23_INT_128 - Interpellation Mathilde Marendaz au nom EP - Tirer avec des canons sur le réchauffement climatique ? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 29 août 2023, point 12 de l'ordre du jour

Texte déposé

Tout le monde est désormais bien conscient du caractère exponentiel des effets du réchauffement climatique ces dernières années. Il n’est plus pertinent de l’argumenter.

 

Or, cet été, un projet de développement de 177 canons à neige sur le domaine skiable de Leysin et des Mosses a suscité une tempête d’oppositions, de centaines de personnes domiciliées dans la région concernée et ailleurs – dont certaines à proximité des installations litigieuses – , d’organisations environnementales et de partis qui se sont manifestées à l’issue de la mise à l’enquête entre le 7 juillet et le 6 août 2023.

 

Cette période estivale n’est pas seulement la temporalité des vacances d’été (drôle d’époque pour une mise à l’enquête) mais aussi de la journée la plus chaude de l’humanité et de récurrents événements climatiques extrêmes. Questionner ce projet qui entend poursuivre un modèle inadapté aux stations de basse-montagne est apparu comme une évidence, d’autant que les décennies à venir seront encore plus infernales en matière de réchauffement climatique et rendront impossible ce projet. Construire une infrastructure lourde, qui va détourner l’eau par l’installation de conduites et qui dépensera de l’énergie, ne paraît être autre chose que de voguer à contre-courant.

 

Nous fêtons les 50 ans de la Constitution vaudoise actuelle en 2023. La Constitution vaudoise défend que l’État a pour but la préservation des bases physiques de la vie et la conservation durable des ressources naturelles, la sauvegarde des intérêts des générations futures et la lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu’il génère (art 6.1. al c., d., e.). De plus, l’État doit tenir compte de l’urgence environnementale (art 6.2. al. f). L'État et les communes veillent à ce que les personnes morales (comme Télé-Leysin SA) mènent leurs activités de manière à contribuer au moins au respect des engagements de la Suisse en matière de lutte contre le réchauffement climatique et les dérèglements qu'il engendre (art 162. al.1 bis). Fondé sur le plan d’affectation cantonal concernant la protection des marais des Mosses et sur un plan d’affectation intercommunal adopté par les conseils communaux de Leysin et d’Ormont-Dessus au début 2019, ce projet n'est ni compatible avec la Constitution vaudoise, ni avec les objectifs du Plan climat vaudois.

 

Un changement notable des circonstances est intervenu, suite à l’accélération désolante des effets du réchauffement climatique qui mettent en doute la survie de l’humanité et la possibilité de poursuivre la pratique du ski à moyenne altitude.

 

Si nous avons voté un crédit de 50 millions pour le tourisme quatre saisons à la fin du printemps, ce n’est pas pour que les stations en profitent parallèlement pour installer des infrastructures contraires aux objectifs de ce crédit, du plan climat et de la Constitution. La conseillère d’État Isabelle Moret, cheffe du DEIEP, s’est d’ailleurs publiquement désolidarisée de ce projet, dans les colonnes du journal « Le Temps ».
 

Suite à cette mise à l’enquête et aux oppositions qu’elle a suscitées, la DGE doit prendre position dans le cadre de la synthèse CAMAC qui devra être établie.

Par conséquent, j’adresse les questions suivantes au Conseil d’État :

 

1. Le Conseil d’État ne considère-t-il pas que l’évolution de la situation résultant du changement notable des circonstances constatées sur le plan climatique, et des lois en la matière, justifie un examen préjudiciel des planifications à la base de ce projet, celles-ci devant être réexaminées au point qu’il semble incontournable que leur révision exclue la réalisation d’un tel projet ?

 

2. Au vu de la déclaration du Conseil d’État sur l'objectif de réduire de 60 % les émissions cantonales d’ici 2030 (cf. conférence de presse sur la consultation de la révision de la loi sur l'énergie, 21.08.23), ou encore en raison de l’engagement pour le plan environnemental de législature 2022-2027, comment le Conseil d’État compte-t-il valider un tel projet, qui va précisément à contre-sens de ses objectifs ?

 

3. Au vu de la nouvelle Constitution vaudoise (art. 6.1 et 6.2 ; art 162 bis al.1), comment le Conseil d’État compte-t-il valider ce projet ?

Conclusion

Souhaite développer

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Je souhaite apporter quelques compléments au texte de mon interpellation qui porte, comme vous l’aurez compris, sur le projet de 177 canons à neige à Leysin et aux Mosses. Lors de sa mise à l’enquête cet été, ce projet a essuyé une tempête d’oppositions. Deux conseillers d’Etat s’en sont désolidarisés dans les médias, Mme Moret et M. Venizelos. Le PLR fait de la sécurité énergétique un slogan de campagne, mais son président de groupe au Grand Conseil n’hésite pas à défendre ce projet dans les médias. Or, comme l’a écrit le Conseil d’Etat, en matière d’environnement et d’énergie, toute eau prélevée du barrage de l’Hongrin, comme le prévoit ce projet de canons à neige, représente des kilowattheures turbinés en moins. C’est donc une atteinte à la sécurité énergétique. D’autres dépenses importantes en énergie auront lieu à travers ce projet, comme le détournement de l’eau de l’Hongrin entre des cols et par des conduites qui devront refroidir l’eau à son arrivée, nécessitant de l’énergie supplémentaire et de l’énergie pour les faire turbiner. Par ailleurs, ces canons pourraient ne pas fonctionner si la température est trop élevée, ce qui pourrait être le cas dans les futures décennies. Bref, ce projet n’est pas un projet d’avenir, c’est un projet utopiste et à contre-courant. C’est un projet qui entend déposer un sparadrap sur une hémorragie… Voilà qui n’est pas très sérieux.

Dans cette interpellation, je demande au Conseil d’Etat s’il ne considère pas que l’évolution de la situation qui résulte du changement des circonstances sur le plan climatique – plus graves que prévues – justifie un examen préjudiciel des planifications à la base du projet, celles-ci devant être réexaminées au point qu’il semble incontournable que leur révision exclue la réalisation du projet. J’interroge le Conseil d’Etat sur la compatibilité de ce projet avec l’objectif du Plan climat de réduire de 60 % les émissions cantonales d’ici 2030.

J’espère finalement que la Direction générale de l’environnement (DGE), dans le cadre de la synthèse CAMAC, tiendra compte des oppositions et de ces enjeux. Par ailleurs, je me réjouis des questions complémentaires déposées par ma collègue Martine Gerber, qui viennent appuyer d’autres problématiques soulevées par ce projet. Pour terminer, si nous avons voté un crédit de 50 millions pour le tourisme quatre saisons à la fin du printemps, ce n’est pas pour qu’en parallèle les stations en profitent pour installer des infrastructures contraires aux objectifs du crédit, du Plan climat et de la Constitution. On ne peut décidément pas avoir le beurre et l’argent du beurre.        

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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