22_POS_42 - Postulat Patricia Spack Isenrich et consorts au nom groupe socialiste - Quelle stratégie mettre en œuvre concernant le séjour des communautés itinérantes suisses et le transit des gens du voyage européens à travers le territoire vaudois ? (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 30 août 2022, point 24 de l'ordre du jour
Texte déposé
En ratifiant la Convention-cadre sur les minorités du Conseil de l’Europe, la Suisse a reconnu aux Yéniches et aux Manouches de nationalité suisse, qu’ils soient nomades ou sédentaires, le statut de minorité nationale. Cette convention leur garantit ainsi non seulement le respect de leurs droits fondamentaux à la liberté, mais aussi des droits spécifiques aux minorités, tel que notamment celui de pouvoir exercer le mode de vie constitutif de leur identité.
La Suisse est ainsi tenue de mettre à la disposition de ces gens du voyage indigènes des possibilités de halte. Outre la mise à disposition permanente et officielle d’aires de séjour et de passage, la halte spontanée doit être rendue possible.
Au Mont-sur-Lausanne par exemple, un Plan d’affectation cantonal (PAC) intitulé « Gens du voyage indigènes », ouvre la voie à l’aménagement d’une première aire d’accueil temporaire cantonale et qui permettrait l’accueil de 15 convois au maximum, représentant environ 50 personnes.
Depuis plusieurs années, la commune de Bussigny accueille chaque année une dizaine de caravanes de familles de la communauté Yéniche sur un terrain proche de commodités.
Toutefois, selon un article paru sur le site internet de la SRF le 20 mai 2021 (Neuer Bericht zu Fahrenden - Für die Hälfte der Fahrenden in der Schweiz gibt es keinen Platz - News - SRF), il existerait 16 zones d’accueil en Suisse avec au total 248 places d’accueil, mais il manquerait encore 50 aires de passage pour les courtes haltes en été et 20 à 30 emplacement de séjour pour les haltes en hiver.
En plus des gens du voyage indigènes, notre canton est également concerné par le transit des gens du voyage européens à travers son territoire. Leurs convois sont plus importants et la cohabitation avec la population et les autorités locales peut se révéler problématique.
Dans son rapport du 8 juin 2005 déjà, le commissaire aux droits de l’homme, Monsieur Alvaro Gil-Robles du Conseil de l’Europe, avait déjà demandé à la Suisse de prendre en considération, dans les programmes et décisions relatifs à l’aménagement du territoire, les besoins et traditions spécifiques des gens du voyage et faire des efforts afin d’augmenter le nombre de places de stationnement et de passage pour les gens du voyage à travers toute la Suisse.
Actuellement, le Canton de Vaud met à disposition une unique place de passage à Rennaz pour les gens du voyage européens. Ce site fait toutefois l’objet d’une étude de rénovation et actuellement, il ne contient environ que 42 places d’accueil au maximum.
A Bussigny, les gens du voyage de la communauté européenne sont arrivés en août 2021 sur une parcelle qui était autrefois le siège de l’entreprise Veillon. Cette parcelle, qui avait été laissée à l’abandon à l’entrée de la ville, a été occupée cette année-là par une vingtaine de caravanes, à la suite d’une demande expresse de l’Etat de Vaud auprès de la société propriétaire, d’accepter cette présence. Les gens du voyage sont ensuite repartis en septembre de la même année.
Cette année, dès le 4 mars 2022, des gens du voyage de la communauté européenne se sont installés sur la même parcelle. Rapidement, le nombre de caravanes a augmenté, pour se trouver à près de 90 caravanes, ce qui représente environ 200 personnes simultanément sur la même parcelle.
En parallèle, 32 caravanes des gens du voyage de la communauté européenne se sont également installées sur le parking du personnel de la Migros à Crissier.
La commune de Bussigny, constatant que le campement a pris une ampleur qui est devenue impossible à gérer, s’est trouvée dans l’impossibilité d’agir compte tenu du fait qu’il s’agit d’un terrain privé dont elle n’a pas la maîtrise. Elle a constaté différentes problématiques (scolarisation des enfants, équipement des terrains et sécurité, gestion des déchets, emplois, intégration et insécurité, etc.).
Force est ainsi de constater que ces campements illicites conduisent, d’un côté à des conditions de vie indécentes pour les gens du voyage et, d’un autre côté, engendrent des troubles à l’ordre public, à la sécurité et à la salubrité publique. Ces difficultés touchent alors toute la population ainsi que le tissu économique des territoires concernés.
L’Etat de Vaud s’est d’ailleurs rendu sur place le 28 juillet 2022 et a pu constater que ces différentes problématiques étaient avérées.
La parcelle en question a récemment fait l’objet d’une mise à l’enquête publique pour démolition des bâtiments existants et les travaux devaient être finalisés cet hiver. L’année prochaine, cette parcelle ne sera donc plus à disposition des gens du voyage qui reviendront dans la région, respectivement dans le canton de Vaud.
Or force est de constater que le canton de Vaud n’est pas équipé pour accueillir autant de gens de voyage l’année prochaine.
Manifestement, la Suisse, respectivement le canton de Vaud, ne sont pour l’instant pas parvenus à établir une politique cohérente permettant d’éviter la discrimination des gens du voyage en matière d’aménagement du territoire et d’espaces de vie.
Il est temps que le Canton use de sa marge de manœuvre avec plus d’engagement et qu’il soit plus actif sur ce sujet. Les cantons doivent par ailleurs se coordonner et réfléchir ensemble à résoudre cette problématique.
D’une manière générale, la présence des gens du voyage de la communauté européenne pose trop souvent des problèmes de gestion des installations illicites d’une part, et de cohabitation avec le voisinage et les autorités locales d’autre part. Il faut donc mettre en œuvre une stratégie pour mieux accueillir et intégrer ces personnes durant leur passage en Suisse et en particulier dans le canton de Vaud.
