22_LEG_270 - EMPL Interdiction de la mendicité – Modification de la Loi pénale vaudoise (LPén) (1er débat) (suite des débats).
Séance du Grand Conseil du mardi 24 septembre 2024, point 10 de l'ordre du jour
Documents
- Rapport de minorité de la commission - RC min 22_LEG_270_Florence Bettschart-Narbel
- Texte adopté par CE - EMPL Interdiction de la mendicité - publié
- Rapport de majorité de la commission - RC maj 22_LEG_270_Thanh-My Tran-Nhu
- Tableau miroir - PL Interdiction de la mendicité - à l'issue des travaux de commission
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourArt. 23. –
(Le débat est repris.)
Il est toujours délicat de prendre la parole en début de débat en absence de transition. Néanmoins, je saisis cette occasion pour rappeler les discussions précédentes et les arguments avancés par cette partie de l’hémicycle contre une interdiction stricte du droit à la mendicité. L’objectif était de maintenir un équilibre dans cette loi, afin qu’elle soit conforme à nos engagements internationaux, notamment à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), qui fait partir de l’arsenal juridique suisse, la Suisse étant signataire en tant que membre du Conseil de l’Europe. Il est important de souligner que le respect des droits humains n’est pas une lubie imposée par des juges étrangers, mais bien une volonté du peuple suisse.
Laissez-moi aussi souligner que les amendements proposés par la minorité de la commission vont déséquilibrer cet ensemble. Ce texte prévoyait initialement une autorisation encadrée de la mendicité, limitée aux comportements intrusifs, agressifs ou trompeurs. Désormais, avec ces restrictions, on s’approche d’une interdiction quasi totale, ne laissant guère de place pour la mendicité en dehors de lieux improbables comme sous un lampadaire... Il est crucial de rappeler qu’une politique publique ne peut se résumer à la répression. Ce texte, en l’état, ne répond qu’à cela, sans intégrer les nécessaires mesures sociales qui devraient accompagner toute réflexion sur la mendicité.
Je suis également consciente que d’autres amendements, allant encore plus loin, sont en préparation. C’est pourquoi j’appelle les membres de ce Parlement à rejeter toute proposition visant à une interdiction généralisée. Nous devons dépasser les discours simplistes qui tendent à faire disparaître des êtres humains simplement parce qu’ils nous dérangent.
J’avais pris la parole en faveur du premier amendement de la minorité concernant l’article 23, alinéa 2, lettre b, visant une application équilibrée et réaliste des dispositions relatives à la mendicité. Cependant, je ne peux pas soutenir ce quatrième amendement, dont la portée est extraordinairement générale. Il vise les entrées d’immeubles résidentiels, des bureaux, de bâtiments, des installations publiques, des établissements médicaux et de soins, ainsi que des musées, théâtres et cinémas. Il est surprenant que cette liste n’ait pas encore été allongée, c’est sans doute parce qu’elle ne pouvait guère l’être ! Un tel élargissement de l’interdiction de la mendicité, si l’on fait preuve d’un minimum de lucidité, poserait un réel problème en matière de respect des droits humains, et cette disposition serait très probablement retoquée en cas de recours devant la CEDH. Il est important de rappeler que la police ne peut être présente partout, à l’entrée de chaque immeuble. Il est donc indispensable, par souci de réalisme, de rejeter cet amendement.
Enfin, j’ai entendu, la semaine dernière, Mme la rapporteuse de minorité exprimer une ouverture à réviser cet amendement. J’espère qu’elle pourra même envisager son retrait ou, à tout le moins, en réduire considérablement la portée, car sous sa forme actuelle, ce quatrième amendement ne peut être adopté.
Je n’ajouterai pas grand-chose de plus à ce que mes préopinants ont déjà exprimé, mais il me semble important de rappeler que le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui vise à adapter la loi à la suite d’un arrêt de la CEDH. C’est un point que nous devons impérativement prendre en compte dans les amendements déposés et dans les décisions que nous prendrons en tant que Grand Conseil.
Si vous élargissez de manière excessive les lieux où la mendicité est interdite, nous risquons de basculer vers une interdiction concrète, même si le texte prévoit certaines exceptions. En réalité, si les zones interdites sont si nombreuses que les personnes concernées n’ont pratiquement nulle part où aller, cela reviendra à instaurer une interdiction généralisée. Cette situation entraînera inévitablement des recours, et nous ne serons pas en mesure d’appliquer cette loi.
Le Grand Conseil doit prendre ses responsabilités et reconnaître qu’une instance – en l’occurrence la CEDH – a demandé une révision de cette loi. Il est essentiel que nous en tenions compte et l’UDC a tenu des propos complètement aberrants la semaine dernière. Nous sommes soumis à cette autorité et devons respecter ses principes, notamment le droit fondamental de chacun à solliciter l’aide d’autrui.
Enfin, cette loi doit permettre une autorisation limitée de la mendicité, en trouvant un compromis entre l’arrêt de la CEDH et la décision prise par la majorité du Grand Conseil il y a quelques années, qui visait une interdiction. Je vous invite donc à rejeter cet amendement, car il nous mènera dans une impasse. Nous devons respecter les contraintes qui nous sont imposées et faire preuve de pragmatisme dans nos propositions.
Permettez-moi de rappeler quelques éléments, car il a été dit lors des débats précédents, et encore aujourd’hui, que ces amendements chercheraient à dissimuler une misère que l’on préfèrerait ignorer. A ce sujet, je voudrais citer un article publié dans le quotidien 24heures du 26 juin 2024, qui se réfère à une étude et un rapport de la Commission sur les droits humains – il ne s’agit pas là d’une publication néolibérale dangereuse de droite ! – qui mentionne explicitement que la mendicité pratiquée par certains Roms en Suisse est, dans une large mesure, organisée de manière clanique. On peut choisir d’ignorer ces faits, mais lorsque c’est une commission officielle qui les rapporte, pour ma part, je les considère comme acquis.
De plus, dans la revue Hémisphères de juillet 2019 – elle aussi loin d’être un organe d’un parti de droite – on apprend qu’en Suisse, environ 100’000 Roms résident de manière stable, la plupart étant sédentarisés, et beaucoup même naturalisés. En réalité, la population dont nous parlons dans le cadre de la mendicité représente à peine 1 % de cette population, qui se déplace de capitale en capitale, que ce soit en Suisse ou ailleurs en Europe. Je précise cela afin que l’on comprenne bien l’ampleur du phénomène et que l’on ne mette pas toute la population rom dans le même panier : il y a Roms et Roms. Il y a des Roms intégrés, qui travaillent, et qui sont même naturalisés.
