18_MOT_054 - Motion François Cardinaux et consorts - Modifions la loi cantonale sur les impôts communaux, afin de sortir les monuments et les musées inscrits dans une loi cantonale ou appartenant à l'Etat de Vaud du champ d'application de l'article 31 LICom.

Séance du Grand Conseil du mardi 16 mars 2021, point 50 de l'ordre du jour

Texte déposé

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Transcriptions

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Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Le motionnaire, par ailleurs président des Amis de Chillon, propose d’exonérer les institutions patrimoniales propriétés de l’Etat de Vaud et soumises à la Loi sur le patrimoine mobilier et immatériel de l’impôt sur les divertissements — donc principalement les monuments et les musées — pour les raisons suivantes :

-          l’impôt sur le divertissement visait à l’origine les manifestations dites « de luxe » ;

-          cet impôt est aujourd’hui prélevé par seulement 55 communes ;

-          cet impôt s’ajoute aux charges de l’Etat de Vaud, qui est déjà chargé de la mise en valeur des monuments et des musées cantonaux.

Le Conseil d’Etat soutient le motionnaire, pour les raisons suivantes :

-          les subventions qu’il verse à ses institutions patrimoniales servent finalement à financer la taxe sur le divertissement et conduisent à la réduction des prestations offertes par les institutions cantonales ;

-          moins d’un tiers des communes vaudoises prélève encore l’impôt sur les divertissements, soit 88 communes, alors que certaines introduisent, en parallèle, des subventions ciblées pour soutenir certaines manifestations privées ;

-          l’impact de cette exonération sera négligeable vu qu’elle ne concerne pas les discothèques et les cinémas.

Les membres de la commission ont regretté le peu d’informations mises à leur disposition, notamment :

-          l’absence de toute estimation de l’impact réel de cette motion sur les communes et sur le canton ;

-          l’absence de l’inventaire des institutions touchées ;

-          l’absence de la conseillère d’Etat en charge de la culture, domaine auquel il a été fait abondamment référence en cours de séance.

Les membres de la commission amènent les compléments suivants :

-          la présence d’un monument ou d’un musée cantonal entraîne d’importantes charges annexes pour les communes qui les abritent, avec la mise à disposition d’infrastructures d’accès, de parkings, de la gestion des déchets, etc., mais aussi la génération de nuisances comme le trafic, le bruit ou encore le littering, ainsi que de contraintes patrimoniales dans le cadre de certains projets ;

-          l’exonération des institutions patrimoniales cantonales impactera les recettes de communes qui doivent cependant financer l’entier des infrastructures accompagnant, entourant et valorisant les espaces patrimoniaux cantonaux sur leur territoire ;

-          les monuments et musées cantonaux bénéficient aussi d’investissements et de subventions communaux;

-          les recettes de la taxe de divertissement permettent de réduire le prix des billets et d’offrir un meilleur accès à la culture dans les villes-centres ;

-          les communes sont autonomes et détiennent la compétence de maintenir ou d’abroger l’impôt sur les divertissements, alors que d’autres sont d’avis que l’aspect culturel l’emporte sur l’autonomie communale.

La discussion a mené aux constats ci-dessous : l’exonération des institutions patrimoniales inscrites dans une loi cantonale ou appartenant à l’Etat de Vaud de l’impôt sur le divertissement :

-          porte atteinte à l’autonomie communale, alors que la loi actuelle présente l’avantage de laisser l’appréciation aux communes, qui sont libres de percevoir l’impôt sur le divertissement ou non, de l’augmenter, de fixer un forfait, etc. ;

-          viole l’égalité de traitement, les organisateurs privés continuant à payer l’impôt ; ce qui génère une inégalité de traitement entre les spectateurs, certaines manifestations pouvant avoir lieu dans différents lieux dans une même commune — par exemple, concert donné dans une église, exonéré de l’impôt sur le divertissement et dans une salle de concert non exonérée de l’impôt sur le divertissement ;

-          met en péril une offre culturelle qui ne couvre pas ses frais et qui existe grâce aux subventions communales, alimentées notamment par les revenus de taxe sur le divertissement ;

-          aura un impact important sur les communes qui investissent largement dans la culture ;

-          touchera non seulement les institutions cantonales, comme le Pôle Muséal et la Château de Chillon, qui ont été abondamment cités durant la discussion, mais aussi d’autres institutions comme les musées privés.

