22_MOT_38 - Motion Jessica Jaccoud et consorts au nom du groupe socialiste - Formule officielle pour locataires : l'identité des bailleurs doit y figurer !.
Séance du Grand Conseil du mardi 12 décembre 2023, point 15 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le droit du bail relève du droit fédéral. C’est le Code des obligations qui en détermine le contenu (articles 253 et suivants).
La formule officielle est obligatoire lors d’une notification de hausse de loyer ou de nouvelles prétentions (art. 269d al. 1 CO). Elle l’est également lors de la notification d’une résiliation de bail (art. 266l al. 2 CO).
De plus, dans les districts où règne une pénurie de logements vacants, un bailleur est également tenu de produire une formule officielle au moment de la signature d’un nouveau bail (art. 270 al. 2 CO, LFOCL et ALFOCL).
La Direction du logement est l'autorité cantonale chargée de l'homologation des formules officielles pour les trois cas de figure susmentionnés.
Les formules officielles validées par le Canton de Vaud précisent que l’identité du bailleur ou de son représentant doit être clairement mentionnée.
Cela permet donc actuellement aux bailleurs de notifier des résiliations, des augmentations de loyer ou des nouveaux baux en indiquant uniquement le nom de la gérance ou d’un représentant. Ainsi, le nom du bailleur ne figure pas sur la formule officielle.
Le locataire n’est donc pas à même, avec cette solution, d’être clairement renseigné contre qui il doit agir en cas de contestation. Il faut savoir que le nom du bailleur n’apparait pas forcément sur le contrat de bail. Il arrive fréquemment que seul le nom de la gérance apparaisse. De plus, en cas de changement de bailleur en cours de bail, les contrats n’ont pas à être modifiés pour rester valable. En conséquence, souvent, le locataire n’a aucune idée du nom de son bailleur. Il connait uniquement le nom de la gérance chargée de la gestion du bien.
Or, en cas de contestation du loyer initial, de la hausse de loyer ou de la résiliation, si le locataire agit contre la gérance, et bien que son nom figure expressément sur la formule, son action sera considérée comme nulle, faute d’avoir saisi la bonne partie.
Le locataire doit donc entreprendre des démarches couteuses en se rendant au registre foncier afin d’obtenir un extrait et connaitre le nom du propriétaire de la parcelle. Cela étant, même lorsqu’il le fait, il est parfois incapable de savoir exactement contre qui agir. On pense notamment aux cas de droit de superficie où le bailleur n’est pas le propriétaire de la parcelle. Il existe aussi des cas très complexes lors de l’existence d’un usufruit ou du décès du propriétaire avec une hoirie pas encore correctement libellée ou mentionnée sur l’extrait du registre.
Afin d’éviter que les locataires puissent se retrouver sans possibilité de faire valoir leurs droits, alors que le but de la formule est justement de leur permettre de contester la décision de leur bailleur, les soussignés ont l’honneur de requérir à ce que les formules officielles homologuées par le Canton dans les cas prévus par le droit fédéral et cantonal prévoient l’obligation de mentionner le nom de la partie bailleresse en excluant la possibilité d’indiquer uniquement son représentant.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Valérie Zonca | VER |
Sébastien Pedroli | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Cédric Roten | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Théophile Schenker | VER |
Valérie Induni | SOC |
Sandra Pasquier | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Vincent Jaques | SOC |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Jean Tschopp | SOC |
Oriane Sarrasin | SOC |
Amélie Cherbuin | SOC |
Graziella Schaller | V'L |
Kilian Duggan | VER |
Olivier Gfeller | SOC |
Jean-Louis Radice | V'L |
Laurent Balsiger | SOC |
Felix Stürner | VER |
Pierre Dessemontet | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Monique Ryf | SOC |
Romain Pilloud | SOC |
Sonya Butera | SOC |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Sébastien Cala | SOC |
Joëlle Minacci | EP |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Rebecca Joly | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission s'est réunie le jeudi 12 janvier ainsi que le mardi 17 janvier 2023 à la salle romane. Ont participé aux séances Mme la présidente du Conseil d'Etat, Christelle Luisier Brodard, cheffe du Département des institutions, du territoire et du sport, et Mme Madalina Orlandini, juriste pour le droit du bail et l'aide au logement auprès de la Direction du logement, au sein du même département. M. Yvan Cornu, secrétaire de commission, a tenu les notes de séance ; qu'il soit remercié pour son travail impeccable. En préambule, voici une petite explication concernant la tenue de la deuxième séance, soit celle du 17 janvier. Lors de la discussion générale de la séance du 12 janvier, la présidente passe la parole à monsieur Balsiger. A cet instant, elle constate une erreur dans la composition de la commission, le secrétariat parlementaire ayant convoqué M. Laurent Balsiger, socialiste, au lieu de M. Mathieu Balsiger, PLR. La liste des nominations du Bureau du Grand Conseil, en format Word, dont la présidente dispose d'une copie, fait foi. Après une brève interruption de séance, le secrétaire de la commission confirme qu’une erreur de saisie dans le système d'information SIEL a conduit à une erreur de convocation. Le nombre de commissaires par groupe politique – de 2 PLR au lieu de 3, et de 3 socialistes au lieu de 2 – n'étant pas conforme à la décision du Bureau du Grand Conseil, la présidente décide de lever la séance et de convoquer une séance de relevée, le 17 janvier, afin que la commission puisse voter valablement sur la prise en considération de la motion.