J’en profite pour rappeler que dans le cadre de sa participation à la cohésion européenne, la Suisse a versé 350 millions répartis en deux volets de 180 et 170 millions, qui ont été spécifiquement alloués à l’intégration des Roms dans leurs pays d’origine. Affirmer que la Suisse ne fait rien en faveur des Roms est tout simplement parfaitement inaudible ! Il existe une multitude de rapports, disponibles en ligne – pour qui prend la peine de les consulter – qui détaillent les actions menées sur place, ainsi que les visites effectuées dans le cadre de l’aide aux Roms.
Venons-en aux amendements qui nous sont proposés. La longueur de la liste me rappelle la fameuse tirade des nez dans Cyrano de Bergerac : c’est plus ou moins long, tout comme les files d’attente… Mais si nous faisons preuve d’un minimum d’objectivité et que, par exemple, nous prenons un plan de la ville de Lausanne pour y inscrire les zones d’exclusion, il apparaît qu’au moins les deux tiers de la ville demeurent accessibles pour ces activités.
Ce qui me surprend davantage ? L’invocation quasi christique de la CEDH. Comme l’a rappelé la rapporteuse de minorité, tout comme M. le conseiller d’Etat, il existe un arrêt du Tribunal fédéral (TF), suisse, situé à Mon-Repos, qui valide les dispositions bâloises en tout point similaires à ces amendements. Que demander de plus ? Si je comprends bien certains de mes préopinants, le TF aurait peut-être commis une erreur…Or, cet arrêt bâlois est définitif et exécutoire. Pourtant, on invoque la sainte CEDH pour potentiellement renverser – même si on ne sait pas très bien comment– l’arrêt du TF.
Soyons raisonnables ! Nous sommes des députés vaudois, et nous avons prêté serment de respecter les lois et la jurisprudence de notre canton, ainsi que celles de notre pays. Il n’y a aucune raison, en respectant scrupuleusement la jurisprudence du TF, de redouter de manière fantasmatique une annulation par la CEDH. Si le TF devait être désavoué par la Cour européenne, cela relèverait de sa propre responsabilité. Mais ici, dans ce Parlement, nous devons respecter la jurisprudence du TF, en lequel j’ai pleine confiance. Je ne vais pas anticiper un recours hypothétique devant la CEDH qui pourrait, de manière tout aussi hypothétique, remettre en cause cette jurisprudence.
En outre, avec tout le respect que je vous dois, monsieur le conseiller d’Etat, je peine à comprendre cette crainte qu’un élargissement des interdictions puisse mettre en péril l’ensemble de la loi. Comme l’ont souligné certains députés, nous sommes en Suisse, nous avons un TF qui établit une jurisprudence, et nous devons l’appliquer. Si certains souhaitent ensuite saisir une autre juridiction, extraordinaire, nous verrons bien ! Et si le TF se trompe, nous en tirerons des conclusions, repenserons la manière de désigner les juges – peut-être les tirer au sort ou les faire élire par le peuple – mais cela dépasse largement le cadre de ce débat.
En conclusion, puisque les amendements proposés ici sont validés par la jurisprudence du TF, nous accomplissons, en tant que législateurs, un travail cohérent et respectueux de nos institutions. Je vous invite donc à les accepter.
J’aimerais vous demander de projeter à nouveau les amendements. Je pense que la CEDH pourrait interpréter de manière restrictive cet amendement s’il n’était pas justifié, s’il ne servait pas l’intérêt public, ou encore s’il ne reposait pas sur des motifs clairs de sécurité publique. A ce jour, il ne semble pas qu’il y ait une interdiction généralisée de la mendicité sur sol vaudois.
Pour ma part, je rejoins pleinement les propos de mon collègue Marc-Olivier Buffat. Je ne vois pas de raison impérieuse de rejeter cet amendement. Au sein de notre groupe, et sauf avis contraire de notre chef de groupe, nous estimons que cet amendement peut être accepté. Il ne s’agit pas d’une interdiction générale de la mendicité, et de ce fait, nous ne pourrions pas être retoqués sur ce point. Comme l’a rappelé M. Buffat, à Bâle, ils ne l’ont pas été non plus.
Après l’intervention de notre collègue, j’avais initialement prévu de renoncer à prendre la parole, mais finalement, je vais intervenir. M. Buffat revient sur les mêmes arguments que l’on entend systématiquement dès qu’il s’agit de cette communauté : les clans, l’organisation, la mafia, les délits, la sécurité publique, et tous ces autres sujets. Or, lors des travaux en commission, nous avons entendu des représentants de la Police cantonale affirmé qu’il n’existait absolument aucune preuve de comportements illégaux liés à la pratique de la mendicité par ces personnes. Oui, il est vrai que ces individus sont organisés, mais ils voyagent en famille, tout comme nous lorsque nous partons en vacances. C’est tout ce qu’il y a à en dire.
Quant à la loi proposée et aux amendements en question, il faut se demander si, à l’avenir, il sera encore possible de mendier dans les villes vaudoises, notamment à Lausanne, où ce phénomène est le plus présent. Selon nous, cela ne sera pratiquement plus possible, à moins de se rendre dans des lieux isolés comme le rond-point de la Maladière ou les Bois de Sauvabelin ! En effet, l’interdiction de la mendicité dans des lieux où elle n’existe pratiquement pas, comme les établissements de soins médicaux, devant les musées, les théâtres ou les cinémas, n’a que peu de sens. En réalité, la mendicité est interdite dans les endroits où elle est réellement pratiquée, comme devant les immeubles d’habitation, les bureaux, les bâtiments administratifs, les installations publiques, les magasins, les commerces, et aux abords des écoles. Si l’on ajoute à cela le périmètre du marché, qui exclut le centre-ville – amendement accepté la semaine dernière – cela revient à interdire la mendicité de facto, mais de manière camouflée. Personnellement, je n’ai aucune crainte vis-à-vis de la CEDH. Je suis un homme de droit, je respecte les décisions des tribunaux, et il me semble évident que les mesures que nous discutons vont à l’encontre des considérants de cette décision.
Notre groupe s’est fait violence pour accepter le projet du Conseil d’Etat, qui nous semblait prendre en compte certaines préoccupations exprimées en ville. Par conséquent, je considère qu’il faut en rester au texte proposé par le Conseil d’Etat et refuser aujourd’hui ce quatrième amendement, et lors du second débat, de renoncer à tous les amendements acceptés en première lecture.
