21_POS_2 - Postulat Nicolas Croci Torti - et consorts- Pour un accompagnement actuel et adapté du corps enseignant vaudois.
Séance du Grand Conseil du mardi 12 janvier 2021, point 15 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourNous aurions tendance à dire « enfin ! » Depuis le 19 mars 2019, date à laquelle s’est réunie la commission pour traiter de ce texte, le Conseil d’Etat aurait déjà pu nous gratifier du rapport comme demandé lors de nos délibérations. Néanmoins, madame la conseillère d’Etat, je sais comme vous que l’année 2020 a été légèrement chamboulée en raison de la COVID-19.
En effet, afin de lutter contre un certain stéréotype qui pourrait péjorer l’image des enseignants, le motionnaire estime que les débats et discours se cristallisent parfois, voire souvent sur la notion d’évaluation. Le texte de la motion demande un accompagnement global, ainsi que la mise à disposition d’outils et d’indicateurs de suivi pour les directions d’établissement et les services étatiques. La volonté du motionnaire visant à renforcer la qualité de l’instruction publique est pleinement partagée par le Conseil d’Etat. Ce dernier, après avoir détaillé les différents points contenus dans l’objet parlementaire, met en avant le Concept 360° et la seconde mesure d’accompagnement mise en avant dans la motion. Vous l’aurez compris, pour le Conseil d’Etat, il convient d’abord de mettre en place un accompagnement pour, ensuite, tirer les conclusions qui s’imposent. C’est dans cette direction que le motionnaire et la commission ont accepté, après discussion, de transformer la motion en postulat, en prenant aussi bonne note que Madame la conseillère d’Etat se dit prête à prendre en main la question de l’accompagnement des enseignantes et enseignants. La commission vous encourage à prendre en considération cette motion transformée en postulat.
La discussion est ouverte.
En préambule, je déclare mes intérêts comme enseignant et doyen dans un établissement scolaire vaudois depuis plus de vingt ans. Pourquoi le sujet est-il si sensible ? Le texte déposé se veut constructif et non stigmatisant, même si certains milieux syndicaux y voient l’œil de Moscou qui s’immisce dans la carrière des enseignants vaudois. Je serais donc le loup dans la bergerie… mais un loup avisé qui sait de quoi il parle ! Dans un très grand nombre de professions, le suivi des collaborateurs constitue une pratique usuelle pour qui veut garantir la qualité des prestations et des produits. Comme je l’avais déjà exprimé dans mon développement, le personnel du CHUV ou les gendarmes vaudois sont, par exemple, régulièrement soumis à des entretiens de services avec leur supérieur. Pourquoi la mise en place d’un accompagnement adapté aux enseignants vaudois devrait-il déroger à cela, alors même que l’évaluation fait partie du cahier des charges de cette profession ? Malheureusement, ce terme « évaluation » effarouche une partie de ceux qui la pratiquent au quotidien. Sert-elle uniquement à sanctionner ? Ce n’est en tout cas pas ma conception. L’évaluation peut être formative et constructive pour l’élève et lui permettre de s’améliorer, alors pourquoi ne le serait-elle pas pour l’enseignant ?
Au-delà de cette seule notion d’évaluation, le texte déposé demande de mettre en place un accompagnement pour les professionnels confrontés dans leur pratique quotidienne à des écueils, des difficultés toujours plus variées, comme nous l’avons vu au point précédent de l’ordre du jour. En effet, La typologie des élèves et de leurs parents a changé, et un besoin d’accompagnement de plus en plus important se fait sentir. C’est notamment à ce titre que le département a initié le Concept 360° pour la prise en charge des élèves à besoins particuliers, comme l’a relevé Mme la conseillère d’Etat précédemment. La faîtière des syndicats romands n’a-t-elle pas fait publier une étude en 2017 qui démontre que plus de 40 % des enseignants se disent régulièrement en souffrance ? Il faut évidemment considérer ces chiffres avec grande prudence, puisque ce sont 40 % des 10 % qui ont répondu à ce sondage. Quoi qu’il en soit, j’ai de la peine à comprendre que certains syndicats s’insurgent encore et toujours contre de quelconques mesures d’accompagnement, même si je peux m’imaginer que l’on touche un peu ainsi à leur fonds de commerce. En effet, si les enseignants vont mieux, à quoi les syndicats pourraient-ils encore servir ? Ajoutons un point crucial à ce débat en parlant des élèves, les premières victimes lorsqu’un enseignant se retrouve en difficulté. Cependant, ce sont surtout eux qui seront les premiers bénéficiaires d’un corps enseignant sain et revalorisé.
