21_INI_6 - Initiative Vassilis Venizelos et consorts - Pour un accès public aux rives des lacs vaudois.
Séance du Grand Conseil du mardi 9 mai 2023, point 31 de l'ordre du jour
Texte déposé
Au XIXème siècle, la promenade et la baignade deviennent des divertissements de plus en plus prisés. Ce développement génère les premières tensions entre usages privés et usages publics des rives des lacs. En 1913 déjà, une pétition demande au Grand Conseil de légiférer pour que "le grand public puisse jouir des bords de l’eau et trajets librement sur les rives".
C'est finalement en 1926 que la loi sur le marchepied le long des lacs et sur les plans riverains (LML) est adoptée. La loi prévoit un passage le long des rives sur les fonds privés qui bordent le lac (art. 1 al. 1 LML) mais son accès est toutefois limité aux personnes qui exercent le halage des bateaux, aux bateliers et aux pêcheurs (art. 2 LML). Malgré plusieurs interventions parlementaires pour élargir le champ de la loi[1], la LML n’a pas connu d’évolution significative depuis 1926. Plusieurs propositions visant à renforcer la coordination intercantonale[2] ou destinées à restreindre les constructions sur le domaine public du lac[3] ont toutefois été acceptées par le parlement dans les années 2010.
En 1999, Philippe Biéler, Conseiller d'Etat en charge du Département des infrastructures décrivait le plan directeur des rives du lac Léman comme "un outil de référence pour la politique environnementale du canton". Adopté par le Grand Conseil en 2000, ce plan vise à offrir à terme un cheminement continu sur l'ensemble de la rive vaudoise de Noville à Mies et recense les zones naturelles sensibles du Léman, en délimitant de façon très fine les secteurs d'intervention de l'activité humaine[4]. S’agissant des autres lacs du canton, le Plan directeur intercantonal de la rive sud du lac de Neuchâtel et des rives du lac de Morat, le Plan directeur des rives du lac de Joux, ainsi que le nouveau Plan directeur des rives du lac Brenet définissent également des tracés de principe pour la création de chemins riverains. Seule la rive nord du lac de Neuchâtel ne fait l’objet d’aucun plan directeur des rives et ne dispose donc pas de tracé. Ces plans traduisent un principe fixé dans la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT) du 22 juin 1979 qui dispose qu'"il convient […] de tenir libres les bords des lacs et des cours d'eau et de faciliter au public l'accès aux rives et le passage le long de celles-ci" (art 3, al 2, let c).
Le plan directeur cantonal, dont la quatrième adaptation a récemment été adoptée par le Conseil d’Etat prévoit par ailleurs une fiche spécifique (E25 Rives des lacs) qui inscrit notamment comme objectif de « Tenir libres les bords des lacs pour assurer le passage lié à la navigation, à la pêche et aux douanes ainsi que pour faciliter l'accès du public aux rives par des chemins de randonnée pédestre en tenant compte des enjeux de protection de la nature ». Il y est par ailleurs rappelé que le canton « coordonne, via la Commission des rives du lac, ses principaux domaines de compétence en ce qui concerne les secteurs riverains et le domaine public des eaux. Il adapte les instruments légaux y relatifs s'il y a lieu ». Or, cette commission des rives du lac, instituée en 1988 par le Conseil d’Etat, n’a semble-t-il plus siégé depuis 2015 et ne fait plus partie de la liste des commissions extraparlementaires du Conseil d’Etat depuis le début de la présente législature, en contradiction avec le contenu du Plan directeur cantonal.
L’analyse du taux d’accessibilité des rives du lac Léman, nous offre un indicateur intéressant pour évaluer l’efficacité du dispositif mis en place. En 2000, le taux d'accessibilité des rives du lac Léman était très inégal selon les secteurs. Entre Villette et Noville (56%) ou entre Mies et Tolochenaz (26%) les efforts pour permettre un cheminement continu étaient encore importants. Entre Morges et Lutry ont atteignait par contre un taux de 92%[5].
Deux décennies plus tard, malgré les bases légales existantes et la qualité des planifications mises en place, on doit reconnaître que le cheminement continu le long des rives est loin d'être une réalité.
En 2019, selon une recherche menée sur plusieurs lacs périalpins, l'accès aux rives est privatisé sur 43% de la rive suisse du lac Léman (57% côté genevois, et 38% côté vaudois)[6]. La même étude précise que 51% de la partie du littoral lémanique est en mains privées (59% dans le canton de Genève et 47% dans le canton de Vaud).
Pourtant, l'opinion publique semble largement favorable à l'accès public aux rives. En 2010, l'initiative populaire « Pour un accès public aux rives du lac » a été soutenue par près de 55% des citoyens de la Tour-de-Peilz[7]. En 2012, un plan d'affectation qui compromettait la réalisation d'un sentier à Gland était refusé par 65% des citoyens.
Dans d'autres cantons comme Neuchâtel ou Berne, où il existe une volonté politique forte sur ce dossier, les taux d'accessibilité aux rives des lacs atteignent respectivement 80% et 72%. A Neuchâtel, les derniers kilomètres manquants seront prochainement aménagés suite à l'acceptation d'un crédit de 2,4 millions de francs par le Grand Conseil[8]. Même si nous n'avons pas de chiffres à disposition, plusieurs tronçons du littoral vaudois du lac de Neuchâtel sont aussi inaccessibles aux promeneurs.
Il est évidemment difficile d'évaluer les raisons de ce retard pris dans le canton de Vaud. Si les aspects fonciers représentent évidemment un frein important à la mise en œuvre d'un cheminement continu, on ne peut s'empêcher de regretter le manque de courage politique sur ce dossier.
La volonté d’instaurer un accès public aux rives ne s'est pourtant pas estompée. Le besoin pour la population d'accéder à des espaces végétalisés et de fraîcheur a encore été exacerbé avec les épisodes caniculaires vécus ces dernières années et qui vont assurément se produire de plus en plus fréquemment. Pour celles et ceux qui n'ont pas la chance de bénéficier de vacances en bord de mer ou de la terrasse ombragée d'une résidence secondaire, ces espaces, particulièrement propices à la détente et aux loisirs, sont précieux.
Les lacs ont aussi une importance primordiale pour la préservation de la biodiversité. Ils abritent de nombreuses espèces végétales et animales qui interagissent avec les zones environnantes. Comme le relevaient déjà les mesures prévues par le plan directeur des rives du Léman (2000), la mise en œuvre d'un cheminement continu doit évidemment tenir compte de ces qualités naturelles et paysagères. Il ne s'agit pas de développer "à tout prix" des "autoroutes à piétons" le long des rives du lac.
Mieux encore, dans certains cas, les mesures qui pourraient être déployées représentent une opportunité de développer des aménagements supplémentaires pour la faune et la flore. Ce serait l'occasion de revitaliser certaines rives qui sont loin d'être à l'état naturel ou de mettre en réseau des espaces naturels aujourd'hui cloisonnés.
La Confédération a d'ailleurs mis en place un programme de revitalisation des lacs pour répondre aux exigences de la législation sur la protection des eaux. Les cantons ont ainsi jusqu'à fin 2022 pour établir des plans stratégiques pour revitaliser les rives de leurs lacs. Des soutiens financiers sont prévus pour accompagner les actions envisagées par les cantons[9].
Le débat sur l'accès aux rives des lacs est ouvert depuis plus d'un siècle. Les décisions successives prises par les autorités n'ont malheureusement pas permis d'atteindre les objectifs visés sur l'ensemble des rives vaudoises. Bien que la situation soit très inégale d'une rive à l'autre du canton, nous estimons nécessaire de donner une nouvelle impulsion à l'élan observé à la Tour-de-Peilz, à Gland ou plus récemment dans le canton de Neuchâtel.
Commentaires du nouvel article constitutionnel
Le nouvel article proposé vise à fixer un cadre clair en matière d'aménagement des rives. La proposition prévoit notamment l'inscription d'un chemin piétonnier continu sur toute la longueur des rives (al 1) et l'instauration d'un droit de recours pour les organisations qui doit permettre d'exercer un contrôle effectif sur la mise en œuvre de ce principe (al 4).
La protection de la nature et du paysage est reconnue comme un "intérêt public" qui doit évidemment intervenir dans la pesée des intérêts de façon "prépondérante" (al 1). Comme évoqué plus haut, l'aménagement de cheminements doit non seulement proposer des tracés compatibles avec cet intérêt, mais aussi représenter une opportunité d'améliorer les qualités naturelles des secteurs concernés.
Il s'agira de procéder dans chaque situation à une pesée des intérêts, le chemin de rive devrait aller de pair, dans toute la mesure du possible, d’une part avec la renaturation des rives, et d’autre part avec l’accessibilité pour les personnes handicapées, en utilisant par exemple des revêtements stabilisés ou des passerelles en bois.
S'agissant de la largeur du chemin, nous nous appuyons sur la jurisprudence rendue par le Tribunal cantonal vaudois dans un arrêt du 17 janvier 2012 (AC.2010.0203) : « porter la largeur de la servitude de passage public à 2 m répond (…) à des motifs évidents de sécurité. Le Tribunal a ainsi pu constater lors de l'inspection locale qu'une largeur de 90 cm est insuffisante; elle ne permet pas à des piétons, qui se promèneraient notamment avec une poussette ou en chaise roulante, de croiser d'autres promeneurs. Une largeur de 2 m se justifie d'autant plus que le passage public dont il est question se trouve, par définition, au bord du lac et qu'elle permet ainsi d'éviter que quelqu'un ne tombe à l'eau. Une telle largeur correspond d'ailleurs à celle prévue par d'autres types de marchepied, tel celui de l'art. 1 LML, de même qu'à celle des servitudes de passage public figurant sur les plans riverains. »
Enfin, les dispositions transitoires fixent des échéances pour que les mesures de mise en œuvre soient déployées dans des délais acceptables (deux ans pour la loi d'application et deux ans pour l'adoption des plans d'affectation modifiés) et prévoit, dans cet intervalle un moratoire sur les installations ou aménagements qui pourraient compromettre l'atteinte des objectifs fixés par l'article constitutionnel.
Le texte
Nouvel art. 57bis Cst. VD
1 Les rives des lacs sont librement accessibles aux piétons sur une largeur de deux mètres, à compter de la ligne des hautes eaux ou de la berge aménagée. Un chemin piétonnier est aménagé en continu sur toute la longueur des rives, sauf intérêt public prépondérant lié à la protection de la nature et du paysage; en tous les cas, la renaturation des rives est favorisée conjointement à l’aménagement d’un cheminement piétonnier.
2 Dans cet espace de deux mètres, seuls sont autorisés les aménagements lacustres qui ne compromettent pas la réalisation du cheminement piétonnier et qui sont proportionnés aux besoins, de même que les mesures de renaturation.
3 La loi peut prévoir des dérogations lorsqu’un intérêt public prépondérant le commande.
4 La loi prévoit des mesures appropriées pour la mise en oeuvre du présent article et des sanctions en cas de violation par un particulier ou une collectivité des dispositions qui précèdent; les associations d’importance nationale ou cantonale poursuivant un intérêt public en matière d’environnement, d’aménagement du territoire, de protection de la nature et des sites ou d’accès aux rives disposent de la qualité pour recourir pour faire respecter le présent article et ses dispositions d’exécution.
Dispositions transitoires
La loi d’application est adoptée dans un délai de deux ans après l’acceptation de l’initiative.
Les plans d’affectation seront modifiés dans un délai de deux ans suivant l’adoption de la loi d’application.
Les constructions ou installations qui compromettent de manière importante la réalisation des objectifs de l’art. 57bis seront supprimées par les propriétaires. A défaut d’exécution dans un délai de 2 ans suivant l’adoption de la loi d’application, l’autorité compétente prendra toute mesure utile pour atteindre cet objectif, sauf si un intérêt public prépondérant s’y oppose. Si l’autorité compétente n’entreprend aucune mesure, l’Etat agit par substitution.
Tant que la loi d’application n’aura pas été adoptée et tant que les plans d’affectation n’auront pas été révisés, aucune installation ou aménagement, même léger, ne pourra être autorisé dans un espace de 10 mètres à partir de la rive, sous réserve d’intérêts publics prépondérants de caractère urgent. De même, les modifications ou agrandissements des installations existantes sont entièrement proscrits.
[1] On relèvera notamment la motion du député Jean-Michel Favez demandant que la loi sur le marchepied le long des lacs et sur les plans riverains (LML) soit modifiée afin de faciliter la réalisation des objectifs du Plan directeur des rives vaudoises du lac Léman (10_MOT_121). Bien que transformée en postulat, ce texte a été refusé le 6 mars 2012 par le Grand Conseil
[2] Postulat Fabienne Freymond Cantone et consorts aux Conseils d'Etat vaudois, genevois et valaisan : Pour engager une réflexion coordonnée pour une meilleure conciliation entre les activités et infrastructures nautiques et les milieux naturels du Lac Léman (15_POS_151), accepté le 28.06.2016
[3] Postulat Fabienne Freymond Cantone et consorts demandant une définition plus restrictive des constructions considérées comme constructions légères sur le domaine public du lac (10_MOT_123), 20.03.2012
[4] Le projet initial prévoyait une réalisation par le Canton. Le Grand Conseil a modifié ce principe en transmettant la compétence cantonale aux communes
[5] Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la mise en œuvre du Plan directeur des rives du lac Léman, juin 2013, p. 4
[6] NIKOLLI Alice, Accéder aux rives des lacs périalpins : un droit aux espaces publics au défi de la privatisation (Annecy, Bourget, Léman, Côme), Université Grenoble Alpes, 2019
[7] L'initiative demandait l'aménagement, d'un cheminement piétonnier sur les rives du lac entre le Bain des dames et la Plage de la Maladaire, ce qui offrira un cheminement continu entre Vevey et Villeneuve.
[8] Ce crédit a fait office de contre-projet à une initiative des Verts "Rives pour toutes et tous", déposée en 2016. Ce texte demandait "qu'un passage continu aménagé et entretenu de deux mètres de large au moins soit garanti le long des lacs neuchâtelois".
[9] L’octroi de subventions pour la planification cantonale des revitalisations ainsi que pour la planification et la mise en oeuvre de projets concrets de revitalisation s’effectue dans le cadre des conventions-programmes entre la Confédération et les cantons.
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Cédric Echenard | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Circé Fuchs | V'L |
Yves Paccaud | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
Didier Lohri | VER |
Graziella Schaller | V'L |
Jean Tschopp | SOC |
Alice Genoud | VER |
Olivier Epars | |
Julien Eggenberger | SOC |
Felix Stürner | VER |
Séverine Evéquoz | VER |
Valérie Induni | SOC |
Sabine Glauser Krug | VER |
Jérôme Christen | |
Anne-Laure Métraux-Botteron | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Raphaël Mahaim | VER |
Claude-Alain Gebhard | V'L |
Rebecca Joly | VER |
Léonard Studer | |
Vincent Keller | EP |
Hadrien Buclin | EP |
Anne-Sophie Betschart | SOC |
David Raedler | VER |
Andreas Wüthrich | V'L |
Elodie Lopez | EP |
Jessica Jaccoud | SOC |
Delphine Probst | SOC |
Documents
- Rapport de majorité de la commission - 21_INI_6 - Jessica Jaccoud_avec annexes
- Rapport de minorité de la commission - 22_INI_6 - Nicolas Bolay
- 21_INI_6-Texte déposé
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourVoici un véritable serpent de mer, une anguille du lac comme notre canton en a peu connu ! En tant que rapportrice de la majorité, dans un premier temps, s’agissant des rives publiques du lac, je me permets de vous présenter les quelques éléments légaux existant d’ores et déjà, dont la Loi sur le marchepied le long des lacs et sur les plans riverains (LML) qui date de 1926. Plusieurs tentatives qui n’ont pas été concrétisées ont déjà eu lieu auprès de ce Grand Conseil pour la faire évoluer. Il existe aussi un Plan directeur des rives du Léman qui vise à offrir un cheminement entre Noville et Mies, tout en recensant les zones naturelles sensibles du Léman. Les autres lacs de notre canton bénéficient quant à eux de leur propre plan. La particularité réside dans le fait que la compétence de réalisation de ces plans est attribuée aux communes. La Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) prévoit également que l’accès aux rives et le passage le long de celles-ci doivent être facilités. Quant au Plan directeur cantonal, il comprend une fiche spécifique E25 aux rives des lacs qui prévoit que l’accès du public doit être facilité par des chemins de randonnée en tenant compte des enjeux de protection de la nature.
Cependant, selon l’initiant, et comme rappelé lors de nos différentes séances de commission, malgré les nombreuses bases légales existantes et les outils de planification, la réalisation d’un cheminement continu permettant l’accès du public aux rives du lac n’est malheureusement pas une réalité. Or, d’autres exemples cantonaux montrent, comme Neuchâtel ou Berne, que lorsque la volonté politique prévaut, la réalisation des accès publics aux rives est possible. Durant nos discussions nombreuses, il a été rappelé à plusieurs reprises – y compris par l’initiant – que les lacs revêtent une importance primordiale pour la préservation de la biodiversité. La position de l’initiant à cet égard était identique à celles de toutes les associations entendues et qui ont rappelé, également, l’importance de cette préservation. Raison pour laquelle la mise en œuvre d’un cheminement doit tenir compte des qualités naturelles et paysagères et que le texte de l’initiative prévoit expressément « l’intérêt public prépondérant lié à la protection de la nature et du paysage, à la réalisation du cheminement piétonnier. » L’initiant a également précisé à plusieurs reprises ainsi que dans le commentaire de son initiative qu’il s’agissait dans chaque situation de procéder à une pesée des intérêts, afin que le chemin de rives aille de pair avec la renaturation de ces dernières et l’accessibilité par les personnes souffrant de handicap.
Lors de nos travaux, le Conseil d’Etat était représenté par Mme Métraux, alors cheffe du Département de l’environnement et de la sécurité. Elle nous a rappelé que le Conseil d’Etat pouvait proposer, si l’initiative lui était renvoyée, un contre-projet direct ou indirect. Lors de nos débats, il a été également question des différents coûts de mise en œuvre de ce cheminement public, la cheffe du Département a rappelé que seule une toute petite partie des moyens mis à disposition par les décrets adoptés par le Grand Conseil ont été dépensés. Ainsi, les subventions fédérales et cantonales relatives à ces revitalisations sont importantes. Le seul coût à charge des communes est extrêmement marginal, puisqu’il s’élève à environ 5 % des coûts totaux.
La lecture attentive du rapport de majorité vous a sans doute appris que nous avons procédé à l’audition de quatre associations, dont vous trouverez la retranscription ; je n’y reviens donc pas. Toutefois, j’aimerais mentionner le fait que l’Association pour la sauvegarde du Léman (ASL) qui vous a toutes et tous contactés par un courrier individuel a également été entendue par la commission, de sorte que le rapport de majorité tient compte de l’audition de cette association. Par conséquent, je vais m’employer à tenter de résumer la position et les arguments de la majorité de la commission qui soutient le renvoi de cette initiative au Conseil d’Etat.
L’initiative et les objectifs poursuivis par celle-ci répondent à une attente et à une demande de la population qui estime que les rives du lac doivent appartenir à toutes et tous, pas seulement à quelques propriétaires privés. La protection de la nature et de la biodiversité est garantie par le texte, étant précisé que les intérêts publics prépondérants liés à la protection de la nature et du paysage constituent un motif express d’exception à l’aménagement du cheminement piétonnier. Dans ce cadre, les zones identifiées dans le Plan directeur des rives du lac comme secteur à éviter par un cheminement continu le long des rives seront évidemment respectées. L’initiative tient donc compte des préoccupations légitimes relatives à la sauvegarde de la biodiversité. Dès lors, l’accessibilité aux rives doit être limitée uniquement en cas d’intérêt public, notamment en termes de protection de la nature et de la faune et non lorsqu’il existe des intérêts uniquement privés. Le cheminement piétonnier ne portera pas atteinte à la protection de l’environnement et à la biodiversité ; au contraire, elle aidera la mise en œuvre des intérêts publics. L’impossibilité parfois technique de créer un cheminement continu le long du Léman est également intégrée dans le texte de l’initiative qui prévoit des réserves au regard d’autres intérêts prépondérants, on pense notamment aux zones le long des lacs, des zones d’enrochement qui ne permettraient simplement techniquement pas la réalisation de ce cheminement.
Les risques de dégradation qui ont été évoqués lors de nos séances de commission ont été jugés très faibles, voire inexistants. Et, le droit doit être respecté, puisque les dispositions législatives actuelles auraient déjà dû permettre la création de ce cheminement piétonnier. Mais la pratique a malheureusement montré l’existence de blocages importants de la part de privés, mais également de certaines communes qui n’entreprennent pas les démarches nécessaires pour faire avancer les dossiers en cas de désaccord avec les propriétaires privés. Vous l’aurez compris, ce texte constitue une initiative de rang constitutionnel et admet comme objectif principal d’accélérer la mise en œuvre d’un plan qui existe déjà et qui s’appelle le Plan directeur des rives du lac Léman et non de le rendre caduc.
Les minoritaires qui s’opposent à cette initiative ont déposé un rapport de minorité que je leur laisse présenter. Il me semble cependant important de préciser que les majoritaires estiment que l’initiative Venizelos répond en tous points aux arguments soulevés par les opposants à ce texte, notamment s’agissant des inquiétudes légitimes quant à la protection et la préservation de la biodiversité, celle-ci ne devant pas être brandie aujourd’hui opportunément simplement pour s’opposer à un texte qui vise la réalisation d’une politique publique importante. La majorité de la commission vous invite par conséquent par 6 voix contre 5 à prendre en considération l’initiative Venizelos et à la renvoyer au Conseil d’Etat.
Le rapport de minorité veut mettre en avant les zones de protection en bordure du lac qui seraient perturbées, voire dénaturées par l’aménagement d’un chemin, d’une largeur de 2 mètres, comme demandé par l’initiant. Le canton de Vaud a déjà prévu un projet de planification stratégique de revitalisation des rives lacustres et de cheminement riverain, comme vous pouvez le voir dans les pièces jointes du rapport de majorité. Il s’agit donc pour chaque secteur de rives concernées de déterminer l’intérêt prépondérant entre préservation de la nature et accès du public. Outre la pesée objective de tous les intérêts en présence, publics et privés, il faut aussi que la mesure soit proportionnelle au but à atteindre. L’attractivité des rives de nos lacs ne saurait justifier davantage de pression sur la faune et la flore du littoral. Toute action de renaturation des rives doit aussi être prise en considération de manière prépondérante.
Pour rappel, le Conseil d’Etat avait préavisé en juillet 2013, lors de la révision de la LML que le cheminement riverain ouvert à tous pour un usage quotidien et simultané ne peut être réalisé dans les zones qui nécessitent une protection du milieu naturel de la faune ou de la flore. Pour les mêmes raisons, le Conseil national a refusé le 9 juin 2022 d’entrer en matière sur l’initiative Prelicz-Huber visant à généraliser au niveau fédéral, l’accès public aux rives des lacs, considérant qu’un accès garanti à ces dernières peut aussi entrer en contradiction avec le besoin de laisser des espaces naturels libres d’infrastructures et de présence humaine. En outre, près de 70 % des rives des lacs vaudois sont déjà librement accessibles au public. Il est aussi à noter que les 35 communes vaudoises riveraines du Léman disposent toutes d’au moins un accès public au lac. En fin de compte, l’initiative s’avère imprécise, disproportionnée et contraire aux principes généraux d’aménagement du territoire, de surcroît irréaliste quant aux délais donnés.
La discussion est ouverte.
Comme relevé par le rapport de majorité, ce sujet est ancien et récurrent. Cette loi a été adoptée dans les années 20. Depuis lors, le Plan directeur des rives du Léman propose le tracé d’un cheminement piétonnier et continu sur toutes les rives vaudoises. Ce document a servi à pas moins de trois votes favorables par le Grand Conseil de projets de décret, ce dès les années 2000. La situation actuelle n’en est pas pour autant satisfaisante, notamment parce que les communes sont principalement en charge de mettre en œuvre ce cheminement prévu par le plan directeur. Or, cette mise en œuvre n’est naturellement pas évidente et fait face à des difficultés auxquelles les communes elles-mêmes n’ont pas toujours les moyens – ou les meilleurs moyens – de répondre. De même, se présente une situation problématique sous l’angle du caractère naturel de nos rives, comme relevé par une des associations entendues, car aujourd’hui seuls 26 % des rives de l’entier du lac sont naturelles. Il ne s’agit donc pas de 26 % des rives vaudoises, mais de leur entier, comprenant le côté français, qui en tant que tel, est plus naturel que le côté suisse, qui malheureusement a été passablement construit – un véritable problème. Bien qu’il existe des projets de revitalisation des eaux requis par la législation fédérale, des difficultés sont liées, là encore, à des éléments pratiques et à la simple question de la propriété ; j’y reviendrai.
