22_POS_63 - Postulat Nicola Di Giulio et consorts - Des machines à sous à tuer le temps ayant remplacé les puzzles, les flippers et les mots croisés. Une sensibilisation aux addictions des jeux d’argent semble importante.

Séance du Grand Conseil du mardi 6 juin 2023, point 19 de l'ordre du jour

Texte déposé

J’aimerais braquer les projecteurs sur l'addiction aux jeux d'argent et plus particulièrement sur nos jeunes post-ados. En effet, ils seraient jusqu'à 4 fois plus vulnérables que les adultes, ce qui n'est pas sans poser des problèmes de décrochage scolaire, de dépression, voire d'isolement, ceci à un âge où ils devraient penser à leurs études, leur apprentissage et leur avenir.

 

Les classes sociales les moins favorisées se retrouvent à être les plus touchées par ces jeux d'argent, car elles ont foi en un geste du hasard qui pourrait les enrichir miraculeusement. Ceci n'aide pas à entrer dans la vie active ou aux études de la meilleure des manières. Il faut dire que le marketing agressif des sociétés, qui cible particulièrement cette catégorie de population, en sponsorisant notamment les clubs de foot et leurs publicités sur les maillots, ne facilite pas la vie des personne fragiles et habituées à "jouer" sur toutes sortes de plateformes en ligne depuis leur plus jeune âge.

 

Arrivée à l'âge adulte cette addiction, devenue trop souvent pathologique, entraîne d’innombrables malheurs, souvent comparables à ceux générés par l’alcoolisme et la toxicomanie : ruine des finances personnelle et familiales – dissentions de couples – violences conjugales – divorce – baisse de rendement professionnel – perte d’emploi et de logement – poursuites – mise sous tutelle - voire commission de délits, dans certains cas.

 

Au final, les gens qui se seront endettés à cause de cette addiction, tomberont au social, devront être aidés par les collectivités et traîneront un boulet financier durant toute leur vie, ou au moins jusqu’à extinction de leurs dettes. Donc la présence de casinos sur sol vaudois et en ligne est de nature à faire augmenter nos budgets sociaux, sans aucune nécessité réelle et je pense que nous devons tout faire pour préserver notre canton de ce fléau.

 

Par rapport aux problèmes évoqués ci-dessus, il apparaît que la Loi fédérale sur les jeux d’argent (LJAr) mise en vigueur le 1er janvier 2019, soit peu efficace et difficile à appliquer. Bien que cette loi interdise les jeux d’argent aux personnes âgées de moins de 18 ans, dans les établissements ou en ligne, il y a de nombreuses possibilités de la contourner, notamment avec des moyens informatiques qui évoluent beaucoup plus rapidement que nos lois. De plus, nombreuses sont les sociétés de jeux en ligne étrangères qui sont accessibles aux Suisses, faute d’intervention efficace de la Confédération à leur encontre.

 

Une fois de plus, il est de la responsabilité de nos exécutifs de tout faire pour que nos jeunes ne tombent pas dans cette infernale spirale du jeu d'argent qui hypothéquera leur vie entière. Ce n’est pas à l’Etat de compenser financièrement le manque de raison et de prévoyance des addicts, mais il peut aider à les prévenir.

 

Je crois en l'école de l'inclusion et non pas de l'exclusion. C'est pour cette raison qu'il serait judicieux d’organiser au niveau cantonal ce levier scolaire pour protéger notre jeunesse, et par là même continuer de construire notre société avec de futurs adultes responsables à qui nous aurons donné toutes les chances de réussir et de s'épanouir dans leur vie.

 

La mise en place de formation aux encadrants scolaires, pour détecter les enfants à risques, serait souhaitable.  Ils pourraient être à même de les prendre en charge et de les diriger vers les professionnels adaptés. On doit vraiment convaincre nos enfants que dans ces jeux, le casino est le seul gagnant.

 

Les concessions de ce type sont attribuées aux casinos pouvant réaliser un produit brut annuel de plus de 30 millions de francs avec son offre de jeux sur place.

 

C’est pourquoi au regard de ce qui précède, j'ai l'honneur de demander au Conseil d’État un rapport sur l’évolution des comportements de nos jeunes face à l’accès incitatif et facilité aux jeux d’argents en ligne et, selon la teneur du rapport, d’étudier l’opportunité d’instaurer une sensibilisation ciblée auprès des jeunes de notre canton.

