20_POS_209 - Postulat Carole Schelker et consorts - Des investissements ciblés dans la construction pour atténuer la récession liée au COVID-19.

Séance du Grand Conseil du mardi 16 mars 2021, point 47 de l'ordre du jour

Texte déposé

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M. Jean-Claude Glardon (SOC) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 26 octobre à la salle plénière du Parlement. En cette période de post confinement liée au COVID-19, Mme la postulante pense que le domaine de la construction peut fournir une contribution essentielle pour atténuer la récession, maintenir les emplois et assurer le bien commun grâce à des investissements ciblés en fonction des besoins et sans faire exploser la dette de l’Etat.

Ainsi son postulat demande les mesures suivantes au Conseil d’Etat :

-        lancer immédiatement des projets de constructions ;

-        octroyer des mandats aux architectes, ingénieurs et entrepreneurs ;

-        faire avancer les planifications et projets en cours ;

-        accélérer les procédures d’autorisation.

Son postulat ne demande pas de l’argent, mais des engagements clairs de l’Etat, avec un réel plan de relance, pour que les projets de construction mis en stand-by soient réalisés, voire même accélérés pour l’année 2021. Elle souhaite un vrai message aux communes.

Le chef du département a déclaré, tout d’abord, qu’en ce qui concerne son département, l’Etat n’a arrêté aucun de ses nonante chantiers, durant la période de la COVID-19, même si cela occasionnera des surcoûts. Dans le détail, une semaine a tout de même été perdue sur le chantier de Burier à cause d’atermoiements entre partenaires sociaux. S’il avait suivi la pratique de certaines communes vaudoises, les chantiers d’extension du gymnase Burier et du Gymnase intercantonal de la Broye (GYB) auraient été arrêtés et ne seraient alors achevés qu’en 2022-2023 au lieu de 2021. C’est dans une approche anticyclique que ces chantiers n’ont pas été bloqués. Pour les continuer, le chef du département a souhaité qu’ils se conforment aux normes de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP).

S’il est favorable au postulat, sur le principe, le conseiller d’Etat ne comprend pas les différentes mesures proposées, d’autant que son traitement au Grand Conseil devrait intervenir dans le courant de l’année 2021 avant un éventuel renvoi au Conseil d’Etat qui aurait une année pour y répondre. Il lui semblerait plus utile de donner une impulsion au Grand Conseil, pour favoriser les crédits d’étude, les crédits d’infrastructures, de constructions et de rénovations, et il pourrait communiquer à ses collègues la position de la commission sur le postulat. En cas de renvoi du texte, il donnerait les mêmes réponses.

Sur les demandes du postulat, le chef du département a répondu comme suit :

-        le point 1 « Lancer immédiatement les projets de construction » : il n’existe aucune volonté de blocage de la part du Département des finances et des relations extérieures sur ce point ; c’est valable pour tous les départements « constructeurs » comme le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, le Département de la santé et de l’action sociale, le Département des institutions et des ressources humaines, le Département de l’environnement et de la sécurité et le Département des institutions et du territoire. Mais pour cela, il faut que le Grand Conseil vote les études ou les crédits. Toutefois, le lancement de projets de constructions est plus compliqué que par le passé, car parfois, certains citoyens utilisent tous les rouages possibles pour les bloquer.

-        le point 2 « Octroi de mandats aux architectes, ingénieurs et entrepreneurs ». Le canton de Vaud est aujourd’hui le troisième plus grand constructeur de Suisse, seulement devancé par le canton de Zurich et les Chemins de fer fédéraux (CFF).

-        le point 3 « Faire avancer les planifications et projets en cours » : il est difficile d’en faire plus, mais le conseiller d’Etat est favorable à accélérer les projets. D’ailleurs, la planification pénitentiaire a été présentée dernièrement, avec dix-huit objets. Le Conseil d’Etat a également clarifié sa feuille de route pour le projet Imago, avec Marcellin, qui sera dédié à la formation scolaire post-obligatoire, etc. ;

-        Quant au point 4 « Accélérer les procédures d’autorisation » pour le conseiller d’Etat cela concerne davantage le Département des institutions et du territoire.