Spécifiquement sur la question de l’accessibilité, vous trouvez dans l’annexe 1 du rapport des chiffres particulièrement intéressants, parce qu’ils distinguent l’accessibilité des rives par districts. Des disparités régionales extrêmement marquées sont à relever : alors que les rives du district d’Aigle sont à 100 % accessibles, seuls 16 % le sont dans celui de Nyon, c’est-à-dire inaccessibles pour 84 %, notamment en raison de la propriété privée.
Sur ce point, il faut évoquer une erreur dans le rapport de minorité. En effet, retenir que près de 70 % des rives du lac seraient accessibles au public est tout simplement faux. Pourquoi ? Parce que dans les 70 % qui seraient « accessibles », on oppose ce qui relève de la pure propriété privée – 38 % – et les 62 % qui ne le sont pas. Il s’agit d’un point essentiel ; en effet, ce n’est pas parce qu’il ne s’agit pas de propriété privée que cela est accessible ni ne doit l’être. En effet, certains endroits revêtent des intérêts prépondérants à assurer une non-accessibilité, ce pour la conservation de la faune. Ainsi, les chiffres sont bien moins importants que les 70 % allégués.
Dans l’ensemble, il faut noter que le sujet de l’accessibilité est demandé par la population. On le sait, chaque fois que la population s’est prononcée à ce sujet, notamment lors des deux dernières initiatives communales en date, la population les a très majoritairement acceptées. En outre, lors de son audition, l’une des associations entendues a annoncé qu’elle allait lancer une initiative fédérale relativement à cet aspect ; un élément essentiel dont nous devons tenir compte, parce que la population le souhaite, parce qu’elle y a droit. Ainsi, il faut naturellement qu’elle puisse se prononcer sur ce sujet et qu’on lui en donne la possibilité, ce qui serait le cas avec l’initiative constitutionnelle telle que proposée par l’alors député, Vassilis Venizelos.
En conclusion, il faut naturellement toujours tenir compte des biotopes précieux de notre lac, de l’importance prépondérante de la protection de la faune et de la flore, de la nécessité d’offrir aux animaux, à la faune, le repos nécessaire. Or, aujourd’hui, ce repos n’y est pas donné puisque seuls 26 % des rives sont naturelles, une situation déplorable du côté vaudois de notre lac. Sur ce point, l’initiative Venizelos comprend un énorme avantage. En effet, en réfléchissant, en prônant et en planifiant un cheminement continu tel que requis déjà par la planification cantonale, il sera rendu possible de réfléchir à la renaturation des eaux, des berges et à celle des grèves, ce qui est essentiellement et absolument demandé par les associations professionnelles, par toutes les personnes qui connaissent le lac Léman, car il faut repenser la renaturation, ce qui passe notamment par une planification liée au cheminement. Ainsi, il convient de soutenir ce projet afin d’offrir à la fois à la population la possibilité de continuer à bien connaître les grèves et les berges du lac, mais également de repenser la renaturation complète des bords du lac, aux endroits où cela est possible, et donner les habitats nécessaires à la faune et à la flore, éviter de maintenir un bétonnage qui en l’état n’est pas du tout bénéfique.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient avec conviction cette initiative qui vise à mettre enfin en œuvre le droit pour les habitantes et habitants de ce canton de cheminer de manière quasiment continue au bord des lacs, excepté lorsque des falaises ou des endroits trop compliqués rendant ce cheminement impossible. Il y a selon nous un intérêt public fort à favoriser la marche le long des rives du canton. Cette marche permet l’accès à un espace de détente indispensable dans une vie souvent stressante ; nous sommes soumis à des rythmes de travail intenses, et ces respirations sont nécessaires. Promouvoir la marche constitue aussi un enjeu de santé publique pour nombre de personnes qui restent souvent longuement assises durant la semaine de travail avec tous les problèmes qui en découlent, y compris pour les enfants qui, aujourd’hui, ne bougent souvent pas assez, comme le rappellent bon nombre de spécialistes de santé publique.
Or, l’accès piétonnier aux rives des lacs est à ce jour bien trop réduit et fragmenté. Dans certaines régions, il est difficile de marcher plus de quelques minutes ou quelques dizaines de minutes au bord du lac, sans se heurter à une déviation qui nous éloigne des rives et nous amène au bord d’une route cantonale à fort trafic. C’est par exemple le cas dans la région de la Côte, où les accès aux rives du Léman sont très restreints et entrecoupés. Cela est d’autant plus dommage qu’il s’agit de magnifiques rives comme tout un chacun le sait. Ainsi, nous ne comprenons pas que certaines autorités communales fassent pareillement primer la tranquillité de quelques propriétaires de villas cossues sur le droit à l’accès aux rives pour toutes et tous. En outre, la tranquillité de ces propriétaires est d’autant moins menacée qu’ils disposent souvent de très grands jardins et ont tout loisir de restreindre la vue sur leur terrain par des haies ou des murets. D’ailleurs, on peut se demander si certaines de ces propriétés du côté de Bursinel, Dully ou autres communes cossues, sont finalement vraiment habitées à l’année ou si les propriétaires ne font qu’y passer quelques mois tant elles paraissent souvent inhabitées.
Durant les travaux de commission, certaines et certains commissaires de droite ont invoqué la préservation de la biodiversité pour justifier de maintenir clos des dizaines de kilomètres de rives lacustres. Certes, on pourrait se réjouir de ce soudain intérêt pour la tranquillité des poules d’eau et autres grèbes huppés chez certains de nos collègues, mais cette préoccupation, en ce qui me concerne, m’est apparue un peu trop soudaine et trop restreinte aux seules rives du lac pour être vraiment sincère. Sur le fond, de nombreux exemples montrent qu’il est possible de concilier une riche biodiversité et un accès pour les promeneuses et promeneurs. La possibilité de se promener dans la réserve des Grangettes, du côté de Villeneuve ou dans un autre style, la magnifique île aux oiseaux de Saint-Sulpice montre que la promenade et le respect de l’environnement sont parfaitement conciliables, puisqu’il s’agit plutôt du bétonnage qui menace la biodiversité, les pesticides, les pelouses artificielles et d’autres problématiques qu’il s’agirait d’empoigner urgemment, mais en tout cas pas les promeneuses et les promeneurs qui évoluent sur un étroit sentier au bord du lac.
Pour toutes ces raisons, j’espère vivement que le Grand Conseil prendra en considération cette initiative.
Je m’exprime au nom d’une buona parte du groupe vert’libéral. Les préoccupations du développement durable ont actuellement deux objectifs : diminuer au maximum la consommation d’énergie et, d’autre part, préserver la biodiversité. Ce sont les deux pôles de préoccupation au sujet desquels les milieux – d’Exctinction Rebellion à des mouvements plus modérés – essayent de nous convaincre d’agir en matière de développement durable. Ce sont sur ces deux axes que nous sommes invités à agir. Or, sur ces derniers, l’initiative Venizelos, est malheureusement nuisible. En effet, on ne peut pas constituer un cheminement piétonnier au bord d’un lac sans recourir à de l’énergie, à du béton et à divers autres éléments qui constituent une consommation d’énergie non souhaitable. Et, d’autre part, quoi qu’en disent certains, notamment M. Buclin ou M. Raedler, la biodiversité est certainement menacée par le passage. La biodiversité d’animaux fragiles est menacée par cet homo sapiens, dont nous faisons partie malheureusement avec un certain nombre d’exemplaires qui n’admettent pas la civilité comme règle de base. Tous ceux qui connaissent les cheminements, les places de pique-nique et autres autour des lacs savent bien à quel point un certain nombre de vandales en profitent, ce qui n’est certainement pas favorable à la biodiversité.
L’initiative prévoit des exceptions lorsqu’un intérêt public prépondérant le commande ? Eh bien, bon voyage ! Cela signifie que ce sont les tribunaux qui vont devoir trancher. Et que signifie l’intérêt public ? Des procédures et des contestations auprès du Tribunal cantonal ou fédéral. Je vous laisse imaginer la succession de propriétaires entre Cully et Lutry ; ce sont comme vous le savez tous, de petites propriétés. Il ne s’agit pas du tout de ces grandes propriétés qu’on connaît sur la Côte, mais de petites qui bordent le lac avec souvent des cygnes ou d’autres animaux lacustres qui logent à ces endroits. Ainsi, la création d’un cheminement piétonnier entraînera certainement l’un après l’autre tous les propriétaires à recourir : des procédures interminables qui déplacent l’activité de la politique à celle de la justice. Ce n’est pas ce que nous devons faire. J’aimerais rendre l’un de mes préopinants, M. Raedler, particulièrement attentif à une chose, car il me semble un brin Lémano-centré. En effet, l’initiative vise tous les lacs. Or, si le lac Brenet est à peu près complètement parcourable, ce n’est pas du tout le cas pour le lac de Joux, par exemple entre Le Lieu et le Rocheray, un tronçon inaccessible, à moins d’un recours à des travaux importants qui consomment de l’énergie. On mentionnera encore le lac de Bret ; enfin, il s’agit de tous les lacs. Je considère que la réflexion qui ne concerne que le Léman et surtout la partie ouest de la Côte confère à cette initiative un éclairage injustifié.
