22_PAR_37 - Rapport annuel de la Commission des visiteurs du Grand Conseil 2021-2022.
Séance du Grand Conseil du mardi 14 mars 2023, point 32 de l'ordre du jour
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- 22_PAR_37_Rapport annuel 2021-2022 de la Commission des visiteurs du Grand Conseil
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourPour la présentation de ce rapport, j'aimerais simplement souligner que celui-ci émane de la Commission thématique des visiteurs de la dernière législature, la présidente et rédactrice n’étant plus présente dans cet hémicycle. La Commission thématique des visiteurs remercie chaleureusement Mme la secrétaire de commission pour son travail tout au long de l'année. La Commission thématique des visiteurs s'est réunie à 14 reprises en séance plénière. Elle a visité tous les lieux de détention vaudois ainsi que cinq établissements hors canton, auditionnant environ 140 personnes détenues. De nombreuses rencontres ont eu lieu entre la Commission thématique des visiteurs et les autorités vaudoises concernées. Des échanges se sont également déroulés avec la Commission de gestion, la Commission nationale de prévention de la torture, la Commission des visiteurs du Tessin. Une journaliste de la RSR a pu suivre la Commission des visiteurs lors d'une visite, afin de réaliser un reportage sur son rôle.
La Commission des visiteurs est accompagnée d'experts externes permettant de lui apporter quelques éclaircissements, grâce à leur connaissance du milieu carcéral. Neuf recommandations ont été émises dans ce rapport sur lesquelles le Conseil d'Etat s'est déterminé. Sans surprise, plusieurs d'entre elles n'ont de cesse de se répéter depuis de nombreuses années, comme la surpopulation carcérale devenue chronique. L'enfermement prolongé le week-end par manque de ressources disponibles – responsables d'atelier malades ou absents – entraîne l'impossibilité des détenus à travailler et, bien sûr, la situation dramatique des zones carcérales.
L'un des grands défis du Service pénitentiaire réside dans l'aménagement d'outils numériques permettant notamment la recherche d’un emploi. La Commission des visiteurs suivra attentivement les projets liés à sa mise en place pour une meilleure reprise de la vie active. La Commission des visiteurs salue les efforts entrepris pour favoriser la resocialisation des personnes détenues, le développement des contacts avec l'extérieur grâce au déploiement des tablettes et grâce à la connexion via Skype, ainsi que la justice restaurative sous forme de dialogue restauratif qui se met progressivement en place et dont les premiers retours semblent positifs pour les victimes et les personnes détenues.
La Commission des visiteurs se réjouit de constater que, face au nombre toujours croissant de personnes sous mesures et nécessitant des soins psychiatriques, une prise en charge institutionnelle spécifique est en cours de réflexion. Il est à noter qu'une unité psychiatrique pour femmes détenues à la Tuilière verra le jour à l'issue des travaux effectués dans l'établissement. Au niveau médical, le dossier du patient informatisé est en cours de déploiement. La commission attend avec impatience la réalisation du projet de l'établissement des Grands-Marais, mais également des solutions concrètes à la détention avant jugement– c’est-à-dire provisoire – et à la surpopulation carcérale. Elle salue la collaboration avec le nouveau Conseil d'Etat, ainsi que la nomination de la commandante de la police cantonale et du chef du service pénitentiaire qui permettront sans doute l'avancée et la résolution des problématiques régulièrement soulevées.
Elle réitère sa reconnaissance et ses remerciements à toutes les personnes qui s'engagent avec assiduité et professionnalisme à tous niveaux pour le soutien et l'accompagnement des personnes détenues dans le canton.
La discussion est ouverte.
Je me permets de prendre la parole en tant que membre de la commission et membre du parti socialiste. N’ayant pas siégé à la commission l’an passé, je m’exprime par rapport au rapport transmis. Comme chaque année, parmi les remarques formulées par la Commission de visiteurs, le premier grief réside dans la surpopulation carcérale, le manque de places particulièrement dans les prisons de détention avant jugement. En effet, la prison du Bois-Mermet est occupée à 160 % celle de la prison de la Croisée à 143 %. Cette surpopulation a des conséquences sur la santé psychique et physique des détenus et péjore également les conditions de travail du personnel. Les zones carcérales sont aussi un point régulièrement soulevé dans les rapports de la Commission des visiteurs.
