23_LEG_179 - EMPD accordant au Conseil d'Etat un crédit d’investissement de CHF 16'870'000.- destiné à financer les impératifs législatifs et stratégiques et les travaux de « Métamorphose 2030 » de la Direction générale de la fiscalité (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 26 mars 2024, point 24 de l'ordre du jour
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourEn préambule, rappelons que le canton doit traiter un nombre croissant de déclarations d'impôts en lien avec l'augmentation de la population. Il doit tenir compte aussi de modifications législatives et intégrer des changements sur le plan numérique en constante évolution. Il s'agit aussi d'anticiper de possibles futures réformes, en particulier le projet d'imposition individuelle des couples mariés qui conduirait, comme on sait, à une forte augmentation du nombre de contribuables.
C'est à ces différents défis que vise à répondre le présent projet d'investissement informatique, porté conjointement par la Direction générale de la fiscalité (DGF) et la Direction générale du numérique et des systèmes d'information (DGNSI). Il s’agit en fait d’une tranche d'investissement, d’une étape au sein d'un projet plus large – Métamorphose 2030 – qui a différents objectifs. Ainsi, il s’agit de :
- l’accompagnement des évolutions législatives, notamment fixées par la Confédération, pour un montant d'environ 3 millions ;
- l’optimisation et la simplification administrative pour l'usager et l'administration pour environ 3,6 millions ;
- l’amélioration et l’extension du centre de stockage de données pour 3 millions ;
- l’extension des fonctionnalités de dématérialisation pour 1,3 million ;
- la première phase du projet Métamorphose 2030 pour 4 millions ;
- et environ 570 000 francs pour l'optimisation des outils du registre foncier.
Les travaux ont débuté en 2021 par deux premiers projets de décret – dont vous vous souvenez peut-être. Cela permettra de mettre en place le socle de base de la future solution informatique. Le Conseil d'Etat a déjà annoncé des projets de décret complémentaires pour le remplacement de l'application de taxation assistée par ordinateur des personnes physiques. Et les premiers éléments d'adaptation qui s’élèvent à 4 millions, pour le socle de base, font partie du présent projet de décret. Quant au remplacement complet de la solution de taxation, elle est estimée à un montant total entre 40 à 50 millions de francs, sachant que l’enveloppe traitée cet après-midi comprend environ 16 millions.
Il s’agit par conséquent d’évolutions législatives importantes qui nécessitent une évolution des outils informatiques. Parmi ces dernières, je rappelle la prise en considération par le Grand Conseil d'un postulat de notre collègue Muriel Thalmann, qui vise à une modification de la loi vaudoise pour supprimer la responsabilité solidaire des époux pour les montants d'impôts impayés au moment de la séparation. Plus récemment, le Grand Conseil a aussi renvoyé directement au Conseil d'Etat une deuxième motion de Mme Thalmann qui impliquerait l'introduction de la double signature, avec probablement une identification plus forte et l'obtention d'un moyen d'identification électronique personnel. Le présent projet de décret ne répond évidemment pas encore à cette question, puisque la motion a été adoptée après sa publication, mais en fonction de la réponse du Conseil d'Etat à cette motion, la question de la double signature pourrait faire partie des travaux préliminaires de la future solution informatique de taxation.
En outre, il faut mentionner :
- des améliorations en matière de gestion des frontalières et frontaliers sur le plan fiscal ;
- une amélioration de l'outil de stockage et d'analyse des données qui doit permettre une meilleure gestion du travail au sein de la DGF ;
- des mesures visant à favoriser la dématérialisation.
Pour le dernier point, le projet de décret va étendre les fonctionnalités de dématérialisation du centre d'enregistrement des déclarations d'impôt pour permettre la numérisation des quelque 2’000 courriers réceptionnés chaque jour et leur intégration dans le système informatique fiscal, déclenchant automatiquement les éventuelles tâches qui en découlent pour les collaboratrices et collaborateurs du service. Sur le plan du registre foncier, l'évolution répond à une obligation fédérale du Service de recherche national d'immeubles de mettre en place une passerelle afin que la Confédération puisse récupérer les données publiques du registre foncier sur la base du numéro AVS.
En conclusion, ce projet de décret répond à des impératifs législatifs et à des situations d'obsolescence technologique, tout en renforçant la volonté de la DGF d'accroître son orientation usager, avec notamment la volonté d'introduire une solution informatique qui traite une conversation humaine – ce qu'on appelle un chatbot – qui sera mise à la disposition des contribuables. Il s’agit par conséquent d’un volume d'investissement de 16,8 millions, mais qui s'intègre dans un projet plus large de 40 à 50 millions que nous voterons par tranche.