Les communes n’ayant pas les outils suffisants pour gérer cette présence des gens du voyage sur leur territoire, il y a ainsi une nécessité que le canton de Vaud prenne ce dossier en mains, afin d’avoir une politique coordonnée au niveau du canton.
Compte tenu de ce qui précède, nous avons l’honneur de demander au Conseil d’Etat de bien vouloir :
1. Réaliser un état des lieux :
- Des besoins en places d’accueil des gens du voyage indigènes et des gens du voyage de la communauté européenne dans le canton de Vaud ;
- Des collaborations intercantonales et des politiques des autres cantons suisses s’agissant des gens du voyage indigènes et des Gens du Voyage de la communauté européenne ;
- Des freins actuels à la création de places d’accueil pour les gens du voyage indigènes et les gens du Voyage de la communauté européenne ;
2. Esquisser, en collaboration avec les autres cantons, différents scénarios permettant de pallier les éventuels manques de places au regard de l’augmentation de ces communautés dans le canton de Vaud ;
3. Définir de manière claire une politique d’accueil des gens du voyage indigènes et des gens du voyage de la communauté européenne et ensuite, mettre en œuvre une stratégie ;
4. Améliorer les synergies au sein du canton et de ses autorités, dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie ;
5. Modifier la Loi sur l’exercice des activités économiques du 31 mai 2005 (RSV 930.01) afin de durcir les dispositions d'octroi d'autorisations de pratiquer le commerce ;
6. Procéder à une évaluation du droit cantonal actuel afin d’établir une nouvelle législation permettant de dissuader les installations de convois sur des terrains privés sans l’accord du propriétaire et obtenir rapidement une décision d’évacuation, cas échéant les forces de l’ordre étant requises pour mettre en œuvre cette décision ;
7. Procéder à une évaluation du droit cantonal actuel et cas échéant, le modifier afin de donner les moyens au canton ou aux communes vaudoises de faire expulser les gens du voyage indigènes et/ou les gens du voyage de la communauté européenne.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Pierre Dessemontet | SOC |
Jean Tschopp | SOC |
Marc Vuilleumier | EP |
Cédric Roten | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Joëlle Minacci | EP |
Géraldine Dubuis | VER |
Sébastien Cala | SOC |
Denis Corboz | SOC |
Julien Eggenberger | SOC |
Michael Wyssa | PLR |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Nathalie Jaccard | VER |
Oriane Sarrasin | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Alice Genoud | VER |
Sonya Butera | SOC |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Valérie Induni | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Stéphane Montangero | SOC |
Romain Pilloud | SOC |
Hadrien Buclin | EP |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourTant le Tribunal fédéral que l’Union européenne ont rappelé à la Suisse qu’elle se doit d’augmenter le nombre de places de stationnement et de passage pour les gens du voyage, à travers toute la Suisse. De son côté, le canton de Vaud a décidé, par le passé, de mettre à disposition des gens du voyage européens une unique place de passage, à Rennaz. Toutefois, ce site qui fait l’objet d’une rénovation ne contient que 42 places d’accueil au maximum.
En août 2021, en parallèle à l’occupation du site de Rennaz, une vingtaine de caravanes ont occupé le site Veillon à Bussigny à la suite d’une intervention de l’Etat demandant au propriétaire du site de Bussigny d’accepter cette présence durant un mois. Cette année, dès le 4 mars 2022, des gens du voyage européens ont repris possession dudit terrain à Bussigny et, très rapidement, plus de 90 caravanes y étaient installées. En parallèle, 32 caravanes de gens du voyage de la communauté européenne se sont installées à Crissier, sur le parking du personnel de la Migros. Ce sont donc au total plus de 120 caravanes qui se sont installées pour près de 6 mois dans l’Ouest lausannois, représentant le triple de la capacité du site de Rennaz.
La présence de gens du voyage sur des parcelles non équipées pour une si longue période suscite de nombreuses questions. Le fait que les terrains ne soient pas équipés engendre des risques de pollution et d’incendies, ainsi que de nombreux problèmes quant à la sécurité, à la gestion des déchets, à la scolarisation des enfants, à l’emploi et à l’intégration, et enfin au sentiment d’insécurité, ou encore à la taxe de séjour qui n’est souvent que partiellement payée par les gens du voyage. Les conditions de vie sont indécentes, tant pour les gens du voyage en raison des risques d’accident, de pollution, d’incendie et d’insalubrité, que pour les riverains et les communes, en raison des troubles à l’ordre et à la sécurité publics. Face à une telle situation, les communes sont dans l’impossibilité d’agir de quelque manière que ce soit, dans l’hypothèse où les gens du voyage se trouvent sur un terrain privé. C’est alors au propriétaire du fonds, à lui seul, d’agir.
M. le conseiller d’Etat, dans un reportage du journal télévisé 19 :30 datant du 19 août 2022, indiquait que le canton avait « fait sa part » avec le site de Rennaz, qui n’est pas complet. Toutefois, les gens du voyage s’établissent tout de même ailleurs ; nous avons l’exemple du site de l’Université de Lausanne ou aussi très récemment du parking d’une grande enseigne de meubles à Allaman. On voit donc que les gens boudent le site de Rennaz et que ni les communes ni le canton n’ont les moyens légaux de faire respecter les décisions prises et d’envoyer les gens sur le fameux terrain de Rennaz. Il est donc essentiel de se pencher sur cette problématique et que le canton mette en œuvre une stratégie pour mieux accueillir et intégrer les gens du voyage dans le canton de Vaud.
Retour à l'ordre du jourLe postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.