Depuis de nombreuses années, la commission demande au Conseil d'Etat de prendre « rapidement » des mesures pour respecter la loi et limiter la détention à 48 heures. Or, la durée médiane des personnes détenues est de 10 jours – elle devrait être de 2. Dix jours dans un espace inférieur à 10 m2, de la lumière artificielle, des sorties de 30 minutes par jour. Par rapport à la surpopulation carcérale, une piste évoquée par le rapport consisterait peut-être à réfléchir pour cette législature à la libération conditionnelle. Cette idée n’est pas nouvelle ; elle fut évoquée lors des assises du canton en 2018.
Il se trouve que le canton de Vaud est l’un des plus restrictifs sur ce point. Concernant cette surpopulation et l'inflation carcérale, le Conseil de l'Europe émet la recommandation suivante : « La libération conditionnelle devrait être considérée comme une des mesures les plus efficaces et plus constructives qui, non seulement, réduit la durée de détention mais contribue aussi de manière non négligeable à la réintégration planifiée du délinquant dans la communauté. » Ainsi, priver une personne de sa liberté, à la suite d’une faute grave, est non seulement juste mais nécessaire. Cependant, pour que la démarche soit la plus efficiente possible et ainsi éviter la récidive et engendrer de nouveaux frais de justice, de générer de l’insécurité sociale ou des drames, il faut continuer à fournir des efforts de même ampleur que ceux engagés pour l'enfermement afin d’éviter la récidive. Les allers-retours de la vie civile à la vie carcérale sont encore trop fréquents. Pour les personnes détenues, il est difficile de se projeter dans le long terme, d'imaginer un avenir professionnel, familial, social. Dans l'idéal, et j’insiste sur ce terme, la prison devrait être outre la privation de liberté, un moment pour réfléchir sur soi, à ses actes passés, à son avenir. Ce travail intérieur demande du temps et de l'accompagnement.
Le rapport de la commission salue les efforts entrepris par certains établissements pénitentiaires et recommande que ces mesures de réinsertion soient étendues à l'ensemble des prisons. Dans la même ligne que la nécessité de pouvoir se réinsérer, la commission recommande au Conseil d'Etat de mettre en place un système de communication et de messagerie plus performant pour pouvoir permettre aux personnes détenues de mieux garder contact avec leurs proches, même remarque pour l'installation d'un service numérique, une sorte de système Internet – mais bien plus restreint – qui permettrait aux personnes détenues de pouvoir rechercher des emplois, postuler à des offres et tenter de trouver un travail à la sortie de prison.
Enfin, sur la prise en charge psychique, de plus en plus de personnes détenues souffrent de problèmes psychiques importants. Ce pourcentage de personnes détenues vulnérables psychiquement est depuis plusieurs années en augmentation. C'est un fait social ; l’Etat doit pouvoir y répondre. L'ancienne commission salue donc les efforts entrepris pour la prise en charge psychiatrique des personnes détenues et recommande la création en priorité d'une unité psychiatrique pour les femmes détenues à la prison de la Tuilière. Le parti socialiste vous encourage à soutenir ce rapport.
A l’instar de M. Corboz, j’interviens comme députée membre de cette commission, mais n'ayant pas travaillé pour ce rapport reçu de la commission précédente. Ce rapport est alarmant sur plusieurs points dénoncés avec régularité, annuellement, et ce, depuis plusieurs années, sans que les conditions n’en reviennent réellement changées. Au niveau suisse, le canton de Vaud reste l’un de ceux qui utilisent le plus les détentions provisoires, qui sont hors normes, dépassant le temps légalement défini. Par ailleurs, selon la RTS, Vaud est le seul canton romand qui connaisse ce problème de détention trop longue et illégale en zone carcérale. Par exemple, le canton de Genève, qui pourtant connaît aussi des problématiques de surpopulation dans les prisons, ne dépasse pas la durée légale de 48 heures dans ce type de cellules d'arrestation provisoire, ce qui est étonnant. Finalement, les cantons romands ont effectivement bien plus recours à la détention provisoire et aux peines de prison ferme que les autres cantons de Suisse.
