22_POS_47 - Postulat Marc Vuilleumier et consorts - Un avenir pour les internats avec école spécialisée?.
Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 24 de l'ordre du jour
Texte déposé
Notre canton compte 5 internats avec école spécialisée pour des enfants en âge de scolarité obligatoire :
Le Home Chez Nous au Mont-sur-Lausanne, la Fondation Serix à Palézieux, l’Association le Châtelard à Lausanne, la Fondation Ecole Pestallozi à Echichens, Pré-de-Vert à Rolle.
Ces institutions proposent environ 150 places à des enfants en grande difficulté ne pouvant suivre, malgré l’école inclusive, une scolarité classique et ne pouvant vivre au sein de leur propre famille. Ces enfants sont placés par divers services de l’Etat, la DGEP, le Tribunal des mineurs, le Service des curatelles et tutelles par exemple. Le but de ces institutions est, lorsque cela est possible, de réintégrer ces enfants dans l’école inclusive grâce à un suivi spécialisé et individualisé, ce but est atteint dans la majorité des situations.
Depuis quelques années, certaines de ces institutions déplorent un manque de soutien et de reconnaissance de la part de la DGEP, soutien et aide à la guidance pourtant inscrits dans un contrat de prestations qui lie les parties. Au contraire, certains déplorent une grande méfiance de la DGEP se traduisant par une « auditocratie » instillant insécurité et découragement auprès du personnel, des enfants et de leur famille. Ce manque de reconnaissance et ces audits ont entraîné de nombreux licenciements, des renvois d’enfants précarisés, des arrêts de prestations socio-éducatives, des difficultés à remplacer le personnel parti, des coûts financiers extra-budgétaires (des centaines de milliers de francs) auraient été alloués aux audits. Pourtant, ces institutions semblent jouer un rôle utile et efficace. Une d’entre elles, par exemple, a réussi à ré scolariser 70% des enfants qu’elle suivait.
Par ailleurs, il est troublant de constater que, malgré la démographie et une fragilisation reconnue de d’avantage d’enfants 3 des institutions, depuis quelques années, n’accueillent plus qu’un tiers d’enfants par rapport à leur capacité. Où sont passés ces enfants qui occupaient ces places il y a encore quelques années. L’école inclusive a-t-elle réussi à tous les intégrer en son sein malgré une sous dotation des enseignants spécialisés et des aides à l’intégration ?
Par ce postulat, nous demandons au Conseil d’Etat d’établir un rapport sur l’avenir et le rôle des internats avec école spécialisée en précisant leurs prestations dans le cadre de l’école inclusive. Une politique claire et transparente permettra à tous les acteurs de travailler en bonne intelligence dans l’intérêt des enfants en grande difficulté.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Valérie Zonca | VER |
Sylvie Podio | VER |
Oriane Sarrasin | SOC |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Felix Stürner | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Didier Lohri | VER |
Alberto Cherubini | SOC |
Sabine Glauser Krug | VER |
Claude Nicole Grin | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Théophile Schenker | VER |
Blaise Vionnet | V'L |
Laurent Balsiger | SOC |
Jean-Daniel Carrard | PLR |
Vincent Keller | EP |
Géraldine Dubuis | VER |
Joëlle Minacci | EP |
Claire Attinger Doepper | SOC |
Céline Misiego | EP |
Yves Paccaud | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission de la formation s'est réunie le 31 mars 2023 pour étudier ce postulat. M. Venizelos était accompagné de Mme Schick, de M. Valceschini et de M. Buissoz. M. Jérôme Marcel, secrétaire de la commission, a établi les notes de séance et nous l'en remercions. Beaucoup de choses ont déjà été dites cet après-midi, alors je vais éviter d’y revenir. Le postulant nous a expliqué qu'il existe cinq internats avec écoles qui accueillent des enfants en très grande difficulté, qui ne peuvent pas suivre une scolarité normale et ne peuvent vivre dans leur propre famille. Ces institutions disposent d'environ 150 places et le but de ces écoles, avec un soutien spécialisé, est de pouvoir réintégrer les enfants dans l'école inclusive, ce qui marche souvent. Une des écoles qu’il a contacté estime à 70 % le taux de rescolarisation. Ces dernières années, selon le postulant, plusieurs de ces institutions ont traversé des périodes de crise majeure qui ont notamment induit des licenciements, des crises d'identité et de la démotivation. Les audits y relatifs ont pu être traumatisants pour certains. Selon le postulant, il y aurait eu des renvois d'enfants précarisés et des arrêts de prestations socio-éducatives.