Pour terminer, je tiens à relever ici les excellents échanges qui ont régné tout au long de la séance de commission. J’ai pu clairement exposer les intentions de mon texte, et la quasi-unanimité des collègues, de tous bords politiques à une abstention près, ont appuyé son renvoi au Conseil d’Etat, après que j’ai accepté de le transformer en postulat. Je note aussi avec satisfaction que le Conseil d’Etat est prêt à se saisir de ce dossier. Je vous invite donc, à l’instar de l’entier du groupe PLR, à suivre les conclusions du rapport de la commission afin de mettre en place un accompagnement moderne et adapté de leur carrière professionnelle, pour des enseignants qui représentent près d’un quart des employés de l’Etat de Vaud.
Je déclare mes intérêts, d’abord comme enseignant depuis 20 ans, comme mon collègue Croci Torti, et également comme président du Syndicat des services publics (SSP) région Vaud, une organisation — je vous rassure, monsieur le député — pas du tout en manque de sujets d’intérêt.
Pour M. Croci Torti, le problème de l’école vaudoise réside dans le manque d’outil de gestion RH aux mains des directions d’école - directions auxquelles il appartient, ce qui est d’ailleurs curieux dans ce contexte ‑ des outils qui devraient servir à mettre au pas le corps enseignant. Mais le problème de l’école aujourd’hui ne réside-t-il pas plutôt dans un manque de soutien et d’accompagnement, une gestion du personnel déconnectée des établissements, un tutorat à développer, une médiation école-famille à créer ? Nous ne parlons pas d’un accompagnement comme outil de gestion RH bureaucratique et hiérarchique, comme évoqué dans le rapport de la commission, mais d’un tutorat, d’un encadrement par des pairs dans une vision soutenante et non pas sanctionnante.
J’invite toutes celles et ceux qui souhaitent sincèrement apporter un soutien à l’école à ne pas soutenir ce postulat, et cela ne signifiera pas que vous estimez que la situation actuelle est adéquate. Alors, que faudrait-il entreprendre si nous voulons offrir un accompagnement au corps enseignant et non pas fournir un outil aux mains des directions ? Tout d’abord, il faudrait étendre les projets de tutorat développés dans certains établissements et les généraliser. La formation certifiée des tuteurs et tutrices est justement lancée ce mois-ci. A ce sujet, je me réjouis d’entendre les intentions de la cheffe de département. Il s’agirait aussi de mettre sur pied une gestion décentralisée dans chaque région scolaire de la gestion du personnel et réorganiser les directions d’établissement pour soulager celles-ci des tâches administratives, libérer du temps pour réellement assurer un encadrement. Finalement, il faudrait développer la médiation école-famille afin d’éviter que l’administration se trouve juge et partie lorsque des difficultés se présentent. Certains se disent probablement qu’il est nécessaire de sanctionner les mauvais comportements. A ceux-ci, je conseille de lire la Loi sur le personnel de l’Etat de Vaud. Ils apprendront que ce personnel peut faire l’objet d’enquêtes administratives, être réprimandés, avertis et, en ultime recours, licenciés. De nombreux outils existent donc pour faire face aux difficultés.
Alors que cette période place le corps enseignant sous une pression extraordinaire, alors que l’école accueille quotidiennement, dans des conditions difficiles, des élèves dans un contexte sanitaire extrême, les enseignantes et enseignants attendent un soutien de votre part, pas une remise au pas. Pensez-vous vraiment que le problème de l’école soit un manque de hiérarchie et de bureaucratie ? Pensez-vous vraiment que les élèves gagneront quelque chose à une telle évolution ? Je vous remercie de ne pas soutenir ce postulat.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts en tant que responsable de la formation des apprentis à l’école des métiers, à Lausanne. Je fais donc partie du personnel enseignant de la Direction générale de l’enseignement postobligatoire (DGEP) avec fonction de maître principal.
