21_LEG_24 - EMPD Exposé des motifs et projet de décret accordant au Conseil d'Etat un crédit d'investissement de CHF 7'000’000 pour financer la mise en œuvre de la première étape de la mesure d’impulsion « la formation, moteur du changement » du Plan climat cantonal (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 5 octobre 2021, point 21 de l'ordre du jour

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M. Nicolas Suter (PLR) — Rapporteur-trice

L’exposé des motifs et projet de décret présenté s’inscrit dans le Plan climat vaudois, première génération. Il représente un montant de 7 millions sur les 173 millions que compte l’ensemble du plan. Ce projet de décret propose le financement, sur cinq ans, de la première étape de la mesure d’impulsion sur la formation, en tant que moteur du changement du Plan climat. Au travers du décret, le Conseil d’Etat souhaite stimuler l’émergence d’une dynamique institutionnelle basée sur trois axes : l’encouragement aux projets pédagogiques innovants en lien avec le climat dans les 117 établissements scolaires vaudois, pour un montant de 5 millions ; la mise en place d’une logique institutionnelle globale en lien avec le climat et la durabilité grâce à l’encadrement de référents durabilité dans les établissements vaudois, pour 1,2 million ; le renforcement des enjeux climatiques par le biais de l’enseignement de disciplines et d’outils pédagogiques à l’intention des enseignants pour 655'000 francs.

La commission qui s’est réunie le 28 juin dernier pour traiter de cet objet a réservé à ce projet de décret un accueil positif dans l’ensemble, avec un résultat final de 6 voix contre 1 et 2 abstentions. Ainsi que vous pourrez le lire dans le rapport de commission, les discussions ont porté sur la mise en application du décret, sur la sélection des projets pilotes, sur le périmètre du projet et sur son application aussi bien à la nourriture qu’à la sobriété numérique. Une petite partie de la commission a regretté que l’exposé des motifs et projet de décret poursuive une démarche de pure sensibilisation et ne soit pas plus axé sur des applications métier, connaissant les besoins avérés dans ce domaine. Le Conseil d’Etat nous a expliqué que les formations liées aux métiers et leur évolution, notamment vers des métiers tenant compte des enjeux climatiques, sont fixées dans les Ordonnances fédérales de formation, alors que la sensibilité à des problématiques transversales du type de la durabilité relève de la responsabilité directe des écoles professionnelles dans leur travail de formation quotidien. L’exposé des motifs et projet de décret porte donc sur ces éléments de sensibilisation de base.

La commission a également soulevé la question de la limite, qui pourrait être ténue, entre un enseignement militant et un enseignement pédagogique sur la durabilité. A ce sujet, la ligne claire du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture est que tout ce qui n’est pas scientifique et pédagogique n’a pas sa place dans les écoles. Au chapitre 1.7.2 qui traite de la mise en place du réseau de référents durabilité, un amendement a été déposé proposant que les périodes de décharge pour les référents durabilité des 117 établissements concernés soient prises en charge. Cela entraînerait un coût supplémentaire de 6,1 millions sur l’ensemble de la période de cinq ans. L’amendement a été refusé en commission par une courte majorité. Dans sa majorité, la commission vous recommande d’entrer en matière sur cet exposé des motifs et projet de décret.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutiendra ce volet du Plan climat lié à la formation, qui est tout à fait cohérent avec l’urgence climatique proclamée par une résolution votée par ce Parlement. Bien sûr, les changements de comportement individuels et collectifs passent aussi par l’école et par l’enseignement d’un savoir critique sur les enjeux liés à la transition écologique et à l’urgence climatique. Certes, tout projet est perfectible et ainsi que j’ai eu l’occasion de le dire en commission, celui-ci aurait pu être plus détaillé et complet sur certaines problématiques. C’est par exemple le cas de l’impact climatique du recours toujours accru au numérique à l’école, qui pose de réelles questions sur les émissions de CO2 générées par le numérique. La question de l’alimentation en milieu scolaire a certes été traitée dans d’autres projets, mais aurait tout de même pu faire l’objet d’informations supplémentaires dans le présent projet, puisque c’est un aspect central dans la lutte contre les émissions de CO2. Compte tenu de ces limites, nous appelons donc le département à poursuivre ses efforts dans la lutte contre le dérèglement climatique au-delà du présent projet de décret. J’ai d’ailleurs cru comprendre qu’il était dans l’esprit du Plan climat d’être évolutif et que nous allions rapidement vers un plan de deuxième génération. J’espère qu’il s’agit bien là d’une étape et non d’un aboutissement.