Quant à M. Buclin qui considère que les rives sont appropriées à la marche, c’est vrai ; or, il est aussi favorable de ne pas marcher seulement au bord du lac, mais au contraire d’avoir l’occasion de varier les plaisirs. Ayant parlé du segment qui sépare Cully de Lutry, il existe un très joli chemin dans les vignes qui donne sur le Léman, une vue parfois plus agréable en tout cas qui tranche avec le cheminement directement au bord du lac.
En conclusion, il est constamment question d’urgence climatique, mais point lorsqu’il s’agissait du bâtiment des sciences de la vie : béton, verre, métal… Il me semble que l’urgence climatique nous conduit, nous pousse à devoir renoncer à ce qui n’est pas indispensable. Ainsi, malheureusement, M. le conseiller d’Etat, ancien cher collègue, député Venizelos, je pense que l’initiative que vous déposez ne l’est guère.
J’ai fait partie de la commission qui a étudié cette initiative et suis également signataire du rapport de minorité. A part ça, je n’ai aucun intérêt particulier à défendre, si ce n’est celui du bon sens et d’une certaine proportionnalité. Cette initiative, effectivement, part de bons sentiments, l’accès au lac, à ses rives, ses plages est un plaisir bien compréhensible. L’envie d’aller se promener le long des rives est légitime. La population a l’impression que le lac et ses rives appartiennent à tout le monde, cela a été dit. On constate cela dans d’autres situations, en montagne ou lors des promenades en campagne. La population a également tendance à vouloir s’approprier la nature, toute probablement pétrie de bonnes intentions pour profiter de ces beaux paysages, de cette belle nature, mais malheureusement oublie souvent de la respecter. Je connais moi-même bien cela en tant que vigneron dans une région très fréquentée, Lavaux, où on voit très fréquemment les dégâts que peuvent provoquer les pique-niques à l’intérieur même des vignes de gens peu scrupuleux, consommant des boissons au caractère étonnamment peu local, et qui laissent leurs déchets sur place – une triste réalité, dont il faut tenir compte.
L’initiative soumise présente l’avantage d’un texte très clair et sans équivoque, et qu’il est nécessaire de rappeler : « Un chemin piétonnier et continu sur une largeur de 2 mètres et sur toute la longueur de la rive ». C’est assez simple à comprendre ; le texte prévoit également des mesures, de mise en œuvre et de sanctions pour un privé ou pour une commune qui ne satisferait pas au présent texte. Le Grand Conseil n’a pas la possibilité de modifier le texte. Il s’agit donc aujourd’hui de l’accepter ou de le refuser.
Or, sous une apparence simple, bénéfique et à l’avantage de tous les promeneurs friands du lac, ce texte cache toute une série de gros obstacles auxquels l’initiative ne donne pas de solution. Ce texte est trop rigide et ne permet pas la pesée des intérêts en présence. Certes, il ouvre la porte à une dérogation, en cas d’intérêt public prépondérant ; là réside la difficulté. En effet, qui va répondre à cette question ? Quel est l’intérêt public prépondérant ? Sera-ce la réalisation d’un sentier inscrit dans la Constitution ou la préservation d’un site à haut potentiel pour la faune ? Une décision en faveur de l’initiative ou en faveur de l’intérêt des communes ? Aussi, je me pose un certain nombre de questions. Par qui la décision sera-t-elle prise ? Probablement par les tribunaux.
Sous l’angle de l’autonomie communale, le texte permet d’imposer aux communes l’obligation d’engager des frais – qui seront gigantesques – d’abord en étude de projet d’aménagement, de réalisation, d’enrochement, de passerelles, de constructions béton et métal, mais aussi de longues procédures d’expropriation qui ne manqueront pas d’arriver dans certains cas. Il s’agira aussi de frais d’entretien, car le canton ne va probablement pas envoyer les cantonniers nettoyer et entretenir ces chemins. Malgré le fait que les communes aient la meilleure connaissance des lieux, elles perdent en autonomie ; cela n’est pas acceptable. La commission a en effet reçu quatre associations. Or, on ne mentionne pas que, parmi les quatre, trois se sont clairement prononcées en défaveur de cette initiative.
Bien entendu, les accès au lac peuvent être améliorés ; les communes s’y emploient. Mais, comme relevé par l’association pour la sauvegarde du Léman, cela ne doit pas être entrepris au détriment des oiseaux d’eau qui nichent dans les bords, qui ne doivent par exemple pas être dérangés pendant qu’ils couvent : on connaît le canard siffleur, le grèbe des rives, le fuligule ou encore le grèbe huppé qui fait son nid au bord du lac, bien qu’il en existe beaucoup d’autres. Créer des sentiers tout au long des rives les fera fuir. Mais où ? S’il n’y a plus d’espace de liberté ou de tranquillité ? Quantité d’autres animaux qu’il s’agit de préserver ont leur habitat le long des berges : les lézards verts, la couleuvre vipérine, la salamandre et d’autres amphibiens. Contrairement à ce que pense notre collègue Buclin, je suis PLR et je me préoccupe de la nature ; elle est mon outil de travail, me fait vivre. J’ai probablement bien plus souvent que lui les mains dans la terre… Et, n’oublions pas les poissons ! La commission a reçu un pêcheur professionnel qui est à l’origine de l’association Le chemin des galets. Il nous a extrêmement bien expliqué l’importance des grèves, de l’utilité de différentes structures qui vont du gros galet, lieu de fraie des ablettes, des gougeons ou des brochets, du gravier qui, lui, est favorable aux perches ou aux féras, et d’autres petits micro-organismes, insectes, larves, qui sont, eux, la nourriture de ces poissons. On nous a bien fait comprendre la fonction essentielle de ces rives naturelles et à quel point il faut les préserver.
Le Grand Conseil genevois l’a d’ailleurs bien compris et a balayé la même initiative le 3 février dernier par 54 voix contre 27 et 14 abstentions. Le conseiller d’Etat vert, Antonio Hodgers, s’est lui-même opposé à ce projet qu’il a jugé trop rigide malgré le fait que Genève ait le plus mauvais taux d’accès au lac. Et, la quasi-totalité des Verts genevois s’est d’ailleurs abstenue. Pour gérer le lac et ses accès, le canton de Vaud a la chance d’avoir un Plan directeur cantonal ; il ne faut pas l’oublier. La fiche E25 livre sa stratégie consacrée aux rives. Cette fiche indique clairement le souhait de faciliter l’accès au lac par des chemins, mais ne demande à aucun moment un chemin continu sur toute la berge, de surcroît de 2 mètres de large. Un autre document est consacré au sujet. Il s’agit du Plan directeur des rives du lac qui fait état du Plan directeur de la législation en vigueur et analyse les différents intérêts, dont par exemple, celui d’agrandir certaines plages au profit de la population, mais conclut que cela n’est pas possible à cause des contraintes écologiques et de la protection des reptiles.
Je considère qu’il est utile également de rappeler que les rives du lac ont plusieurs fonctions qu’il s’agit de conjuguer : une fonction touristique, par exemple avec les ports, piétonnière avec les sentiers qui sont déjà existants – et il y en a beaucoup – et une vocation écologique avec la protection de la faune et ses 12 secteurs à vocation naturelle, prioritaires, dont plus de la moitié se trouve sur les rives lémaniques, troisième réserve d’oiseaux d’importance nationale. Ces fonctions sont complémentaires et démontrent qu’une fois de plus il est erroné de penser que la fonction piétonnière est prioritaire. Il s’agit de trouver un équilibre qui ne figure pas dans cette initiative.
Il est également intéressant de savoir qu’aujourd’hui il ne reste que 26 % de rives naturelles dans le canton de Vaud : plages, forêt, grèves, dont 3 % sont très riches en biodiversité. 13 % des rives sont semi-naturelles riches de champs, de cultures, de bandes herbeuses. Et, 61 % des rives du lac sont artificielles avec les constructions de rochers, les routes et les murs, et on y trouve toutes sortes de promenades et de sentiers existants avec 61 plages auxquelles on peut accéder, 36 ports publics qui représentent autant d’accès pour la population.