Pour revenir au sujet cité en titre, Mme la motionnaire indique que l'Association suisse de locataires, section vaudoise (ASLOCA-Vaud) a été consultée préalablement au dépôt de son texte, surtout pour en déterminer sa pertinence sur la base des expériences que les représentants des locataires à travers le canton ont fait remonter. Elle nous explique que tout locataire sera amené à recevoir divers documents, de la part de son bailleur, soit le contrat de bail qui consacre la relation contractuelle, et pendant la durée du contrat, il peut y avoir d'autres actes notifiés par le bailleur, par exemple une hausse de loyer ou une résiliation de bail ; ces trois actes ont la particularité d'être accompagnés d'une formule officielle. Le droit fédéral du Code des obligations (CO) exige l'utilisation d'une formule officielle agréée par le canton. Le législateur fédéral a imposé ces formules officielles essentiellement pour protéger les droits du locataire. Au verso, la formule officielle contient la liste des commissions de conciliation, soit les préfectures du canton. Le locataire peut s'y adresser s'il souhaite contester le loyer initial, la hausse de loyer ou la résiliation du bail. Les droits du locataire y sont mentionnés au bas de la formule, avec notamment le délai de 30 jours pour contester la décision.
Dans la pratique, il est normal que le bailleur puisse agir auprès du locataire par le biais d’un représentant, en principe une gérance. Et du côté du locataire, ce dernier peut agir par le biais d'un représentant de l'ASLOCA ou d’un avocat. La particularité de la formule officielle est qu'à aucun moment il n'est obligatoire de faire figurer le nom du bailleur. Il est très courant que les gérances indiquent uniquement leur propre identité, cela même sur le contrat de bail. Lorsque le locataire reçoit la notification, il est indiqué qu'il a 30 jours pour agir devant la commission de conciliation, mais l'identité du bailleur contre qui il doit agir ne figure pas sur la notification. Donc, le bailleur a pu changer depuis la signature du contrat – l'immeuble ayant pu être acheté – sans que le locataire soit tenu au courant. Actuellement, il peut donc arriver que le locataire ne sache pas à qui il loue son appartement. La motionnaire relève que le droit du bail est le seul domaine où une partie n'a pas d'obligation de s'identifier. Les motionnaires demandent par conséquent que, sur les formulaires officiels, au niveau de l'entête, figure obligatoirement l'identité du bailleur pour que le locataire puisse facilement savoir contre qui il doit agir, le cas échéant.
Madame la conseillère d'Etat indique que cette problématique relève quasiment exclusivement du droit fédéral sur le bail à loyer et de la procédure civile, et qu’il n'existe aucune base légale pour l'introduction d'une obligation pour le bailleur à être mentionné. Il ne suffit pas de décider administrativement de changer la formule officielle ! Mme la conseillère d'Etat exprime un sérieux doute quant aux compétences du canton face à cette demande, puisqu'elles ressortent d'une compétence fédérale. Elle nous explique qu'il existe cinq types de formules officielles valables dans le canton, soit cinq notifications – de hausse de loyer, de nouvelle prétention, de hausse de loyer ou de nouvelle prétention, de loyer lors de la conclusion d'un bail et de résiliation du bail. Le canton est compétent uniquement pour la formule officielle au changement de locataire, qui relève de la Loi sur l'utilisation d'une formule officielle au changement de locataire, puisque le droit fédéral donne expressément une compétence au canton en la matière. Mme la conseillère d'Etat insiste sur le fait qu'il faut une base légale pour rendre obligatoire la mention du nom du propriétaire sur les formules officielles. Les formules officielles sont agréées par la Direction du logement, au nom du détenteur. Aucune disposition légale ne précise la qualité de celui qui peut présenter une demande d'agrément auprès du canton. S'agissant de la pratique, le Code de procédure civile énonce que la requête de conciliation contient la désignation de la partie adverse, les conclusions et la description de l'objet de litige. La Direction du logement s'est renseignée auprès du corps préfectoral afin de voir quelle était la pratique en la matière dans le canton de Vaud. Voici les réponses...