Je souhaite rectifier ce qu’a dit la rapportrice de majorité. En effet, toute une partie de la mendicité organisée est réprimée – il s’agit de l’article 23a, celui qui organise la mendicité d’autrui, celui qui exploite la mendicité d’autrui. Sous cet aspect d’organisation, le projet fixe des limites qui me paraissent parfaitement claires. Toutefois, pénaliser ou interdire une mendicité en groupe m’inspire quelques doutes. C’est un peu comme l’histoire de la file d’attente : c’est impraticable. Autant j’étais contre la file d’attente – et je le serai jusqu’au débat final, en vous invitant à faire de même – autant la notion de groupe « je suis une bande de jeunes à moi tout seul » me paraît assez délicate. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement, parce que cela me paraît compliqué à appliquer.
Je tiens tout d’abord à confirmer que je ne vais pas retoquer mon collègue Jobin concernant la position du groupe UDC. Pour répondre aux propos de notre collègue Mme Carvalho, je pense au contraire que cet amendement apporte un équilibre à cette loi et répond aux problèmes rencontrés en ville. C’est pourquoi il sera soutenu par le groupe UDC. J’ai également noté l’idée d’ajouter une interdiction de mendier sous un lampadaire, et je vais réfléchir à l’inclure dans ma prochaine proposition d’amendement ! Mais que Mme Carvalho se rassure, il restera, hélas, encore de nombreux endroits où la mendicité sera autorisée. Vous l’aurez compris, le groupe UDC souhaite que cette future loi réponde efficacement aux problèmes qui existent dans les centres urbains et limite autant que possible une mendicité qui a pris une ampleur considérable ces dernières années. Il est vrai qu’un recours reste envisageable, mais cette éventualité ne doit pas nous limiter, et nous devons rester libres de nos choix.
Je souhaite répondre à l’intervention de notre collègue Mme Minacci, car il me semble qu’elle n’a pas lu attentivement l’arrêt de la CEDH. En effet, cet arrêt ne définit aucune zone précise. Il ne mentionne rien en ce sens. Je l’ai rapidement relu, car ma lecture date un peu, mais il ne fait que souligner qu’il est possible, dans certaines limites et en respectant le principe de proportionnalité, d’interdire la mendicité dans certaines zones. C’est tout ce qu’il dit. Ainsi, en déduire que l’interdiction portant sur certains lieux dépasse les bornes relève plutôt de votre interprétation trop large de cet arrêt. Je crois qu’il ne s’agit pas ici de débattre de ce que la Cour européenne pourrait accepter ou non. En revanche, le TF, pour sa part, a déjà statué sur des législations cantonales relatives à la mendicité avec des périmètres définis. Il a jugé que, dans les limites de la proportionnalité, ces zones étaient conformes au droit suisse.
Je pense donc que, sur un sujet aussi sensible et déjà largement débattu sur le plan juridique, nous pouvons faire confiance à la décision du TF. C’est pourquoi je maintiendrai, en tout cas en premier débat, l’amendement proposé. L’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme reconnaît également que les résidents ont le droit d’être protégés contre certaines formes de mendicité. Il est donc de notre devoir de prendre en considération les préoccupations de nos concitoyens qui estiment que l’espace public a perdu en sérénité et en sécurité.
Je souhaiterais revenir brièvement sur les propos de mon préopinant, M. Vuilleumier, qui a repris l’un des points que j’avais évoqués mardi dernier. Lorsqu’il est question de « famille », il me semble important de préciser que cette notion peut prendre un sens quelque peu différent lorsqu’on parle de groupes qui viennent mendier. A mes yeux, les choses sont claires : nous faisons face à des organisations structurées, et non à des familles au sens traditionnel du terme, telles qu’on les imagine avec « papa, maman, la bonne et moi ».
Si M. Vuilleumier nie l’évidence et remet en question les constatations du Centre suisse de compétences pour les droits humains qui a pratiqué une étude pendant deux ans… le dialogue devient difficile… Alors, M. Vuilleumier a raison tout seul ! Cependant, il devient difficile de légiférer lorsque le problème à résoudre est nié dès le départ. En ce qui concerne l’affirmation selon laquelle il n’y a jamais de mendiants devant les cinémas, je vous encourage à vous rendre aux Galeries du cinéma, Rue du Petit-Chêne, vous constaterez que la réalité est un peu différente de celle que vous dépeignez.
Au-delà de cela, puisque nous évoquons la notion de proportionnalité, je vous invite à relire les règlements concernant la liberté de commerce, de réunion, de manifestation, ou encore la réglementation en matière de prostitution. Dans ces domaines, des périmètres et des interdictions sont clairement établis, mais ils doivent évidemment être proportionnés aux circonstances. Ce qui est proposé dans cette loi sur la mendicité s’inscrit exactement dans la même logique que ce que nous faisons pour limiter certaines libertés fondamentales, lesquelles sont garanties par notre Constitution fédérale et cantonale, sans que cela ne soulève d’indignation. Je n’ai pas entendu, depuis 17 ans, d’interventions dans ce Grand Conseil affirmant que la réglementation de manifestation et de réunion dans notre canton est scandaleusement liberticide, simplement parce que l’on ne peut pas se rassembler n’importe où et n’importe quand sur la voie publique. En matière de mendicité, la situation est identique. Je ne vois pas ce qui justifierait un traitement plus souple ou différent de celui qui concerne nos libertés fondamentales qui sont soumises à des limitations, que ce soit pour manifester, se réunir ou circuler sur la voie publique, car personne n’a droit à l’usage accru du domaine public. Ainsi, ces amendements s’apparentent à ceux que l’on retrouve dans de nombreux règlements communaux actuellement en vigueur dans notre canton.
Je souhaitais répondre à certains de mes préopinants dont notamment M. Buffat, c’est qu’en tant que député représentant un parti qui traditionnellement soutient la police, vous lui témoignez peu de confiance. En effet, le rapport de commission indique clairement qu’il n’existe pas de réseau dans le canton de Vaud. Pourtant, lorsqu’il s’agit des Roms, vous persistez à évoquer des réseaux, perpétuant ainsi des stéréotypes tenaces à leur égard sans jamais les remettre en question. La police affirme qu’il n’y a pas de réseau, mais vous continuez à soutenir le contraire. Cela me surprend vraiment de la part d’un parti de droite qui, habituellement, boit les paroles de la police.
Par ailleurs, le droit et les arrêts auxquels vous êtes soumis ne peuvent pas être appliqués à géométrie variable selon vos préférences. En tant qu’élus, vous devez respecter les décisions des instances supérieures, qu’il s’agisse du TF ou de la CEDH. En l’occurrence, nous sommes confrontés à un arrêt qui ne précise pas les modalités d’application, car cela ne relève pas de son rôle, mais qui établit clairement que le droit de demander de l’aide à autrui doit figurer dans la loi vaudoise. C’est de cela que nous discutons aujourd’hui. Le problème réside dans la volonté manifeste de restreindre la mendicité à un point tel qu’elle en devient impossible. Cela signifie que nous ne respectons pas le cadre que la CEDH exige. Votre amendement incarne parfaitement une interdiction déguisée. C’est pourquoi nous pensons qu’il doit être rejeté, car il ne répond pas aux contraintes et aux règles que nous devons suivre dans la modification de cette loi.
Enfin, il me semble important de sortir d’un discours signifiant qu’il faut se protéger de la mendicité. Encore une fois, la police a indiqué que la mendicité ne posait pas de problèmes fondamentaux de sécurité. Il est crucial de replacer cette pratique dans la réalité telle qu’elle est rapportée par les acteurs de terrain, notamment la Police cantonale.
Je souhaite revenir sur certains points déjà évoqués, mais je tiens à souligner une confusion délibérée concernant le public concerné. Monsieur Cardinaux, tout ce que vous avancez au sujet des familles, des réseaux et de l’exploitation, ainsi que les références de M. Buffat à diverses publications traitant des réseaux, ne relèvent pas de cette loi. Si notre objectif est de lutter contre l’exploitation, cela ne se fera pas par le biais de l’interdiction de la mendicité ou par la délimitation de périmètres d’interdiction, mais plutôt par des dimensions pénales et des forces de l’ordre capables d’analyser ces réseaux et de combattre la traite des êtres humains. Il s’agit d’une politique publique à part entière qui n’est pas traitée par cette loi. Par conséquent, je vous demande de cesser de brouiller les enjeux. Nous ne discutons ici que de la mendicité, c’est-à-dire de l’acte de tendre la main pour demander de l’argent sans y être contraint par autrui. Il est crucial de rester fidèle à l’objet de nos travaux.
Monsieur Buffat, je dois également exprimer mon étonnement face aux circonvolutions qui vous amènent à justifier votre soutien à cet amendement quant aux décisions du TF et l’importance que vous donnez à l’arrêt de la CEDH. L’UDC le dit bien plus clairement : elle ne se soucie guère des arrêts de la CEDH. Vous, en revanche, vous avez tenté de dissimuler cette position derrière un raisonnement juridique. Si nous considérons que la CEDH est une institution significative, notre priorité devrait être d’éviter d’aller à l’encontre de ses arrêts lorsque nous relégiférons.
Cela me permet de revenir au cœur du sujet. Lorsque le Conseil d’Etat a proposé ce projet de loi, il a clairement indiqué qu’il ne s’agissait pas d’une interdiction générale. Il a effectué une analyse visant à établir des interdictions proportionnées. Ainsi, une interdiction s’applique en fonction de la manière dont la mendicité est pratiquée. Si celle-ci est intrusive, agressive, déloyale ou trompeuse, elle est interdite, peu importe où. Le Conseil d’Etat a donc proposé des interdictions sur des lieux précis, notamment ceux où l’on manipule de l’argent ou où se trouvent des enfants, comme les marchés, les entrées d’établissements et les écoles, lieux auxquels nous avons ajouté les crèches. Il existe donc un cadre précis stipulant que la mendicité associée à des comportements négatifs est prohibée. En revanche, la mendicité, même exercée de manière correcte, est interdite dans les endroits où se trouvent des enfants ou où l’on manipule de l’argent. Or, la proposition avancée par la minorité de la commission ne s’appuie pas sur cette analyse proportionnée. Elle évoque simplement des établissements publics et de musées sans justification par une pesée d’intérêts qui la rendrait acceptable par la CEDH. Le Conseil d’Etat a effectué son travail, mais vous ne l’avez pas fait.
Ainsi, monsieur le conseiller d’Etat, je vous demande de nous donner votre appréciation sur le destin de l’amendement de la minorité de la commission par rapport à l’arrêt de la CEDH qui, je l’espère, suscitera l’intérêt des députés présents dans cette salle – à l’exception peut-être de l’UDC.
Avec une certaine amitié, j’aimerais demander à M. Cardinaux si, lorsqu’il part en vacances avec sa famille, il se considère comme une bande organisée ! (Rires.)
Comme j’ai été vertement interpellé, je me sens dans l’obligation de répondre, même si je ne suis pas fan de ce type de ping-pong qui semble sans fin. Je tiens à rappeler que le rapport de minorité mentionne explicitement un arrêt du TF datant de mars 2023. Monsieur Démétriadès, vous refusez d’entendre que ce tribunal a analysé le fameux arrêt de la CEDH, ce que vous n’avez pas du tout mentionné dans votre intervention.
Par conséquent, je souhaite formellement demander à M. le Président du Grand Conseil ainsi qu’à Mmes les rapportrices de minorité et de majorité que cet arrêt du TF soit inclus dans la documentation, afin que nous puissions y accéder. Je le ferai moi-même si nécessaire. Il est essentiel de prendre en compte cet arrêt, car il interprète le fameux arrêt de la CEDH. Nous ne sommes pas face à une page blanche ; nous avons ici une interprétation du TF qui a examiné la législation bâloise et qui a été validée par le Tribunal cantonal du canton de Bâle, confirmant ainsi la légitimité du système des périmètres tel qu’il vous est proposé aujourd’hui.
Je comprends que vous puissiez penser que le canton de Bâle-Ville a tort, tout comme son Tribunal cantonal et le Tribunal fédéral ! Cependant, vous conviendrez que cela représente une multitude de juridictions et de juristes qui se sont précisément penchés sur l’arrêt de la CEDH que vous évoquez à cor et à cri, mais qui ont reconnu la validité des limitations de périmètre comme elles figurent dans les amendements proposés.
Vous refusez de l’admettre ? J’en prends acte. Toutefois, de grâce, ne portez pas de procès d’intention à l’encontre de vos collègues lorsqu’ils appliquent la jurisprudence du TF. Refuser de se référer à cet arrêt du TF est totalement illogique. Je réitère ma demande pour qu’il figure dans les notes et les procès-verbaux.
Monsieur Démétriadès, je ne me reconnais pas du tout dans vos propos. En tant que syndic, je suis tenu d’appliquer la loi, et il est clair que nous devons respecter les directives de la CEDH. Je les applique, tout simplement. Par ailleurs, ce que notre collègue Buffat a exprimé est tout à fait pertinent. La réglementation à Bâle est claire et semble mieux adaptée à la situation actuelle du canton de Vaud. Comme cela a été établi à Bâle, les interdictions dans des périmètres spécifiques pour des raisons de sécurité et d’ordre public ont été acceptées – cela ne fait pas l’objet d’une jurisprudence.
En résumé, j’aimerais souligner qu’il est indéniable que la mendicité pose un problème dans le canton de Vaud, notamment en ce qui concerne l’ordre public. Si je me souviens bien – et je peux sur ce point en partie rejoindre Mme Minacci – la police se dit relativement désemparée, puisqu’à l’heure actuelle tout est suspendu et peu d’actions concrètes sont entreprises pour maintenir un certain ordre public. L’absence de législation appropriée complique la gestion de la situation. Cet amendement s’inscrit parfaitement dans cette logique.
Je me permets simplement de répondre à mon préopinant : quand la bande Cardinaux part en vacances, elle part aussi avec ceux qui proviennent du Service de protection de la jeunesse, que j’apprécie et que j’ai toujours pris avec moi.
Je souhaite simplement rebondir sur les propos de M. Buffat, car je déplore qu’il fasse un faux procès à notre collègue Démétriadès. Dans la transcription francophone de l’arrêté fédéral concernant la législation bâloise, l’amendement que vous proposez aujourd’hui ne correspond pas exactement à celui figurant dans l’arrêté. Certains éléments n’y figurent pas. De plus, l’amendement proposé évoque des bureaux ou des immeubles d’habitation, des éléments qui ne figurent pas dans la version francophone de l’arrêté fédéral. Je déplore donc le faux procès porté à l’encontre de certains membres de ce législatif. On ne peut pas se référer à un arrêté si l’on ne reprend pas les mêmes termes de manière précise.
Pour ma part, je rejoins les positions de M. Démétriadès et des autres membres de ce côté de l’hémicycle, et je vous appelle à rejeter cet amendement.
Je me permets d’intervenir en citant un arrêt du TF, car c’est la seule instance pertinente que nous puissions évoquer ici. Je fais référence à l’arrêt 6C_1/2008, au considérant 572, qui examine la possibilité d’interdire la mendicité. Dans cet arrêt, le TF retient que l’interdiction de la mendicité est valable au motif que l’interdiction par périmètre est inapplicable et inefficace. Il est donc assez cocasse d’entendre aujourd’hui la droite démontrer en quoi une interdiction, périmètre par périmètre, serait le Graal, alors même que le TF lui-même conteste cette approche. Pour illustrer cela, je cite le TF : « Dans la mesure où la mendicité elle-même ne serait pas interdite, le nombre de personnes qui s’y adonnent ne diminuerait pas ou que faiblement. Il en résulterait une concentration de la mendicité dans les zones où elle serait tolérée, ce qui aurait pour effet d’accroître les conséquences négatives dans ces zones et pour la population qui y réside. Il n’en irait pas différemment si la pratique de la mendicité tout simplement être exclue dans des endroits précis, par exemple devant les banques ou les bancomats, les bureaux de poste ou les postomats, les autres édifices publics ou les supermarchés. Dans ces cas, on assisterait à une concentration de la mendicité à proximité de tels lieux aux limites du périmètre où elle serait interdite. Le problème se trouverait ainsi reporté de quelques dizaines de mètres ou sur une autre frange de la population. ». Tout cela pour vous dire qu’une autorité judiciaire ne stipule pas qu’une seule chose et une seule fois, qu’elle a exprimé d’autres avis et que cette mesure n’est en rien le Graal. Par conséquent, je vous invite à suivre l’avis du TF, qui décrit cette mesure comme proprement inefficace, et à rejeter cet amendement.
Je dois avouer que je suis quelque peu effarée d’entendre certaines personnes affirmer qu’il existe un risque que la CEDH invalide nos décisions. Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de prévenir ce risque, mais nous ne le faisons pas. Au lieu de cela, nous tentons de repousser les limites en acceptant un amendement qui, non seulement est disproportionné, mais s’écarte également complètement de la logique de la loi. Pour rappel, l’objectif de la loi est de parer au risque d’avoir des personnes dans un état captif face à une personne qui mendie. Je ne sais pas si vous voulez revenir sur ce projet de loi à réitérées reprises, mais personnellement je n’en ai pas envie. Je voudrais également souligner qu’en commission, cet amendement a été refusé par 8 voix contre 4 voix.
Je tiens à remercier tout le monde pour ce débat enrichissant. Comme je l’ai mentionné mardi dernier, j’invite ce Parlement à faire preuve de sagesse. Je ne vais pas revenir sur l’historique des décisions prises par ce Parlement en 2018, qui n’ont jamais pu être mises en œuvre dans le canton de Vaud. Nous nous trouvons donc dans une situation où la législation vaudoise ne peut pas être appliquée en raison de la règle établie par la CEDH concernant le dispositif genevois. La question se pose de savoir si le dispositif vaudois proposé est meilleur que celui de Genève ou même que celui de Bâle. Je vous laisse juger. Cela relève un peu des principes du fédéralisme. Pour sa part, le Conseil d’Etat vaudois présente un dispositif qu’il considère comme intelligent et proportionné au territoire vaudois.
Il est vrai que nous pouvons analyser l’arrêt du TF et ses conséquences. Certains pourraient penser que si le TF est désavoué par la Cour européenne des droits de l’homme, cela le concerne uniquement ; mais ce n’est pas le cas. Ce sera aussi un problème pour ce Parlement, pour le gouvernement, et pour les agents de police sur le terrain. Cela engendrera une frustration continue, des interventions parlementaires récurrentes et du mécontentement sur le territoire vaudois. C’est pourquoi le Conseil d’Etat propose une approche proportionnée, réduisant ainsi les risques d’exposition à un recours. Je rappelle qu’un recours contre la loi pourrait être déposé, ce qui entraînerait un effet suspensif. Cela risquerait de paralyser la volonté du premier pouvoir d’instaurer une interdiction nuancée de la mendicité. Le Conseil d’Etat ne souhaite pas que ce genre de situations se présente.
Concernant la liste figurant dans ce nouvel alinéa, j’ai déjà évoqué ce point mardi dernier. Selon notre appréciation, et indépendamment de l’arrêt du TF sur la disposition bâloise, il n’est pas exclu que la CEDH considère et interprète que de fait la mendicité serait interdite sur l’ensemble du territoire vaudois. Je ne suis pas juriste encore moins juge à la CEDH ou au TF, mais c’est l’évaluation faite par le Conseil d’Etat et les services juridiques de l’administration. Je vous invite par conséquent à conserver la version proposée par le Conseil d’Etat.
Ensuite, sur le plan pratique, il est évident que si nous réduisons significativement les secteurs où la mendicité est autorisée, cela pourrait amener à la concentrer dans d’autres zones. Ce n’est pas en limitant les lieux où la mendicité est permise que nous allons faire disparaître ce phénomène. Comme l’interdiction totale a été rejetée par la CEDH, la mendicité continuera à exister dans le canton de Vaud. Cela risque de provoquer des regroupements de personnes mendiant dans certains secteurs, ce qui pourrait aggraver les désagréments perçus par certains passants. Il s’agit d’un des effets collatéraux de cet amendement, en dehors de l’aspect juridique.
Enfin, quant à la question d’installations publiques, j’ignore s’il s’agit de bouches d’égout, de fontaines ou de bornes hydrantes. La jurisprudence a déjà qualifié comme installations publiques des éléments tels que des mâts d’éclairage autour de terrains de sport, des zones d’atterrissage pour hélicoptères, des parkings, des bennes à ordures ou encore des équipements électriques. Je ne sais pas à quoi se réfère la notion d’installations publiques. Il est probable que les juristes du TF puissent éclaircir ce point, mais d’autres décisions de jurisprudence se réfèrent aussi aux objets que je viens de mentionner.
Concernant la mendicité en groupe, celle-ci ne peut pas être réprimée sur le seul critère de la réunion en groupe, pas plus que la mendicité organisée, comme le précise un arrêt du TF. Nous possédons déjà les bases légales pour agir relativement aux organisations criminelles. A ce jour, dans le canton de Vaud, il n’y a eu qu’un seul cas, en 2013, qui est tombé sous cette disposition. Cependant, pour l’article 23a, qui suivra le vote sur cet amendement, le Conseil d’Etat propose une disposition ciblant les personnes qui organisent la mendicité d’autrui à des fins d’exploitation. Cela représente une approche intermédiaire entre l’interdiction ciblée de la mendicité proposée dans le projet de loi et la répression de la mendicité organisée par le Code pénal. Cette mesure répond donc en partie aux préoccupations exprimées précédemment.
Enfin, nous verrons, si cet amendement est maintenu et accepté par le Parlement, quelle sera la position de la Cour constitutionnelle du TF et de la CEDH. Toutefois, je souligne que le Conseil d’Etat vous présente un projet qui est proportionné et nuancé, permettant de traiter une problématique que plusieurs d’entre vous ont identifiée. Je vous encourage donc à faire preuve de sagesse et à éviter d’avoir la main trop lourde avec cet amendement qui va, selon nous, un peu trop loin.
Je m’excuse de reprendre la parole après M. le conseiller d’Etat, mais je souhaite revenir sur un point qui a été soulevé. On a mentionné que l’interdiction de la mendicité dans certains lieux entraînerait des regroupements dans d’autres, ce qui ne réduirait pas le phénomène. Je ne partage pas entièrement cette opinion. Les lieux que nous avons ajoutés sont des zones lucratives, où il y a du passage et de l’argent. Ces personnes cherchent à maximiser leurs bénéfices et se dirigent donc principalement vers ces endroits. Si nous leur en interdisons l’accès, ils peuvent certes se regrouper ailleurs, mais s’il n’y a pas de passage ni d’intérêt dans ces nouvelles zones, je ne vois pas pourquoi ils iraient mendier là-bas. Ainsi, ces nouveaux lieux ajoutés ont leur pertinence : ce sont des endroits où l’on retrouve actuellement des mendiants, car leur présence est liée à un intérêt.
J’aimerais revenir sur quelques points, en particulier sur les débats que nous avons eus en commission. A l’époque où j’ai proposé mes amendements, je visais en réalité à aller plus loin que ce que je propose aujourd’hui. Au cours de nos discussions, le Conseil d’Etat avait alors accepté certains de ces amendements. Par exemple, celui que je proposais concernant les entrées des immeubles d’habitation, bureaux, bâtiments, installations publiques, magasins, établissements médicaux et de soins, musées, théâtres et cinémas était une contre-proposition que le Conseil d’Etat avait également envisagée. Je trouve donc un peu fort de café d’ironiser en disant « je ne sais pas ce que sont les installations publiques », d’autant plus que lors des travaux en commission, le Conseil d’Etat avait plus ou moins reconnu que cet amendement était conforme à la loi.
L’amendement de la minorité de la commission est accepté par 76 voix contre 61 et 2 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l’amendement de la minorité de la commission votent oui ; celles et ceux qui s’y opposent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement de la minorité de la commission est accepté par 73 voix contre 63 et 2 abstentions.
*introduire vote nominal
Je souhaiterais proposer un amendement à cette lettre b, en y ajoutant quelques lieux qui, à mon sens, devraient être prochainement intégrés. Je ne reviendrai pas sur les événements déjà mentionnés, tant au cours de nos discussions qu’au sein du débat précédent. Toutefois, il me paraît essentiel de préciser ces différents lieux. Prenons, par exemple, la situation des passages piétons : il nous semble dangereux d’y permettre la mendicité, car cela pourrait créer un risque, tant pour les piétons que pour les automobilistes ou cyclistes empruntant la voie concernée. Ces propositions s’inscrivent dans la continuité des discussions précédentes.
« Art. 23. – Al. 2, lit. b. : La mendicité pratiquée
- devant les boîtes aux lettres, caissettes de journaux, distributeurs de boissons/snacks, WC publics, fontaines, places de stationnement, lieux de culte, débarcadères, discothèques, abris de protection civile, établissements sportifs, passages piétons. »
Cet amendement n’a pas été discuté en commission, mais étant donné qu’il s’agit de la continuité de l’amendement voté précédemment, je ne m’avance pas trop en disant que la majorité de la commission devrait refuser cet amendement.
Concernant les passages piétons, cela devrait être réglé par la Loi fédérale sur la circulation routière (LCR).
Avec cette liste à la Prévert, je me rends compte que la mendicité va être possible nulle part – et je comprends bien que c’est votre objectif. Avec une telle liste, il est évident que nous allons retourner à la situation dans laquelle nous sommes actuellement et que nous allons nous faire à nouveau retoquer. Si on cumule les périmètres d’interdiction que vous proposez, on ne pourra plus mendier nulle part et ce n’est pas quelque chose que l’on peut mettre en place en étant dans les clous – et je ne parle même pas de la CEDH, mais de l’arrêt cité par mon collègue Oleg Gafner. Il est donc dangereux d’augmenter cette liste à la Prévert.
Concernant la faisabilité, je pense qu’aucune police municipale n’aura assez de personnel à disposition pour effectuer un contrôle sur l’entier des lieux cités dans cet amendement. Il est donc dommage de retourner en arrière, alors que l’on arrive enfin à avancer sur le dossier, même si les amendements cités ne sont pas ceux qui sont soutenus par cette partie du plénum. A mon sens, cet amendement est trop extrême et s’éloigne du projet que l’on souhaite construire.
En marge de cet amendement, il est primordial que les députés disposent d’une traduction de l’arrêt du TF datant de 2023. Ce qui est particulièrement intéressant dans cet arrêt, c’est le considérant 5.3, notamment le point 5.3.1, qui dresse la liste des restrictions introduites par le canton de Bâle-Ville et validées par le TF en regard de l’arrêt de la CEDH. Vous constaterez que cette liste est nettement plus restrictive que les amendements votés précédemment et proposés par la minorité.