Le Conseil d'Etat n’a que peu de marge de manœuvre. Dans les réponses de ce dernier aux recommandations de la Commission des visiteurs, le Groupe Ensemble à Gauche et POP salue certaines mesures adoptées comme le suivi de l'augmentation des recours aux régimes alternatifs qui devraient être élargis dans la mesure des exigences légales. Nous saluons aussi le fait que le Conseil d'Etat démontre se soucier de la question de la surpopulation carcérale. En effet, nous disposons maintenant d'études scientifiques fournies par des services médicaux, notamment de l'Etat de Genève, qui démontrent que l'augmentation des troubles psychiques et physiques trouve notamment – mais pas seulement – ses racines dans la surpopulation carcérale. Ainsi, je remercie le député Corboz pour ses propos sur les mesures de liberté conditionnelle, notamment. Nous saluons aussi le projet pilote cantonal de justice restaurative dont nous espérons l’extension à davantage de participants.
En revanche, nous regrettons vraiment que si peu d'éléments soient amenés par le Conseil d'Etat dans la réponse à la deuxième recommandation de la commission, qui vise à ce que le Conseil d'Etat prenne des mesures pour limiter à 48 heures le séjour dans les zones carcérales et mette ainsi fin aux conditions illégales de détention, ce à quoi invite le comité contre la torture du Conseil de l'Europe dans un rapport alarmant publié en 2022. Or, dans sa réponse, le Conseil d'Etat nous appelle à attendre le sort que nous – députés – donnerons à la motion Jean-Marc Nicolet qui sera votée cet après-midi. Il apparaît peu sérieux de la part du Conseil d'Etat de ne présenter aucun plan ni aucune mesure concrète visant à mettre fin à des conditions illégales et de violation des droits humains qui se rapprochent de la torture, selon le comité contre la torture du Conseil de l'Europe.
Dans ce contexte, prendre connaissance dans cette réponse qu’une zone de promenade a été aménagée, par exemple, me semble relever de l’euphémisme, de surcroît, lorsqu’on sait à propos de cette zone qu'il ne s'agit guère plus que d’un garage fermé par un grillage duquel on aperçoit au loin la lumière du jour… que la durée médiane est de 10 jours dans l'ensemble des zones carcérales, Blécherette et Hôtel de police. Par exemple, en 2021 et 2022, 93 % des personnes détenues à l'Hôtel de police le sont restées plus de 48 heures ; certains séjours ont duré jusqu'à 29 jours ! Cela génère des implications physiques et psychologiques graves qui altèrent le parcours des individus qui doivent subir ces conditions.
A propos de zones carcérales, je rappelle qu’au budget 2023, le Conseil d'Etat nous a appelés à refuser un amendement de la députée Gerber visant à augmenter le personnel dans l'établissement pour étayer l’offre et le soutien aux détenus. Bien sûr, ce n’est pas cela qui va changer les conditions insalubres dans ces zones, mais le fait de passer 23 heures sur 24, dans une cellule fermée et sans lumière pourrait être allégé par la présence de personnel supplémentaire. Pour nous, ce refus a marqué une incohérence de la part du Conseil d'Etat par rapport à la situation de ces zones carcérales et des conditions illégales qui y sont pratiquées. En raison de l'absence dans cette réponse du Conseil d'Etat –à propos des zones carcérales – d’éléments concrets et de mesures réelles qui auraient démontré un souci et une volonté de changer véritablement la situation via la nouvelle législature et, finalement, parce que nous trouvons inacceptable de tolérer en silence, une année supplémentaire, une fois de plus, une situation qui s'avoisine à la torture dans notre canton, notre groupe s'opposera à la réponse du Conseil d'Etat en la matière et subséquemment au rapport de la commission.
Je fais également partie de la nouvelle Commission des visiteurs. Le rapport de la commission des visiteurs de la dernière année de la législature passée est très intéressant à plus d'un titre, et je remercie son auteur et autrice. Il met en évidence que les conditions de détention sont globalement satisfaisantes pour les personnes détenues du canton de Vaud, mais que des efforts doivent être consentis, notamment dans les domaines de la réinsertion, de l’accès à la formation, des soins, en particulier la santé mentale, ou encore de l’accès aux visites familiales. Ce rapport donne évidemment une idée de la complexité du sujet. Les conditions dans lesquelles s'exerce le respect des droits des personnes en situation d'exclusion est et reste un outil de mesure de la santé d'une société. Il est intéressant d'envisager le milieu carcéral de ce point de vue, car si nous nous efforçons de venir en aide aux personnes victimes, il est corollairement tout aussi important de réduire le nombre de personnes auteurs.