Madame la rapporteuse de majorité, avez-vous prévu de lire jusqu'au bout tout le rapport, ou serait-il possible de faire un petit résumé ou de passer aux conclusions ?
Monsieur le Président, je n'ai pas lu tout mon rapport ! J'ai essayé de faire un rapport concis, mais il est vrai que je pensais important de donner des détails. Donc, par rapport aux discussions générales, je vais écourter…
Mme la motionnaire explique qu'il faut bien différencier le cas où le locataire mentionne de manière approximative l'identité du bailleur, du cas où le locataire indique de manière erronée l'identité du bailleur. Mme la conseillère d'Etat s'engage formellement à intervenir auprès des préfectures afin d'uniformiser les pratiques dans sens de la doctrine selon laquelle l'autorité de conciliation doit compléter les indications quand le locataire ne connaît pas l'identité de son bailleur, afin d’éviter notamment que le Tribunal des baux refuse d'entrer en matière parce que le nom de la partie serait mal libellé.
Franchement, j'ai essayé de faire un rapport concis, mais je pensais qu'il fallait vous donner un maximum de détails. J'espère que vous avez lu le rapport de commission en entier et cela m’évite de tout relire. Alors, je dois encore vous dire qu'au vote sur la prise en considération partielle de la motion, par 5 voix contre 4 et 1 abstention, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre partiellement en considération cette motion.
La discussion est ouverte.
Je serai bref, et même encore plus que je l'avais initialement prévu. A titre liminaire, je déclare mes intérêts, étant avocat-conseil auprès de l'ASLOCA. Comme cela a été dit, nous avons examiné la motion lors des séances des 12 et 17 janvier 2023. Pour rappel, la motionnaire requiert initialement que les formules officielles homologuées par le canton dans les cas prévus pour le droit fédéral et cantonal – par exemple notification de hausse ou nouvelle prétention – prévoient l'obligation de mentionner le nom de la partie bailleresse. Il est important de relever que la motionnaire a modifié sa motion en cours de séance afin d'éviter que les locataires puissent se retrouver sans possibilité de faire valoir leurs droits, alors que le but de la formule est justement de leur permettre de contester la décision de leur bailleur. Les soussignés ont l'honneur de requérir que la Loi sur l'utilisation d'une formule officielle au changement de locataire (LFOCL) prévoie l'obligation de mentionner le nom de la partie bailleresse en excluant la possibilité d'indiquer uniquement son représentant. Malgré cette modification, comme vous l’avez compris, la majorité de la commission a refusé cette motion alors que la minorité que je représente ici fait entièrement sien le raisonnement de la motionnaire.
Pour rappel, j'aimerais m'arrêter brièvement sur quelques points. Tout d'abord et c'est malheureusement d'actualité, aujourd'hui les locataires qui entendent contester une hausse de loyer doivent saisir la Commission de conciliation, mais cela uniquement contre le propriétaire. Pour rappel, il arrive régulièrement – et c'est bien le nœud du problème – que les gérances n'indiquent pas le nom du propriétaire sur le contrat de bail ni sur la formule de changement de locataire, ce qui peut avoir de graves conséquences pour le locataire. En effet, en cas de saisie du tribunal contre une mauvaise partie, l'acte introduit sera considéré comme irrecevable. En d'autres termes, un locataire qui ouvrirait action contre la gérance et non contre le propriétaire verrait son acte considéré irrecevable. Ensuite, parmi les arguments, on avance que, pour le propriétaire, le fait de ne pas indiquer son nom peut le protéger contre toute intervention excessive du locataire. Vous conviendrez certainement avec moi que les locataires sont raisonnables. Un autre argument invoqué concerne la protection de la sphère privée du propriétaire. Or, au Registre foncier, on peut avoir accès à ces données, dans un certain laps de temps, bien évidemment. Un autre élément discuté dans le rapport est que les préfectures auraient tendance à être plus ou moins tolérantes avec des actes introduits contre une mauvaise autorité ou partie. Or, je dois tout de même relever que si les préfectures peuvent effectivement être tolérantes, le Tribunal des baux ne l'est pas. Si l'acte d'entrée est introduit contre une mauvaise autorité, et même si la préfecture accepte peut-être d'entrer en considération, le Tribunal des baux considérera cet acte comme irrecevable. Je relève encore et finalement qu’en droit suisse, le contrat de bail est le seul contrat où l’on signe sans forcément savoir avec qui on le fait. Si vous achetez une voiture, vous savez avec quel garage vous allez signer et si vous faites venir un peintre, vous savez avec quel peintre, mais en droit du bail, c'est différent. Pour tous ces motifs, chères et chers collègues – je regarde peut-être un peu plus à droite – et le fait que cela concerne non seulement les locations d'habitation, mais également les locations de locaux commerciaux, je vous enjoins d'accepter cette motion modifiée.
