23_MOT_10 - Motion Hadrien Buclin et consorts - Favorisons l’accès à la prévention et aux soins bucco-dentaires (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 9 mai 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les difficultés d’accès aux soins bucco-dentaires pour les personnes à faible revenu constituent une réalité bien documentée. Ainsi, plus de la moitié des familles (53%) disent avoir déjà renoncé à un traitement médical ou thérapeutique, comme des traitements dentaires, pour des raisons de coûts[1]. Cette réalité concerne en particulier les soins dentaires car ceux-ci sont de manière écrasante à charge directe des ménages : en effet, les ménages privés paient de leur poche près de 91% de la facture dentaire en Suisse, contre environ 54% en moyenne dans les autres pays de l’OCDE[2]. La difficulté d’accès aux soins bucco-dentaires est appelée à s’aggraver dans un contexte de baisse des revenus de la population : rappelons que les salaires réels en Suisse ont baissé de 0,8% en 2021 puis 1,9% en 2022[3].

Soulignons également que si les affections bucco-dentaires ne sont pas traitées de manière précoce, des complications sérieuses peuvent apparaître, soit localement, soit être la cause de problèmes de santé beaucoup plus graves : en d’autres termes, favoriser l’accès le plus large possible aux dépistages et aux soins bucco-dentaires permet un fort retour sur investissement à travers des économies dans les coûts de la santé. Comme l’a souligné récemment le Dr. Étienne Barras, médecin-dentiste conseil de l’Etat du Valais : « Un franc investi dans la promotion de la santé bucco-dentaire permet d’économiser 10 francs dans les soins »[4].

Le Conseil d’État a certes annoncé en mars 2022 un dispositif visant à favoriser l’accès aux soins dentaires pour les personnes précarisées ainsi que pour les enfants et les personnes entrant dans un établissement médico-social. La mise en place de ce dispositif est à saluer, mais il faut bien constater que son périmètre demeure très restreint au regard des enjeux. Pour cette raison, la présente motion demande de favoriser de manière plus large l’accès à la prévention et aux soins bucco-dentaires, en particulier à travers le remboursement par l’État, sous condition de ressources, d’une partie des dépistages et traitements dentaire des personnes à faible revenu. Les soussigné·es proposent plus précisément de rembourser les factures dentaires pour les personnes au bénéfice d’un subside à l’assurance-maladie jusqu’à hauteur de 500 francs par personne et par an, ce qui correspond au coût moyen des soins dentaires en Suisse par personne et par an[5]. Lors des débats en commission ou devant le Grand Conseil, ce montant pourrait cependant être modifié.

En partant de l’hypothèse que les personnes au bénéfice de subsides à l’assurance-maladie, soit environ 290'000, fassent appel à la prestation prévue par cette motion à hauteur de 350 francs par année et par personne en moyenne, le coût annuel pour les caisses de l’État serait d’environ 100 millions de francs par an. Si l’on y ajoute environ 5 millions pour un renforcement des moyens administratifs au sein du Département de la santé et de l’action sociale pour la mise en œuvre du dispositif ainsi que pour des campagnes de prévention de la santé bucco-dentaire, le total du dispositif demandé par la présente motion se monte à 105 millions par an : ce montant représente moins de 20% de l’excédent brut de 607 millions dégagé par l’État dans le cadre des comptes 2022, ce qui veut dire que le dispositif demandé par cette motion pourrait être financé sans avoir à prélever de nouvelles ressources fiscales ou cotisations sociales.

Certes, en 2018, une initiative populaire proposant la création d’une assurance pour les soins dentaires a été refusée : mais le score honorable réalisé par ce texte laisse selon nous la porte ouverte à la mise en œuvre d’un dispositif plus réduit, comme celui qui est proposé par cette motion. Alors que le coût de la présente motion peut être estimé, nous l’avons dit, à 105 millions, l’initiative soumise au vote en 2018 prévoyait un financement des soins dentaires à hauteur d’environ 380 millions, soit un dispositif beaucoup plus ambitieux[6].

 

 

La présente motion demande au Conseil d’État de proposer une modification de la Loi sur la santé publique et de toute autre législation cantonale pertinente telle que la Loi sur l’harmonisation et la coordination de l’octroi des prestations sociales et d’aide à la formation et au logement cantonales vaudoises, visant à charger l’État :

- d’assurer une promotion et une prévention efficientes en matière de santé et d’hygiène bucco-dentaires

- de promouvoir et faciliter la prise en charge médico-dentaire par des dépistages et des examens dentaires réguliers et par un accès aux soins dentaires, en particulier au moyen d'aides financières ouvertes à l’ensemble des personnes au bénéfice de subsides à l’assurance-maladie jusqu’à une hauteur de 500 francs par personne et par année (montant à indexer sur l’indice des prix à la consommation)

 

[1]24 Heures, « Les familles suisses sont sous pression financière », 4 avril 2023.