La question de l’accompagnement des enseignantes et enseignants est très émotionnelle ; celle de l’évaluation de la qualité de l’enseignement l’est probablement plus encore. Mon collègue de parti Eggenberger vient de le démontrer. Je comprends aussi les réticences des syndicats et je suis convaincu que rien ne sera mis en place sans les avoir consultés. C’est d’ailleurs l’une des raisons qui a conduit le motionnaire à transformer sa motion en postulat. A y regarder de plus près, on pourrait aussi considérer que la mise en place d’outils RH permettant de détecter des difficultés chez certains enseignants afin de mettre en place des mesures d’accompagnement est également de nature à améliorer les conditions de travail des enseignants. En effet, que se passe-t-il lorsqu’il y a des dysfonctionnements qui demeurent non traités ? Comment les charges en résultant sont-elles réparties ? Qui en fait les frais ? Les élèves, certes, mais aussi les autres enseignants, qui doivent, d’une manière ou d’une autre, prendre en charge un certain nombre de tâches. Le milieu de l’enseignement est sans doute particulier, mais composé d’êtres humains. Il est comparable aux autres secteurs d’activité et, à ce titre, il a également besoin de supervision. A mon sens, il faut mettre en place des outils qui tiennent compte des particularités de ce secteur. Penser qu’il est superflu de mettre en place un accompagnement sur la durée d’une carrière me semble pour le moins surprenant. Aujourd’hui, la question de l’entrée en fonction est assez bien réglée, puisque les enseignants sont formés et suivis au début de leur carrière. Le risque d’isolement demeure par contre bien réel. En fonction du type d’enseignement, il peut y avoir peu d’interaction avec d’autres professionnels. Que se passe-t-il lorsqu’une personne isolée rencontre des difficultés ? Quels sont les éléments qui permettent à l’institution de prendre conscience qu’un problème est en train d’émerger ? Faut-il attendre que la situation se péjore, au point que les plaintes proviennent des élèves ou des parents ? Ne serait-il pas bénéfique pour tout le monde de mettre en place des outils ? Pour ces différentes raisons, je soutiendrai la prise en considération de ce postulat.
Je vous invite également à soutenir ce postulat. Je suis un peu surprise par la position de notre collègue Eggenberger, car je considère que la possibilité pour les enseignants d’avoir chaque année, comme cela se fait dans tous les autres métiers, un entretien formalisé et un accès à des structures de soutien manque cruellement dans les établissements. Bien entendu, cela est un peu compliqué, car je crois qu’il n’y a pas de responsable RH actuellement dans les écoles ‑ que ce soit dans les gymnases ou les collèges. Je pense que le département va réfléchir sous quelle forme proposer au directeur, au doyen ou à toute la hiérarchie d’avoir un accompagnement. Il sera sans doute fort utile aux enseignants de pouvoir, une fois par année ou avec une périodicité un peu différente, profiter d’un entretien pour peut-être se voir proposer des formations complémentaires ou pour exprimer leurs attentes. Je pense qu’il est mal avisé d’attendre que les situations deviennent compliquées, d’agir seulement quand les situations deviennent conflictuelles. Ces dernières années, nous avons pu constater les difficultés engendrées lorsque des cas traînent pendant des années avant qu’un entretien puisse avoir lieu avec la direction. Mettre en place des entretiens réguliers — de façon préventive et bienveillante, dans l’intérêt tant de la hiérarchie que de l’enseignant — sera bénéfique pour tout le monde. Je vous invite donc vivement à soutenir l’excellente proposition de notre collègue Croci Torti.
A mon tour de déclarer mes intérêts comme enseignant au niveau postobligatoire. Par ailleurs, je faisais partie de la commission qui a traité de cet objet. Je trouve que la proposition de M. Croci Torti est très intéressante, d’autant plus qu’il s’agit d’un postulat, ce qui donne la possibilité au Conseil d’Etat d’envisager quelque chose qui satisfera les syndicats. Je n’ai pas apprécié le mépris avec lequel M. Croci Torti a traité les syndicats ; ils accomplissent un excellent travail. En revanche, je trouve que sa proposition, c’est-à-dire de prévoir des outils modernes et intelligents pour la gestion des ressources humaines, est une excellente idée. C’est la raison pour laquelle je la soutiendrai aussi.
