19_POS_169 - Postulat Léonore Porchet et consorts - Santé mentale, on t'aime à la folie.

Séance du Grand Conseil du mardi 15 février 2022, point 24 de l'ordre du jour

Texte déposé

-

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Vassilis Venizelos — Rapporteur-trice

Dans le développement de son postulat, l’auteure rappelle les cassures en matière de santé mentale que l’on peut observer. Selon le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), cela représente 18 milliards par année dans le budget national de la santé. Tout récemment, la plateforme d’aide pour les 11-20 ans, ciao.ch, rappelait que les demandes avaient explosé de plus de 500 % depuis 2020. Il est clair que la pandémie a fragilisé la santé mentale des jeunes générations. Les appels à l’aide se multiplient, les jeunes en détresse qui sollicitent des soutiens de l’Etat ou de ces plateformes se multiplient également, raison pour laquelle le Conseil d’Etat a présenté un plan d’action en octobre 2020 pour proposer différentes mesures et répondre à ce phénomène.

Ce postulat s’inscrit dans ce contexte spécifique et vise la mise en place de mesures pérennes en demandant de travailler à l’élaboration d’un Plan d’action cantonal (PAC 2021-2024) qui favoriserait une approche biomédicale-sociale de la santé mentale, soit une approche qui considère à la fois les facteurs biologiques, sociologiques et environnementaux sur un pied d’égalité avec des causalités complexes et multiples. En commission, le Conseil d’Etat a indiqué qu’il s’agissait d’un sujet important et porté au sein du rapport sur la politique de santé du canton de Vaud 2018-2022. Le Conseil d’Etat a rappelé qu’au cours de leur vie, la moitié des Suisses est confrontée au moins une fois à une maladie psychique qui nécessite une prise en charge. Ces maladies ont un impact non seulement sur la qualité de vie des personnes concernées, mais aussi sur leurs proches et la société en général, y compris en termes de coûts.

La Direction générale de la santé (DGS) subventionne plusieurs associations actives dans le domaine, comme Pro Mente Sana ou Stop Suicide. Pour la première fois, des modules de santé mentale destinés aux jeunes et aux personnes âgées ont été intégrés dans le prochain Programme d’action cantonal soumis récemment à Promotion santé suisse. La Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) est aussi impliquée dans le domaine de la santé mentale au sens large, par exemple à travers des programmes de soutien aux proches aidants. D’autres départements sont également impliqués, en collaboration avec la DGS, comme le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture, dans le cadre des actions menées par l’Unité promotion de la santé et prévention en milieu scolaire (PSPS).

Il reste – ici le Conseil d’Etat rejoint la postulante – qu’une concertation générale et une vision commune manquent. Selon la cheffe du département, les pistes mentionnées dans le postulat vont dans la bonne direction et un état des lieux de la situation actuelle est envisageable. Enfin, il est rappelé que la pandémie que nous traversons, et dont nous espérons sortir rapidement, a exacerbé ces processus et phénomènes, comme je l’ai rappelé tout à l’heure avec l’exemple ciao.ch.

En commission, conscients de la problématique, les commissaires se sont dit favorables au texte déposé. Plusieurs aspects et éléments ont été développés, notamment des analogies avec le Programme cantonal fribourgeois de la promotion de la santé mentale qui peut être une source d’inspiration dans la mesure où il adopte une perspective large qui dépasse le seul traitement médical des troubles psychiatriques. D’autres commissaires ont relevé la nécessité de répondre à des besoins non couverts pour certains groupes à risques, tels que le handicap, les histoires de violence familiale, les familles monoparentales, les membres des minorités sexuelles, les enfants dont les parents présentent des troubles psychiques ou des addictions ainsi que les personnes détenues. La réflexion devrait également couvrir ces champs, selon les commissaires s’étant exprimés.

En commission, la cheffe du département nous a fourni quelques chiffres – 23 % des Vaudois contre 15 % des Suisses indiquent souffrir de problèmes psychiques moyens à élevés, 13% des Vaudois contre 9 % des Suisses indiquent présenter des symptômes dépressifs, 30 % des Vaudois contre 23 % des Suisses reportent un faible sentiment de maîtrise de la vie, 47 % des Vaudois contre 39 % des Suisses reportent un sentiment de solitude, 11 % des Vaudois contre 10 % des Suisses reportent un faible niveau de soutien social – en soulignant qu’il s’agit avant tout d’autoévaluations, moins d’indicateurs objectifs relatifs au recours à des psychothérapies qui nous permettraient d’analyser ces différents chiffres. Les différences sont toutefois notables.

La proposition de la postulante a été analysée. La commission a préféré se diriger vers un aperçu plutôt que vers un inventaire. Il serait en effet difficile de dresser un inventaire à la Prévert en termes de réunion d’informations et de charge importante pour l’administration cantonale. Nous vous proposons donc de prendre partiellement en considération ce postulat :

« Un inventaireaperçu des stratégies déjà en place pour la promotion de la santé mentale, la gestion des cassures de santé mentale et la déstigmatisation des troubles psychiques, ainsi que pour éviter les rechutes et les péjorations de la santé mentale auprès des personnes ayant déjà eu des cassures. Cet inventaireaperçu précise les bases légales, les organisations responsables et l’allocation de ressources. Il décrit la manière dont la promotion de la santé mentale est intégrée dans le fonctionnement de routine des organisations subventionnées concernées (formation des professionnel-le-s à la problématique, actions concrètes, etc.) et les indicateurs d’impact sur la santé mentale existants ».

La formulation de la postulante est ainsi modifiée en ce sens. En commission, la représentante de la postulante s’est dit satisfaite de cette lecture. Elle a insisté sur la nécessité, d’une part, d’avoir un plan d’action interdépartemental et transversal et, d’autre part, d’appréhender la santé mentale, au-delà de son volet strictement médical, en intégrant ses dimensions sociales, économiques et culturelles. Finalement, la commission, à l’unanimité de ses membres, vous recommande de prendre partiellement en considération ce postulat.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Sylvie Podio (VER) —

Mme Porchet ne siégeant plus parmi nous, mais sous d’autres cieux, j’ai le plaisir de soutenir ce postulat à sa place. Je déclare avant tout mes intérêts : je suis directrice de Pro Infirmis Vaud ainsi que membre de comité de différentes associations en lien avec le handicap sous toutes ses formes. Les maladies psychiques péjorent grandement la vie des personnes touchées, celle de leurs proches, voire de la société en général. Elles sont le fruit de plusieurs facteurs, avec des causalités multiples et diversifiées. Elles peuvent concerner tout un chacun. Une stratégie de promotion, de prévention et d’accompagnement des maladies mentales doit s’inscrire dans une approche pluridisciplinaire qui prenne en compte cette diversité.

Le postulat de Mme Porchet vise à la mise en place de mesures pérennes et demande l’élaboration d’un Plan d’action cantonal qui favorise une approche bio-psycho-sociale de la santé mentale, soit une approche qui considère les facteurs biologiques, sociologiques et environnementaux sur un pied d’égalité dans le maintien d’une bonne santé mentale. La crise du coronavirus que nous traversons nous a d’ailleurs rappelé à toutes et tous que notre santé mentale ne dépend pas exclusivement de l’individu. En effet, la durée et l’ampleur de la crise due à l’épidémie de COVID-19 ont eu un impact sur le moral et la santé mentale de nombreuses personnes, et ce, indépendamment de leur âge ou de leur condition sociale. Ce postulat vise à l’adoption d’une vision transversale de la santé mentale qui implique plusieurs départements. Cette vision est aussi partagée par le département et, cette volonté de considérer la santé mentale sous l’angle bio-psycho-social étant conservée dans la prise en considération partielle du postulat, je vous remercie de le soutenir.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

Au nom du parti socialiste et en tant que membre de la Commission thématique de la santé publique, je souhaite soutenir ce postulat qui porte sur un sujet majeur, d’ailleurs pris en compte dans le rapport sur la politique de santé du canton de Vaud 2018-2022, au chapitre « Santé mentale des populations vulnérables, jeunes, personnes âgées, migrants ». Au cours de leur vie, la moitié des Suisses est confrontée au moins une fois à une maladie psychique qui nécessite une prise en charge médicale. Ces maladies ont un très fort impact non seulement sur la qualité de vie de ces personnes, mais aussi sur leurs proches et la société en général, y compris en termes de coûts.