[2] Chiffres de 2011 cités dans l’Exposé des motifs et projets de décrets ordonnant la convocation des électeurs pour se prononcer sur l’initiative populaire « Pour le remboursement des soins dentaires » et sur le contre-projet du Grand Conseil, février 2017, p. 45.

[3] Office fédéral de la statistique, Indice suisse des salaires, Évolution des salaires en 2022.

[4]Cité par l’ATS, 27 avril 2023.

[5]24 Heures, « La facture très opaque des soins dentaires », 11 janvier 2018.

[6]24 Heures, « La facture très opaque des soins dentaires », 11 janvier 2018.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Sylvie PodioVER
Joëlle MinacciEP
Alberto MocchiVER
Patricia Spack IsenrichSOC
Nathalie JaccardVER
Elodie LopezEP
Vincent KellerEP
Rebecca JolyVER
Muriel ThalmannSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Claude Nicole GrinVER
Cédric RotenSOC
Alice GenoudVER
Denis CorbozSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Sébastien HumbertV'L
Julien EggenbergerSOC
Yves PaccaudSOC
Martine GerberVER
Felix StürnerVER
Yannick MauryVER
Sandra PasquierSOC
Cendrine CachemailleSOC
Marc VuilleumierEP
Céline MisiegoEP
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Laurent BalsigerSOC
David RaedlerVER
Vincent BonvinVER
Mathilde MarendazEP

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

En 2018, la population vaudoise a voté sur une initiative populaire cantonale, que nous défendions, pour un remboursement intégral des soins dentaires sur un modèle social et solidaire, par une assurance du type de l’AVS. Ce fut malheureusement refusé, mais le score honorable réalisé par l’initiative laisse, selon nous, la porte ouverte à un dispositif plus réduit. C’est donc un tel dispositif qui est proposé par la présente motion, qui demande d’une part que l’Etat s’engage avec plus de détermination pour la prévention en matière de soins bucco-dentaires, mais qui demande aussi une mesure sociale pour favoriser l’accès au dépistage et aux soins bucco-dentaires, avec un remboursement jusqu’à 500 francs par personne et par an pour les personnes au bénéfice d’un subside à l’assurance-maladie, c’est-à-dire environ 290’000 personnes dans le canton de Vaud, soit plus du tiers de la population. Nous proposons ce montant de 500 francs, parce qu’il s’agit du coût moyen consacré par chaque personne, en Suisse, aux soins bucco-dentaires.

Ce dispositif serait ciblé sur les revenus modestes et moyens, mais plus du tiers de la population vaudoise pourrait en profiter. Cela nous paraît d’autant plus important qu’aujourd’hui, l’accès aux soins bucco-dentaires est compromis pour des raisons financières. En Suisse, les ménages privés paient de leur poche plus de 90 % de la facture dentaire et, évidemment, dans un contexte d’inflation et de baisse des revenus, ces traitements pèsent de plus en plus lourd, à tel point que plus d’une famille sur deux dit avoir déjà renoncé à un traitement médical ou thérapeutique, en particulier en traitement dentaire, pour des raisons de coût. Je rappelle que les salaires réels ont baissé de 0,8 % en 2021 et de 1,9 % en 2022. Nous sommes donc dans un contexte de forte baisse des revenus et les questions d’accès aux soins bucco-dentaires deviennent évidemment de plus en plus critiques.

J’aimerais encore signaler que favoriser l’accès aux soins bucco-dentaires revient à éviter des complications, des problèmes de santé plus sérieux si les problèmes ne sont pas traités rapidement. Comme l’a récemment déclaré le médecin-dentiste-conseil de l’Etat du Valais, 1 franc investi dans la promotion de la santé bucco-dentaire permet d’économiser 10 francs dans les soins. C’est donc de l’argent public bien investi que de favoriser les dépistages, les traitements et d’éviter qu’il y ait un obstacle lié au coût. J’espère donc que cette motion sera reçue avec intérêt par le Grand Conseil.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La motion, cosignée par au moins 20 membres, est renvoyée à l’examen d’une commission.

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