RAP_642986 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le Postulat Thierry Dubois et consorts - Financement uniforme des prestations de santé ambulatoires et stationnaires : un sujet à transmettre à notre commission de santé publique ! (192).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 juin 2021, point 24 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission de la santé publique s’est penchée sur le Rapport du Conseil d’Etat sur le postulat de Thierry Dubois « Financement uniforme des prestations de santé ambulatoires et stationnaires » (17_POS_015). Le Grand Conseil avait décidé, à une large majorité, de renvoyer ce postulat qui traite d’un objet fédéral, le financement des soins étant actuellement en discussion à la Commission thématique de la santé publique du Conseil des Etats, sur le sujet du financement uniforme ou moniste. Pour rappel, actuellement, le financement des soins stationnaires, soit lors d’un séjour à l’hôpital, est financé pour 45 % par le canton et 55 % par l’assurance obligatoire de base, alors que l’ambulatoire est pris en charge à 100 % par l’assurance de base. Le postulat demande donc au Conseil d’Etat d’exposer sa position sur ce débat qui est de compétence fédérale. La Commission thématique de la santé publique a été saisie du rapport du Conseil d’Etat qui rappelle que sa position est partagée par la Conférence des directeurs de la santé de l’ensemble des cantons suisses.
La santé est un des plus gros marchés de Suisse, si ce n’est le plus gros : les prestations de santé représentent 82 milliards de francs par an, soit 12,3 % du Produit intérieur brut (PIB), presque deux fois plus que le marché du tourisme ! L’enjeu du financement est donc d’une grande importance pour l’ensemble des acteurs, en fonction de leurs objectifs respectifs. Aujourd’hui, le financement varie en fonction du type de prestations. Il y a, d’une part, les prestations stationnaires – lorsque vous dormez à l’hôpital – qui fonctionnent selon un paiement par forfait, ou par journée pour la réadaptation. Pour les capacités hospitalières planifiées par les cantons, la participation cantonale s’élève à 55 % des coûts et celle de l’assurance à 45 %. Pour les hôpitaux conventionnés, qui ne sont donc pas dans la liste LaMal mais au bénéfice d’une convention, aucune participation cantonale n’est prévue. Il y a, d’autre part, les prestations ambulatoires où prime le paiement à l’acte – pour lequel on emploie l’acronyme Tarmed (Tarif des prescriptions médicales) – pour lesquelles aucune participation cantonale n’est prévue, sauf indirectement par le subside des primes. Enfin, pour les prestations de soins à longue durée, soit les établissements médico-sociaux (EMS) et les soins à domicile, les tarifs sont fixés par une ordonnance fédérale et les coûts pris en charge par l’assurance, avec un financement cantonal résiduel relevant de la compétence du canton.
Le projet fédéral de financement uniforme des prestations stationnaires et ambulatoires (EFAS) propose de mettre fin au financement croisé. Il part du principe que les assurés ont intérêt à ce que les prestations se déroulent prioritairement en stationnaire, alors que les cantons ont intérêt à ce que les prestations aient lieu en ambulatoire. Or, il a été rappelé en commission – et différents spécialistes ont aussi souvent l’occasion de le rappeler – que les décisions d’orienter le patient vers le stationnaire ou l’ambulatoire sont prises en fonction d’indications thérapeutiques, et non en fonction de la provenance du financement, Dieu merci. Le virage ambulatoire qu’a connu le canton fait partie des plus forts de Suisse. Un des premiers effets négatifs du projet de financement moniste – le projet EFAS – auquel le canton pourrait être confronté, est qu’il a déjà une part d’ambulatoire assez importante, alors qu’un des objectifs actuellement discutés aux Chambres fédérales vise à garantir une neutralité financière. Compte tenu des efforts qu’il a réalisés ces dernières années, le canton de Vaud serait pénalisé et cela représenterait une charge supplémentaire de 100 millions. En commission, certains spécialistes parlaient même du double, 100 millions étant très probablement le bas de la fourchette. Si le projet EFAS aboutit, la part cantonale pour le stationnaire et l’ambulatoire devrait se situer autour de 25 % et la part des assurances vers 75 %. Un autre effet pervers du projet EFAS : les hôpitaux conventionnés verront passer la contribution des assureurs à 75 %, ce qui pousserait à la création de capacités hospitalières allant au-delà des besoins planifiés, ce qui provoquerait évidemment une augmentation des coûts de la santé.