Le motionnaire ayant refusé de transformer sa motion en postulat, la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre en considération cette motion par 8 voix contre 5.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Cette motion pose un problème très intéressant pour l’Etat de Vaud. En effet, les subventions que paie l’Etat aux institutions, qui sont concernées par cette motion, partent souvent intégralement dans le paiement de l’impôt sur les divertissements à la commune du lieu où se trouve l’objet patrimonial, alors même que les communes ne participent pas ou peu au financement et aux investissements nécessaires à la bonne marche de ces institutions, dans un certain nombre de cas. La minorité considère que la question soulevée mérite une réponse de la part du Conseil d’Etat, qui estime lui-même que la situation est problématique, puisque certaines subventions payées à des institutions repartent en impôts sur les divertissements à la commune.

Lors de séance de la commission, il a été soulevé que l’impact produit par l’acceptation de cette motion sur les finances des communes demeurait inconnu, qu’il s’agissait d’abord d’identifier les institutions touchées et l’impôt sur le divertissement dû par ces dernières. Cela devrait être examiné en regard des subventions payées aussi bien par l’Etat que par les communes à ces institutions. La possibilité d’exonérer de l’impôt communal sur les divertissements certains monuments ou institutions phares de l’Etat bénéficiant de subventions cantonales doit pouvoir être discutée, car il existe un problème établi. Nous aurions souhaité recevoir des chiffres avant de nous prononcer définitivement sur la motion, ce que la majorité n’a pas accepté. Par conséquent, la minorité de la commission considère que la motion doit être envoyée au Conseil d’Etat pour que ce dernier puisse en déterminer l’impact.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Cette motion demande de modifier la Loi cantonale sur les impôts communaux (LICom ) afin de sortir les monuments et les musées, inscrits dans la loi cantonale ou appartenant à l’Etat de Vaud, du champ d’application de l’article 31 de la LICom. Toutefois, le motionnaire précise ne pas vouloir abroger cet article, mais uniquement exonérer de l’impôt sur les divertissements des institutions patrimoniales propriétés de l’Etat de Vaud soumises à la Loi sur le patrimoine mobilier et immatériel.

L’acceptation de cette demande pourrait avoir des répercussions financières plus ou plus ou moins importantes. En effet, certaines communes possèdent sur leur territoire des musées ou des monuments d’importance capitale. Certaines de ces manifestations de grande envergure génèrent des sommes importantes, bienvenues pour les communes, qui très souvent redistribuent par voie de subventions cet argent aux associations ou aux sociétés sises sur leur territoire. De plus, les communes concernées par cet encaissement d’impôt sur les divertissements choisissent ou non d’exonérer lesdites manifestations. Il n’est par conséquent pas logique de prendre d’un côté et de redonner de l’autre, générant un mouvement d’argent et administratif inutile et coûteux. Une fois de plus, par cette demande, il est touché à l’autonomie communale à laquelle je suis très sensible et très attachée. Pour cela, je vous remercie de ne pas prendre en considération cette motion.

M. Vincent Keller (EP) —

Notre collègue, François Cardinaux, propose une motion demandant de sortir les institutions patrimoniales appartenant à l’Etat du champ d’application de la LICom avec pour argument principal que les subventions de l’Etat partiraient pour tout ou partie du montant dans le paiement de l’impôt sur les divertissements. Le député François Cardinaux pense d’abord, probablement, à l’un des monuments les plus emblématiques : le Château de Chillon. Il le connaît bien en tant que local de l’étape. Pourtant, les institutions patrimoniales vaudoises ne se limitent pas à la prison d’un autre François, par tant s’en faut.

Il est particulièrement piquant de traiter la motion d’un député membre d’un parti qui combat, par exemple, une initiative pour un taux unique avec pour seul argument que cette initiative constituerait une attaque frontale contre l’autonomie communale — que n’avons-nous pas entendu dire à ce propos ! — alors que cette motion équivaut à une réelle attaque frontale contre ladite autonomie communale. En supprimant les subventions cantonales aux institutions propriétés de l’Etat, nous priverions les communes concernées de recettes nécessaires pour fournir des prestations culturelles, ceci dans un contexte très délicat, notamment lié à la mise en œuvre de la troisième réforme de l’imposition des entreprises (RIE III) qui, nous le rappelons depuis fort longtemps, va priver les communes de revenus gigantesques — si ce n’est pas déjà le cas. Au lieu de soutenir les communes qui investissent déjà de manière massive, je pense évidemment à Lausanne, exemple cantonal en la matière pour l’entier de ce canton, cette motion dangereuse priverait les communes de financements importants et mettrait en péril l’accès pour toutes et tous à la culture.