Selon ses informations, de nombreuses places ont été supprimées ces dernières années ou ne sont pas occupées, malgré une poussée démographique et une fragilisation connue de la santé mentale des enfants de certains milieux. Où sont donc passés les enfants qui occupaient ces places auparavant ? Ont-ils intégré, comme on peut l’espérer, l'école inclusive ? Dès lors, via ce postulat, il demande que le Conseil d'Etat établisse un état de situation sur le rôle de ces internats avec école et sur les missions qu'ils peuvent avoir. Le chef de la Direction générale de l'enfance et de la jeunesse (DGEJ) apporte quelques nuances aux informations contenues dans le postulat. Il n'y a pas trois institutions qui accueilleraient un tiers d'enfants par rapport à leur capacité. À quelques nuances près, ces internats sont pleins. Il s'agit de fondations et institutions subventionnées par l'Etat. Les audits entrepris dans ces établissements ont été menés d'entente avec les conseils de fondation et les comités de direction. Ces audits ont permis d'identifier des dysfonctionnements lourds et de prendre des mesures. Ils ne sont pas le fait d'une méfiance de l'Etat vis-à-vis de ces institutions, mais ont été commandés et menés avec les principaux intéressés, qui ont ainsi pu prendre des mesures.
Le système est saturé et, chaque fois qu'on ouvre des places, elles se remplissent très rapidement, pour autant que l'on dispose du personnel nécessaire. Des indicateurs comme le taux de turnover au sein de la DGEJ sont inquiétants, raison pour laquelle le Conseil d'Etat a annoncé sa volonté de créer dix nouveaux postes d'assistants sociaux à la DGEJ pour soulager le système et assurer la protection des enfants. Quant à la directrice générale de la DGEJ, elle explique que certaines institutions ont vécu des crises et qu'il a fallu déplacer des enfants pour assurer leur prise en charge. De plus, lors de restructurations notamment, il est difficile d'accueillir le maximum d'enfants prévus dans le contrat de prestation. Ces éléments expliquent qu'on se situe légèrement en dessous du nombre d'enfants qui devraient être accueillis dans ces institutions, mais on ne peut pas parler d'une situation où elles n'accueilleraient qu'un tiers des enfants par rapport à leur capacité. Les problèmes de recrutement de personnel justifient une réduction de places dans certaines institutions.
Dans la discussion générale, plusieurs interventions relèvent que, dans son développement, le postulant émet des affirmations qu'il ne partage pas, notamment concernant le soutien de la DGEJ aux institutions concernées, et qu'il dresse une vision très négative de la manière dont certaines de ces institutions rempliraient leurs missions, notamment concernant leur taux d'occupation. Sous réserve de difficultés passagères, ces institutions sont confrontées à des réalités difficiles dans un domaine où les enfants accueillis dans ces internats et écoles spécialisées n'ont pas des profils interchangeables.