Je relaye ici la position de Mme Jaccoud, la motionnaire, qui siège désormais à Berne et qui est membre active de l'ASLOCA-Vaud. La formule officielle doit obligatoirement accompagner toute conclusion d'un nouveau contrat de bail, toute hausse de loyer ou encore les réalisations de bail. C'est une obligation légale prévue par le CO. Son but est simple : protéger les locataires en leur fournissant des informations fiables et détaillées sur leurs droits, sur les délais pour agir, ainsi que sur la liste des autorités compétentes pour recevoir leurs contestations. Dans la grande majorité des cas, les bailleurs ont un représentant, soit une gérance chargée d'agir en leur nom et d'effectuer les actes de gestion courante. Ces gérances sont au bénéfice de procurations qui leur permettent d'agir au nom de leurs clients, notamment en signant des actes et des correspondances. A ce stade, il est important de préciser que les gérances peuvent parfaitement résilier un bail ou augmenter un loyer, par exemple, sans avoir à un seul moment avoir à indiquer qui est leur client et pour qui elles agissent. En effet, la formule officielle précise que le nom du bailleur ou de son représentant doit être mentionné. Il est donc parfaitement possible qu'un locataire reçoive une augmentation de loyer avec une lettre d'accompagnement signée de la régie et une formule officielle signée de la régie, sans aucune indication de l'identité du bailleur. Or, le locataire doit impérativement connaître l'identité du bailleur pour savoir contre qui agir pour l'éventuelle contestation de son loyer ou de sa résiliation ; c'est une règle fondamentale fixée dans le Code de procédure civile. Cependant, un locataire peut vivre des années dans un logement sans connaître l'identité de son bailleur ; celui-ci peut ne jamais avoir été indiqué, pas même dans le contrat de bail, et le bailleur a aussi pu changer en cours de contrat, par exemple pour une vente, une donation, une succession ou un usufruit, sans que le locataire ait été informé.
Le droit du bail est donc le seul domaine du droit contractuel dans lequel une partie peut rester totalement anonyme sans avoir besoin d'indiquer son identité pour agir, de manière unilatérale. La motion de Mme Jaccoud vise à mettre un terme à cet anonymat. Il va de soi que les gérances pourront continuer à agir au nom de leurs clients et à notifier des actes unilatéraux. Cependant, il est essentiel que les gérances indiquent sur la formule officielle le nom de la partie bailleresse au nom de qui elles agissent et qu’il n'existe pas de droit à l'anonymat pour les bailleurs. Par ailleurs, afin de connaître l'identité de leur bailleur, les locataires, n'ont pas d'autres choix que de s'adresser personnellement et physiquement au Registre foncier afin de requérir un extrait qui leur sera facturé une petite vingtaine de francs. En modifiant la Loi vaudoise sur l'utilisation d'une formule officielle au changement de locataire, on permet au canton de Vaud, dans sa stricte sphère de compétence, de modifier la formule officielle afin que l'identité du bailleur doive impérativement être mentionnée. Cela présente plusieurs avantages, soit d'évacuer toute discussion autour de l'éventuelle compétence du canton de légiférer sur cette question, de remédier à une problématique connue et reconnue en matière de droit du bail, de mettre un terme à l'anonymat dans lequel certains bailleurs se complaisent lors de la conclusion d'un contrat de bail, et d'informer les locataires de la personne contre laquelle ils doivent agir s'ils entendent, par exemple, contester leur loyer initial, et enfin de permettre aux gérances de continuer à faire leur travail comme elles l'ont fait jusqu'à présent c’est-à-dire de continuer d'agir au nom de leurs clients. Partant, je vous remercie de prendre partiellement cette motion en considération et de suivre les conclusions du rapport de minorité.
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