La question de la surpopulation dans les établissements de détention avant jugement s'inscrit dans le contexte général de surpopulation des établissements pénitentiaires au sein du canton. Cette situation a des conséquences graves sur la durée de séjour en zone carcérale et sur les moyens proposés en matière de réinsertion, notamment. La justice restaurative est un moyen de réinsertion durable. Elle vise la reconstruction de la personne victime et la responsabilisation de la personne auteur. Mais cette approche peut aussi induire un changement intéressant de paradigme sur la question de la sanction et sur celle du préjudice. Elle pose un nouveau regard sur la représentation que la société se fait d'une personne victime et d’une personne auteur d'infraction.
La justice restaurative intervient en complément de la justice rétributive – le système actuel dominant – et constitue un outil à développer pour soutenir activement la réinsertion des personnes détenues, pour limiter les risques de récidive et, en conséquence, lutter contre la surpopulation carcérale. En réponse au dernier rapport de la Commission des visiteurs, ainsi qu'à l'interpellation Jean Tschopp datant de 2019 « développer la médiation pénale », le Conseil d'Etat avait prévu un bilan qui faisait suite aux expériences menées à la fin 2019.
Les Vertes et les Verts attendent avec intérêt ce bilan et saluent les efforts de mise en place d'outils favorisant cette pratique ou incitant au recours à des modalités d'exécution de peines alternatives à l'incarcération, lorsque le contexte le permet. Le groupe des Vertes et des Verts soutiendra ce rapport et remercie vivement le Conseil d'Etat pour ses dispositions à suivre les recommandations du présent rapport, et vous encourage à faire de même.
Je déclare mes intérêts comme membre de la Commission de visiteurs jusqu'à la fin de ce rapport. Le PLR est satisfait de ce dernier. Néanmoins, on peut aussi observer son caractère récurrent depuis de nombreuses années. En effet, les recommandations d’il y a 5 ou 6 ans sont très souvent identiques à celles d’aujourd'hui. J'espère qu’on ne va pas continuer à émettre des recommandations d'année en année, et se satisfaire de ceci. J’estime que nous devons prendre le taureau par les cornes et entreprendre des démarches.
Les recommandations sont relatives aux zones carcérales, dont Dieu seul sait s’il s’agit du point systématiquement récurrent. A nouveau, je considère que des mesures peuvent être prises rapidement. Si tout miser sur les Grands-Marais peut paraître opportun, on peut néanmoins se demander s’ils seront réalisés assez rapidement pour répondre à une question dont l’urgence n’est plus à démontrer. Ni moi ni le PLR ne nous satisfaisons de cette solution d'attente. Aujourd'hui, des personnes sont en souffrance dans ces zones carcérales, en particulier à l’Hôtel de police, non seulement des détenus, mais également beaucoup de personnes qui y travaillent : deux mètres de hauteur de plafond, quasiment pas de lumière, très peu de ventilation. Il s’agit de personnes qui sont payées par l’Etat de Vaud pour travailler dans ces conditions qu’aucune entreprise privée ne se permettrait – un élément qui n’est pas supportable et dont il est fait état dans le rapport de la Commission des visiteurs.
Enfin, vous me voyez aussi un peu surpris d’entendre de la part de Mme Marendaz – membre de la commission – qu’elle s’apprête à refuser le rapport, alors qu’il fut accepté à l’unanimité. Enfin, je remercie les auteurs de ce rapport.
Pour répondre à M. Romanens, la difficulté réside dans le fait que le rapport est issu de l'ancienne législature. Je suis le seul membre de l'ancienne commission. Par conséquent, cela s’est avéré un peu compliqué de voter ce rapport pour la nouvelle législature. Maintenant, effectivement, les discussions se sont avérées plutôt favorables. Toutefois, nous n’avons pas formellement voté, puisqu’il était issu d'une législature précédente.
Pour être juste, j’aimerais simplement amener une petite indication supplémentaire et je suis presque certain que M. le conseiller d’Etat va la mentionner dans sa réponse. Depuis quelques jours, il est question des Grands-Marais qui auraient cinq ans d'avance dans leur version définitive. Je déclare mes intérêts pour avoir participé à la commission qui a traité le projet de décret portant sur le crédit d'étude pour ces mêmes Grands-Marais. La planification de la deuxième phase n’était pas connue. La première phase concernant 216 places était prévue pour une mise en service au printemps 2026. Il serait ainsi justifié de dire que les 216 premières places des Grands-Marais auront au minimum quatre ans de retard. Le projet dans sa finalité a cinq ans d’avance, ce qui est repris encore ce matin dans les médias, mais il s’agit d’indiquer que, par rapport à tous les impératifs qui ont pour but d’améliorer tant la détention que les conditions de travail, il n’adviendra que largement plus tardivement que ce qui est demandé depuis très longtemps.
J'aimerais aller dans le sens de Mme Marendaz et de M. Corboz, notamment. Il est vrai qu’il existe une certaine lassitude à enchaîner les rapports de la Commission des visiteurs et à constater que finalement peu de choses bougent aussi bien au niveau de l'engorgement des prisons que face à un canton, le nôtre, qui accorde la libération conditionnelle de manière extrêmement restrictive, qui a recours de manière massive à la détention avant jugement, préventive et, en parallèle, de constater le peu d'efforts – ou trop lents – consentis en faveur des alternatives à l’emprisonnement. S'agissant de la médiation carcérale, de la justice restaurative, je remercie Mme Gerber, qui soulève aussi les attentes dans ce domaine-là.
Sur ce thème, nous avions déposé une interpellation relative à la justice restaurative, à la médiation carcérale. Il est vrai que le Conseil d'Etat a mis en œuvre un projet pilote aux Léchaires, qui est à saluer, mais qui demeure modeste puisqu'il s'agit de dialogue restauratif. Or, je n'identifie aucun obstacle à mettre en place de la médiation carcérale. En outre, je considère qu'il est possible de s’y employer sur une base qui nécessite le consentement des victimes et des personnes condamnées. On sait que ce type de mesures est extrêmement convaincant pour limiter, réduire le risque de récidive, favoriser la réinsertion sociale : le but d'une politique pénale efficace qui remplit sa mission. J'aimerais entendre M. le conseiller d'Etat à ce sujet. Quels sont ses projets ? Peut-on s'attendre à une politique plus offensive, plus ambitieuse dans le domaine de la justice restaurative ? Vous l'avez peut-être vu, en France, sortira bientôt un film qui s'appelle « Je verrai toujours vos visages » et qui montre finalement les résultats assez convaincants de la médiation carcérale, de la justice restaurative. En France, cette mesure existe depuis neuf ans maintenant. Dans la plupart des autres pays, aussi. La Suisse est très en retard, alors que le fédéralisme ne représente pas un obstacle pour que les cantons avancent dans ce domaine. Je remercie d’avance M. le conseiller d’Etat de nous informer des intentions du gouvernement à ce sujet.
Le large dépassement des 48 heures dans les zones carcérales est une manifestation terrible de la situation dans notre canton. On peut parler aussi des trop nombreux suicides que connaissent les prisons vaudoises. Les Grands-Marais ne seront à disposition qu’en 2030, selon le nouveau calendrier décidé par le Conseil d'Etat. A l'évidence, et si l'on regarde les statistiques entre les cantons, Vaud enferme trop, dépassant les records en la matière en Suisse. Et pourtant, il existe des alternatives, dont beaucoup ont déjà été citées. J'en produis malgré tout la liste, parce qu'il est important d’amener les mentalités à évoluer relativement à la politique carcérale actuellement réalisée dans ce canton. La libération conditionnelle doit être assouplie ; la justice restaurative que le Conseil d'Etat a placée dans son Programme de législature jusqu'en 2027 permet un dialogue entre les personnes délinquantes et leurs victimes en vue de mesures réparatrices effectuées par l'auteur de l'infraction. Les travaux d'intérêt général ? Bien sûr ; la surveillance électronique, les mesures thérapeutiques. D'autres alternatives doivent être encore développées à l'enfermement. Pour ma part, cela demeure essentiel. Enfin, je remercie la précédente Commission des visiteurs pour ses recommandations. J'espère que nous pourrons passer aux actes cette année et que cela évitera que nous nous retrouvions l'année prochaine à devoir, à nouveau, nous faire les témoins d’une situation terrible qui fait de Vaud une tache noire sur la carte de la Suisse.