Suite aux réponses du conseiller d’Etat, la postulante s’est déclarée ravie de constater que ce dernier allait dans le sens de son postulat. Cependant, elle aurait apprécié voir un engagement écrit de toutes les mesures à prendre pour que le carnet de commandes des entreprises puisse être rempli. Elle souhaiterait que la phrase suivante contenue dans son postulat « que les mesures suivantes soient engagées » soit agrémentée d’une autre phrase, dans l’esprit à tout le moins : « et fasse l’objet d’un plan de mesures sous la forme d’un plan de relance ». Le conseiller d’Etat a rappelé que l’Etat de Vaud avait récemment présenté son projet de budget pour l’année 2021 — je rappelle que la séance s’est tenue en octobre 2020 — avec un montant historique d’investissements de l’ordre de 800 millions.

Lors de la discussion, la question s’est aussi portée sur la pertinence de maintenir un postulat face aux réponses déjà apportées et au fait que le postulat ne serait pas traité par le plénum avant 2021. Existerait-il une autre manière d’apporter une réponse plus rapide aux demandes légitimes de la postulante ? Face au long plaidoyer du conseiller d’Etat sur cet objet, tant sur le fond que sur la forme, un député a exprimé quelques inquiétudes quant au déroulement des travaux parlementaires et s’est interrogé sur le dépôt d’une résolution permettant d’accélérer les choses. Un autre député a trouvé que les réponses aux questionnements des commissaires étaient claires ; il considère que le Conseil d’Etat a la volonté d’aller dans le sens du postulat, mais il s’est interrogé sur la faisabilité d’une feuille de route simple, suite à la séance de commission et il estime que le postulat ne devait pas être retiré. Sans imaginer un refus, une députée s’est montrée dubitative : pour elle, les trois premiers points du postulat sont déjà en place. Elle s’est demandée si le quatrième point devait faire l’objet du postulat ou devait plutôt être relayé par le biais d’une autre intervention parlementaire.

Au final, la postulante craignait que toute la discussion ne demeure confidentielle au sein de la commission. Elle n’aimerait pas que le rôle d’exemplarité du canton soit sous-estimé, tout comme sa communication. En conclusion, elle a maintenu son postulat. En vote final, la commission recommande au Grand Conseil, par 4 voix et 3 abstentions, de prendre ce postulat en considération et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Carole Schelker (PLR) —

Je déclare mes intérêts, étant responsable d’un bureau d’ingénieurs qui a de nombreux mandats en lien avec le domaine de la construction. J’ai déposé ce postulat au lendemain de la première vague, après avoir entendu Mme la présidente du Conseil d’Etat dire : « L’Etat s’arrête. » Heureusement, l’Etat ne s’est pas arrêté, mais ce fut un électrochoc et de nombreux chantiers ont quand même été arrêtés ou retardés. Avec le recul, on voit aujourd’hui que les effets de la crise, dans le domaine de la construction, ne sont évidemment pas de la même ampleur que dans l’hôtellerie, mais il existe un effet retard très sournois. Les carnets de commandes se vident et certains grands projets sont remis à plus tard. Nous en avons eu un exemple très médiatisé avec l’annonce concernant les chantiers CFF de l’Ouest lausannois. Suite aux pressions politiques, les CFF sont heureusement revenus sur leur décision.

Un des points importants de mon postulat est la demande de remédier au grand retard dans la conduite des procédures d’autorisation par les autorités. Le phénomène, déjà présent avant le COVID, s’est encore amplifié. Les projets s’enlisent, entre les séances annulées, le télétravail, l’augmentation des cas de maladie et le manque d’impulsion. Tout cela crée des retards qui ne sont plus supportables pour notre économie, alors que justement, le domaine de la construction, y compris les travaux à but écologique, peut jouer un rôle essentiel pour atténuer la récession et maintenir nos emplois. Le canton doit agir à l’interne, mais aussi engager une politique de communication auprès des communes, pour que la procédure de délivrance de permis de construire soit accélérée, tant pour les projets publics que privés. Rappelons que la construction représente environ 10 % de nos emplois et du produit intérieur brut de notre canton. Je vous invite donc à accepter le renvoi de ce postulat, afin que des mesures efficaces puissent être mises en place dans le domaine de la construction, sans coût supplémentaire pour le budget cantonal, mais avec des retombées économiques indéniables.

M. Pierre-André Romanens (PLR) —

J’abonde dans le sens des propos de ma préopinante. Je déclare à mon tour mes intérêts, que vous connaissez probablement maintenant : je suis patron d’une PME dans le domaine de la construction.

