23_POS_81 - Postulat Raphaël Mahaim et consorts - Pour une juste rémunération de tous les magistrats.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 13 de l'ordre du jour

Texte déposé

Comme le précise l’art. 6 de la loi vaudoise sur l’organisation judiciaire (LOJV), les magistrats (et leurs suppléants) sont les personnes qui constituent les autorités judiciaires. Concrètement, ce sont eux qui ont la responsabilité de rendre la justice dans notre canton.

 

Les juges cantonaux, les présidents des tribunaux d'arrondissement, les présidents du Tribunal des mineurs, les présidents du Tribunal des baux, les juges de paix, les juges d'application des peines et les juges du Tribunal des mesures de contrainte sont des magistrats professionnels (art. 17 LOJV). Le traitement salarial des magistrats professionnels est règlé, pour les juges cantonaux, par une loi spéciale (loi sur la rémunération et les pensions des juges cantonaux) et pour les magistrats de première instance, par un décret (décret fixant les traitements de certains magistrats de l'ordre judiciaire).

 

En plus de ces magistrats professionnels, l’ordre judiciaire fonctionne grâce à toute une série d’autres magistrats, non professionnels, qui oeuvrent à tous les échelons et dans tous les domaines du droit. Que l’on pense aux vices-présidents des tribunaux des prud’hommes, aux assesseurs en matière de bail, aux assesseurs dans les justices de paix, aux assesseurs de la Cour de droit administratif et public, etc.

 

Contrairement aux magistrats professionnels, le traitement salarial des magistrats non professionnels n’est pas régi par un texte adopté par le Grand Conseil. Selon l’art. 29 al. 3 LOJV, le Conseil d'Etat détermine parmi les autres magistrats ceux qui reçoivent des salaires dans le cadre des échelles prévues par la loi sur le personnel de l'Etat de Vaud et ceux qui sont rétribués par indemnités. Dans la pratique, les magistrats non professionnels sont rémunérés selon le système des indemnités.

 

Pour les tribunaux d’arrondissement, par exemple, les indemnités sont fixées sur la base d’une directive no 95 du Secrétariat de l’Ordre judiciaire du 17 août 2021 qui reprend les tarifs fixés par le Conseil d’Etat. Cette directive prévoit plusieurs types d’indemnités pour les magistrats non professionnels. Or, les indemnités prévues ne correspondent aujourd’hui plus, et de loin, aux traitement salariaux que seraient en droit d’attendre des personnes qui exercent une activité de magistrat, même de façon non professionnelle.

 

A titre d’illustration, un vice-président de tribunal des prud’hommes perçoit un forfait de Fr. 290.- pour l’étude d’un dossier et l’audience (soirée), ainsi qu’un forfait supplémentaire de Fr. 50.- pour “charge de bureau” (et une indemnité pour les frais de transport). L’indemnité pour rédaction du jugement ne lui est pas versée, car un greffier est chargé de cette tâche. Mais la supervision de la rédaction implique un travail important, parfois très important même. Ainsi, même s’ils peuvent compter sur l’appui d’un greffier, la préparation d’une audience, sa conduite puis la préparation du jugement, pour les causes complexes, implique un nombre d’heures de travail considérable. La rémunération forfaitaire de Fr. 290.- représente ainsi un salaire horaire ridiculement bas.

 

Autre exemple: un assesseur (par exemple dans la juridiction des baux) se verra verser Fr. 150 brut pour une demi-journée d’audience. Cela comprend la consultation du dossier, les recherches juridiques avant la séance et la durée de l’audience (qui peut aller d’une à trois heures s’il faut par exemple entendre des témoins ou procéder à des mesures d’instruction). Si l’on fait un bref calcul, 1h30 minimum pour la consultation du dossier  sur place (je dois faire moi-même la copie des écritures et pièces pertinentes), 1 heure minimum de recherches de droit et 1h. 30 d’audience avec le déplacement (souvent à Vevey). Si l’on compte 4 heures de travail, ce qui est une estimation encore prudente dans les cas où une préparation importante est nécessaire, la rémunération correspond à Fr. 150 brut, soit 37 fr. 50 brut par heure de travail.

 

La rémunération par indemnité revient ainsi le plus souvent à favoriser un traitement salarial qui est clairement insuffisant pour la fonction en question. Afin de continuer à rendre ces fonctions de magistrats non professionnels un tant soit peu attractives, non seulement du point de vue de leur intérêt professionnel mais également du point de vue salarial, une refonte complète du système est nécessaire.

 

Par la présente motion, les député.e.s soussigné.e.s demandent au Conseil d’Etat de soumettre au Grand Conseil un projet de révision des bases légales pertinentes permettant une revalorisation du traitement salarial des magistrats non professionnels.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Anne-Laure Métraux-BotteronVER
Séverine EvéquozVER
Sabine Glauser KrugVER
Cendrine CachemailleSOC
Sébastien PedroliSOC
Alice GenoudVER
Felix StürnerVER
Anne Baehler Bech
Rebecca JolyVER
Léonard Studer
Didier LohriVER
Claude Nicole GrinVER
Nathalie JaccardVER
Nicolas MattenbergerSOC
Blaise VionnetV'L
Vassilis Venizelos
Sylvie PodioVER
Pierre ZwahlenVER
Pierre FonjallazVER
Olivier Epars
Andreas WüthrichV'L

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alexandre Démétriadès (SOC) — Rapporteur-trice

Ce sujet est moins clivant que les deux précédents. La motion de notre ancien collègue Mahaim vise à revaloriser les fonctions des magistrats non professionnels de l’Ordre judiciaire vaudois. Dans la situation actuelle, malgré la professionnalisation toujours plus forte de l’Ordre judiciaire, il reste plusieurs juridictions avec des magistrats non professionnels. On peut citer les assesseurs au Tribunal des baux, le vice-président ou assesseur au Tribunal de prud’hommes, l’assesseur à la Cour de droit administratif et public (CDAP). Le motionnaire souligne la faiblesse des indemnités au regard de la charge de travail.