Plus concrètement, un aspect du projet nous dérange, en l’état, à savoir le fait que les deux périodes de décharge d’enseignement pour les référents durabilité dans chaque établissement devront être financées sur le budget des établissements. Ces budgets étant limités, les établissements seront obligés de couper dans d’autres activités, comme les cours à option ou les sorties scolaires. Cette logique de mise en concurrence des activités liées au Plan climat avec d’autres activités scolaires ou parascolaires ne nous convient pas. Nous proposerons donc un amendement visant à avoir un budget centralisé au niveau du département pour financer ces décharges d’enseignement. J’aurai l’occasion de le développer par la suite.

Mme Carole Schelker (PLR) —

Cet exposé des motifs et projet de décret lié à la formation est un volet important du Plan climat, puisqu’il propose une évolution en faveur d’une école durable et une prise de conscience précoce de nos jeunes pour faire face aux enjeux climatiques, tout en respectant le mandat public de formation. En ce sens et sur le fond, le PLR est favorable à donner une impulsion dans ce domaine. Toutefois, la façon dont les projets pédagogiques sont présentés dans l’exposé des motifs et projet de décret n’a pas tout à fait convaincu le PLR, puisque le projet se borne à de la sensibilisation, là où une formation professionnalisante dans les métiers de la transition énergétique serait nécessaire. Un vœu a été formulé en ce sens afin que, dans tous les projets pédagogiques, l’orientation métier soit mise en avant : en effet, une telle orientation permet de développer chez l’élève un regard critique important et, pourquoi pas, de susciter des vocations dans les métiers en lien l’environnement. Pour nous, cet aspect aurait dû constituer l’objectif principal du projet de décret et capter une partie importante du financement. Rappelons que notre groupe, notamment, a déposé un nombre important d’interventions parlementaires spécifiques sur la formation duale et sur la reconversion professionnelle dans les professions de la transition énergétique. Il nous a certes été expliqué que les formations liées aux métiers et à leur évolution, notamment vers des métiers tenant compte des enjeux climatiques, sont fixées dans les Ordonnances fédérales de formation et ne sont pas du ressort du canton. A notre sens, rien n’empêchait pour autant de les intégrer d’une manière plus concrète dans cet exposé des motifs et projet de décret.

Quoi qu’il en soit, au-delà de toutes les théories sur l’application transversale de la thématique durabilité, au final, ce seront les actions simples et concrètes telles qu’apprendre à un enfant à ramasser ses déchets qui vont porter leurs fruits. Un vœu a d’ailleurs été formulé pour souligner l’importance des gestes simples pour un impact durable. Le groupe PLR acceptera donc l’exposé des motifs et projet de décret, mais du bout des lèvres, et avec de nombreuses abstentions liées aux éléments que je viens de citer.

M. Maurice Mischler —

Cet exposé des motifs et projet de décret est très important et, de plus, il est extrêmement bien fait, car très équilibré aux niveaux scientifique, pédagogique, mais aussi au niveau des pratiques, concernant notamment la nourriture. C’est effectivement du cœur de la discussion que viendront les solutions, notamment les discussions au niveau pédagogique. J’ajoute que la proposition de M. Buclin tombe relativement bien, étant donné qu’énormément de choses sont prévues au niveau pédagogique et que ce qui est proposé ici ne devrait pas affaiblir l’enveloppe budgétaire des établissements. Je trouve donc l’amendement Hadrien Buclin souhaitable et soutenable.

M. Dylan Karlen (UDC) —

Le groupe UDC tient à exprimer son malaise avec la notion de rééducation culturelle décrite dans cet exposé des motifs et projet de décret. Il considère, en effet, que l’école n’a pas à être un outil de rééducation du peuple, mais bien un moyen de permettre aux jeunes d’acquérir des compétences de base qui leur permettront de suivre une formation professionnelle ou académique et de développer un esprit critique, préalable à toute maturité et honnêteté intellectuelle. Au lieu de quoi, ce projet de décret prévoit la mise en application d’un véritable plan de bataille idéologique qui se mènera sur trois fronts. Le premier front, de 5 millions, est celui du développement de projets pédagogiques thématiques. Pour l’heure, on ne sait pas exactement combien de périodes hebdomadaires seront consacrées au suivi de ces projets, mais on peut s’attendre à ce que ce temps soit pris sur la durée d’enseignement des matières solides et essentielles. Le deuxième front de 1,3 million est consacré à la nomination de 117 référents climat, soit un référent par établissement scolaire. Ces commissaires politiques travaillant en réseau seront donc sur place pour s’assurer de l’orthodoxie climatique, tant des élèves que du corps enseignant. Enfin, sur le troisième front, 655'000 francs seront consacrés à l’élaboration des guides et des moyens d’enseignement. Supports de cours, commissaires politiques, programmes d’occupation thématique, camps interdisciplinaires, matraquages culturels et muséaux : tous les ingrédients d’une révolution culturelle sont réunis ici, auxquels s’ajoutent ponctuellement les dérives militantes de certains enseignants et professeurs.

Il faut enfin soulever qu’aucune solution n’est apportée au paradoxe de la cohabitation impossible entre le tournant numérique et le tournant climatique. Cela n’a pas de sens de dépenser des millions pour inculquer la durabilité, tout en ayant pour objectif final de faire basculer tous les établissements scolaires dans l’enseignement numérique. A ce propos, la société vaudoise des maîtres secondaires, dans sa dernière publication, est très réticente face à l’évolution numérique de l’enseignement.

Nous devons préserver nos enfants de l’obligation d’être soumis à une approche institutionnelle globale et à un changement culturel escompté par notre gouvernement de gauche. Deux notions fondamentales doivent être garanties par l’instruction publique : la liberté et la pensée critique. Par conséquent, le groupe UDC vous invite à ne pas voter l’entrée en matière sur cet exposé des motifs et projet de décret et, le cas échéant, à refuser ce texte en vote final.

Mme Sonya Butera (SOC) —

Monsieur Karlen, la moindre des choses que je puisse dire, c’est que vous n’avez été que vaguement attentif pendant les cours d’histoire, sans quoi peut-être ne vous seriez-vous pas permis de faire certains raccourcis. Le rôle de l’école me semble être un rôle de construction sociale et non pas de normalisation des élèves. Il s’agit d’amener les enfants dans une direction, ensemble. Il n’y est rien fait d’inadéquat. On choisit de lire des livres, de travailler sur certaines thématiques, qui ramènent les enfants ensemble dans le but social escompté. Il n’est pas question de révolution culturelle ; l’école a agi ainsi de tout temps. Il me semble qu’en parlant de la perte d’heures d’enseignement de disciplines « plus dures », vous oubliez peut-être certaines activités possibles, avec des travaux pratiques en physique ou en chimie. En biologie également, on peut se rendre dans la forêt ou étudier un élevage de fourmis ; toutes sortes de choses permettent de travailler sur la durabilité, sur la nature et autres différents aspects. A titre personnel, je voterai pour ce projet et j’invite tous nos collègues qui font confiance aux enseignants et à la Haute école pédagogique et qui sont inquiets pour la notion de durabilité, à faire de même.

Mme Cesla Amarelle — Conseiller-ère d’Etat

Vous aurez vu à sa lecture que cet exposé des motifs et projet de décret cherche à stimuler l’émergence d’une dynamique institutionnelle, sur trois axes. Il y a tout premièrement l’encouragement aux projets pédagogiques innovants en lien avec le climat puis leur généralisation dans les établissements. C’est un appel à projets pilotes, c’est vrai. C’est un système qu’on appelle bottom up pour tout ce qui relève de domaines tels que la durabilité, qui présentent une avancée progressive au niveau de la société. Quand on parle de bottom up, c’est qu’il n’y a aucune volonté d’imposer par le haut certains projets très précis, mais de faire des appels à des projets pilotes, car il y a une grande envie de faire des projets et de s’approprier la thématique de durabilité dans les écoles, raison pour laquelle nous employons la méthode bottom up.