A Lausanne, en 2010, le PLR, parti du député Cardinaux, a déjà tenté d’annihiler la culture en souhaitant la suppression de l’impôt sur les divertissements. La réponse de la population fut cinglante : non à 66 %. Chers membres du PLR, n’utilisez pas le Grand Conseil pour imposer aux 150’000 habitants de Lausanne ce dont ils ne veulent pas, comme vous l’avez déjà fait avec la mendicité. Essayez plutôt de respecter l’autonomie communale, car les Lausannoises et les Lausannois, notamment, veulent qu’un impôt sur le divertissement soit perçu, ils veulent conserver leur autonomie communale, une politique publique de la culture.

Appelons un chat un chat, cette motion constitue une attaque frontale contre la culture, un coup de poignard dans le dos de ces magnifiques institutions culturelles, un coup de poignard contre les communes qui les soutiennent financièrement et, enfin, un coup de poignard contre l’autonomie communale. Cette motion ne veut ni plus ni moins que la fin de la culture subventionnée par la collectivité, et ses auteurs et supporters ne souhaitent qu’une chose : que la culture devienne une activité privée accessible à quelques nantis capables de payer de lourds frais d’entrée dans les institutions privées. Par conséquent, le groupe Ensemble à Gauche et POP suivra la majorité de la commission et votera le classement de la motion, tout en vous recommandant d’en faire de même.

Mme Christine Chevalley (PLR) —

Si je peux parfaitement comprendre que cet impôt puisse paraître désuet, je témoigne tout de même — et je déclare mes intérêts comme syndique de Veytaux, siège du Château de Chillon — de l’importance que revêt cet impôt pour les communes, et le choix qui est laissé à ces dernières de l’appliquer ou non. Veytaux a, dans son arrêté d’imposition, une taxe sur le divertissement, comme l’y autorise l’article 31 de la LICom. Les communes peuvent percevoir un impôt frappant les divertissements publics payants qui sont organisés sur leur territoire, ceci depuis de nombreuses années.

Pendant de nombreuses années — je n’ai pas retrouvé la modification de la taxe depuis 1994, date de mon entrée à la municipalité — la taxe était de 70 centimes par entrée. Confrontée, comme de nombreuses autres petites communes, à des difficultés pour équilibrer son budget, la municipalité a prévu, parmi d’autres mesures — et j’insiste sur ce terme — d’augmenter la taxe de 30 centimes par entrée, fixant ainsi la taxe à 1 franc par visiteur, dès le 1er janvier 2018.

Nous pourrions certes ouvrir le débat sur une taxe au pourcentage ; pourquoi cela n’a-t-il pas été réfléchi ainsi ? Je l’ignore, je n’y étais pas. En effet, une taxe au pourcentage aurait permis une adaptation de celle-ci au fur et à mesure de l’augmentation des prix des entrées, et nous ne serions certainement pas aujourd’hui occupés à mener ce débat, répondant ainsi à la réaction de la direction du château et du Conseil de fondation dans lequel, par ailleurs, je siège.

Durant l’année 2020, alors que la direction et le Conseil de fondation demandaient la suppression de la taxe pour raison de COVID, la municipalité n’a pu qu’aller à la hauteur de sa compétence municipale, soit 25’000 francs, qu’elle a rétrocédés à la fondation, puisque la décision de cet impôt est du ressort du Conseil communal. Dans le même sens, il faut également relever que lorsque le Conseil de fondation ou l’organisateur d’une manifestation culturelle au sein du château en fait la demande, la municipalité décide régulièrement de l’exemption de la taxe. Ceux qui restent assujettis à la taxe sont essentiellement les touristes venant visiter le château et pour lesquels un franc de plus ou de moins n’a aucune influence sur leur budget. Dans le rapport des comptes des dernières années — avant le COVID — du Château de Chillon, nous pouvions constater que les visiteurs étrangers représentaient environ 75 % des entrées. On peut imaginer que ce n’est pas avec une augmentation d’un franc du prix du billet que les touristes renonceront à visiter ce site. Par contre, pour la vie de la commune et ses frais inhérents, cette taxe est essentielle.

