22_POS_4 - Postulat Muriel Thalmann et consorts - Suivi des auteur.e.s de violence domestique au niveau pénal : quel bilan ?.

Séance du Grand Conseil du mardi 30 mai 2023, point 18 de l'ordre du jour

Texte déposé

La violence domestique représente près de 50% des infractions de violence et la police intervient en moyenne 4 fois par jour pour des raisons de violence entre partenaires ou ex-partenaires.

 

Le rapport cantonal « Les chiffres de la violence domestique » publié en 2021, montre que depuis l’entrée en vigueur des mesures « Qui frappe part » en 2015 et l’introduction de la LOVD en 2018, le travail des institutions de terrain n’a cessé de s’intensifier. Les expulsions du domicile sont notamment passées de 19% en 2015 à 28% en 2020 et le nombre d’auteur.e.s qui se rendent à un premier entretien se montait à 56 en 2015 alors qu’il est de 322 en 2020.

 

Pourtant, les statistiques du canton de Vaud ne permettent pas de suivre l'issue donnée aux procédures pénales liées à la violence domestique. Sans cette donnée, il est difficile de tirer un bilan exhaustif de la lutte contre la violence domestique et cas échéant d'envisager la mise en place d'éventuelles mesures d'amélioration.

 

En conséquence, j'ai l'honneur de demander au Conseil d'Etat de nous fournir les  statistiques annuelles pour ces dix dernières années relatives à l’issue des procédures pénales liées à la violence domestique par type d’infractions (ex. voies de fait, injures, menaces, lésions corporelles simples/graves, violations de domicile, contraintes, séquestrations, contraintes sexuelles, viols, mises en danger de la vie, tentatives d’homicide, homicides), soit en particulier :

  1. le nombre de procédures ayant donné lieu au prononcé d’une sanction en précisant :
    1. la nature (amende, peine pécuniaire, peine privative de liberté) et la quotité de la peine prononcée,
    2. si la peine est ou non assortie d’un sursis et si oui pour quelle durée,
    3. le nombre ainsi que le type de mesure prononcée (ex. traitements au titre des art. 60, 63, 59 CP, internements au sens de l’art. 64 CP, expulsions au titre des art. 66a et ss CP ou encore interdictions, particulièrement au titre des art. 67b à 67d CP), et si la mesure a été prononcée seule (ex. cas d’irresponsabilité pénale) ou en sus d’une peine,
    4. si la condamnation fait suite à une récidive spécifique (infraction de récidive identique à l’infraction retenue dans le jugement de référence) ou à une récidive de même type (au moins une des infractions de récidive est du même type que l’infraction retenue dans le jugement de référence sans pour autant être identique).
  2. Le nombre de classements prononcés.
  3. Le nombre de suspensions prononcées, d’une part au sens de l’art. 55a CP et d’autre part au sens de l’art. 314 CPP

 

Enfin, parmi le nombre de procédures ayant donné lieu au prononcé d’une ou plusieurs sanctions, combien d’auteur.e.s sont concerné.e.s par type de sanction.

 

Je remercie le Conseil d'Etat pour sa réponse.

 

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Arnaud BouveratSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Julien EggenbergerSOC
Vincent JaquesSOC
Delphine ProbstSOC
Sébastien CalaSOC
Amélie CherbuinSOC
Carine CarvalhoSOC
Cendrine CachemailleSOC
Anne-Sophie BetschartSOC
Valérie InduniSOC
Cédric EchenardSOC
Sonya ButeraSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Jérôme Christen
Stéphane BaletSOC
Stéphane MontangeroSOC
Céline MisiegoEP
Graziella SchallerV'L
Yves PaccaudSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice

La Commission des affaires juridiques a été saisie du postulat de Muriel Thalmann et consorts sur le suivi des auteurs de violences domestiques sur le plan pénal et sur le bilan qui peut en être fait. Les prises de parole de nos collègues députés ont rappelé à quel point la problématique est prégnante dans notre canton, voire très inquiétante. Dans son postulat, Mme Thalmann demandait des statistiques sur la violence domestique. Lors de la séance de commission, nous avons auditionné le Ministère public et l’Ordre judiciaire. Le Ministère public nous a expliqué qu’à l’heure actuelle, il ne dispose pas d’outils informatiques, quel que soit le domaine du droit pénal, pour établir ces statistiques. Par exemple, dans le cas d’une infraction pour voie de fait, on ne peut pas savoir si l’infraction concerne une voie de fait entre deux personnes masculines, entre un homme et une femme, ou dans le cadre d’une violence domestique. Pour l’instant, il n’existe aucun moyen statistique pour effectuer ce contrôle.

On dispose d’indications générales sur le nombre d’affaires et le nombre d’affaires clôturées, mais pas sur les délits. Au début des années 2010, le Bureau de l’égalité entre les femmes et les hommes (BEFH) en collaboration avec l’Ordre judiciaire et le Ministère public avait entrepris une vaste étude, confiée à un professeur, sur les cas de violences conjugales et domestiques, sur le plan des sanctions, de la typologie des auteurs, etc. Le professeur avait eu accès aux dossiers pénaux et pu analyser les ordonnances pénales et leur contenu, les peines infligées et les récidives. La question se pose de savoir si une telle étude pourrait à nouveau être conduite en confiant le mandat au BEFH.