On ne peut pas utiliser librement les places libres pour placer des enfants indépendamment de leur profil. Il faut se méfier de ces chiffres où le taux d'occupation n’atteint pas les 100 %. Ce postulat permettra d’obtenir un rapport sur une part importante dans l'édifice de la prise en charge de certains enfants, le rôle et le devenir de ces établissements, ainsi que les modalités de soutien de ces institutions dans le contexte de la mise en place du concept 360°, l'articulation avec ce concept justifiant une clarification. Un certain nombre d'éducateurs se sont engagés dans l'école inclusive, qui intègre de plus en plus d'enfants avec des difficultés, ce qui a pour conséquence qu’il ne reste plus que des cas de plus en plus lourds dans les institutions. Dès lors, se pose la question des moyens supplémentaires à disposition notamment. Par 12 voix contre 2 voix contre et 1 abstention, la commission vous recommande de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d'Etat.
La discussion est ouverte.
Ce postulat s'inscrit parfaitement dans les divers débats que nous avons eus aujourd'hui. Il se veut être une proposition constructive pour améliorer le sort d’enfants en grande difficulté. On l'a dit, les internats avec école spécialisée accueillent temporairement ou non des enfants qui ne peuvent suivre une scolarité normale, malgré les gros efforts de l'école inclusive et qui ne peuvent vivre temporairement dans leur propre famille. Ces institutions sont au nombre de cinq et le nombre de places, comme l’a rappelé Mme Byrne Garelli, est passé de 120 à 101 de 2019 à aujourd'hui. Dernièrement, certaines de ces institutions ont vécu de graves crises et sont toujours sous tension, malgré – M. Godard l’a relevé avec raison – l'immense engagement du personnel, du comité et des diverses personnes qui font marcher ces institutions.
Au-delà de ces cinq institutions, le secteur social du Canton de Vaud est en grande difficulté : manque d'activité, recrutement très difficile, fermeture d'institution, diminution de places et parfois, malgré le concept de l'école inclusive – qu’il faut soutenir – difficulté à maintenir dans l'école des enfants en difficulté, faute d'encadrement. La majorité de la commission l'a bien compris, il est nécessaire et utile de mieux définir le rôle des uns et des autres, notamment celui des internats avec l’école spécialisée ainsi que leur articulation avec l'école et ses services spécialisés, avec les foyers d'accueil, mais aussi avec le milieu ouvert. A l'instar de la grande majorité de la commission, je vous demande de bien vouloir renvoyer ce postulat au Conseil d'Etat.
Le Conseil d'Etat et ses services ont exposé les problématiques en toute transparence, soulignant tout d'abord que certains de ces internats avec école spécialisée ont rencontré des difficultés, nécessitant la réalisation d'audits. Ces audits ont été réalisés en collaboration avec la DGEJ, les conseils de fondation et les comités de direction. Pour améliorer la situation, des mesures ont été mises en œuvre et une révision de la politique socio-éducative est en cours. Cette révision vise à changer de stratégie, en particulier en renforçant les services ambulatoires, afin de répondre aux problèmes structurels identifiés. Certains internats ont dû réduire leur capacité d'accueil, en partie en raison de la pénurie de professionnels et de l'adaptation aux évolutions des normes en vigueur.
En ce qui concerne la revalorisation salariale, le Conseil d'Etat a inscrit, de manière durable, 15 millions dans le budget, ainsi que 15 millions supplémentaires non pérennes destinés à répondre aux propositions des partenaires sociaux. Les besoins en professionnels se font également sentir dans le suivi ambulatoire des familles. Conformément aux recommandations de la Confédération, les assistants sociaux de la DGEJ devraient idéalement gérer un maximum de 50 cas. Cependant, dans le Canton de Vaud, cette moyenne s'élève à 67 cas, voire atteint 85 à 90 cas dans les situations les plus extrêmes. Cette situation ne peut pas perdurer. Le rapport souligne à quel point le Conseil d'Etat est pleinement conscient de la situation et déploie des mesures, ainsi que des ressources, pour relever ces défis, au contraire des propos avancés dans le postulat. Cependant, de nombreuses questions restent en suspens et des solutions doivent être trouvées, conformément à la demande exprimée dans le postulat de notre collègue Marc Vuilleumier. Face à ces deux derniers constats, le PLR est partagé et les votes reflèteront cette diversité d'opinions au sein du groupe.
