24_HQU_44 - Question orale Graziella Schaller - Menée par un ancien collègue du directeur de la CGN, l'enquête sur l'accident du "Simplon" peut-elle être objective?.
Séance du Grand Conseil du mardi 23 avril 2024, point 3.12 de l'ordre du jour
Texte déposé
Afin d'établir précisément et de manière objective l’enchaînement des événements et du processus ayant conduit à l'accident du bateau " Simplon " du 29 mars 2024, et afin d’établir des responsabilités, il faut mener une enquête externe indépendante.
C'est la volonté exprimée le 30 mars par le canton de Vaud. Or, la CGN s'est empressée de confier l'enquête à "un groupe de quatre experts indépendants", parmi lesquels on trouve un ancien chef de service du Canton de Vaud, qui a été un collègue du directeur actuel de la CGN lorsque ce dernier était également chef de service à l'Etat de Vaud.
Le canton estime-t-il que le groupe des 4 experts nommés par la CGN pourra réellement mener une enquête en toute indépendance, sachant qu'un des experts devra auditer un ancien collègue de travail, qui était chef de service en même temps que lui à l'Etat de Vaud, et qui est maintenant l'actuel directeur de la CGN?
Transcriptions
Département de la culture, des infrastructures et des ressources humaines
Question orale Graziella Schaller – Menée par un ancien collègue du directeur de la CGN, l'enquête sur l'accident du « Simplon » peut-elle être objective ? (24_HQU_44)
Afin d'établir précisément et de manière objective l’enchaînement des événements et du processus ayant conduit à l'accident du bateau « Simplon » du 29 mars 2024, et afin d’établir des responsabilités, il faut mener une enquête externe indépendante.
C'est la volonté exprimée le 30 mars par le Canton de Vaud, au lendemain de l’accident. Or, la CGN s'est empressée de confier l'enquête à « un groupe de quatre experts indépendants », parmi lesquels on trouve un ancien chef de service du Canton de Vaud, qui a été un collègue du directeur actuel de la CGN, lorsque ce dernier était également chef de service à l'Etat de Vaud.
Le canton estime-t-il que le groupe des quatre experts nommés par la CGN puisse réellement mener une enquête en toute indépendance, sachant qu'un des experts devra auditer un ancien collègue de travail, qui était chef de service en même temps que lui à l'Etat de Vaud, et qui est maintenant l'actuel directeur de la CGN ?
Le Conseil d'Etat a suivi, comme vous toutes et tous, avec préoccupation, les événements qui ont conduit à l'important endommagement du bateau Simplon lors du week-end de Pâques. Après l’émotion, place à l'enquête, et le Conseil d'Etat a tenu à s'assurer que l'ensemble des mesures nécessaires étaient prises pour déterminer les responsabilités et évaluer les dégâts. C'est pourquoi j'ai adressé le 4 avril dernier un courrier aux deux représentants du canton au conseil d'administration de la Compagnie générale de navigation sur le lac Léman (CGN), MM. Benoît Gaillard et Marc-Olivier Buffat, leur demandant de se faire les relais du canton auprès du Conseil d'administration pour obtenir des garanties quant au professionnalisme, aux compétences, à la neutralité, à l'indépendance et à la transparence de l'enquête.
Pour cela, j'ai demandé qu'un groupe de plusieurs experts indépendants soit nommé, réunissant des compétences et expertises reconnues et complémentaires, aussi bien en matière de navigation maritime, en particulier sur le lac Léman, qu'en matière d'instruction d'une enquête. Le Conseil d'Etat a pris connaissance du choix de la CGN du groupe de quatre experts désignés. Celui-ci réunit M. Christian Wahl, navigateur genevois chevronné, expert et fin connaisseur incontestable du Léman ; M. Jean-Pierre Mortreux, expert en navigation maritime et fluviale français, notamment auprès des tribunaux ; M. Luc Amiguet, ancien responsable de la sécurité de l'aéroport de Genève et consultant spécialisé en sécurité et gestion de crise, notamment expert auprès du Service suisse d'enquête et de sécurité (SESE) ; ainsi que de M. Jacques Antenen, ancien juge d'instruction et ancien chef de la Police cantonale vaudoise.