Sans toutefois m'attarder, je voulais répondre à M. Romanens qui demandait une précision à propos du soutien. Comme l’a indiqué Mme Wahlen, nous avons pu discuter du rapport de la Commission des visiteurs de 2021-2022 que je soutiens pleinement tout comme ses recommandations. Toutefois, nous sommes amenés à voter sur un rapport qui comprend la réponse du Conseil d'Etat. Or, cette réponse nous paraît insatisfaisante, en particulier relativement à la recommandation numéro 2. Dans la procédure, il est effectivement impossible de les séparer, et ce, de façon regrettable, car j’aurais évidemment soutenu le rapport de la commission. Ainsi, un point de la réponse nous amène à la refuser et par conséquent le rapport.
Comme rappelé par mes préopinants, cela fait nombre d’années que plus ou moins les mêmes choses sont répétées. J’étais également intervenu par deux postulats pour évoquer l'urgence à trouver des places de détention, tant il est évident que la situation de ces incarcérations dans des locaux inadéquats non conformes, notamment relativement à la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH), s’avère totalement inacceptable. J’avais déjà évoqué le fait qu'on doit payer des indemnités aux détenus en raison de ces faits.
Maintenant, il m’est néanmoins impossible d’entendre qu’on lance que le canton de Vaud « enferme trop » et d’invoquer des statistiques intercantonales. Cela est parfaitement absurde, puisqu’il s’agit de regarder à quelle population on a affaire, à quel type de délits et non de se référer simplement aux chiffres bruts. On peut aisément imaginer que la criminalité n’est pas identique dans le canton de Fribourg, d’Obwald ou de Vaud ; une évidence. Pour moi, cela est absolument inaudible. La justice accomplit son travail, doit évaluer les risques de récidive, la dangerosité de la personne détenue, et il nous appartient – c'est une évidence que je répète – de pouvoir accéder aux outils idoines pour permettre des conditions acceptables et conformes à la CEDH aux personnes détenues.
Néanmoins, il est vrai que le retard est important. En tant que Lausannois, depuis que je fais de la politique – plus de 20 ans maintenant – on parle du futur du Bois-Mermet. Il a même été question de le transférer, de le transformer en différentes affectations. Cependant, on observe que finalement rien ne bouge. Monsieur le conseiller d'Etat, il s’agit effectivement d’un dossier extrêmement brûlant, et il n’est nullement acceptable que l'on entende depuis 10 à 15 ans que le Bois-Mermet est suroccupé, à raison de 160 %. Pour ouvrir une parenthèse, je ne conçois pas très bien comment on parvient à une utilisation à 160 % d’une prison… En tous les cas, cela indique forcément qu'on place plus de personnes qu’il n’est raisonnable dans cet établissement. Par conséquent, il retourne d’un problème ancien. Nous accusons un énorme retard. Toutefois, je crois qu'il ne nous appartient pas de nous acquitter du travail de la justice ou de la police. Le principal problème n’est pas seulement lié à une question de réinsertion, mais, aussi et surtout, à la détention préventive.
Je vous remercie pour vos différentes interventions. Personne dans cette salle ne peut se satisfaire de la situation dans les zones carcérales ni de la surpopulation. Il faut peut-être rappeler que pendant de nombreuses années, plusieurs décennies, le canton n’a connu nulle politique pénitentiaire active. Et nous en héritons. Depuis 2012, nous avons construit et mis à disposition près de 250 places de détention. Malheureusement, cela ne suffit pas à résoudre un sous-investissement important de notre politique pénitentiaire. A l’évidence, il ne me revient pas de prendre position sur les décisions de justice, à savoir enferme-t-on trop ou pas assez. Notre politique du deal de rue – dont nous avons débattu il y a quelques mois – vise à joindre un volet sanitaire à son pendant répressif. Néanmoins, ce dernier conserve un impact évident sur la surpopulation carcérale. Quant au projet des Grands-Marais, ce dernier accuse effectivement un retard par rapport aux horizons temporels annoncés à l'époque, c'est-à-dire une mise à disposition de la première étape en 2026, puisqu’elle est reportée à 2030. En revanche, nous allons réaliser l'ensemble de l'opération et de la construction en une étape – une bonne nouvelle. Cependant, il s’agit peut-être de l’élément qui a amené de la confusion. Ainsi, monsieur Simonin, je n'ai jamais déclaré dans les médias que nous avions cinq ans d'avance sur l'opération des Grands-Marais. L'opération Grands-Marais apportera une réponse très concrète, une détente à la problématique des zones carcérales. A cet horizon, nous pourrons aussi discuter de l'avenir du Bois-Mermet. Monsieur Buffat, vous l’avez rappelé, le Bois-Mermet est occupé à près de 160, voire 170 % : une surpopulation carcérale extrêmement importante. Vous me demandez comment on parvient à ces chiffres. On place simplement plus de détenus dans la même cellule, ce qui entraîne des conditions de détention parfois extrêmement compliquées et dangereuses. Monsieur Romanens, vous avez raison de rappeler qu’elles le sont aussi pour les agents de détention, pour le personnel qui travaille dans ces différents établissements. Pour cette raison, nous devons effectivement trouver des solutions. A moyen terme, les Grands-Marais constituent la solution.