Certains effets d’annonce et messages peuvent être très importants et l’effet retard mis en avant par la postulante me paraît tout à fait opportun. Attendre, puis tout à coup réagir, parce que l’on arrive dans le mur, n’est pas forcément un comportement très adéquat dans le domaine de l’économie. Il s’agit de favoriser et de donner un message très clair pour tout ce qui touche au domaine de la construction. Je le vois arriver, puisque je dirige une entreprise totale et que je vois ce qui se dessine pour l’avenir, qui ne me semble pas tout rose ; cela sera compliqué, aussi pour nous. La construction est pourtant un pan important de l’économie et les messages du genre de celui des CFF déjà évoqué ont un effet dévastateur. Annoncer simplement que les choses sont freinées ou s’arrêtent provoque la panique totale. On voit aussi des propriétaires et des investisseurs qui doutent ou hésitent. Le taux de vacance dans les logements va aussi certainement augmenter. De nombreux effets vont se produire dans les prochains mois, qui seront certainement délicats et difficiles. J’estime par conséquent que le message consistant à renvoyer ce postulat, à appuyer cette demande afin de se tenir prêts afin d’être efficaces lorsqu’il le faudra, me semble opportun et je vous demande donc de le suivre.

M. Pascal Broulis — Conseiller-ère d'État

Je remercie le président rapporteur pour son très bon compte-rendu. En effet, en écoutant M. Glardon, vous connaissez déjà le rapport du Conseil d’Etat ; il s’agit presque d’une résolution, ou du moins d’un vœu, d’une injonction. Je ne veux pas combattre le texte, mais… Nous y répondrons et nous montrerons ce que nous avons fait… Quels chiffres pourrais-je vous confirmer ? Tout d’abord, le Conseil d’Etat vous a proposé un budget d’investissement ambitieux, pour 2021, qui n’a pas été freiné et ne le sera pas non plus, pour 2022, car la planification financière a aussi été retenue. Par conséquent, à ma connaissance et même si nous n’avons pas encore construit 2022, nous resterons dans le même « tir ». Cela signifie, monsieur Romanens, que nous maintiendrons une volonté claire de l’Etat, constructeur au sens large, pour tous les départements qui ont des constructions. D’ailleurs, ma collègue Mme Gorrite est venue proposer le dossier Plan climat pour les bus, ce qui est aussi un investissement qui doit permettre de fluidifier et de modifier certaines pratiques. Le Conseil d’Etat vous a présenté le Plan climat dans le domaine des études, sur lequel nous reviendrons en détail au cours des prochaines semaines. A la Commission des finances — et j’en remercie la présidente du Grand Conseil — nous avons pu traiter des crédits additionnels et une enveloppe de quasi 100 millions de francs qui devra être débloquée, via de nombreuses études. J’espère que cela pourra être traité le plus rapidement possible, puisque l’on sait que le délai référendaire court, comme pour tous les objets.

Bien sûr, le Conseil d’Etat peut refaire un rapport, puisque c’est un rapport qui est demandé dans le postulat, mais comme vous le dit la postulante, il s’agit plutôt d’un comportement… Nous essayons justement d’être le plus ouverts et le plus fluides possible, pour que nous puissions garantir que tout se passe bien. Mais, dans une démocratie directe comme celle que nous avons en Suisse, il faut encore convaincre le peuple. Or, depuis plusieurs années, nous constatons que chaque fois que l’on parle de densification ou de développement, cela prend beaucoup plus de temps que par le passé. Vous êtes aussi des acteurs de la réussite des projets que vous votez et il est clair que, si j’examine le domaine des constructions scolaires ou postscolaires, au niveau de l’Etat, il est souvent difficile de les faire passer, car les gens considèrent qu’elles causent des nuisances et autres.

Je pense surtout à deux départements. Dans celui de ma collègue Luisier Brodard, sur la question de la délivrance des permis, nous pourrons vous donner un éclairage avec quelques indicateurs. Quant au reste, nous ferons un inventaire de tous les objets, car je sais que votre Parlement y est sensible. En effet, chaque fois que le Conseil d’Etat a demandé que l’on puisse mettre à l’ordre du jour des projets d’investissement dans le domaine de la construction — dont le plus souvent des acteurs principalement vaudois bénéficient, c’est-à-dire les travailleuses et travailleurs de ce canton — il a pu être entendu. En conclusion, je remercie encore une fois le président rapporteur qui a déjà fait une bonne partie du rapport du Conseil d’Etat, mais nous le compléterons si le postulat est retenu. C’est là l’éclairage que je souhaitais vous apporter.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 78 voix contre 19 et 28 abstentions.

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