Depuis quelques années, la situation des internats avec école spécialisée rencontre de gros soucis, soit un nombre de cas en augmentation constante. La DGEJ a pris des mesures urgentes au début d'année afin de renforcer les ressources pour accompagner les mineurs sortant des institutions et de les réintégrer dans leur famille, entre autres. Le personnel est sous stress et sous tension continuelle, ayant trop de cas à gérer. Cela a été dit, pour un travail correct, il est conseillé d'avoir 50 cas par assistant social. D'après la DGEJ, les assistants sociaux doivent gérer en moyenne 67 cas, voire 90 cas dans les situations extrêmes. Le système est sous pression depuis un moment, en raison de la croissance du nombre d'enfants à suivre ces dernières années. La vie a changé et c'est malheureusement un phénomène sociétal.
Les situations familiales sont plus tendues, plus précaires, et malheureusement, ce sont trop souvent les enfants qui en font les frais. Ce postulat demande un rapport sur l'avenir et le rôle des internats avec école spécialisée, en précisant leur prestation dans le cadre de l'école inclusive. On en a parlé précédemment, donc beaucoup de choses ont déjà été dites. Je suis rassurée d'entendre les paroles de MM. Gaudard et Cardinaux, à savoir qu'il faut laisser le temps au Conseil d'Etat de poursuivre son travail et de trouver des solutions. Dans un premier temps, vu que nous sommes dans une situation très préoccupante – et j'espère que l'on trouvera un dénouement rapidement – je vous prie de prendre ce postulat en considération, de le renvoyer au Conseil d'Etat, que je remercie infiniment pour le travail déjà accompli et celui à venir afin de pallier cette problématique et trouver des solutions pérennes.
Je me permets d'intervenir pour corriger un chiffre, s'agissant des places en internat avec école. Ce n’est pas un tiers des places qui a été fermé ces dernières années. D'ailleurs, un tableau figurant dans le rapport de commission le rappelle : nous sommes passés, en 2019, de 120 places à un peu plus de 100 actuellement. C'est une réduction moindre qui s'explique par deux facteurs. Pour le premier, il s’agit de la pénurie de personnel. On en a déjà largement parlé, dix places sont gelées, faute de personnel. Les dix places supplémentaires ont été fermées à la suite d’un changement de directive de l'Office fédéral de la justice. Je le disais tout à l'heure, tous les cantons sont soumis à ces directives. Nous avons donc dû passer de groupes de dix enfants à huit enfants. On dépend aussi d'autres critères de décision qui sont pris ailleurs.
Avec les différents cantons qui partagent cette situation et la tension que nous vivons dans le canton de Vaud, nous faisons en sorte de trouver des assouplissements qui nous permettraient d'avoir un petit peu plus de places dans ces différents établissements. Ce n'est pas pour alléger, pour avoir une qualité moindre au niveau du suivi professionnel dans ces différents établissements, mais mieux vaut un enfant en foyer avec un encadrement un petit peu plus souple qu'un enfant dans une situation de maltraitance. C'est la ligne défendue par le Conseil d'Etat à travers les différentes discussions qu'il peut avoir avec l'Office fédéral de la justice.
A ce stade, le postulat reprend aussi les éléments développés par Mme Byrne Garelli tout à l'heure et s'appuie sur des chiffres quelque peu erronés. Je l'ai dit, si ce Parlement souhaite un rapport, un point de situation sur les internats avec école, le Conseil d'Etat le fera. Cela étant, le Conseil d'Etat va continuer à travailler sur les différents leviers largement évoqués cet après-midi, c'est-à-dire la pénurie de personnel et la libération de nouvelles places dans les foyers et institutions.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération avec quelques avis contraires et abstentions.