Il est aussi intéressant de rappeler qu’il existe la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL), un organe intergouvernemental franco-suisse qui contribue à la coordination de la politique de l’eau entre la France et la Suisse. Dans son dernier rapport, cette dernière fait état de la pression de l’urbanisation et de ses activités de loisirs sur les rives du Léman. La réduction des espaces naturels rend difficiles la nidification et la reproduction des espaces. Les activités riveraines peuvent également altérer la qualité des eaux et des sols ou être sources de dérangement de la faune sensible. La commission indique également que sur les 87 km de rives que compte le Léman sur le territoire vaudois, seuls 33 kilomètres restent et sont encore préservés avec une fonction claire d’intérêt public écologique et qu’il s’agit absolument de préserver. Ces 33 km contiennent 31 sites qui font partie du réseau écologique lémanique et qui admettent un potentiel écologique élevé qu’il convient aujourd’hui de protéger.
En résumé et en guise de conclusion, cette initiative va trop loin et s’avère contraignante, manifestement en contradiction avec la préservation de la biodiversité autour du lac. Pour toutes ces raisons, le groupe PLR s’oppose fermement à cette initiative et vous recommande chaleureusement d’en faire de même.
Cher collègue Jobin, ne vous inquiétez pas, je serai synthétique ! 110 ans. L’alors député Venizelos nous rappelle dans son texte que voilà 110 ans, une pétition « Droit du public à cheminer au bord des lacs » occupait déjà nos ancêtres. Je crois d’ailleurs qu’on réfléchit mieux en marchant. M. Buclin a évoqué toute la dimension de bienfait de la marche pour la santé, et j’aimerais aussi évoquer tout son bienfait pour penser différemment… Imaginez une seconde si à la place de ce lac nous avions une étendue de béton ! Pour toutes les Vaudoises et les Vaudois, se balader au bord des lacs constitue un oxygène, l’occasion d’un moment de loisir, de penser différemment ; la population y est très attachée. Je regrette qu’après trois quarts d’heure de débat, on n’y fasse si peu allusion.
Effectivement, il existe de nombreux lacs dans ce canton, celui de Neuchâtel, de Bret, des lacs de montagne, de Bretaye, le lac Léman, quand même, aussi. A cet égard, un chiffre intéressant est relevé par le rapport de majorité : seuls 51 % des rives du lac Léman sont accessibles au public ; un chiffre fourni par une étude de 2003 qui caractérise la situation actuelle, un constat d’échec qui doit nous interpeller. J’aimerais aussi que nous dézoomions un petit peu pour voir ce qui se passe ailleurs, pour observer que dans le même pays, d’autres cantons, dont on peut citer Neuchâtel qui, à la faveur d’une politique ambitieuse, parvient à couvrir un accès sur plus de 80 % de ses rives. On pourrait aussi évoquer le cas bernois. Finalement, d’autres cantons au profit d’une configuration assez proche de la nôtre ont réussi à relever ce défi.
En outre, je considère que les mots du rapporteur de minorité sont excessifs. En effet, il nous parle de demandes disproportionnées, démesurées, irréalistes imprécises et nuisibles. Disproportionnées ? Est-ce à dire que lorsqu’un propriétaire privé empiète sur l’accès aux rives, cela représenterait en réalité un moindre mal ? Or, lorsque l’accès au public serait envisagé, cela s’avérerait – j’ignore par quel miracle – totalement démesuré. Si nous avons une base légale qui permet cet accès au public, alors il y a un besoin de le consolider. J’estime aussi que nous devons avoir un tout petit peu confiance en la population vaudoise à se comporter correctement quand elle chemine sur les rives des différents lacs.
En outre, je m’étonne d’une vision éthérée, hors-sol, que nous présente notre collègue vert’libéral, Jacques-André Haury. En l’écoutant, j’ai le sentiment que toute activité humaine serait par définition nuisible pour la nature et l’environnement. Or, si nous allons jusqu’au bout de cette vision éthérée, il faut alors priver, empêcher la population de faire des enfants, de se renouveler, puisque par définition fondamentalement, toute activité humaine est nuisible à la nature et à l’environnement, et l’être humain serait fondamentalement incapable de s’adapter et de respecter la nature.
Dans toutes les questions que nous nous posons et dans tous nos votes, nous devrons trouver le moyen que l’activité humaine se développe, se poursuive, tout en respectant la nature. J’ai la faiblesse de croire que cela est possible et que nous devons relever ce défi.
Je conclurai par un sujet auquel la population est attachée, ce qu’une votation populaire à La Tour-de-Peilz ou à Gland a démontré. En effet, chaque fois, elle a voté un accès plus fort aux rives publiques. De plus, comme M. Raedler l’a rappelé, à ce sujet se profile une initiative populaire sur laquelle très vraisemblablement le peuple suisse et les cantons devraient se prononcer prochainement. J’aimerais simplement que nous conservions cet élément en tête. Il s’agit d’un texte équilibré qui a soupesé avec une certaine habileté les éléments de renaturation, de protection de la biodiversité – pour toute personne qui s’est donné la peine de lire. Et, s’agissant des réserves naturelles, en aucun cas, monsieur Neyroud, ne sont-elles remises en cause par le texte de l’alors député Venizelos. Pour toutes ces raisons, je vous invite à réserver un bon accueil à un accès étendu, respectueux de la nature et de la biodiversité, aux rives pour la population vaudoise, pour les marcheurs et les piétons de ce canton.
J’aimerais d’abord déclarer mes intérêts, car ma belle-famille possède une propriété au bord du lac à Estavayer-le-Lac, juste à la frontière du canton de Vaud en direction de Chevroux. Relativement à la biodiversité, si vous allez vous balader entre Estavayer et Chevroux, le chemin se trouve à 30, 40 ou 50 mètres des berges dans la Grande Cariçaie, parce qu’il faut absolument préserver les rives du lac. Je crains qu’une telle initiative, qui veut à tout prix ouvrir les rives, porte une atteinte importante à la biodiversité. Cela fut soulevé par l’association pour la sauvegarde du Léman au sujet des zones littorales, des zones de transition, entre les zones immergées – infra littorales – et les zones à l’air libre. On le sait, on l’a vu ces dernières années, les niveaux du lac bougent parfois de plusieurs mètres, par exemple, lors des inondations d’il y a deux ans. Dans ces zones, la biodiversité est très sensible, unique et doit à tout prix être protégée. Ainsi, créer un chemin au bord du lac y portera atteinte. Ensuite, la largeur du chemin me pose problème. En effet, si 60 cm ne sont pas problématiques, un chemin de 2 mètres ressemblera vraiment à une autoroute et portera atteinte à la biodiversité, créera beaucoup plus de problèmes qu’il n’en résoudra. Pour les handicapés, pour les gens à mobilité réduite, des zones privilégiées autour des zones d’attraction sont possibles. En conclusion, je ne pourrai soutenir cette initiative.
Les propos de mon collègue Buclin m’invitent à réagir. En effet, finalement, sous le couvert de donner un droit supplémentaire à la population, se niche quand même une attaque contre les riches, contre certains propriétaires, ce que je regrette. Il faut reconnaître que quelquefois on a affaire à une fausse bonne idée. J’espère que nous pourrons entendre le Conseil d’Etat sur le sujet, puisqu’il s’agit de l’initiant, et visiblement le conseiller en charge de mettre en œuvre cette initiative, si elle devait être acceptée. Or, de multiples associations de protection de la nature l’ont relevé, cette initiative menace la biodiversité. Ainsi, il me semble approprié que ceux qui se définissent comme les grands protecteurs de la nature fassent preuve d’une certaine cohérence, qu’ils écoutent ce que les spécialistes disent : cette initiative menace la biodiversité au bord de nos lacs. Par conséquent, je suivrai le très bon argumentaire de notre collègue Neyroud et vous invite à refuser cette initiative qui menace la biodiversité, la liberté individuelle et qui visiblement est inapplicable.
Je m’étonne parfois du traitement à géométrie variable des questions liées à la biodiversité. Je déclare mes intérêts, puisque je suis, comme vous le savez, membre du comité vaudois de Pro Natura. Quand il s’agit de restreindre l’accès à certaines zones forestières ou de restreindre les possibilités de tir à des espèces protégées, les arguments en lien avec la biodiversité se font un petit peu moins entendre. Dont acte. En l’occurrence, si vous lisez le texte de l’initiative proposée, on y parle justement de renaturer les rives du lac qui, je le rappelle, sont pour la plupart des lacs vaudois, ce n’est pas le Yukon ! Il s’agit d’endroits qui sont déjà fortement urbanisés, très construits, et les rives du Léman – à part les Grangettes – sont aujourd’hui, pour la très grande majorité, peu propices à la biodiversité. Ainsi, on ne peut qu’améliorer la situation avec cette initiative. D’autres arguments sont probablement valables, mais celui de la biodiversité me semble tiré par les cheveux ; d’autres arguments seraient sans doute plus pertinents.
Malheureusement, trop souvent, les personnes qui veulent protéger, sauver et s’approprier la nature ne la respectent pas. Preuve en sont les incivilités constantes de ces différents randonneurs bipèdes, pique-niqueurs, propriétaires de chiens qu’ils ne tiennent pas en laisse. C’est triste, mais il faut bien l’admettre, ils génèrent par leur comportement de gros problèmes de déchets sauvages. Ces substances étrangères constituent des nuisances très problématiques pour la faune, la flore et tout l’équilibre écologiques de nos lacs vaudois. En tant qu’agriculteur, j’en sais quelque chose, particulièrement concernant les canettes en aluminium ou les déjections de chiens que je retrouve régulièrement dans les fourrages de mon exploitation, ainsi que les déchets en tout genre qui terminent leur course dans les pâturages. De ce fait, je n’ose pas imaginer les quantités de déchets que l’on va devoir ramasser, aux frais du contribuable, aux abords des rives de nos lacs. Par conséquent, cette initiative est une fausse bonne idée ; il faut absolument garder les rives naturelles, dans toute leur diversité, que ce soit sur le domaine privé ou public, car elles jouent un rôle essentiel dans l’équilibre de nos lacs. De plus, vous vous limitez au Léman, alors que paradoxalement on va détruire les chalets au bord du lac de Neuchâtel au nom de la sauvegarde et du maintien des rives naturelles et créer à la place un chemin de 2 mètres de large. Cherchez l’erreur !
Pour ces raisons je vous recommande de suivre la minorité de la commission et de refuser cette initiative.
Je déclare mes intérêts comme ne possédant – ni moi ni ma famille – de propriété au bord du lac, et habitant de Coppet – où je suis né, vis toujours et espère vivre encore très longtemps – un bourg par excellence lacustre, avec tout ce que cela comporte d'agrément, mais aussi de contraintes, de charges, de responsabilités. En effet, les rives d'un lac ou d'une rivière constituent les lieux peut-être parmi les plus fragiles de notre écosystème. Oui, monsieur Mocchi, au niveau de la faune, pour la reproduction, tout se passe dans les 8 ou 10 mètres depuis la rive du lac. En forêt, si la faune peut de temps en temps s'échapper ou s'écarter des sentiers, dans le lac, cela n'est pas possible ; il faut se le rappeler.
Nous le savons, l'homme n'est pas toujours dans une relation de compréhension ou de partage de ce milieu. Il désire en profiter pour ses loisirs – ce qui est normal et compréhensible – mais sans comprendre qu'il ne se trouve pas toujours à sa place. On pourrait facilement comparer – et ce fut fait – les rives d'un lac ou d'une rivière avec des sentiers de montagne ou de forêt. Or, je le répète, la configuration est différente des rives d'un lac.
Tout le monde veut accéder à ces endroits fort attractifs. Or, cela est largement ingérable. Les conséquences pour la nature sont assez désastreuses. Les rives de nos lacs, en particulier le lac Léman ou le lac de Neuchâtel, sont fortement peuplées, c’est-à-dire sous pression permanente.
Je désire aussi partager avec vous quelques expériences tirées de la période où j'étais membre de l'exécutif du Bourg de Coppet. En effet, à la fin des années 90, début 2000, nous avons imaginé un projet de cheminement des rives du lac – du reste cité dans le rapport – qui porte l’inscription « pas de réponse » ; cela est faux. Nous avons mis en place des rives du lac, mais qui ne plaisaient pas forcément aux autorités de l'époque – vous verrez pourquoi aussi. La conclusion de cette étude a été une évidence : le cheminement des rives d'un lac n’équivaut pas aux pieds dans l'eau tout du long – monsieur Haury, vous avez raison – mais plutôt de pouvoir se promener les pieds dans l'eau, parfois, et aussi légèrement en retrait, et ainsi profiter de la vue, du dégagement.
Si je reprends l’exemple du Bourg de Coppet, l'allée du château, d’environ 500 mètres de long, a une perspective sur l’entrée du château de Coppet, et si je tourne ma tête d'un quart de tour, je vois un magnifique paysage : le lac et les Alpes, en face. Un paysage souvent pris en exemple, permettant d'écrire de magnifiques textes, dont ceux de Mme de Staël – habitante de Coppet – mais aussi de Chateaubriand, Wilhelm Schlegel ou encore Benjamin Constant qui ont écrit depuis ce lieu que je vous décris maintenant. Par conséquent, on s’aperçoit qu'on peut aussi très bien, à 150 mètres du lac, 20 mètres au-dessus du niveau de l'eau, s'inspirer et produire de juteuses idées. A Coppet, nous avons six possibilités de rentrer en contact direct avec le lac et environ 1,5 km de rives. L’accès aux rives se fait sur un tiers : soit 500 mètres.
Pour répondre à M. Raedler, sachez que les chiffres – 17 % – que vous donnez sont faux, puisque beaucoup de conventions sont signées avec des propriétaires privés pour des accès possibles au bord du lac ; ce qui n’est pas comptabilisé. Ce sont des chiffres à nouveau erronés ; cela est regrettable, parce que cela influence tout de même passablement de monde.
Ces 500 mètres de rives copétanes ont un bassin de population de plusieurs dizaines de milliers d'habitants. En effet, cinq communes se situent sur la région de Terre-Sainte, pour un bassin de population de 15’000 habitants, sans mentionner la France, très proche, et ses 30’000 habitants pour le pays de Gex et Divonne, soit 45’000 habitants au total. Et, pendant les périodes estivales, la population aime à se rendre au bord du lac. Gardons en tête que le bassin lémanique, par exemple – si je prends l'exemple du lac Léman – équivaut à 1,7 million d'habitants qui désirent tous, bien sûr, accéder au bord de ces rives.
Pour revenir au Bourg de Coppet, tous les lundis, en période estivale, une à deux personnes avaient la charge de nettoyer ces fameux 500 mètres de rives, en particulier la partie plage-port, qui était extrêmement attractive et demandait beaucoup plus d'attention. Pendant les vacances d'été, les employés étaient actifs tous les jours pour nettoyer – et non pas entretenir – les rives du lac sur les rochers, les grèves, les espaces engazonnés. Je vous épargne le détail de ce qu'on ramassait dans ces endroits-là.
L'autre problématique réside dans le stationnement des gens qui veulent accéder au lac. Je vous ai communiqué précédemment le bassin de population. Le souci de la population consiste à venir se distraire, pieds dans l'eau, pour profiter des joies lacustres. Et comment parviennent-ils au bord du lac ? En voiture. Pourquoi en voiture ? Parce la voiture comprend l'équipement pour le pique-nique, peut-être aussi le paddle, le bateau pneumatique, l’installation pour la pêche ou le kite-surf, entre autres choses. Ainsi, sans venir particulièrement de loin, ils utilisent tout de même leur voiture pour emporter tout ce matériel.
Veuillez m’excuser du terme, mais il faut « foutre la paix » à la faune dans les espaces qui sont tranquilles aujourd'hui. Or, nous voulons aménager des sentiers de deux mètres le long de ce lac, en tout cas sur une grande partie, et cela amènera inévitablement des constructions. De plus, construire au bord du lac, il ne faut pas croire que c'est de la rigolade ! Si je reprends l'exemple de l'ouest de Coppet, la formation des vagues de la bise équivaut à 30 km, c’est-à-dire 30 km de courant qui arrive sur Coppet. Ainsi, lorsque les vagues atteignent des creux de 1,5 mètre, il faut que les installations tiennent solidement – pour vous donner une image, c’est à peu près la traversée de la Manche. Si l’on organise un cheminement piéton le long du lac, il sera en béton et en métal, sinon cela ne résistera pas ; j’en parle en connaissance de cause.