J'aimerais ajouter quelques mots de la discussion en commission. Un commissaire a souligné que l'intelligence artificielle avait connu des progrès spectaculaires, et la DGF a confirmé qu'il existe une volonté d'augmenter la taxation automatique, notamment avec des solutions proposées par l'intelligence artificielle. La discussion a aussi porté sur le volume global des investissements informatiques pour la DGF qui, sur une quinzaine d'années, de 2014 à 2030 environ, vont s’élever à près de 100 millions. Cela représente une moyenne de l'ordre de 7 millions par année, un chiffre à mettre en perspective des montants fiscaux perçus d'environ 7 milliards par année. Ainsi, 7 millions d'investissements informatiques n’équivalent finalement qu’à un pour mille des montants que rapporte la DGF à travers son effort de taxation, ce qui relativise les montants en jeu. Un autre commissaire a estimé que le calendrier de réalisation des investissements était très optimiste, puisqu'il prévoit un démarrage des projets dès mars 2024, déjà.
Le Conseil d'Etat a fixé certaines priorités. Par exemple, il souhaite mettre en place les évolutions concernant l'arrêt de la solidarité entre époux au 1er janvier 2025, déjà. Pour les projets édictés par la Confédération, il existe toujours une période transitoire, mais certaines modifications doivent également être mises en place pour 2025.
J’ajoute qu’un commissaire a demandé de pouvoir visualiser une maquette du projet de solution de taxation. Il a été répondu qu’à ce stade ni la DGF ni la DGNSI ne sont en mesure de présenter une telle maquette. Il est toutefois précisé que le système fonctionnera toujours avec des alertes pour le taxateur, notamment en cas d'évolution particulière des montants déclarés. De plus, le système informatique fiscal s'inscrit pleinement dans la stratégie de cyberadministration du canton de Vaud, orientée clients avec une présentation commune à tous les services de l'Etat.
Une discussion a encore porté sur la question des ETP. Au point 3.4 du projet de décret, il est indiqué que ces projets devraient amener des réductions de charges de travail pour les collaboratrices et collaborateurs de la DGF. Pour un investissement de près de 17 millions, les réductions ont été estimées à 2,85 ETP. Un commissaire a trouvé approprié de le mentionner, car très souvent les projets informatiques n'apportent pas d'efficience en termes de charges de travail. En revanche, le fait de passer à une imposition individuelle va certainement engendrer des demandes d'ETP supplémentaires significatives pour la DGF. La conseillère d’Etat a relevé que les systèmes d'information permettent d'absorber l'augmentation du volume de travail de la DGF, due notamment à l'accroissement constant du nombre de contribuables, tant pour les personnes physiques que morales.
Sur un sujet proche, une commissaire s'est étonnée que chaque canton doive dépenser des sommes très importantes pour développer son propre système d'information. Il nous a été répondu que chaque canton admet des spécificités en termes fiscaux, mais qu’il existe un effort de mise en commun et de synergie, notamment à travers la Conférence suisse des impôts qui réunit les 26 autorités fiscales cantonales.
En tant que commission, nous avons encore demandé que le tableau des projets de décret actuels – au point 1.3. de l'exposé des motifs – soit complété d'une colonne qui indique les montants encore disponibles devant permettre de réaliser ce qui reste à faire au niveau des tâches des précédents projets de décret d'investissement votés en 2014, 2018, 2021 et 2022, le volume du « reste à faire » devant correspondre aux moyens financiers encore disponibles. L'administration fiscale nous a transmis ces renseignements complémentaires ; vous les trouverez dans mon rapport. Ces informations permettent d'assurer que le présent crédit d'investissement de 16,8 millions ne serve pas à financer des dépassements des projets précédents ou à réaliser des modules non développés. J'espère ne pas avoir été trop long, mais vous constaterez aisément que ce projet de décret volumineux touche à une multitude de sujets différents. J'ai cherché à être synthétique, mais cette matière reste tout de même assez indigeste.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Le parti socialiste soutient ce projet qui vise notamment à adapter les évolutions législatives et les impératifs fixés par la Confédération, et en profite pour adapter et moderniser l'accès au système de taxation des personnes physiques assisté par ordinateur. Ce nouveau système de taxation permettra, entre autres, de prendre en compte l'accord avec la France concernant le télétravail et de préparer la possibilité d'établir une imposition individuelle pour les couples, dès que la législation le prévoira.
La performance du système devrait permettre d'absorber la charge supplémentaire qu’il générera. L'adaptation vaudoise en lien avec le coefficient familial devra encore être affinée. Il est également à noter que la dématérialisation se fera automatiquement grâce à l'intelligence artificielle ; c’est une véritable innovation en matière de gestion électronique des dossiers. Nous saluons également le partage des informations avec le Registre foncier, afin de pouvoir vérifier de manière automatique la possession de biens immobiliers dans d'autres cantons, ce qui potentiellement permettra également de lutter contre des fraudes.
Nous sommes heureux de la fin de la solidarité fiscale entre les ex-conjoints, dès 2025, dont il a pu être démontré qu'elle ne respectait pas l'égalité homme-femme. Nous regrettons cependant qu'il ne soit pas possible de mettre en place un moratoire sur les situations en cours et sur la non-obligation de la double signature. Nous constatons enfin que cela ne simplifie pas encore totalement les déclarations d'impôt des personnes taxées à la source, notamment en ce qui concerne la modification des acomptes. Excepté ces points de réserve, le parti socialiste soutiendra très largement l'entrée en matière de ce projet d'investissement de 16'870’000 francs appelé Métamorphose 2030.