Le Tribunal cantonal a aussi expliqué que les dossiers sont d’abord examinés sous l’angle du droit civique et plus précisément sous l’angle de la protection de la personnalité, avec l’expulsion immédiate de l’auteur des faits en cas de crise. La juge a expliqué la procédure : la juge intervient d’abord et en cas d’intervention de la Police cantonale, une communication au Ministère public est faite. Il y a beaucoup de procédures liées aux expulsions. En 2021, 428 audiences se sont tenues et 474 expulsions immédiates d’auteurs des faits ont été prononcées ; plus de 4700 affaires de mesures protectrices de l’union conjugale sont dénombrées dans le canton, où se pose souvent une problématique de violence domestique. On peut contraindre une personne à suivre une série d’entretiens avec le centre de prévention. Dans ce cadre, le président demande un rapport et, sur la base de ce dernier, décide ou non de révoquer l’affaire pénale. Actuellement, peu de suspensions ont été ordonnées et peu de retours sur les entretiens ont été apportés. Toutefois, d’après ceux que le Tribunal cantonal a reçus, les résultats sont plutôt favorables.

Lors de la discussion générale, la postulante a admis que de nombreux progrès ont été réalisés dans le domaine de la violence domestique, mais qu’il manque des statistiques pour ce type de délits. Deux problèmes expliquent ce manque : on ne dispose pas des outils nécessaires et la plupart des entretiens obligatoires et des procédures ne sont pas ordonnées dans le cadre pénal, mais dans le cadre civil. Le Conseil d’Etat estime qu’il sera complexe d’introduire ces éléments statistiques sans passer par une amélioration des outils informatiques. Deux projets importants sont en cours dans le domaine informatique et touchant le droit pénal sur le plan fédéral et dans lesquels le canton de Vaud est impliqué : le projet « Justitia 4.0 » qui vise la dématérialisation des dossiers et l’harmonisation de l’informatique de la justice pénale qui permettent aux différents ministères publics et tribunaux de justice de communiquer en leur sein en intégrant les services pénitentiaires. On pourrait envisager de voir avec l’Office fédéral de la statistique comment effectuer ce travail sur le plan fédéral sur la base du casier judiciaire centralisé informatisé « Vostra » qui dispose de plus d’outils que le canton.

Le Conseil d’Etat nous a informés qu’il serait impossible de dégager des ressources, car elles sont entièrement prises par les projets informatiques susmentionnés. De plus, il paraît difficile de se concentrer sur les délits de violence domestique. La discussion a amené à dire qu’une statistique devrait être réalisée sur le plan fédéral − obtenir des chiffres sur le plan cantonal ne serait pas forcément intéressant – et pour un catalogue plus large de délits. Le canton de Vaud est un canton pilote pour tester de nouveaux outils, comme ce sera prochainement le cas avec les nouveaux bracelets électroniques. La postulante s’est ralliée à l’idée qu’il serait plus intéressant de mener une étude sur le suivi des violences domestiques. Dans cette mesure, elle proposait de modifier son postulat. Toutefois, il s’agissait d’une modification totale du postulat. Ce qui a été discuté en commission est d’émettre un vœu pour réaliser une étude avec le BEFH et de classer le postulat, avec l’engagement du Conseil d’Etat de conduire cette étude sans qu’un nouveau texte soit déposé.

La commission a donc voté pour un vœu : « La commission souhaite qu’une étude sur le suivi des mesures des violences domestiques soit menée sous la houlette du BEFH en collaboration avec les partenaires concernés. » Ce vœu a été adopté par 9 voix et 2 abstentions. Finalement, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération ce postulat et de le classer.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je souhaite intervenir concernant le vœu de la commission. Depuis la séance, nous avons progressé. Pour répondre aux lacunes révélées en février 2022 par le groupe d’experts et d’expertes sur la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (GREVIO) chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention d’Istanbul, et dans la collecte de données permettant d’évaluer la réponse pénale donnée par les autorités judiciaires suisses, le BEFH en collaboration avec la Police cantonale vaudoise, l’Ordre judiciaire vaudois et le Ministère public, a récemment mandaté l’Ecole des sciences criminelles de l’Université de Lausanne (UNIL) pour réaliser une étude sur le suivi de la violence domestique dans la chaîne pénale du canton de Vaud. Le résultat de cette étude pourra répondre au moins partiellement au questionnement du postulat Muriel Thalmann et consorts. Nous sommes en train de finaliser le mandat avec le Service juridique de l’UNIL. Le démarrage de l’étude est prévu pour l’été 2023 et le rapport est attendu en 2024.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Cette année, le site stopfemizid.ch enregistre déjà huit féminicides, dont ceux du 26 mai à Vevey concernant une femme de 37 ans et du 27 mai à Lausanne d’une femme de 23 ans, ainsi que trois tentatives. Il relève que les féminicides ne sont pas des cas isolés, mais le résultat d’une violence structurelle. Il convient d’améliorer le suivi des auteurs des violences domestiques, car savoir que la personne risque de payer uniquement une amende, probablement de faible importance, et qu’ainsi elle évite l’obligation de suivre une séance de sensibilisation et n’est donc pas amenée à déconstruire cette violence est un problème. Il s’agit de renseignements d’importance dans le cadre de la révision de la Loi vaudoise d’organisation de la prévention et de la lutte contre la violence domestique (LOVD). Nous avons besoin de statistiques et de données, surtout genrées. On se heurte sans arrêt à cet obstacle et on nous répond que ce n’est pas possible, que l’on ne peut pas le faire uniquement pour cela, et ainsi de suite : c’est un problème. La commission a bien pris note qu’il faut attendre l’arrivée de nouveaux systèmes informatiques pour disposer de données et espère que le Conseil d’Etat suivra rapidement son vœu de reconduire l’étude sur le suivi des violences domestiques.

Je remercie le Conseil d’Etat et retire mon postulat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le postulat est retiré.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :