20_POS_15 - Postulat Claire Attinger Doepper et consorts - La distribution de cabas alimentaires ne résout pas tous les problèmes des personnes touchées par la précarité.

Séance du Grand Conseil du mardi 8 juin 2021, point 30 de l'ordre du jour

Texte déposé

La crise sanitaire  du Covid-19 a eu des conséquences importantes à l’égard des plus démunis et a rendu visible les précarités. Nous avons tous en tête les images genevoises de personnes faisant la queue pour emporter un colis alimentaire.  Dans le canton de Vaud, les aides étaient réparties sur l’ensemble  du territoire mais les besoins se sont également fortement exprimés.  Certaines de ces personnes sont sans statut légal ou en attente d’un permis, une proportion significative est au bénéfice e la nationalité suisse ou d’un permis de séjour durable.

Ces situations entraînent  la désaffiliation, l’exclusion ou l’isolement social.  « On observe  des situations de cumul de désavantages où les personnes qui ne recourent pas aux aides sont aussi celles qui ont le plus de difficultés à déployer des stratégies alternatives, précise M. Bonvin professeur à l’Unige.

Plusieurs études et observations s’accordent à dénoncer la renonciation de certaines personnes  à se rendre auprès des services sociaux alors qu’elles pourraient avoir droit à des prestations.   

Les motifs de ces comportements sont connus : complexité d’accéder à la prestation, offre de prestations réparties par secteur (aide sociale, PC Famille, bourses, etc.) qui oblige à passer de l’un à l’autre, complexité administrative, outils de communication pas toujours adaptés aux situations (documents en français, sites internet pas toujours adaptés, etc.).  Car c’est bien  par ignorance, par honte, par angoisse d’être fichés à vie, que beaucoup de gens en situation précaire échappent au système et ne sont pas compatibilités officiellement. 

 

 

Ainsi, dans ce cadre, il serait assurément utile à la collectivité vaudoise de mener une réflexion traitant de la délivrance d’appui social à disposition de tout le monde (et pas seulement pour les personnes à l’aide sociale), même sans délivrance de prestations financières dans le sens suivant :

 

·        Instaurer une méthodologie d’analyse de l’entier des situations sociales,

·        Fixer des règles d’orientation,

·        Assurer un appui social à toute personne se présentant,

·        Soutenir les partenaires privés qui agissent dans la prévention de la grande précarité pour toutes les personnes qui habitent dans le canton,

·       Continuer les efforts de simplification,

·       Poursuivre l’introduction d’outils de communication agiles et pluriels : pour les partenaires, le public et les professionnel-le-s.

 

Enfin, pour agir sur les besoins des familles et les exclure de la précarité, il serait nécessaire de développer des actions préventives. Car ce sont bien les familles, nombreuses et monoparentales particulièrement, qui sont le plus touchées par la pauvreté et leurs enfants en sont les premières victimes. Une alimentation saine, un endroit où l’on peut se concentrer sur ses devoirs ou la possibilité de jouer dehors régulièrement et d'apprendre des choses importantes – cela ne va pas de soi. Et les parents en situation de pauvreté n’ont souvent pas les moyens d’offrir à leurs enfants des loisirs ou des activités sportives.
 

Dans le rapport social Vaud 2017 , « les actions de l’État à envisager pour la nouvelle législature dans le domaine de la lutte contre la pauvreté et de la prévention sociale consistent à consolider les politiques publiques initiées durant la législature 2012 - 2017, à concevoir de nouvelles réponses aux problématiques émergentes ou récemment précisées, et à développer les bases de données et les outils de pilotage nécessaires à la compréhension des problèmes sociaux et au monitorage des conditions de vie dans notre canton ».

 

C’est dans ce cadre que J’ai ainsi l’honneur de demander au Conseil d’État de mener une étude et de conduire des expériences test en matière de délivrance des prestations sociales et de lutte contre la précarité en faisant tomber les biais qui font renoncer nombre de potentiels bénéficiaires à déposer une demande d’aide.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Amélie CherbuinSOC
Muriel ThalmannSOC
Valérie InduniSOC
Nathalie JaccardVER
Pierre ZwahlenVER
Salvatore GuarnaSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Julien EggenbergerSOC
Jean-Marc Nicolet
Séverine EvéquozVER
Hadrien BuclinEP
Jessica JaccoudSOC
Pierre DessemontetSOC
Monique RyfSOC
Vassilis Venizelos
Didier LohriVER
Stéphane MontangeroSOC
Vincent KellerEP
Vincent JaquesSOC
Carine CarvalhoSOC
Rebecca JolyVER
Cendrine CachemailleSOC
Felix StürnerVER
Cédric EchenardSOC
Taraneh AminianEP
Sébastien PedroliSOC
Yves PaccaudSOC
Denis CorbozSOC
Alice GenoudVER
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
David RaedlerVER
Anne-Sophie BetschartSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Pierre Volet (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Le dépôt de ce postulat était lié à la crise sanitaire, à l'occasion de laquelle de nombreuses situations précaires ont suscité l'attention des médias, dont notamment les files d’attente pour l'obtention de cabas alimentaires. Pour pouvoir bénéficier des aides, encore faut-il connaître leur existence, et cela pose la question de la diffusion de l'information, par l'Etat, au sujet de leur modalité, de leur étendue et de leur accessibilité. Pour la majorité de la commission, dans notre canton, tout est fait pour pouvoir obtenir les renseignements et être aiguillé convenablement. Le postulat demande de mener une étude et de construire des projets pilotes en matière de délivrance des prestations sociales et de lutte contre la précarité pour faire tomber les biais. La majorité de la commission estime que le filtre social est suffisamment fin pour ne laisser personne de côté.

Les causes du non-recours aux aides existantes sont multiples, liées à la fois à la complexité des démarches et à une offre de prestations répartie par secteurs – aides sociales, prestations complémentaires pour les familles, bourses, etc. Nous constatons que tout est entrepris par les services de l'Etat. La base vaudoise de données socio-économiques regroupe et croise les informations en provenance de plusieurs sources : données fiscales, revenu d'insertion (RI), prestations complémentaires, AVS, AI, bourses, subsides, avances sur pension alimentaire, etc. Avec cet outil, la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) dispose aujourd'hui de plusieurs indicateurs, tels que le taux de pauvreté, le risque de pauvreté ou le taux d'inégalité.

Les opposants au postulat mettent en avant les éléments suivants : la file d’attente, à Genève, pour l'obtention des cabas alimentaires était constituée du personnel de maison des diplomates ou d’autres gens riches, disposant parfaitement des moyens de rémunérer leur personnel, mais qui ne souhaitaient plus les voir à leur domicile en raison d'une crainte de contamination à la COVID. A Genève, les files comprenaient essentiellement des personnes en situation illégale en Suisse, exploitées au noir par des employeurs peu scrupuleux et qui méritent de ce fait d'être punis. Concernant les détenteurs de permis B, s'ils demandent des aides sociales, ils risquent de se faire expulser de Suisse et ils préfèrent donc rester dans la précarité, durant cette pandémie, plutôt que de devoir partir. Le postulat ne va pas améliorer leur situation.

Le directeur général de la DGCS a également apporté les précisions suivantes : de manière générale, les réseaux d'accueil de jour pour les enfants sont saturés. Les règles dans le domaine font que les enfants des bénéficiaires de l'aide sociale ne sont pas prioritaires pour l'obtention de places dans les garderies. Les personnes en situation régulière en Suisse, titulaires d'un permis d'établissement ou de travail, sont éligibles pour l'obtention d'aides financières en cas de besoin. Toutefois, le fait pour ces personnes de recourir à l'aide sociale peut empêcher le renouvellement de leur permis, l'évaluation de leur capacité de réinsertion professionnelle se faisant de cas en cas.

En conclusion, les commissaires pensent que, quand elles souhaitent avoir une information sur les aides sociales, les personnes les trouvent assez facilement auprès des services de l'Etat et le filet social est suffisamment fin pour ne laisser personne de côté. Le Conseil d'Etat nous a informés que tout ce que le postulant revendique est déjà fait ou en phase de l’être. La majorité de la commission insiste donc pour dire que tout est déjà en place. Si la crise a toutefois révélé quelques lacunes ou manques, le Conseil d'Etat est parfaitement au courant et entreprend déjà le nécessaire. En conclusion, la majorité de la commission recommande au Grand Conseil de ne pas prendre ce postulat en considération par 8 voix contre 7.

M. Felix Stürner (VER) — Rapporteur-trice de minorité 1

Bien que les explications de la cheffe du Département de la santé et de l'action sociale et du directeur général de la DGCS aient brossé un tableau très complet de ce qui existe, les commissaires de la minorité favorables au postulat estiment que des améliorations sont encore possibles, notamment pour les raisons suivantes : le dispositif de soutien ne se montre pas suffisamment performant, puisqu’il y a des personnes qui, quelle qu'en soit la raison, n'ont pas accès aux aides auxquelles elles auraient droit. Le postulat demande donc simplement de mieux comprendre ce phénomène, en vue d'améliorer l'efficience du système et d'éviter autant que possible la grande précarité. Le postulat ne demande pas au canton de Vaud de distribuer une aide plus importante, mais il plaide pour une meilleure transparence et communication concernant les possibilités existantes dans le domaine. Les difficultés croissantes que vivent certaines familles, dans le canton, sont réelles, notamment pour les enfants qui souvent en subissent directement les conséquences. Cela concerne en particulier les familles dont les parents travaillent dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration. Par ailleurs, la situation de certaines étudiantes et de certains étudiants est également une source de préoccupation, comme l'ont montré des objets déposés au Grand Conseil récemment. Les difficultés ne frappent donc pas uniquement les personnes en situation illégale ou les plus démunies. L'information sur le dispositif de soutien en place et sur les démarches à suivre pour en bénéficier devrait donc mieux cibler, non seulement les potentiels bénéficiaires des aides, mais aussi le monde associatif actif dans ce domaine.

Par ailleurs, en matière de méthodologie d'analyse, il est intéressant de faire connaître que le rapport social produit un indicateur, comme par exemple le taux d'illégalité, qui permet de mieux comprendre les déterminants de la précarité et de définir les populations à risque. L'aide financière est certes nécessaire aussi, mais l'aide sociale s'avère aussi importante et elle doit être mise en avant. En effet, l'appui social est largement plus étendu qu’un seul soutien financier qui peut être proposé. Par ailleurs, les projets pilotes sont à saluer ; il apparaît effectivement important d'accompagner financièrement et socialement les retraités, en leur évitant de s'isoler encore plus. Dans le cadre de la simplification des démarches, le développement d'autres moyens, tels que la cyberadministration, constituent un effort incontournable, même si cette dernière ne pourra évidemment pas tout résoudre. Le nombre de familles monoparentales augmente et, par ailleurs, la situation globale des familles vaudoises est alarmante, alors que le passage à un seul salaire au lieu de deux ne permet pas toujours de faire face aux charges courantes. L'action des aides coordonnées de l'Etat doit opérer et, comme cela a été dit par le rapporteur de la majorité, le nombre de places d'accueil de jour pour les enfants de parents qui ne travaillent pas doit être augmenté afin de permettre l'insertion professionnelle des parents et ainsi de lutter contre la précarité.

Pour terminer, on voit bien que les plus démunis ne sont pas les seuls à être touchés par la précarité. Une nouvelle population s'est paupérisée avec la pandémie qui a entraîné une crise économique. C'est la raison pour laquelle, au vu de ce qui précède, la minorité de la commission recommande au Grand Conseil de prendre en considération ce postulat et de le renvoyer au Conseil d'Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Claire Attinger Doepper (SOC) —

La distribution de cabas alimentaires ne résout pas tous les problèmes des personnes touchées par la précarité, tant s'en faut. Contrairement aux nombreuses queues que l'on a pu voir dans les médias genevois, dans le canton de Vaud, les aides étaient réparties sur l'ensemble du territoire alors que les besoins étaient – et restent – conséquents. La distribution continue. Certains bénéficiaires sont sans statut légal ou en attente d'un permis, c'est vrai, mais une proportion significative est au bénéfice de la nationalité suisse ou d'un permis de séjour durable. Or, ces situations entraînent la désaffiliation, l'exclusion ou l'isolement social. On observe des situations qui cumulent les désavantages, alors que les personnes qui ne recourent pas aux aides sont aussi celles qui ont le plus de difficultés à déployer des stratégies alternatives. Plusieurs études et observations s'accordent à dénoncer la renonciation de certaines personnes à se rendre auprès des services sociaux, alors qu'elles pourraient avoir droit à des prestations. Les motifs de ces comportements sont connus : complexité de l’accès à la prestation ; une offre de prestations répartie par secteurs qui oblige à passer de l'un à l'autre – un postulat à ce sujet attend d'ailleurs toujours une réponse ; la complexité administrative ; des outils de communication pas toujours adaptés aux situations… Bref, c'est bien par ignorance, par honte, par angoisse d'être fiché à vie, que beaucoup de gens en situation précaire échappent au système et ne sont pas comptabilisés officiellement.

Le soutien aux familles concerne l'offre en matière d'information, de conseil, de formation et d'accompagnement. En première position vient la méconnaissance des prestations disponibles. Ce déficit est dû, d'une part, à la complexité de l'appareil administratif, qui constitue l'un des premiers motifs du non-recours, puisqu'il est associé à des difficultés de compréhension ou d'orientation au sein du système. L'éclatement des prestations familiales entre les différents services complique leur accessibilité, puisque la difficulté pour les familles consiste non seulement à se procurer une vue d'ensemble des offres, mais encore à trouver celles qui leur conviennent. Ainsi, l'accès à l'information se voit entravé par la difficulté que les personnes éprouvent à définir quel service contacter. La méconnaissance provient également d'un manque de connaissance linguistique du public cible ; en effet, la langue demeure un facteur important pour s'enquérir de l'existence d'une prestation et pour y accéder. La documentation accessible n'est pas automatiquement disponible en plusieurs langues et freine ainsi l'accès à cette information.

La seconde cause de non-recours concerne les problèmes liés à la stigmatisation que peut entraîner le recours aux prestations. En effet, l'action de contacter une unité administrative, en se rendant sur place ou par téléphone, représente une source d'appréhension pour de multiples raisons, comme ne pas se sentir entendu dans son appel à l'aide, la somme effrayante de documents à remplir, ainsi que le sentiment d'être baladé d'une institution à une autre. Un constat demeure : les prestations peinent à toucher surtout les familles socialement défavorisées. Or, dans notre société du savoir et de l'information, comme tout un chacun dans tous les domaines de la vie, les familles ressentent un besoin toujours plus grand d'échanger des expériences et de se faire conseiller. Les initiatives et les offres correspondantes doivent s'adresser non seulement aux familles en général, mais aussi aux minorités et notamment aux familles en situation particulière. C'est la raison pour laquelle il est fondamental de mettre en place de nouveaux formats d'aide pour couvrir les différents besoins et faciliter l'accès à l'offre.

Mon postulat demande :

  • d’instaurer une méthodologie d'analyse de l'entier des situations sociales,
  • d'en fixer les règles d'orientation,
  • d'assurer un appui social à toute personne se présentant,
  • de soutenir les partenaires privés qui agissent dans la prévention de la grande précarité,
  • de continuer les efforts de simplification
  • et de poursuivre l'introduction d'outils de communication agiles et pluriels pour les partenaires, le public et les professionnels.

Comme indiqué dans le rapport de la majorité de la commission, le Département de la santé et de l'action sociale et la DGCS s'attellent déjà à répondre à un grand nombre de points soulevés par le postulat. C'est vrai, mais le cas échéant, le rapport de majorité ajoute : « les éléments évoqués et d'autres encore pourront être détaillés dans le cadre de la réponse au postulat ». C'est la raison pour laquelle je vous suggère de soutenir le renvoi de mon postulat au Conseil d'Etat.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 63 voix contre 50 et 4 abstentions.

La séance est levée à 17 h.05.

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