Veytaux n’a pas choisi d’avoir ce château sur son territoire ; si cela est certes une fierté, cela représente aussi un coût. En effet, les différents frais liés aux transports publics ou à l’entretien des routes pour accéder au château sont entièrement payés par la commune. Pour rappel, les frais liés aux transports publics portés au budget 2021 s’élèvent pour Veytaux à plus de 400’000 francs. Il serait du reste intéressant de connaître et de chiffrer le nombre d’usagers qui se rendent uniquement au château. Je ne possède pas cette statistique. Toutefois, pour les six arrêts de la commune sur les 1,6 km de route cantonale, la desserte Chillon pèse un certain poids. En outre, les études actuellement en cours conduites par le canton pour le réaménagement de la RC 780 — même si les travaux permettront une magnifique mise en valeur du site — entraîneront des coûts très importants pour la commune, en tant que commune territoriale. Selon les articles 54 et 56 de la Loi sur les routes, sans Chillon sur son territoire, Veytaux n’entreprendrait jamais de tels investissements.

En matière de police des constructions également, la présence du château n’offre pas que des avantages. En effet, les propriétaires situés aux abords de celui-ci rencontrent des difficultés supplémentaires, lors de projets d’aménagement sur leur parcelle ou de réfection de leur bâtiment. Pour preuve, la municipalité a dû ressortir la zone En Repremier Grandchamp de la révision de son Plan général d’affectation (PGA) pour éviter de bloquer les procédures. En ce qui concerne la parcelle du Clos de Chillon, sur une dizaine d’années de procédure juridique, la municipalité a dû engager près de 100’000 francs de frais d’honoraires pour défendre la possibilité de construire sur cette parcelle.

Vous l’aurez compris, cette taxe aide la commune dans le maintien de ce site d’envergure nationale. En cas de suppression de la possibilité de percevoir cette taxe, ses actions seront limitées, tout comme le seraient les différentes actions en faveur de la culture régionale. Ceci étant encore un autre sujet, puisque, jusqu’à présent, mes propos n’ont concerné que Veytaux. Je déclare d’autres intérêts, je préside aussi, au sein de l’Union des communes vaudoises (UCV), le Groupe Bourgs & Villages aux yeux duquel cette motion représente clairement une atteinte à l’autonomie communale. La loi actuelle, à l’article 31, présente l’avantage de laisser l’appréciation aux communes, chacune étant libre de percevoir ou non un impôt sur les divertissements, de l’augmenter ou de fixer un forfait. De plus, l’exonération des institutions patrimoniales inscrites dans la loi cantonale ou appartenant à l’Etat de Vaud mettrait à mal l’égalité de traitement, car les petits organisateurs privés, eux, continueraient à payer l’impôt, un élément véritablement inéquitable. En conclusion, je vous demande de rejeter cette motion, comme le préconise le rapport de la majorité de la commission.

M. Jean Tschopp (SOC) —

J’ai convoqué mes souvenirs les plus anciens en politique pour voir l’image de Gilles Meystre, fringant, mais défait, dans son gilet jaune, lors d’une campagne qui avait animé la ville de Lausanne et qui demandait, comme l’a rappelé M. Keller, la suppression de la taxe sur les divertissements. 11 ans après, ce sujet refait surface. M. Cardinaux essaie de nous convaincre qu’en s’attaquant aux institutions patrimoniales cantonales, il ne s’agirait en réalité que d’une petite partie du produit de cet impôt ; loin s’en faut. J’attire votre attention sur le rapport de majorité de notre collègue Muriel Thalmann, qui liste, pour la ville de Lausanne, l’ensemble des institutions patrimoniales cantonales concernées : la Cathédrale, l’Eglise Saint-François, la salle Métropole, la Cinémathèque suisse, le Casino de Montbenon, le Théâtre de Beaulieu, l’Opéra, le Théâtre de Vidy, l’Aula des Cèdres, le Musée des beaux-arts, le Musée d’archéologie et d’histoire, le Musée de géologie, le Musée et jardin botanique, le Musée monétaire, le Musée de zoologie, le Musée historique, le Musée des arts décoratifs, le Musée de l’Elysée, le Musée de la main, le Musée archéologique, le Musée des inventions, la Fondation de l’Hermitage, le Musée olympique et Aquatis. En d’autres termes, c’est près de la moitié du produit de cette taxe dont seraient privées les communes qui, comme Lausanne et d’autres concernées — 88 communes selon le rapport de majorité — seraient retenues dans leur financement pour contribuer à une politique culturelle ambitieuse faisant le rayonnement et la notoriété de notre canton. Et, qui est aussi, en l’absence de reconnaissance des charges des villes centres, un moyen pour les nombreux Vaudois et tous les visiteurs de nos musées et de nos institutions culturelles de contribuer à financer une politique culturelle ambitieuse.