Les logiciels et les équipements informatiques de la DGF n'ont pas loin de 20 ans. Grâce à Métamorphose 2030, les services de l'administration fiscale devraient être plus accessibles et efficaces. Le nouvel outil implique des mesures de sécurité avancées. Il devra être évolutif et flexible. Dans ce cadre, il s'agit de sécuriser l'ensemble du processus d'organisation avec une technologie récente et robuste. En 23 ans, le nombre des personnes physiques taxées a crû de 40 %, et le nombre des personnes morales – pour l'essentiel des entreprises – a doublé. Comme l’a partiellement dit le rapporteur, si nous introduisons ces prochaines années l'imposition individuelle – un souhait très clair – ce sont 160’000 taxations supplémentaires avec lesquelles il faudra compter. Oui, l'intelligence artificielle devrait permettre des solutions plus performantes ces prochaines années, et la DGNSI a clairement ouvert des domaines d'innovation qui permettraient certaines performances.
Nous avons été très heureux de lire la note de la DGNSI envoyée à la commission après la réunion. J'en cite deux passages qui me paraissent d'importance : « En 2020, le secteur du numérique représentait près de 4 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, ainsi qu'environ 10 % de la consommation mondiale d'électricité. » Et ensuite : « Les projets présentés impliquent certes une hausse de la consommation d'énergie nécessaire aux nouveaux services numériques, mais ils permettent dans le même temps une réduction des échanges papier et électroniques, des courriels, ainsi que l'optimisation de l'espace de stockage numérique. » Il s'agit donc de viser l'efficacité et l'accès des contribuables.
En commission, Mme la conseillère d'Etat Valérie Dittli a promis de la bienveillance et de la facilité dans les courriers de l'administration fiscale. Et même si nous n’en sommes pas encore aux « Facile à lire et à comprendre (FALC) », c'est un pas dont nous nous réjouissons. Enfin, le groupe des Verts vous invite à entrer en matière et à approuver le décret.
Le groupe UDC soutiendra également ce projet de décret. Je ne vais pas répéter ce que nous a dit le président de commission dans son rapport très complet et intéressant, ni les propos de mes préopinants. Simplement, la modernisation des installations amènera une efficience et un développement accru des synergies et permettra peut-être aussi, via cette modernisation, de faire diminuer un peu le nombre du personnel, ce que nous espérons.
J'aimerais saluer le rapport très complet du président de la commission et je vous invite à le lire si vous voulez saisir ce que comprend ce projet de décret. Vu la complexité et la densité de l’information, je remercie infiniment son auteur. J'aimerais tout de même relever deux choses déjà évoquées : d’une part, il est prévu de revoir le système afin de mettre fin à la solidarité fiscale entre époux ; ces nouveaux outils vont donc permettre de corriger une injustice qui dure depuis trop longtemps et qui a mis de nombreuses femmes dans des situations financières très compliquées. D’autre part, nous invitons le département à appliquer ce qu'il a évoqué en commission, c'est-à-dire à développer des outils efficaces, mais aussi accessibles et conviviaux, en particulier pour la population qui n'est pas à l'aise avec l’informatique, ainsi qu’à utiliser autant que possible le fameux langage FALC dans les nouveaux outils informatiques. Le groupe vert’libéral acceptera ce projet et vous invite à en faire de même.
Je suis heureuse d'apprendre que le dossier relatif à l'extinction de la co-solidarité fiscale entre conjoints semble enfin voir le bout du tunnel. Dans sa réponse – qui lui avait par ailleurs été renvoyée – le Conseil d'Etat avait indiqué qu'il fallait attendre l'introduction de l'imposition individuelle au niveau fédéral pour procéder à toute modification du logiciel informatique. Je constate qu'il ne faut plus attendre 4 à 5 ans pour lancer ces travaux, et cela me réjouit. Le Conseil d'Etat devra aussi intégrer les deux signatures obligatoires : celles de l'épouse et de l'époux, lorsqu'un couple marié remplit sa déclaration d'impôt par voie électronique. Je rappelle qu'il s'agit ici d'une obligation fédérale et que cette modification ne peut pas attendre. Je remercie donc la conseillère d'Etat de veiller à ce que ces deux évolutions informatiques soient intégrées au plus vite dans le projet Métamorphose afin qu'elles deviennent effectives au plus vite.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Le projet de décret est adopté en premier débat à l'unanimité.
Je demande le deuxième débat immédiat.
Retour à l'ordre du jourLe deuxième débat immédiat est admis à la majorité des trois quarts (109 voix contre 1 et 13 abstentions).
Deuxième débat
Le projet de décret est adopté en deuxième débat et définitivement.