Lors de la séance de commission, Mme la conseillère d’Etat a relevé la forte disparité des pratiques en matière de rémunérations − à l’heure, à la demi-journée, à la journée entière ou à l’acte. Ce système complexe découle de différentes décisions du Conseil d’Etat à travers le temps. Il n’y a pas de cohérence et cela s’est construit de façon empirique et historique. Toujours selon le Conseil d’Etat, une comparaison entre les cantons − Fribourg s’en est chargé − a montré que les pratiques étaient plus harmonisées dans les cantons du Valais, du Jura, de Neuchâtel et de Fribourg et que dans le canton de Vaud, les rémunérations étaient globalement plus faibles. Mme la conseillère d’Etat s’est déclarée favorable à mener une réflexion sur les niveaux de rémunération. Toutefois, elle a demandé à transformer ce texte en postulat pour laisser davantage de flexibilité au Conseil d’Etat, partant surtout du principe que l’on pourrait agir plutôt sur les barèmes que sur des changements de loi. Sur cette proposition du Conseil d’Etat, le motionnaire a accepté de transformer son texte en postulat. Finalement, l’unanimité de la commission s’est déclarée favorable à transmettre la motion transformée en postulat au Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Aliette Rey-Marion (UDC) —

Comme Mme la conseillère d’Etat Luisier Brodard l’a précisé en séance de commission : les magistrats non professionnels sont au nombre de 640 dans le canton de Vaud. Ces personnes très différentes selon leur mandat sont mentionnées dans le rapport de commission. Certains postes sont plus faciles à repourvoir que d’autres, par exemple dans les Justices de paix et pour les assesseurs avec des qualifications très spécifiques. Les rémunérations, dont la grande partie des décisions reviennent au Conseil d’Etat par la Loi d’organisation judiciaire, sont très diverses. Il existe des rémunérations à l’heure, à la demi-journée, à la journée entière, voire à l’acte. La plupart de ces tarifs datent des années 1990 ou du début des années 2000. D’après une comparaison cantonale, le canton de Vaud pratique des tarifs relativement faibles. Mme la conseillère d’Etat avoue qu’une réflexion doit être menée. À la suite des renseignements obtenus et de la discussion, la proposition de transformer la motion en postulat est acceptée. Vous l’aurez compris, le groupe UDC vous demande d’accepter cette motion transformée en postulat.

M. David Raedler (VER) —

D’emblée, j’annonce mes intérêts : j’ai travaillé 8 ans comme vice-président du Tribunal de prud’hommes de l’arrondissement de la Broye et du Nord vaudois. A ce titre, j’étais concerné par la question couverte par la motion transformée en postulat.

Comme indiqué dans le rapport, le motionnaire se déclare satisfait de celui-ci et du renvoi de sa motion transformée en postulat au Conseil d’Etat. La question qu’il soulève est centrale, car dans le système judiciaire vaudois, les vice-présidents, vice-présidentes et magistrats qui ne sont pas professionnellement magistrats représentent un nombre important de personnes − 640 magistrats et magistrates. Ces personnes ont des compétences importantes. Au Tribunal de prud’hommes, des vice-présidents et vice-présidentes sont rémunérés à la tâche. Il en va de même au Tribunal des baux, ainsi que, pour des affaires, au Tribunal d’arrondissement, notamment au Tribunal de police. Ces personnes ont un pouvoir de décision important, car elles rendent des jugements au sens strict. Pourtant, leur rémunération reste insatisfaisante. Dans la situation que j’ai vécue, les juges aux Prud’hommes gagnent un forfait de 290 francs pour une audience d’environ 5 heures, l’analyse du dossier qui requiert environ 2 à 3 heures et la rédaction du jugement qui prend généralement de 5 à 10 heures. Par conséquent, au total, 20 heures sont consacrées à un dossier pour 290 francs forfaitaires. Comme le Conseil d’Etat l’a expliqué, cela se fonde sur le fait que ces positions sont importantes pour des personnes qui viseraient la magistrature ou qui ont un intérêt pour la magistrature. Toutefois, ce n’est pas un système sur lequel nous devons nous fonder ; nous ne devons pas « profiter » du besoin d’expérience chez des personnes pour les sous-payer. Le risque est que les personnes bâclent l’analyse du dossier, ce qui se constate parfois, malheureusement. Travaillant souvent sur des dossiers qui relèvent du Tribunal de prud’hommes, j’observe parfois des juges qui bâclent leurs dossiers et qui ne voient pas de quoi il s’agit. Ce n’est pas sérieux pour les parties. En conséquence, c’est avec plaisir que nous constatons l’unanimité de la commission et que nous remercions le Conseil d’Etat de son travail sur le sujet.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considérationavec quelques abstentions.

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