En conclusion, au nom du groupe socialiste, je vous invite à rejeter cette motion. Et, après avoir entendu la syndique de Veytaux, nous sommes tentés de dire à notre collègue Cardinaux que le président des Amis du Château de Chillon aurait été bien inspiré de s’adresser à la syndique qui héberge ledit château. Car, après l’avoir entendue, nous sommes d’autant plus convaincus du bien-fondé du rejet de cette motion.

M. François Cardinaux (PLR) —

Permettez-moi de tordre le cou à certains propos qui viennent d’être exprimés ! D’abord, je ne suis pas opposé à la taxe communale sur les divertissements. Ensuite, aucune violation de l’autonomie communale ne prévaut, mais plutôt une volonté claire et nette d’arrêter ce que j’appelle la transparence opaque. En effet, tout le monde désire la transparence ; mais aujourd’hui, d’une part, avec la loi que nous avons votée en 2015, nous avons fourni un instrument fort à notre canton, qui permet d’aider les monuments patrimoniaux — ce qui est tout à fait pertinent — et, d’autre part, sur ces mêmes objets, l’argent ne va pas au bon endroit.

Je demande simplement à ce que l’argent que nous avons mis à disposition aille véritablement au bon endroit. En effet, il n’est pas normal, quelle que soit l’institution, qu’on fasse quelque chose pour la Cathédrale de Lausanne et que derrière l’argent soit repris par le biais de la même Cathédrale de Lausanne. Si je prends l’exemple du Château de Chillon, puisque nous en avons longuement parlé, il reçoit grosso modo 250’000 francs. Or, dans les bonnes années, 400’000 francs ressortent. Ce ne sont pas les 400’000 qui me gênent, mais les 250’000 qui sont destinés à un effet tout à fait précis prévu par l’article 31. Les institutions patrimoniales ne peuvent pas être utilisées pour un autre objet.

Voilà ce que je demande. Ceux qui me reprochent de détruire l’autonomie communale font fausse route. Si le Grand Conseil donne de l’argent, il doit aller à cette destination, non pas, comme le disait un préopinant, à une politique ambitieuse de la culture. Je ne vois pas pourquoi l’argent serait dévié de son but.

Enfin, si j’ai déposé une motion, c’est parce que le Conseil d’Etat est tout à fait apte à s’adresser à nous pour nous communiquer ce qu’il conçoit comme adéquat. Même le rapport de majorité montre que le Conseil d’Etat se trouve dans un certain embarras. Il nous incombe donc d’aller plus loin et de faire en sorte de renvoyer cette motion pour que nous puissions obtenir une certaine clarté. Et, cessez de me dire que je m’oppose à l’autonomie communale !

M. Pierre Zwahlen (VER) —

Il est vrai que cette motion met en péril la diversité de l’offre culturelle pour l’ensemble des Vaudoises et des Vaudois et, également, pour le tourisme. A Lausanne — un exemple que certains dans cette salle apprécient peut-être moins — 70 % des visites et des visiteurs ne sont pas Lausannois, mais Vaudois, des confédérés ou des touristes venus de l’étranger. Avoir plus d’une vingtaine de monuments et de musées, de théâtres, d’aulas, qui accueillent — ou accueilleront bientôt — des spectacles, des expositions et d’autres manifestations est une chance. Rien que pour Lausanne, cela représente 2,5 millions de francs par année. Evidemment, ces recettes peuvent être reportées sur les contribuables, mais beaucoup de communes se sont mises ensemble pour s’adresser à certaines et certains d’entre nous et communiquer leur inquiétude. Il s’agit, et vous reconnaîtrez des lieux patrimoniaux importants, de la commune d’Aigle, d’Ecublens, de Jorat-Mézières, de Lavey-Morcles, de Moudon, de Payerne, de Renens, de Romainmôtier-Envy, de Servion et, bien sûr, de Veytaux. Pour ces communes, il n’était pas superflu de se réunir pour nous dire que l’autonomie communale était douloureusement touchée par cette motion et qu’il s’agissait de la rejeter.

Mme Circé Fuchs (V'L) —

Pour nous, trois aspects sont importants. Enlever les monuments cantonaux et les musées appartenant au canton aura un impact sur les finances communales, comme l’on dit plusieurs de mes préopinants. Car, à l’heure actuelle, la taxe perçue par les communes permet d’entretenir non seulement les alentours de ces bâtiments touristiques, mais aussi les parcs automobiles, les voies d’accès, en bref toutes les infrastructures utilisées par les visiteurs, mais à la charge des communes.

En outre, nous sommes favorables à laisser le choix aux communes de prélever ou non cet impôt, car les bâtiments sont situés sur leur territoire ; elles connaissent donc les besoins des visiteurs et ceux de leur commune en lien avec les institutions touristiques, car si ces dernières amènent une plus-value, elles représentent aussi un coût. Soyons clairs, si 88 communes — ce qui représente environ 28 % de l’ensemble des communes vaudoises — ont décidé de maintenir et de prélever cette taxe, c’est parce qu’elles ont un intérêt à la percevoir, et ce, afin de garantir un environnement et des infrastructures accueillantes aux voyageurs venant visiter des centres d’intérêt culturel présents sur leur territoire.

Enfin, cette motion entraînerait une inégalité de traitement entre les institutions privées et publiques présentes sur une commune prélevant cet impôt sur le divertissement, car les institutions privées continueraient de s’en acquitter. Cette motion mettrait en péril l’offre culturelle et touristique de plusieurs de nos communes et donc de notre canton. Au vu du contexte sanitaire que nous connaissons, de ce qu’il a amené et amène encore comme difficultés dans le domaine touristique et culturel, accepter cette motion serait, à notre avis, totalement inopportun et constituerait un mauvais message adressé à ce milieu. Vous l’aurez compris, le groupe des LIBRES soutiendra le rapport de majorité et vous invite à en faire de même.

M. Pierre Volet (PLR) —

En lisant les rapports de majorité et de minorité, je n’ai pas le sentiment de posséder les informations nécessaires me permettant de me décider dans mon vote. J’aimerais connaître l’impact sur les communes afin de mesurer les véritables répercussions, savoir quels monuments seraient exactement touchés par cette motion. A mon sens, il s’agit de renvoyer cela en commission pour que cette dernière puisse accéder aux informations complètes.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je considère certains arguments assez particuliers, notamment l’un de ceux relevés par le motionnaire, M. Cardinaux. En effet, il montre que d’un côté, l’Etat donne certaines subventions pour ses bâtiments ou musées, puis de l’autre côté une commune perçoit une taxe sur les divertissements, c’est-à-dire sur les billets d’entrée.

Si nous suivons une logique qui montre qu’il n’est pas normal que l’Etat verse d’un côté et reprenne de l’autre, je propose que les fonctionnaires cessent de payer des impôts, puisque, finalement, l’Etat verse d’un côté et reprend de l’autre… Il s’agit finalement de la même logique, mais ramenée à l’individu. Or, nous sommes bien conscients que cela ne peut pas fonctionner ainsi concrètement. Actuellement, cette taxe sur les divertissements touche une partie de l’activité des musées, des théâtres et des salles de spectacles. La subvention potentielle de l’Etat touche une autre activité également, celle du devoir de protection du patrimoine.

Enoncé ainsi, cela peut paraître une construction un peu particulière, mais elle est à prendre dans un plan comptable généralisé. Comme l’ont dit certains de mes collègues, notamment Mme Barbezat-Fuchs, la taxe sur le divertissement, prélevée pour certains monuments, sert aussi à entretenir les alentours du bâtiment qui sont à la charge des communes. Les communes n’ont pas choisi d’avoir un patrimoine exceptionnel ; même si elles en profitent, il y a un coût en parallèle : c’est du donnant-donnant. Si une commune entretient les abords d’un bâtiment, il faut aussi que ses utilisateurs participent au financement, et la taxe sur les divertissements est l’un des moyens. Je vous invite, tout comme le groupe des Verts et la majorité de la commission, à refuser cette motion.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je reviens encore une fois pour dire ce qui ne paraît pas compris, compte tenu des derniers propos entendus : je ne suis pas opposé à la taxe communale sur les divertissements, mais je suis favorable à une transparence des coûts, ce qui est donné par l’un ne peut pas être repris d’une autre manière par un autre.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 82 voix 36 et 17 abstentions.

M. Pierre Volet (PLR) —

J’avais fait une demande pour savoir si cette motion ne pouvait pas être renvoyée en commission afin d’obtenir des chiffres et des informations plus précises. Je ne comprends pas pourquoi nous ne votons pas sur cette demande.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Monsieur le député, il aurait fallu déposer une motion d’ordre.

La séance est levée à 20 h. 36.

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