Je remercie mes trois préopinants pour le soutien apporté à ce texte et souhaite répondre à mon collègue Eggenberger pour regretter le terme utilisé de « mise au pas ». Je sais que M. Eggenberger préside un syndicat qui a des positions modérées. Nous avons parlé de l’école à plusieurs reprises et avons des terrains d’entente. D’ailleurs, les propositions qu’il a amenées, comme donner plus de prérogatives aux directions, rejoignent des propositions que j’avais formulées dans ma motion de départ ou dans mon développement. Je pense donc que nous arriverons à trouver un terrain d’entente. En revanche, je regrette le terme fort de « mise au pas ». L’un de ses collègues, qui fait partie d’un des syndicats les plus radicaux, a tenu des termes de « va-t-en-guerre » dans la presse au sujet de ce texte. Malheureusement, ce genre de positionnement extrême fait aussi du tort à la corporation, car l’immense majorité du corps enseignant va bien. Je peux aussi en témoigner. Il n’est pas seulement question de ceux qui dysfonctionnent. Il faut aussi aider ceux qui, au quotidien, s’engagent à fond dans leur profession. Ils ont aussi besoin d’être valorisés. J’invite M. Eggenberger à relire mon texte attentivement et à en faire une lecture objective. Il verra qu’il n’y absolument rien de stigmatisant vis-à-vis du corps enseignant et qu’il s’agit plutôt de propositions à desseins constructifs.
Je rappelle que, lors de la séance de la commission sur la motion transformée en postulat de notre collègue Croci Torti, la conseillère d’Etat a indiqué que les enseignants attendaient des outils de coaching, de supervision et d’accompagnement. Aller dans le sens de ce qui est demandé par le postulat de M. Croci Torti me paraît aller dans l’intérêt de la profession, pour l’amélioration de sa perception par la population, et permet au Conseil d’Etat, par ce biais, de nous communiquer ses intentions et les outils qu’il souhaite mettre en place. Nous avons appris beaucoup pendant la séance de la commission, mais maintenant il s’agit d’aller vers quelque chose de concret. Il ne faut pas oublier que, pour les enseignants qui se débrouillent bien et qui ne posent pas de problème aux élèves, il est injuste que ces derniers ne profitent pas d’une reconnaissance digne de leurs performances professionnelles. Je pense que tout le monde a besoin, de temps à autre, de reconnaissance, de s’entendre dire qu’il fait du bon travail. Je crois que l’absence actuelle de ce système d’évaluation ne permet pas de le leur communiquer, d’améliorer les performances de ceux qui donnent peut-être une mauvaise réputation à la profession. Je vous encourage donc vivement à soutenir ce postulat et à le renvoyer au Conseil d’Etat.
Le sujet de l’évaluation des enseignants est très sensible. Cela a été dit en commission et figure d’ailleurs dans le texte. En effet, il existe une distinction entre la notion d’évaluation et celle d’accompagnement. C’est en cela que le texte peut être repris pour en faire un rapport. Les enseignants attendent des mesures d’accompagnement plus importantes que par le passé, une mesure mise en avant dans le Concept 360°, puisque les enseignants souhaitent, de longue date, des concepts d’établissement contenant du coaching, de l’accompagnement et de l’intervision.
Les besoins spécifiques des élèves deviennent de plus en plus compliqués à identifier et à traiter pour les enseignants, raison pour laquelle la question de l’accompagnement est très importante. Mais je pense aussi qu’il faut tenir compte de la temporalité. En effet, la question de l’évaluation ne peut pas se poser tant que celle de l’accompagnement n’a pas été mûrie et traitée. C’est la raison pour laquelle vous pouvez constater que le texte de M. Croci Torti insiste davantage sur la question de l’accompagnement que sur la question de l’évaluation. En ce sens, je pense qu’il peut être intéressant de pouvoir établir un rapport sur cette base.
J’ai été interpellée sur la question du tutorat. Comme je l’ai dit dans le cadre de l’interpellation de Mme Byrne Garelli, nous avons mis en place un groupe de travail qui a permis d’élaborer des mesures pour faciliter l’entrée dans la profession des nouveaux enseignants. Nous allons lancer des pilotes avec des mesures mises en place, notamment la question des possibilités d’institutionnaliser le fait de pouvoir poser des questions de manière récurrente lorsqu’on est un enseignant débutant. Je pense qu’il est important d’insister sur ces éléments d’accompagnement au sens large.
Nous ne sommes donc pas opposés à ce que ce postulat puisse être pris en compte afin de vous soumettre un rapport. A ce sujet, monsieur Jobin, nous ne pouvons évidemment pas produire de rapport avant que le Grand Conseil se soit déterminé sur la prise en compte de la motion ou du postulat. En effet, tant que la décision du Parlement n’est pas prise, nous ne savons pas si nous devons faire un rapport ou changer la loi. Il est évident que nous respectons la préséance du Grand Conseil avant de pouvoir émettre un rapport de quelque nature qu’il soit.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil prend le postulat en considération par 93 voix contre 6 et 13 abstentions.
La séance est levée à 17 h 10.