Pour ce qui relève du court terme, il existe des solutions alternatives. Un certain nombre d'entre elles ont été avancées tout à l’heure comme le travail d'intérêt général, la surveillance électronique par le bracelet, ou encore la semi-détention, des régimes alternatifs dont il faut noter que ces cinq dernières années, depuis 2017, nous avons presque quadruplé le nombre – une véritable montée en puissance, mais qui ne suffit malheureusement pas à régler la problématique des zones carcérales pour lesquelles je ne possède pas de baguette magique. Ainsi, dans un monde idéal, il faudrait un terrain constructible sur lequel on pourrait développer une zone carcérale provisoire, en quelques mois, dans l’attente des Grands-Marais. Or, ce scénario me semble utopique. Toutefois, les conditions dans les différentes zones carcérales peuvent être améliorées : installation de caméras infrarouges dans les cellules, augmentation du temps de promenade, présence médicale sept jours sur sept, distribution de kits d'hygiène et d’habits pour les détenus, mise à disposition de matériel de lecture. Ces dernières, sans être la panacée ni à la hauteur de la problématique, s’avèrent néanmoins importantes. Je le répète : nous avons besoin d’espace. Si nous ne pouvons pas intervenir sur les autres chaînons de la chaîne pénale – le pénitentiaire constituant son extrémité – la solution réside dans l’espace.
Plusieurs d’entre vous sont intervenus pour évoquer la justice restaurative. Cette dernière fait partie des priorités du Conseil d'Etat et est inscrite dans le programme de législature ; nous monterons en puissance sur cet aspect. Toutefois, la justice restaurative ne réglera pas le problème de la surpopulation carcérale, mais elle demeure une alternative qui doit être renforcée et étudiée. Son objectif consiste surtout à permettre d'éviter la récidive. En revanche, on ne pourra empêcher le premier acte par ce biais. Je confirme qu’il existe une volonté politique très forte du Conseil d'Etat et de mon département de renforcer ces mesures.
J’en profite pour revenir sur d’autres d'interventions. Concernant la digitalisation, développée par M. Corboz, je confirme qu’elle fait aussi partie des priorités du Conseil d'Etat et du département, puisque cette volonté est inscrite dans le Programme de législature. Nous aurons l'occasion d’en débattre à nouveau. Quant à l'unité psychiatrique de la Tuilière, cette dernière devrait être ouverte à la fin des travaux qui sont en cours. Enfin, je ne peux m'empêcher de réagir à la comparaison établie avec notre canton voisin pour lequel j’ai beaucoup de respect. La problématique des zones carcérales est peut-être moins prononcée dans le canton de Genève ; or une densification de l’occupation, notamment à Champ-Dollon, est aussi prévue. Pour notre part, nous préférons proposer des conditions un peu plus dignes – pour autant qu'on puisse encore évoquer la dignité dans certains cas – dans les établissements de détention avant jugement, et dans ceux qui accompagnent une exécution de peine prononcée. Toutefois, je le répète, la problématique des zones carcérales ne trouvera une réponse satisfaisante ou convaincante que par le biais de la construction d'un nouvel établissement. Dans ce cadre, nous travaillons d'arrache-pied pour avancer sur le dossier Grands-Marais. Le Plan d'affectation cantonal sera prochainement à l'enquête publique. Il n'empêche que le Conseil d'Etat continuera à travailler sur les solutions alternatives évoquées et reste évidemment ouvert à toute idée de génie – autre que la construction d'un établissement ou des solutions alternatives que j’ai évoquées – pour résoudre la problématique des zones carcérales dans le respect, à l’évidence, de la séparation des pouvoirs.
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Le rapport du Conseil d'Etat est admis par 116 voix contre 4 et 8 abstentions.