Le projet discuté aux Chambres fédérales réduit par ailleurs le rôle des cantons à celui d’agents payeurs, sans leur donner d’instruments de pilotage, notamment dans le domaine ambulatoire. Il représente donc une perte de maîtrise de la planification hospitalière cantonale. Par contre, le modèle serait favorable à certaines cliniques privées qui seraient incitées à augmenter leur volume de prestations. Un autre défaut du projet est qu’il n’inclut pas les soins de longue durée qui vont aller croissant ces prochaines années à cause du vieillissement de la population. Le Conseil d’Etat a rappelé que le canton de Vaud, ainsi que l’ensemble des cantons suisses, insistait sur la nécessité d’intégrer les soins de longue durée dans le calcul et la réflexion afin de permettre de répartir de façon plus équitable la future croissance de ces coûts entre les cantons et les assureurs.
En conclusion, le rapport du Conseil d’Etat nous rappelle que si le canton n’est pas opposé à un système de financement uniforme, qui peut clarifier le système et représenter certains avantages en termes de lisibilité, il est impératif que la réforme prévoie des dispositifs permettant aux cantons de garder la maîtrise des financements et de développer de nouveaux outils de régulation qui permettraient d’agir concrètement sur la croissance des coûts. Ce n’est pas le cas avec le projet discuté actuellement aux Chambres. D’après mes informations, les débats reprendront en commission du Conseil des Etats en septembre. Ainsi que la commission unanime, je vous invite à accepter le rapport du Conseil d’Etat qui rappelle les raisons pour lesquelles le canton de Vaud, ainsi que l’ensemble des cantons suisses, est opposé au financement moniste porté par le projet EFAS.
La discussion est ouverte.
Préoccupé par l’évolution des coûts de la santé, j’ai toujours eu une vision très favorable du financement uniforme ou moniste, selon l’ancienne terminologie. J’avais l’impression qu’une telle démarche permettrait d’éviter des incitations à privilégier certains gestes en hospitalier et qu’une telle approche favoriserait ce qu’on appelle le virage ambulatoire, le passage des prestations fournies en milieu hospitalier vers l’ambulatoire. J’ai été très sensible à l’argumentaire du Conseil d’Etat et à celui de la Conférence des directeurs de la santé qui soulève quelques points importants qui découleraient du financement uniforme. J’en rappelle quelques-uns : le fait que les cantons deviendraient uniquement des agents payeurs en perdant tout contrôle sur l’utilisation des deniers publics ; le risque financier dont une première estimation a été mentionnée – de plus de 100 millions, pour ne pas dire même 200 millions selon certaines estimations – qui reviendrait au canton de Vaud en cas d’acceptation d’un financement uniforme ; enfin le fait que le canton perdrait toute capacité de régulation au niveau des prestations et de la projection de la santé dans notre canton. De plus, il a été mentionné que le coût des EMS et des soins à domicile ne serait pas inclus dans ce financement.
Le rapport sur le postulat Dubois apporte un éclairage très intéressant sur la vision des cantons en comparaison avec la vision fédérale. Je suis très surpris de la position du Conseil national qui soutient aux deux tiers un tel financement uniforme. Par conséquent, je soutiendrai le rapport qui exprime bien les préoccupations des cantons, et le fait que si un tel financement uniforme devait être adopté, il y aurait encore de nombreuses améliorations à apporter pour garder des finances saines, pour la santé, dans notre canton.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le rapport du Conseil d’Etat est approuvé à l’unanimité.