Concernant les amendements qui nous sont soumis, dans la liste de Bâle-Ville figurent les buvettes et les WC publics. On y trouve également les débarcadères, les établissements sportifs ainsi que les abords des routes. Quant aux abris de protection civile, j’émets des doutes, car cela ne semble pas figurer dans l’arrêt.
Monsieur le conseiller d’Etat, puisque vous avez mentionné avoir sollicité un avis de droit auprès de vos services, je pense qu’il serait utile de disposer d’une traduction officielle de cet arrêt, et ce, indépendamment du vote qui sera rendu. Je peux volontiers le traduire, mais cela risquerait de soulever des contestations quant à la fidélité de l’interprétation. Il est donc crucial, avant le second débat, de bien comprendre le contenu de cet arrêt pour éviter toute méprise ou accusation d’interprétation erronée. D’ailleurs, dans la jurisprudence la plus récente du TF, et non celle d’il y a quatorze ans, ces restrictions sont bel et bien admises.
Cet amendement est une provocation pure envers l’arrêt de la CEDH. On ne comprend pas comment vous avez défini les lieux d’interdiction supplémentaires. Cet amendement n’est pas à la hauteur d’un débat dans ce Parlement. Il ne vaut pas la peine d’en discuter davantage. J’espère que les autres partis que l’UDC refuseront cet amendement.
Je suis particulièrement choqué par le fait d’interdire à un être humain de demander l’aumône devant un lieu de culte. Cela me choque particulièrement, parce que ce sont historiquement des espaces de charité. Traditionnellement, les églises, mosquées, temples et autres lieux de culte ont été des lieux où les personnes dans le besoin pouvaient trouver aide et soutien. Empêcher les plus vulnérables d’être présents à proximité de ces lieux va à l’encontre de cette tradition de compassion et de nos traditions chrétiennes. Je vous invite à refuser cet amendement.
Je reprends les arguments précédents : n’ayez pas la main trop lourde, la volonté du Conseil d’Etat est de faire en sorte que nous ayons un dispositif applicable. Evidemment, si vous étendez encore la liste au-delà des lieux qui ont été ciblés par l’arrêt du TF, vous augmentez le risque d’un recours à la CEDH.
De plus, je précise que la formation policière est excellente. Les agents de police sont extrêmement bien formés. Toutefois, si l’on étend la liste à l’infini, la mise en œuvre deviendra compliquée pour les agents de police sur le terrain.
L’amendement Cédric Weissert est refusé par 69 voix contre 60.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Cédric Weissert votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Cédric Weissert est refusé par 69 voix contre 62.
*insérer vote nominal
Je souhaite déposer un nouvel amendement incluant l’ajout d’une lettre c.
« Art. 23. – Al. 2, lit. c (nouvelle) : une distance de 5 mètres doit être respectée vis-à-vis des lieux indiqués à la lettre b. »
Cet amendement vise à clarifier la question des distances, car il est souvent difficile pour nos forces de l’ordre de déterminer ce qui est considéré comme étant aux abords ou à proximité des lieux mentionnés. Je propose donc d’introduire une distance de 5 mètres. Cette proposition ne sort pas de nulle part, elle s’appuie sur l’exemple du canton de Bâle, que nous avons déjà évoqué précédemment. Je pense que cette mesure permet de rendre la situation plus claire.
Une distance de 5 mètres devrait être aisément identifiable par nos forces de l’ordre, et je ne m’inquiète pas à ce sujet. Pour répondre à ce qu’avait souligné M. le conseiller d’Etat la semaine dernière, il est évident qu’ils n’auront pas besoin d’un double décamètre pour déterminer ce qu’est une distance de 5 mètres. Ce choix est pertinent, car, en l’absence de précision, nous nous heurtons au même problème : que signifie « aux abords immédiats » ? Est-ce 30 centimètres, 1 mètre, 2 mètres ? Cela ne fait que maintenir l’ambiguïté. Ainsi, en fixant une distance claire de 5 mètres, nous avons au moins l’avantage de la précision. Et comme je l’ai mentionné, cette mesure est directement inspirée de la décision du canton de Bâle.
Cet amendement n’a pas été voté en commission. Toutefois, nous avons eu une discussion à ce sujet et il a été indiqué à la commission que la loi n’était pas le lieu pour ajouter des éléments aussi précis.
Monsieur Weissert, je tiens à vous remercier pour votre intervention, bien qu’il soit évident que nous avons déjà consacré un certain temps aux discussions sur des précisions qui, à mon sens, relèveraient davantage d’un règlement. Il est certes important de discuter des distances, mais après une série de détails successifs, nous arrivons à des sur-précisions dont l’application risque de s’avérer complexe. Soyons clairs : dans une ville aussi densément peuplée que Lausanne, à quoi cela mènera-t-il ? A la création de périmètres autour de certaines zones, prétendument pour faciliter le travail de la police ?
Je pense que nous frôlons ici, institutionnellement parlant, une forme de mauvaise foi. Des discussions en commission ont eu lieu, des solutions ont été trouvées. Certes, le rapport de la minorité n’a peut-être pas satisfait une partie de cet hémicycle, mais c’est ainsi que fonctionne notre Parlement. Revenir maintenant avec des amendements de détail va à l’encontre de ce compromis à la vaudoise que nous avons su mettre en place. Il est un peu désolant de devoir, une fois encore, perdre du temps à débattre d’un mécanisme législatif qui, à mon sens, n’a pas sa place ici. Nous entrons dans une réglementation beaucoup trop pointilleuse, qui devrait plutôt relever du domaine des règlements, comme l’a souligné ma collègue avant moi. Par conséquent, les Verts ne soutiendront pas cet amendement, et je vous invite à faire de même.
Le système des 5 mètres est prévu par la loi bâloise et a été validé par le TF. Il faut aussi rappeler que, lors des travaux de la commission, nous avions entendu l’Union des communes vaudoises (UCV) et cette dernière proposait justement un amendement qui parlait des 5 mètres. Dès lors, je pense que nous pouvons accepter cet amendement qui est conforme à ce que certains demandaient et à ce qui a été accepté par le TF.
Je déclare mes intérêts : je suis membre du comité de direction de l’association Sécurité Riviera. Je m’interroge concernant la mise en pratique, car nos policiers sont déjà sous pression. On entend tout le temps « mais que fait la police ? » et on souhaite encore surcharger les policiers de travail, en leur faisant mesurer 5 mètres. Nous n’avons pas tous les distances en tête, alors qui va définir réellement ce que sont 5 mètres ? Il ne sert à rien de surcharger nos effectifs de police. Ils ont d’autres choses beaucoup plus importantes à faire, ils ont beaucoup d’autres pressions que celles qu’on veut leur donner maintenant. Je vous invite sérieusement à aller sur le terrain, afin de voir comment cela se passe.
Je souhaite revenir brièvement sur les propos de Mme Bettschart-Narbel, rapportrice de la majorité de la commission, concernant l’arrêt du TF. Je suis désolé de devoir modérer cet enthousiasme autour de la distance de 5 mètres. En effet, le TF n’a pas validé cette distance de manière générale. Je vous renvoie à l’arrêt, que je vous encourage vivement à lire, en attendant une éventuelle traduction. Le considérant 5.3.3 précise clairement que les 5 mètres ne se justifient que dans des lieux spécifiques, caractérisés notamment par leur exiguïté. Cela ne s’applique donc pas aux nombreux éléments ajoutés dans le cadre de cette loi, où cette distance n’est pas justifiée.
Il est donc évident que l’on ne peut pas affirmer que le TF a validé les 5 mètres de manière universelle. Au contraire, il en a restreint la portée. Voter ici une application systématique de cette distance à tous les lieux prévus dans le texte de loi serait en contradiction avec la jurisprudence du TF. Cela ouvrirait largement la voie à de nouveaux recours. Il vous appartient de décider si vous souhaitez adopter une loi viable à moyen et long terme, ou si vous préférez que nous consacrions deux séances du Grand Conseil à débattre d’une loi qui, dans un an, sera annulée. Ce serait bien dommage, tant en termes d’efficacité que de rentabilité pour le canton.
Permettez-moi de présenter un argument d’ordre juridique, suivi d’un argument opérationnel. La fondation de l’arrêt de la CEDH repose sur le pouvoir d’appréciation des autorités. Il est essentiel d’agir avec proportionnalité et de permettre à ceux qui mettent en œuvre ces décisions d’évaluer et d’adapter la situation en fonction de la réalité du terrain. C’est véritablement le principe fondamental de cet arrêt. Par conséquent, imposer une distance de cinq mètres va à l’encontre de l’esprit de la CEDH.
Sur le plan opérationnel, il se peut qu’une distance appropriée soit parfois de trois mètres, et d’autres fois de six mètres. Je ne peux pas envisager des agents de police sur le terrain munis de mètres rubans pour appliquer une telle disposition. Il faut faire confiance aux hommes et aux femmes sur le terrain, qui sauront évaluer la situation en fonction de la morphologie urbaine à laquelle ils sont confrontés. En imposant cette limite de cinq mètres, nous risquons de rendre inapplicable le dispositif souhaité par le Conseil d’Etat. Peut-être que certains, en multipliant les amendements, visent à provoquer le dépôt d’un recours. Ce n’est pas l’intention du Conseil d’Etat qui souhaite que ce dispositif soit mis en œuvre et appliqué. Je vous exhorte donc à faire preuve de sagesse et à ne pas adopter une approche trop rigide.
C’est quand même assez étonnant d’entendre du côté du comité Sécurité Riviera qu’il n’y a aucun problème à tenir un registre des avertissements donnés à des personnes non domiciliées en Suisse et qui n’ont potentiellement pas de papier sur elles. En revanche, estimer une distance de 5 mètres est une charge administrative très complexe. On marche vraiment sur la tête.
J’ai été voir la composition du Grand Conseil du canton de Bâle-Ville. Or, vous constaterez que la gauche et les Verts y sont très largement majoritaires. Alors, quand on entend dire dans cet hémicycle que les amendements qui sont déposés dénotent une dérive droitière, permettez-moi de rigoler, car on marche vraiment sur la tête.
L’amendement Cédric Weissert est refusé par 71 voix contre 64.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Cédric Weissert votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Cédric Weissert est refusé par 72 voix contre 64 et 1 abstention.
*insérer vote nominal
Je souhaite proposer un nouvel amendement :
« Art. 23. – Al. 2, lit. c (nouvelle) : La mendicité en groupe est interdite. »
L’objectif est d’inscrire que la mendicité en groupe est interdite – ce n’est pas le cas actuellement. Je ne pense pas avoir besoin de commenter davantage cet amendement.
Cet amendement n’a pas été discuté en commission. Cela étant, il a été confirmé à la commission que, selon le TF, la mendicité organisée ou en groupe ne peut pas être interdite et donc pas sanctionnable. J’avais compris que le groupe UDC était uniquement contre la CEDH, mais j’apprends aujourd’hui que vous êtes aussi contre nos juges fédéraux et, par conséquent, contre notre droit national.
J’aurais voulu que M. Weissert définisse ce qu’il entend par « mendicité en groupe ».
Madame Thalmann, en groupe signifie plus d’une personne : soit deux, trois ou quatre personnes, voire davantage.
Cela a été évoqué par la rapportrice de majorité, le TF rappelle que la mendicité en groupe ne peut pas être sanctionnée sous ce seul motif. Il est rappelé dans l’exposé des motifs que, dans certaines situations, la mendicité peut être sanctionnée en cas de caractère agressif ou intrusif. La réflexion a été menée par le Conseil d’Etat. Or, en le mentionnant spécifiquement dans la loi, nous allons contredire un arrêt du TF et renforcer assurément l’incapacité du canton de Vaud à proposer un projet de loi qui résiste aux potentiels recours qui pourraient être déposés.
Je souhaite rectifier ce qu’a dit la rapportrice de majorité. En effet, toute une partie de la mendicité organisée est réprimée – il s’agit de l’article 23a, celui qui organise la mendicité d’autrui, celui qui exploite la mendicité d’autrui. Sous cet aspect d’organisation, le projet fixe des limites qui me paraissent parfaitement claires. Toutefois, pénaliser ou interdire une mendicité en groupe m’inspire quelques doutes. C’est un peu comme l’histoire de la file d’attente : c’est impraticable. Autant j’étais contre la file d’attente – et je le serai jusqu’au débat final, en vous invitant à faire de même – autant la notion de groupe « je suis une bande de jeunes à moi tout seul » me paraît assez délicate. Je m’abstiendrai donc sur cet amendement, parce que cela me paraît compliqué à appliquer.
L’amendement Cédric Weissert est refusé par 78 voix contre 52 et 8 abstentions.
L’article 23, amendé, est accepté par 69 voix contre 64 et 4 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l’article 23, amendé, votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’article 23, amendé, est accepté par 73 voix contre 62 et 1 abstention.
Les articles 23a, 23b, 23c, premier et 2, formule d’exécution, sont acceptés avec quelques avis contraires et abstentions.
Le projet de loi est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.