La question orale de Mme la députée Graziella Schaller évoque plus particulièrement les liens professionnels passés entre M. Antenen avec le directeur de la CGN, M. Pierre Imhof. Au sein de ce collège d'experts, réunissant des compétences spécifiques et complémentaires, la mission de M. Antenen, en tant qu'ancien juge d'instruction habitué à conduire des enquêtes et des enquêtes pénales, sera de garantir le professionnalisme, la structure et la rigueur de l'enquête. Les aspects métiers sont, eux, de la compétence des autres membres de ce collège. En ce sens, l'expérience et les compétences de M. Antenen répondent parfaitement aux attentes du Conseil d'Etat. Il convient de préciser en outre que la CGN s'est engagée à rendre public le rapport in extenso, et le Conseil d'Etat veillera à ce que cet engagement soit tenu. Il sera évidemment attentif aux conclusions de ce rapport dans le cadre de la haute surveillance qu'il exerce sur la CGN, haute surveillance qu'il n'exerce pas seul, puisque le Conseil d'Etat l'exerce avec les cantons de Genève et du Valais. Le Conseil d'Etat attend donc les conclusions du groupe d'experts et leurs recommandations.
Je vous remercie pour toutes ces informations qui correspondent à ce qu'on a pu lire dans les journaux. Ma question était toutefois un peu différente et j'aimerais y revenir. Pour être claire, n'estimez-vous pas problématique qu'un collègue doive mener une enquête par rapport à un ancien collègue, même si vous assurez qu'il sera indépendant ? Objectivement, comment peut-on mener une enquête auprès de quelqu'un avec qui on a eu des liens professionnels proches ? C'est ce qui m'interpelle et qui interpelle également d'autres personnes. Je ne crois pas que vous ayez répondu à cette question.
Retour à l'ordre du jourJ'avais bien compris votre première question. Je croyais y avoir répondu, mais je vous précise une nouvelle fois que le choix des experts relève de la compétence de la compagnie de transport. Le Conseil d'Etat n'a pas à choisir à la place de la compagnie puisqu'il exerce la haute surveillance et non pas la gouvernance de l'entreprise, pour clarifier exactement les rôles du Conseil d'Etat dans cette affaire.
Par ailleurs, M. Antenen a été choisi, par le biais du conseil d'Administration de la CGN, non pas pour ses compétences d'ancien chef de service, mais bien d'ancien juge d'instruction, qui en tant que magistrat assermenté, a l'habitude de conduire des enquêtes délicates dans le canton de Vaud, lequel est un petit canton. Il est donc évident que les juges d'instruction peuvent parfois être confrontés à des gens qu'ils connaissent. A titre de précision, MM. Imhof et Antenen n'ont jamais siégé dans le même département. Il convient d'ajouter qu'en tant qu'ancien juge d'instruction, M. Antenen a vraisemblablement effectué une pesée des intérêts avant d'accepter le mandat que lui a confié le Conseil d'administration de la CGN. Il a considéré qu'il était apte à le conduire. Je n'ai pas, et le Conseil d'Etat avec moi, à remettre en question son appréciation quant à sa probité et sa garantie d'indépendance pour participer à ce collège.
J'ajoute qu'il ne conduit pas l'expertise seul. C'est aussi une garantie que le Conseil d'Etat a accueillie, puisqu’il s’agit d’un collège d'experts. Ce collège d'experts, vous l'avez entendu, n’est pas vaudois. La plupart exercent d'ailleurs des responsabilités soit à l'intercantonal, soit à l'international, et les compétences métiers de ces trois autres experts sont incontestables aux yeux du Conseil d'Etat vaudois. Leur probité et leurs compétences ne sont pas à remettre en question. J'ajoute qu'ils n'ont jamais eu de lien avec un quelconque membre du Conseil d'Etat. Nous les avons découverts dans le cadre de cette annonce.
Enfin, je tiens à rappeler que la haute surveillance n'est pas exercée uniquement par le Conseil d'Etat vaudois. La compagnie de transport a des actionnaires intercantonaux. Les cantons du Valais et de Genève l'exercent avec le Conseil d'Etat vaudois, ce qui nous donne une garantie d'indépendance quant à l'appréciation des éléments qui figureront dans ce rapport d'experts. La publication publique du rapport in extenso et de ses conclusions et recommandations est de nature à garantir la transparence quant aux éléments qui seront rendus publics. Pour terminer, le Conseil d'Etat se réserve l'appréciation quant aux conclusions et à la nature même du rapport qui sera rendu public. Actuellement, nous sommes dans l'attente de la fin de ce rapport, de la publication de ses conclusions, ainsi que de ses recommandations à l'égard de la compagnie de transport.