 

 

 

Nicola Di Giulio

Député                                                                              

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Yannick MauryVER
Fabien DeillonUDC
Jean-François ThuillardUDC
Géraldine DubuisVER
Pierre ZwahlenVER
Philippe LinigerUDC
Nicolas GlauserUDC
Philippe JobinUDC
Sylvain FreymondUDC
José DurusselUDC
Yvan PahudUDC
Cédric WeissertUDC
Kilian DugganVER
Théophile SchenkerVER
Denis DumartherayUDC
Valérie ZoncaVER
Fabrice MoscheniUDC
Céline BauxUDC
Fabrice TannerUDC
Yann GlayreUDC
Pierre-Alain FavrodUDC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Josephine Byrne Garelli (PLR) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 6 mars 2023 en présence de Mme la conseillère d’Etat Rebecca Ruiz, du Docteur Karim Boubaker, médecin cantonal, du Docteur Olivier Simon, médecin au Centre du jeu excessif (CJE) au CHUV et de M. Hugues Balthasar, responsable des missions stratégiques à l’Office du médecin cantonal. La commission remercie M. Léo Vonlanthen, assistant des commissions parlementaires, qui s’est chargé de la prise des notes de séance.

Le postulat demande au Conseil d’Etat un rapport sur l’évolution des comportements de nos jeunes face à l’accès incitatif et facilité aux jeux d’argent en ligne et d’étudier l’opportunité d’instaurer une sensibilisation ciblée auprès des jeunes de notre canton. Les résultats du deuxième volet de l’étude eGames montrent que la fréquence de participation à des jeux en ligne a augmenté, surtout la part des joueurs problématiques, qui a doublé. Les jeunes de 18 à 29 ans sont les plus touchés : ce sont ceux qui dépensent le plus d’argent dans les jeux en ligne.

La conseillère d’Etat rappelle qu’en 2017, un postulat sur la même thématique déposé par M. Montangero avait été renvoyé au Conseil d’Etat, lequel avait engagé des travaux afin de présenter au Grand Conseil un ambitieux plan d’action visant à combattre les dépendances aux jeux d’argent et aux jeux vidéo ; ces travaux ont bien avancé.

Pour le Conseil d’Etat, la prise en considération du présent texte renforcerait l’importance du message envoyé au Grand Conseil à une position qui serait souhaitable au vu des problèmes sociaux, des coûts humains et financiers engendrés par cette question. Des mesures à l’adresse des jeunes ont d’ores et déjà été prises au niveau cantonal, et la thématique des jeux d’argent a été intégrée au programme de prévention des conduites addictives en milieu scolaire. En parallèle, depuis une dizaine d’années maintenant, il existe un programme intercantonal de lutte contre la dépendance au jeu structuré autour de trois axes : prévention, recherche et coordination intercantonale. Selon les statistiques, les personnes particulièrement touchées par ces addictions sont les jeunes hommes et les gens peu formés, les addictions au jeu affectent 75 % d’hommes pour 25 % de femmes. Il semblerait qu’en plus des jeunes, les familles en grande précarité sont aussi fortement attirées par les jeux d’argent. En ce qui concerne la comparaison internationale, les études suggèrent que la Suisse est en train d’entrer dans la fourchette haute en termes de nombre de personnes concernées par une addiction aux jeux d’argent.

La commission s’est dit préoccupée par le fait que la Loterie Romande se serve de ses bénéfices sur les jeux d’argent pour financer la recherche, la culture ou encore la vie associative. En finançant ces domaines importants, cette société crée des problèmes énormes de surcompensation et de surendettement. Cette relation mérite d’être creusée, car en fin de compte, ce n’est pas la Loterie Romande qui participe financièrement à la recherche culturelle ou la vie associative, mais les personnes souffrant d’addiction aux jeux.

Sur recommandation de plusieurs commissaires et tout en prenant en compte les suggestions de la conseillère d’Etat en charge du Département de la santé et de l’action sociale, la commission valide à l’unanimité le dépôt du vœu suivant : la commission prie le Conseil d’Etat de bien vouloir répondre au postulat Di Giulio et Montangero par l’élaboration de rapports communs et recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat à l’unanimité de ses membres présents pour le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Nicola Di Giulio (UDC) —

Une sensibilisation aux addictions aux jeux d’argent semble importante pour notre jeune génération qui serait jusqu’à quatre fois plus vulnérable que nous autres, adultes. Cet état de fait n’est pas sans poser des problèmes, notamment de décrochage scolaire, de dépression, voire d’isolement, ceci à un âge – vous l’aurez compris – où les jeunes devraient penser plutôt à leurs études. Les problèmes d’addiction liés aux jeux d’argent en ligne ont doublé en trois ans en Suisse, et des résultats montrent que la fréquence de participation à ces jeux en ligne a nettement augmenté. Les jeunes dépensent beaucoup plus d’argent dans les jeux en ligne avec une somme moyenne de 162 francs par mois contre 105 francs pour l’ensemble de l’échantillon. Bien entendu, la Covid 19 est passée par là, et une grande majorité des participants à l’enquête a relevé que l’explosion de l’offre de jeux en ligne, en Suisse, combinée avec la pandémie et la période de semi-confinement ont eu un fort potentiel d’influence sur l’évolution de leur comportement. Pour rappel, les maisons de jeu ont temporairement fermé leurs portes, dès mars 2000, et les offres en ligne ont été exponentielles. La démultiplication des offres en ligne, le marketing intensif, l’accessibilité illimitée au jeu et le principe des bonus ont constitué des facteurs importants dans l’intensification des pratiques de jeu affirment les joueurs. L’étude montre aussi qu’un tiers des personnes interrogées ne connaissent pas l’offre d’aide et de soutien. Bref, face à l’augmentation des problèmes qui concernent particulièrement les jeunes, les cantons se sont associés – une heureuse démarche – pour la première fois dans une campagne de prévention nationale diffusée pendant quatre semaines sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, il n’incombe pas à l’Etat de compenser financièrement le monde des dépendances, mais de porter assistance. Je crois à l’école de l’inclusion et non pas à l’exclusion. Pour cette raison, il serait judicieux d’organiser au niveau cantonal un levier scolaire pour protéger notre jeunesse.

Pour conclure, je ne vous apprends rien en vous disant que les concessions attribuées aux casinos permettent à ces derniers de réaliser avec les offres de jeux en ligne un produit brut annuel de – tenez-vous bien – plus de 30 millions de francs. Au vu de ces chiffres vertigineux, nous devons absolument montrer à nos enfants que dans ces jeux, finalement, le casino s’avère le seul gagnant. En tant que postulant, je rejoins le vœu de la commission qui propose de répondre avec un rapport commun à mon postulat ainsi qu’à celui de M. Montangero. C’est pourquoi je recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Romain Pilloud (SOC) —

Comme indiqué en préambule par la présidente de commission, les addictions aux jeux d’argent touchent particulièrement les jeunes d’une catégorie type : homme jeune et peu formé. Depuis le Covid 19, la situation semble par ailleurs empirer, l’occasion pour le groupe socialiste de constater la politique agressive de nombreux acteurs, dont la Loterie Romande, pour attirer une nouvelle clientèle et entretenir les addictions. La Loterie Romande engrange de l’argent d’un côté pour le redistribuer de l’autre, notamment pour des projets culturels, sociaux, liés au patrimoine, à la recherche ou au sport, mais elle ne prend pas en charge les coûts sociaux de l’addiction qu’elle génère. Quant à eux, les joueurs excessifs contribuent à hauteur de plus de 50 % des rentrées. Ces éléments étant explicités dans le rapport, notamment au postulat Montangero, force est de constater qu’aujourd’hui les barrières de la Loterie Romande empêchant les personnes dépendantes d’accéder aux jeux d’argent s’avèrent clairement insuffisantes… à se demander si cette politique n’est pas volontaire.

Un autre problème plus récent réside dans l’octroi d’une nouvelle concession pour les casinos sur territoire vaudois de la part du Conseil fédéral qui vient encore enfoncer le clou, puisque permettez-moi de penser que la présence d’un nouveau casino augmentera elle aussi les coûts supplémentaires d’addictions pris en charge par la collectivité et qui toucheront de manière individuelle des jeunes rendant la problématique encore plus difficile, menaçant les jeunes de tomber ou de s’enfoncer dans la spirale du surendettement dont le jeu excessif est – je crois – la sixième cause aujourd’hui. La situation est donc difficile ; agir sera nécessaire. Les acteurs du milieu, eux aussi, devront prendre leurs responsabilités.

Enfin, le groupe socialiste soutiendra la prise en considération de ce postulat qui certes reprend quelques éléments d’ores et déjà évoqués dans le postulat Montangero, mais permet de rappeler qu’il est nécessaire d’agir aujourd’hui face à cette situation ; notre groupe se réjouit de découvrir le futur plan d’action annoncé par le Conseil d’Etat en la matière.

M. Olivier Petermann (PLR) —

Une sensibilisation aux addictions aux jeux d’argent nous semble importante. Pour rappel et comme précisé dans le rapport de la commission, ce sujet a fait l’objet de discussions au sein de la Commission thématique de santé publique au moment de traiter du postulat de notre collègue Montangero. En effet, ce texte ayant été renvoyé au Conseil d’Etat, ce dernier a engagé des travaux afin de présenter au Grand Conseil un ambitieux plan d’action visant à combattre les dépendances aux jeux d’argent et vidéo. Si le contenu du postulat Montagero est plus large que celui que nous traitons aujourd’hui, celui-ci renforce tout de même les travaux qui sont déjà en cours. De même, il démontre que la thématique des jeux d’argent est une préoccupation largement partagée par notre Grand Conseil. Il est à relever que le Groupe romand d’études des addictions (GREA) et le canton effectuent un travail conséquent sur la problématique liée aux jeux d’argent qui constitue un enjeu important dans la politique sociale de l’Etat de Vaud. Dans sa majorité, le groupe PLR vous recommande d’accepter le vœu de la commission et de prendre en considération ce postulat pour le renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend le postulat en considération à l’unanimité.

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