La pandémie que nous traversons a amplifié les situations problématiques ainsi que le nombre très important de demandes d’aides et les mesures déployées pour y faire face décrites dans la réponse à mon interpellation que nous venons de traiter. Les questions de santé mentale durant cette période de pandémie ont fait l’objet d’inquiétudes légitimes et touchent notamment ce que l’on nomme les troubles anxieux, les phobies, l’augmentation des états dépressifs, pouvant mener à des crises suicidaires. Quelques chiffres encore qui illustrent l’ampleur du problème et la situation plus marquée dans notre canton : 23 % des Vaudois contre 15 % des Suisses indiquent souffrir de problèmes psychiques moyens à élevés, 13 % des Vaudois contre 9 % des Suisses indiquent présenter des symptômes dépressifs. Encore une fois, il s’agit d’une situation critique qui nous concerne et qui doit nous mobiliser pour y faire face de manière adaptée, avec des mesures adéquates.

Nous vous encourageons à soutenir ce postulat et à encourager la mise en place de mesures pérennes, en demandant de travailler à l’élaboration d’un Plan d’action cantonal favorisant une action bio-médico-sociale de la santé mentale, soit une approche de la santé mentale qui mette les facteurs biologiques, sociologiques et environnementaux sur un pied d’égalité, tout en tenant compte des causalités complexes et multiples.

Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) —

Ce postulat a été déposé le 8 octobre 2019 par Mme Porchet et la Commission thématique de la santé publique l’a traité le 29 septembre 2020. Je ne rappelle pas la teneur du texte du postulat et ses demandes qui ont déjà été évoquées par l’ancien président de commission, M. Venizelos. Lors de la séance de commission, la postulante, représentée par Mme Sylvie Podio, a rappelé que le postulat avait été déposé bien avant le début de la crise COVID, dont la durée et l’ampleur ont eu un impact négatif sur le moral et la santé mentale de l’ensemble de la population. La conseillère d’Etat estime que l’autoévaluation faite par la population vaudoise de sa santé psychique est moins bonne que l’autoévaluation que la population vaudoise fait de sa santé physique, notamment en comparaison avec les données en provenance de Suisse alémanique.

Les actions cantonales vaudoises de promotion de la santé mentale se montrent limitées. De nombreux acteurs sont subventionnés, y compris des actions en faveur des jeunes et personnes âgées. Il reste qu’une concertation générale et une vision commune manquent. Ainsi, les pistes mentionnées dans le postulat rejoignent la réflexion du Conseil d’Etat sur la nécessité de dresser un état des lieux de la situation actuelle. Le Conseil d’Etat est ainsi favorable à aller de l’avant si la commission, puis le Grand Conseil, lui renvoient le postulat.

Plusieurs commissaires se disent favorables au texte déposé et saluent la reconnaissance par le Conseil d’Etat de l’enjeu majeur que représente la santé mentale. La représentante de la postulante reste consciente que le Conseil d’Etat ne pourra pas couvrir l’intégralité des besoins, qu’il s’agit en premier lieu de déceler. La demande du postulat relève à ce titre une intention, sachant par exemple que les actions des pouvoirs publics atteignent difficilement certaines populations. Une commissaire souligne l’intérêt de briser le travail en silos et de réaliser une étude des besoins non couverts qui tienne compte de l’aspect transversal de la santé mentale, au-delà de la seule dimension médicale. Après discussion en commission, il est constaté que l’information sur les nombreux outils ainsi que leur coordination mérite d’être améliorée. Plutôt que de dresser un inventaire, il est possible de parler d’un aperçu destiné en particulier à rappeler que le Conseil d’Etat ne se montre pas inactif sur le sujet et a déployé une stratégie ainsi que toute une série d’interventions. Si la nécessité d’étendre l’action de l’Etat n’est pas remise en cause, il convient de reconnaître que nous ne partons pas de rien.

La cheffe du Département de la santé et de l’action sociale précise qu’elle entend se concentrer sur la deuxième demande du postulat, à savoir définir les moyens de répondre aux besoins identifiés. Les actions définies se doivent toutefois d’être justifiées à travers l’élaboration préalable d’une vue d’ensemble de ce qui se fait déjà ou pas dans le canton ; on parle d’ailleurs de contextualisation. La représentante de la postulante confirme que la demande essentielle du postulat réside dans l’établissement d’un plan d’action interdépartemental. Dans un esprit de compromis, il est proposé de reformuler le premier tiret du texte du postulat, comme cela a été évoqué par M. Venizelos.

A l’unanimité de ses membres, la commission recommande au Grand Conseil de prendre partiellement en considération ce postulat, et de le renvoyer au Conseil d’Etat. Le groupe PLR vous invite à en faire de même.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d’Etat

Je souhaite brièvement vous donner quelques éléments de mise à jour, ce postulat ayant été traité il y a déjà longtemps. Au moment des travaux en Commission thématique de la santé publique, j’avais eu l’occasion d’exposer les différentes actions mises en œuvre, les mesures existantes ainsi que les chantiers qui devaient s’ouvrir. Or, depuis lors, certains points ont pu avancer. Ma collègue Cesla Amarelle l’a rappelé il y a quelques instants en réponse à une interpellation de Mme Attinger Doepper : en juillet 2021, le Conseil d’Etat a adopté un plan d’action pour répondre à l’impact du COVID sur la santé mentale des enfants et des jeunes, des études très récentes menées en Suisse attestant de leur grande souffrance psychique ainsi que d’une augmentation de leurs pensées suicidaires. Ce plan a permis de soutenir quinze actions regroupées autour de trois axes : la promotion de la santé mentale, le repérage/l’intervention précoce ainsi que l’accompagnement et la prise en charge pour le public qui fait face à des difficultés avérées.

Avant cela, dans le cadre du Programme d’action cantonal 2021-2024 cofinancé par Promotion santé suisse, la DGS a initié deux modules dédiés à la santé chez les jeunes et les seniors, en plus de ceux qui concernent l’activité physique et l’alimentation. S’agissant plus particulièrement de la promotion de la santé mentale et de la prévention, un travail d’identification des besoins et des mesures déjà mises en œuvre a également été initié par la DGS. Sur la base des premières analyses en notre possession, certaines recommandations émanent, dont le fait de finaliser de manière concertée une stratégie cantonale, en pouvant effectuer le recensement des organisations et des activités du domaine, en intégrant les partenaires aux réflexions et en rédigeant de manière large une stratégie de promotion et de prévention de la santé mentale. Un autre axe consiste à prioriser des développements thématiques dans le domaine de la prévention et de la promotion de la santé mentale, en se basant sur une approche locale ; en identifiant les populations et les phases de vie des personnes concernées qui sont prioritaires ; et, enfin, en établissant ou en renforçant la gouvernance, la coordination des échelons d’intervention dans ce domaine. La DGS travaille actuellement sur ces éléments.

Il est donc prévu que la DGS développe un nouveau Plan de santé mentale puisque, comme cela a été dit lors des travaux de la Commission thématique de la santé publique, l’ancien date de 2012 et il inclut principalement une vision psychiatrique. Ce nouveau plan de santé mentale inclura tous les âges de la vie et s’occupera des trois domaines de la promotion de la santé, soit la prévention, l’intervention précoce et la prise en charge. Les travaux autour de ce nouveau plan vont débuter tout prochainement. Sur la base de ces divers éléments, et si le postulat est renvoyé au Conseil d’Etat, nous répondrons avec des informations en lien avec les thématiques signalées.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération partiellement à l’unanimité.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :