21_HQU_48 - Question orale Yann Glayre - Bricolages orthographiques & Assistants de lecture pour personnes malvoyantes et non-voyantes.
Séance du Grand Conseil du mardi 9 mars 2021, point 3.10 de l'ordre du jour
Texte déposé
La mode actuelle visant à modifier arbitrairement l'orthographe a des conséquences sur les personnes ayant des capacités visuelles réduites. Il en va de même pour les personnes souffrant d'illettrisme.
Depuis de nombreuses années, les équipements technologiques sont équipés de fonctions permettant de lire des articles ou des pages web pour en faciliter l'accès aux personnes malvoyantes ou non-voyantes. Vous trouverez cet outil sur votre smartphone, qu'il est possible d'activer dans le menu accessibilité.
Après divers essais de lecture, il apparait qu'ajouter des caractères sauvages tels que le point médian complique la tâche de ces assistants de lecture et rend le texte incompréhensible.*
Le Conseil d'Etat estime-t-il normal que les informations publiées par l'Etat soient ainsi rendues plus difficile d'accès pour certains citoyennes et citoyens ?
*Exemple sur le premier paragraphe de cette page
https://www.chuv.ch/fr/chuv-home/patients-et-familles/deroulement-de-votre-sejour/votre-prise-en-charge/espace-de-mediation
Transcriptions
Bricolages orthographiques & Assistants de lecture pour personnes malvoyantes et non voyantes (21_HQU_48)
Les bricolages orthographiques décrits dans la question ont une conséquence sur les personnes ayant une acuité visuelle réduite. Les lecteurs d’écran sont des outils permettant de lire du texte électroniquement, aidant ainsi les personnes malvoyantes et non voyantes à avoir un accès complet aux textes présents sur les plates-formes numériques, par exemple sites Internet ou applications mobiles. Il m’a été confirmé par une association regroupant des personnes aveugles et malvoyantes qu’ajouter des caractères comme des points médians ou des traits d’union entraîne des difficultés d’interprétation par les lecteurs d’écran. L’utilisation de ces caractères par l’Etat, comme constaté sur les pages Internet du CHUV par exemple, conduit à une injustice pouvant rendre l’accès aux informations plus difficile.
Ma question est la suivante : le Conseil d’Etat estime-t-il normal que les informations publiées par l’Etat soient ainsi rendues plus difficiles d’accès pour certains citoyennes et citoyens ?
L’administration cantonale s’engage sur différents fronts rédactionnels pour que les contenus puissent être, dans la mesure du possible, non seulement lus et compris par toute personne en relation avec la fonction publique, mais également non discriminants. Par le langage épicène — un principe adopté par voie de directive par le Conseil d’Etat au sein de l’administration cantonale depuis 2005 — il vise un langage non sexiste. Par une langue claire et précise — un principe adopté par une directive revue en 2017 sur les règles de rédaction pour l’ensemble des documents de l’Etat — le but est d’assurer le caractère compréhensible des écrits de l’Etat, en évitant notamment des modes d’expression internes à l’administration ou les acronymes, etc. Par une construction spécifique de ses sites et contenu rédactionnel en ligne, il vise un accès aux personnes en situation de handicap — parole, ouïe ou vue — en suivant les normes édictées par le World Wide Web Consortium, qui supervise le développement des standards, notamment en termes d’accessibilité.
Il peut cependant arriver que ces différentes approches ne soient pas systématiquement compatibles. En effet, le langage épicène pour du contenu en ligne, notamment par ses différents ajouts typographiques en fin de mots, peut se révéler être un obstacle aux outils d’assistance de lecture et peut induire une restitution de textes parfois difficilement compréhensible. Ainsi, sans déroger aux principes communément admis du langage égalitaire, la pratique se veut adaptative, comme le rappelle par ailleurs le guide du langage épicène rédigé par le Bureau de l’Egalité entre les Femmes et les Hommes : « D’une façon générale, l’utilisation du point médian ou du trait d’union est à pratiquer avec modération. Elle n’est pas souhaitée lorsqu’elle produit des formes qui ne sont pas lisibles à haute voix. »
En conclusion, l’administration cantonale, le CHUV y compris, continue à s’engager à pratiquer un langage écrit permettant des relations simples, efficaces et non discriminantes entre l’Etat et la population. Il est évident que des améliorations peuvent être effectuées dans certaines pages et certains documents en ligne, pour assurer une lecture plus fluide et accessible via les outils d’assistance. Ces éléments connus seront rappelés à l’ensemble des contributrices et contributeurs des pages Web de l’administration. L’objectif est cependant double et doit respecter un certain équilibre. Adopter avec intelligence et pragmatisme, les règles d’une rédaction claire et épicène, c’est non seulement libérer le langage du sexisme hérité des siècles passés pour que chacune et chacun soit également considéré, mais c’est également permettre à toutes et tous, femmes et hommes, en situation de handicap ou non, d’avoir accès sans obstacle à l’information.
Je remercie Mme la conseillère d’Etat pour sa réponse. Ce n’est pas occasionnel : le point médian détruit l’utilisation de ces systèmes. Je pose donc la question complémentaire suivante : le Conseil d’Etat compte-t-il corriger rapidement cette injustice et rendre les textes de l’Etat pleinement lisibles à toutes et à tous ?
Retour à l'ordre du jourComme je l’ai dit, le Conseil d’Etat s’est doté de directives qu’il transmettra pour rappel, parce qu’il doit articuler cette double ambition de lutter contre langage sexiste, tout en étant compréhensible par l’ensemble des personnes devant avoir accès à l’information de l’Etat. C’est une appréciation, c’est une pesée d’intérêts, donc une recherche permanente d’articulation entre ces deux objectifs aussi nobles l’un que l’autre.