21_HQU_115 - Question orale Yves Paccaud - Le DEIS a-t-il renvoyé un jeune requérant afghan sans garantie pour sa sécurité?.
Séance du Grand Conseil du mardi 14 décembre 2021, point 3.2 de l'ordre du jour
Texte déposé
En premier lieu, je déclare mes intérêts : je suis membre de la Ligue suisse des droits de l’homme et d’Amnesty international.
Le 12 octobre dernier, le Grand Conseil a adopté la résolution présentée par Mme la députée Carine CARVALHO qui demandait que "Vu la dégradation de la situation humanitaire en Afghanistan, le grand Conseil demande au Conseil d’État d’intervenir auprès des autorités fédérales pour accorder le statut de réfugié à tout·e·s les Afghan·e·s présent·e·s en Suisse, plus particulièrement aux personnes vulnérables (femmes, enfants, familles...), et pour faciliter le droit au regroupement familial, notamment pour les femmes et les personnes employées récemment par les organismes occidentaux". Une semaine plus tard, vingt cyclistes afghanes bénéficiaient d’un geste humanitaire bienvenu salué par nos Autorités.
Toutefois, quinze jours plus tard, soit le 4 novembre dernier, Jawid, jeune réfugié Afghan de 27 ans, a été arrêté en territoire vaudois par la gendarmerie.
Ce jeune homme avait fui son pays en 2015 pour demander l’asile en Suède. Malgré un gros effort d’intégration, il a été débouté. Il est arrivé en Suisse le 1er octobre 2020 afin d’y rejoindre une sœur qui y vit. Depuis son arrestation, il a été incarcéré jusqu’au 10 novembre d’où il a été renvoyé, étant un « cas Dublin », par vol spécial dans son premier pays « d’accueil ».
Son avocate commise d’office, quand il se trouvait à Frambois, n’a pas eu le temps de déposer un recours.
En conséquence, j’ai l’honneur de poser au Conseil d’Etat la question suivante :
En renvoyant le 10 novembre un jeune réfugié Afghan de 27 ans en Suède par vol spécial, le DEIS a-t-il reçu des garanties des autorités suédoises qu’il ne sera pas renvoyé dans son pays natal ?
Transcriptions
Question orale Yves Paccaud - Le DEIS a-t-il renvoyé un jeune requérant afghan sans garantie pour sa sécurité ? (21_HQU_115)
En premier lieu, je déclare mes intérêts : je suis membre de la Ligue suisse des droits de l’homme et d’Amnesty International.
Le 12 octobre dernier, le Grand Conseil a adopté la résolution présentée par Mme la députée Carine Carvalho qui demandait que « Vu la dégradation de la situation humanitaire en Afghanistan, le Grand Conseil demande au Conseil d’Etat d’intervenir auprès des autorités fédérales pour accorder le statut de réfugié à tout-e-s les Afghan-e-s présent-e-s en Suisse, plus particulièrement aux personnes vulnérables (femmes, enfants, familles...), et pour faciliter le droit au regroupement familial, notamment pour les femmes et les personnes employées récemment par les organismes occidentaux. » Une semaine plus tard, vingt cyclistes afghanes bénéficiaient d’un geste humanitaire bienvenu salué par nos autorités.
Toutefois, quinze jours plus tard, soit le 4 novembre dernier, Jawid, jeune réfugié afghan de 27 ans, a été arrêté en territoire vaudois par la gendarmerie. Ce jeune homme avait fui son pays en 2015 pour demander l’asile en Suède. Malgré un gros effort d’intégration, il a été débouté. Il est arrivé en Suisse le 1er octobre 2020 afin d’y rejoindre une sœur qui y vit. Depuis son arrestation, il a été incarcéré jusqu’au 10 novembre, date à laquelle il a été renvoyé, étant un « cas Dublin », par vol spécial dans son premier pays « d’accueil ».
Son avocate commise d’office, quand il se trouvait à Frambois, n’a pas eu le temps de déposer un recours. En conséquence, j’ai l’honneur de poser au Conseil d’Etat la question suivante : en renvoyant le 10 novembre un jeune réfugié afghan de 27 ans en Suède par vol spécial, le DEIS a-t-il reçu des garanties des autorités suédoises qu’il ne sera pas renvoyé dans son pays natal ?
Il convient tout d’abord de rappeler qu’en matière d’asile, seules les autorités fédérales, à savoir le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) et le Tribunal administratif fédéral (TAF), en sa qualité d’autorité de recours, sont compétents pour instruire une demande d’asile, octroyer la qualité de réfugié, prononcer une admission provisoire ou rendre une décision de non-entrée en matière, de renvoi ou de transfert. Les cantons ne disposent d’aucune alternative légale à leur obligation d’exécuter les décisions fédérales de renvoi ou de transfert vers un Etat partie aux accords de Dublin. Ils ne sauraient en particulier remettre en cause les décisions du pouvoir judiciaire des autorités de rang supérieur sans se trouver en contradiction avec les principes mêmes de notre Etat de droit.
Or, dans le cadre de la décision fédérale de non-entrée en matière et de transfert du requérant afghan dont vous faites mention, monsieur le député, tant le SEM que le TAF ont relevé que la Suède applique les dispositions de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, de la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967.
Ces autorités fédérales ont dès lors conclu que la Suède est présumée respecter la sécurité des personnes requérant l’asile et, en particulier, leur droit à l’examen, selon une procédure juste et équitable, de leur demande, et leur garantir une protection conforme au droit européen et international applicable. Le SEM et le TAF ont également conclu qu’il n’y a pas lieu de considérer que ce pays connaîtrait des défaillances systémiques au sens de l’article 3, paragraphe 2, alinéa 2 du règlement Dublin III. Au surplus, comme vous le savez sans doute, monsieur le député, en votre qualité de membre de la Ligue suisse des droits de l’homme et d’Amnesty International, la Suède fait partie des trois premiers Etats européens avec la Finlande et la Norvège – donc avant la Suisse – à avoir, en date du 12 juillet 2021, suspendu les renvois en Afghanistan. Ils ont été suivis par d’autres gouvernements dont celui de la Suisse qui a annoncé cette mesure le 12 août 2021. De surcroît, le ressortissant dont nous parlons a vécu 5 ans en Suède et 13 mois en Suisse.
Retour à l'ordre du jourJe n'ai pas de question complémentaire. Je vous remercie.