21_HQU_28 - Question orale Hadrien Buclin - Le Conseil d’Etat doit suspendre l’application de l’interdiction de la mendicité.
Séance du Grand Conseil du mardi 9 février 2021, point 3.6 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le 19 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme, appelée à se prononcer sur le cas d’une mendiante sanctionnée à Genève, a jugé que l’interdiction de la mendicité n’est pas conforme aux droits fondamentaux. La Cour a écrit : « placée dans une situation de vulnérabilité manifeste, la requérante avait le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse et essayer de remédier à ses besoins par la mendicité ». Il est donc clair que l’interdiction de la mendicité prévue par l’art. 23 de la Loi pénale vaudoise n’est pas conforme au droit supérieur. Dans ces conditions, pourquoi le Conseil d’Etat ne suspend-il pas l’application de l’art. 23 de la Loi pénale vaudoise ?
Transcriptions
Le Conseil d’Etat doit suspendre l’application de l’interdiction de la mendicité
Le 19 janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), appelée à se prononcer sur le cas d’une mendiante sanctionnée à Genève, a jugé que l’interdiction de la mendicité n’est pas conforme aux droits fondamentaux. La Cour a écrit : « placée dans une situation de vulnérabilité manifeste, la requérante avait le droit, inhérent à la dignité humaine, de pouvoir exprimer sa détresse et essayer de remédier à ses besoins par la mendicité ». Il est donc clair que l’interdiction de la mendicité prévue par l’article 23 de la Loi pénale vaudoise (LPén) n’est pas conforme au droit supérieur. Dans ces conditions, pourquoi le Conseil d’Etat ne suspend-il pas l’application de l’article 23 de la LPén ?
Le Conseil d’Etat n’est pas compétent pour suspendre une loi votée par le Grand Conseil. Il ne peut en effet se substituer au législateur pour décider souverainement qu’une loi ne doit pas être appliquée. Quant à l’arrêt de la CEDH, il constate, certes, la violation des articles 8 et 10 de cette convention — respectivement le droit à la préservation de sa dignité et la liberté d’exprimer son désarroi — mais il ne remet pas directement en cause la validité des normes adoptées par les cantons ni d’ailleurs par les communes, qui disposent, pour certaines, de normes interdisant la mendicité dans leur règlement de police. L’arrêt de la CEDH, selon l’analyse faite par le Conseil d’Etat, n’est pas un arrêt d’annulation, comme pourraient l’être ceux du Tribunal fédéral, par exemple. En conséquence, l’article 23 de la LPén est aujourd’hui toujours en vigueur et applicable. Selon l’avis de droit demandé par le Conseil d’Etat, les voies permettant l’annulation des dispositions litigieuses sont soit une demande de révision déposée par les recourants auprès du Tribunal fédéral qui aboutirait à une annulation judiciaire de l’acte attaqué, soit une révision légale décrétée par le législateur cantonal.
Retour à l'ordre du jourJe remercie Mme la conseillère d’Etat pour sa réponse qui ne me convainc pas entièrement. J’entends que le Conseil d’Etat n’a pas la compétence pour suspendre une loi votée par le Grand Conseil, mais, manifestement, après l’arrêt, cette loi est inapplicable en l’état, puisque toute personne qui serait amendée pour mendicité, sur la base de l’arrêt de la CEDH, pourrait faire « sauter » son amende. A mon avis, il faut donc une réaction du Conseil d’Etat. Si ce n’est pas la suspension, le Conseil d’Etat devrait rapidement prendre ses responsabilités en présentant au Grand Conseil une proposition de modification de cette loi qui ne peut pas être maintenue en l’état. Je me réjouis aussi qu’un député du groupe des Verts ait annoncé une motion sur ce thème.