Deuxièmement, il s’agit de la mise en place de logiques institutionnelles pour des référents durabilité dans tous les établissements, comme on l’a fait pour la formation professionnelle. Il y a des référents en formation professionnelle pour pouvoir avancer sur le terrain, dans les établissements, et assurer la mise en réseau des différents acteurs de l’école. Troisièmement, il s’agit des outils pédagogiques à l’intention des enseignants.

Très brièvement, s’agissant des interrogations évoquées par M. Suter et Mme Schelker sur la nécessité d’investir plus de moyens dans la formation professionnelle et notamment dans l’émergence des métiers liés à la transition énergétique, le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture a déjà eu l’occasion de rappeler que les contenus de la formation professionnelle relèvent à la fois de la Confédération, des cantons et des organisations du monde du travail. Si la Confédération est chargée du pilotage de la formation professionnelle et les organisations professionnelles du contenu de cette formation, le rôle du canton consiste à la mettre en œuvre et la surveiller. Cela ne signifie pas que le canton reste inactif dans le domaine ; au contraire, il utilise toute sa marge de manœuvre pour encourager les métiers qui favorisent la transition énergétique. Sa stratégie suit deux axes : premièrement, informer, conseiller et orienter le public cible des jeunes en recherche de formation sur les possibilités en lien avec la transition écologique et énergétique. Cela se traduit par exemple par l’organisation de conférences intitulées « Travailler pour l’environnement. Possibilités en Suisse et dans le canton » et au prochain salon des métiers, vous aurez toute une série de conférences de ce type. Il y aura prochainement des pages spéciales pour les métiers « verts » dans certains suppléments. Le département a également fourni à l’Office d’orientation et aux référents du monde professionnel toute une liste documentée de formations et de métiers associés à la transition énergétique et écologique. Le deuxième axe vise à encourager la mise en œuvre des compétences en lien avec cette transition au sein des établissements de formation. Cela passe par l’utilisation de la marge de manœuvre laissée par les plans d’études fédéraux pour proposer des séquences pédagogiques sur des thèmes proposés par les enseignants. Si vous acceptez ce projet de décret, cela passera également par une sélection de projets pilotes qui contiendront des compétences métiers et des compétences pratiques. Cela passe aussi par la valorisation d’initiatives des écoles professionnelles, comme la réduction de consommation des microcontrôleurs à l’ETML ou le Jurassic test, un laboratoire pour la mobilité électrique créé dès 2017 au Centre professionnel du Nord vaudois. Sur la question du Plan climat et des éléments qui ne sont pas encore tout à fait précisés, j’aimerais encore dire qu’une deuxième génération du Plan climat vous sera présentée courant 2024, très probablement. Sur la problématique du numérique, un deuxième exposé des motifs et projet de décret précisera certains éléments.

De manière générale, je vous invite à sensibiliser les jeunes à la lutte contre le réchauffement climatique. Ce n’est pas faire de l’idéologie, mais prendre acte de la réalité et de l’urgence de ce dérèglement. De toute manière, il faudra vivre avec ces éléments et avec les injonctions paradoxales de la durabilité d’un côté et du numérique de l’autre. Tous les plans d’intentions, tous les plans stratégiques et même le Programme de législature du Conseil d’Etat, qu’ils soient vaudois ou intercantonaux, vivent avec ces injonctions paradoxales. Disons même que vivre en société, c’est vivre avec des injonctions qui ne vont pas toutes dans le même sens. Notre rôle politique, notre but est de rendre compatibles ces différentes injonctions paradoxales. Alors, forcément, nous vous présentons ici un projet qui compose avec le numérique, tout en prenant en compte la problématique de la durabilité. J’aimerais encore dire que ramasser ses déchets et d’autres éléments très concrets sont évidemment des choses que l’école fait déjà, avec le tri des déchets et autres problématiques plutôt simples. L’école n’a évidemment pas besoin d’un exposé des motifs et projet de décret à 7 millions pour présenter les problématiques très simples liées à la durabilité. Précisément, les problématiques plus complexes devront être intégrées dans des projets pilotes. C’est là le projet que nous vous présentons aujourd’hui.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise par 66 voix contre 55 et 3 abstentions.

Au vu de l’heure et des amendements annoncés, nous interrompons le débat ici.

La suite du débat est reportée à une séance ultérieure.

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