avec la création d’une cellule chargée d’établir les faits. Il semble que ces mesures sont en construction ou ont déjà été mises en place dans l’intervalle. En revanche, je ne sais pas où en est la collaboration plus étroite avec le Ministère public. Même si la convention de subventionnement est renouvelée – il s’agit de la période 2025-2029 – elle devrait être assortie d’une stratégie de ressources humaines pour permettre une transparence avec des objectifs évaluables, un plan de mesures contre les abus et peut-être un retour ou un échange annuel ou bisannuel entre les deux instances. 

Au regard des répercussions de la problématique dans les médias et l’opinion publique, de l’impact sur l’image des institutions concernées, mais aussi de la réalité insoutenable des abus subis par des paroissiennes et paroissiens − réalité qui persiste aujourd’hui − il serait inopportun que le Grand Conseil classe le postulat. J’espère que la majorité du Parlement reconnaîtra que tous les éléments nécessaires pour répondre à ce postulat de manière adéquate et responsable sont presque tous connus par les bénéficiaires, mais peu par le public. Il est essentiel de prendre en compte les attentes légitimes de la société, ainsi que la nécessité d’agir avec fermeté pour garantir que des mesures efficaces sont en place – tant dans les églises catholiques que dans les églises réformées – afin de prévenir les abuseurs et d’assurer une véritable tolérance zéro. C’est évidemment le but poursuivi : que plus aucune déviance et aucun mauvais traitement de nature sexuelle ne puisse se dérouler sans risque que l’abuseur ne soit pas puni. 

M. François Cardinaux (PLR) —

J’entends et je comprends ce qui a été dit par ma préopinante. Néanmoins, il faut distinguer les éléments sur le plan de l’attitude des Eglises et sur le plan du subventionnement de celles-ci. Or, la demande faite à l’Etat de mélanger ces deux choses me gêne beaucoup. Je ne pense pas que cela soit possible. Pour cette raison, je ne soutiendrai pas le postulat. Je reste persuadé que le postulat n’est pas aussi innocent qu’il veut bien le faire croire. Il y a deux choses : d’un côté, la loi et la manière de la traiter et, de l’autre, le subventionnement – et les Eglises méritent tout notre soutien.

 15 :23 :24 0 :01 :37 Haury Jacques-André

Il me semble que notre collègue Maury a déposé une interpellation demandant qu’une hotline ou un système facilement accessible soit offert aux élèves en difficulté ou en conflit avec leur environnement, notamment leurs enseignants, et qui ne parviennent pas à recevoir de soutien à l’intérieur de l’établissement. 

Nous sommes en train d’envisager quelque chose d’équivalent dans les Eglises. C’est un peu le sens du postulat. Nous pourrions aussi souhaiter cela dans les milieux sportifs. Finalement, nous devrions avoir, dans notre dispositif et quel que soit le département, un endroit où les jeunes – pour les adultes, c’est moins important – puissent s’adresser à une personne qui entend leur plainte et leur récit. Dans ce sens, l’efficience de l’Etat gagnerait à ce que nous ne demandions pas à chaque entité subventionnée par l’Etat de développer sa propre stratégie, mais que nous disposions d’un unique centre facilement accessible à des jeunes en souffrance en raison du comportement d’un ecclésiastique, d’un enseignant ou du chef d’une équipe sportive. 

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Ce n’est pas pour vous donner la position du Conseil d’Etat que je prends la parole, car nous avons déjà communiqué des informations en séance de commission. Depuis, les conventions de subventionnement ont été signées avec les éléments indiqués en projet lors des discussions en commission.

Dans cette convention, on trouve comme conditions à la subvention la nécessité d’un organe indépendant à disposition des collaboratrices et collaborateurs et chargé de recueillir et d’instruire les signalements provenant de tiers. Ces organes ne sont pas liés à l’Etat. Ce n’est pas lui qui les met en place, mais les structures. Je prends note de la position de M. Haury, mais les systèmes sont différents. Par exemple, le contre-projet sur le sport comprend un chapitre sur Swiss Sport Integrity, le concept national lié au signalement des problématiques des abus dans le sport sous l’égide de l’Office fédéral du sport et de Swiss Olympic et des fédérations nationales. Nous nous situons dans d’autres types de créneaux. Il serait complexe de disposer d’une unique structure. Ici, les organes sont indépendants, mis en place par les structures subventionnées. 

Nous n’avons aucun problème à répondre à ce postulat, s’il nous est renvoyé. Cette thématique nous tient à cœur et nous la considérons avec le plus grand sérieux du côté de l’Etat et des Eglises. C’est ce que vous pouvez lire dans le rapport concernant les démarches mises en œuvre et celles qui ont été exigées dans le cadre des discussions que nous avons de manière récurrente avec les Eglises de manière très constructive et positive sur les conventions de subventionnement. 

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Madame la conseillère d’Etat, je vous remercie pour ces compléments d’information très intéressants. Les réponses existent déjà et, pour moi, il n’est pas question de demander à l’Etat de reprendre d’autres mesures – celles qui sont déléguées me conviennent. Beaucoup de choses ont été accomplies. Les points développés dans le postulat sont presque prêts pour une réponse. J’espère que nous la recevrons. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 54 voix contre 44 et 15 abstentions. 

M. François Cardinaux (PLR) —

Je demande le vote nominal. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui acceptent le postulat votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, le Grand Conseil prend le postulat en considération par 53 voix contre 52 et 14 abstentions. 

*introduire le vote nominal

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