En outre, les chiens et autres vont se balader dans un espace beaucoup plus large que les 2 mètres prévus : perturbation garantie de la faune. Alors, que ferons-nous ? Nous placerons peut-être un grillage ou une barrière, quelque chose qui freine. Des haies ? Il faut savoir qu’une faune importante vient au bord du lac et qu’il faut la laisser y accéder : chevreuils, sangliers et autres renards viennent y boire tous les jours. Alors, on ne peut pas aujourd'hui simplement dire, on met une haie et on passe à côté ! Excusez-moi, mais c'est complètement aberrant.
En conclusion, il faut continuer à utiliser tout ce qui est actuel, en place et, en outre, suivre les associations de défense de la nature, des lacs et des rivières. Refusons cette initiative !
Brièvement, suite à certains propos tenus dans cet hémicycle, s'agissant de la largeur du cheminement au sujet duquel vous êtes plusieurs à être intervenus, dont notamment M. Vionnet, la considérant d’une dimension autoroutière, je tiens à faire observer que si la distance de 2 mètres de largeur a été mentionnée dans le texte de l'initiative, il ne s’agit nullement d’un souhait de l'initiant, mais précisément d’un arrêt du Tribunal cantonal vaudois datant du 17 janvier 2012, qui a indiqué la nécessité de porter la largeur de la servitude de passage à 2 mètres, afin de répondre à des motifs évidents de sécurité. Par conséquent, la requête n’émane pas du prince, mais d’une volonté de respecter la jurisprudence du Tribunal cantonal qui a déjà pu se déterminer sur cette question. Je précise que cet arrêt a été publié dans le cadre d'une affaire qui concernait la Loi sur le marchepied, la dynamique étant par conséquent identique.
Rappelons aussi le texte de l'initiative. En effet, vous ayant entendus cet après-midi, je nourris l’impression que certains ne l'avaient pas lu. Bien entendu, j'espère avoir tort tout en souhaitant vous rappeler ce qui est expressément inscrit dans le texte de l'initiative : « Sauf intérêt public prépondérant lié à la protection de la nature et du paysage ». Ainsi, arguer que cette initiative ne prend pas en compte l’intérêt public prépondérant signifie ne pas avoir lu le texte. En outre, un peu plus loin, le texte indique : « En tous les cas, la renaturation des rives est favorisée » A nouveau, celles et ceux qui ont pu s'exprimer en défaveur de ce texte en indiquant que, si cette initiative était acceptée, elle irait à l'encontre des projets de renaturation des rives, se trompent.
Enfin, monsieur Haury, vous avez précisé que ce texte était peut-être finalement destiné uniquement à l'ouest de la Côte. Je considère que nous ne sommes pas encore tout à fait le Grand Conseil de Genève… j’ignore ce que représente exactement l'ouest de la Côte. Toutefois, il est vrai que la Côte – le district de Nyon en tous les cas – est l’un de ceux qui compte le plus faible nombre de mètres de rives ouvertes au public du canton de Vaud. Ainsi, si une initiative permet d'accélérer dans un district plutôt qu'un autre la mise en œuvre du plan des rives du lac Léman, finalement, on saisit mal où sont les difficultés. Voici les raisons pour lesquelles la majorité de la commission vous encourage à accepter ce texte.
Ayant « fait le plein d’acouet » (nom des ateliers de formation proposés à l’ensemble de la députation, n.d.l.r), je serai donc brève ! Je déclare mes intérêts comme syndique de La Tour-de-Peilz où une votation populaire pour un accès aux rives du lac a été acceptée par le peuple en 2010, déjà. Je tiens aussi à préciser que le taux de participation était de 60 % : l'opinion publique se fait entendre de plus en plus.
La population réclame un accès public aux rives du lac. Les opposants à cette démarche prennent comme argument la préservation de la biodiversité, ce qui me réjouit. Or, comme l'initiative le propose, un chemin piétonnier est aménagé en continu sur toute la longueur des rives, sauf intérêt public prépondérant lié à la protection de la nature et du paysage. Et, dans tous les cas, la renaturation des rives est favorisée conjointement à l'aménagement d'un cheminement piétonnier. Ainsi, l'aménagement de chemins piétonniers le long des rives du lac pourrait être une occasion d'améliorer la biodiversité de ces rives. En effet, il existe un potentiel important d'amélioration de la biodiversité des rives des lacs, et la réalisation d'un projet de cheminement permettrait de donner l'impulsion nécessaire pour améliorer cette situation. Dans le cas de La Tour-de-Peilz, c'est ce que nous observons. En effet, la biodiversité des rives peut significativement être améliorée, ce qui permettrait la réalisation de son cheminement piétonnier. C'est pour cela que je me positionnerai en faveur de l'initiative proposée.
Je déclare mes intérêts comme municipal à la commune de Puidoux qui admet sur son territoire 2,5 km de rives au bord du Léman. Pour y accéder deux façons : l’un par le hameau de Treytorrens et, l’autre, en face du Vinorama, en limite avec la commune de Rivaz. Ils permettent d'accéder à quelques dizaines de mètres de rives, mais bien sûr pas à l'ensemble. Pour le reste, il s’agit d’enrochement qui tient la ligne CFF. Ainsi, s'il fallait par hasard créer un cheminement dans cet enrochement, ce serait bien sûr techniquement faisable, mais cela constituerait vraiment des travaux gigantesques qui s’avéreraient en désaccord et en contradiction avec le PAC-Lavaux qui est actuellement à l'étude et sur lequel ce Grand Conseil devra se prononcer.
Ensuite, entièrement sur la commune de Puidoux se trouve aussi le lac de Bret. Ce dernier possède un cheminement qui suit tout le tour des berges du lac. Mais quelques organisations écologiques ainsi que la Direction générale de l’environnement (DGE) nous imposent de classer le tiers nord du lac de Bret. Ainsi, nous devons déplacer le cheminement de plusieurs dizaines de mètres afin que les promeneurs n'aient plus accès directement aux rives du lac, et ce, pour préserver la faune et la flore. Cherchez l'erreur ! Pour cette raison, je vous recommande d'accepter le rapport de minorité.
Je serai comme mon collègue Tschopp, synthétique au maximum ! Pour l'agriculture, lorsque des cours d'eau longent vos cultures, vous avez l’obligation de laisser six à huit mètres d'herbe, notamment pour protéger l'eau, les bordures. Or, en l'occurrence, les demandes de l’initiative portent sur des endroits très calmes, intéressants pour aller observer différents oiseaux et d'autres bêtes, qui amèneraient plus de monde, de la foule, et dérangeraient certains écosystèmes.
Je comprends bien qu’on souhaite marcher… mais il n’y a qu'à faire de la natation ! Le bord du lac à la nage, c'est tout aussi intéressant, bien qu’un peu plus fatigant. Néanmoins, je peux comprendre qu'on veuille parcourir le bord du lac à pied et ainsi l’artificialiser un tout petit peu avec des routes carrossables pour toutes et tous. Je rappelle que cela ne concerne pas que les marcheurs, puisqu’il n’en faut pas beaucoup pour que cela devienne propice aux vélos, VTT et autres.
Parfois, et cette initiative nous le prouve, il existe une certaine contradiction entre ce qu'on demande à une partie de la population et puis ce qu’une autre partie de la population demanderait, c'est-à-dire, un accès à tous les bords de notre lac. Madame la rapportrice de majorité, je vous ai bien entendue. Toutefois, je suis un peu gêné par le côté « il n'y a qu'à faire des routes, et puis on va se servir ! ».
En outre, au niveau des biotopes, ce n’est pas intéressant. On va me rétorquer, « ouh ! la droite s'occupe des biotopes ? » Je rappelle que j’y travaille depuis plus de 35 ans, alors que peu ici peuvent s’en targuer... Derrière chez moi, on en trouve un. Il n'est pas dérangé, il n'y a pas de chien, pas de promeneur, il y a de tout. D'ailleurs, j'ai des problèmes avec d'autres animaux qui viennent déterrer mes arbres ! Tout cela pour dire que si évitons de le déranger, le bord du lac Léman ne s'en portera pas plus mal. Pour toutes ces raisons pratiques en particulier, je vous encourage à voter le rapport de minorité.
J’aimerais simplement amener un éclairage fédéral et indiquer que la Commission de l'énergie du Conseil national a étudié l'initiative fédérale déposée par une collègue verte, en février 2022, un texte quasiment analogue à celui de l’initiant. Par 16 voix contre 9, ladite commission a fourni un préavis négatif, en ces termes : « Elle estime dans son rapport que la protection de celle-ci nécessite en effet de laisser certains espaces inaccessibles à l'être humain. Un accès garanti aux rives du lac peut ainsi entrer en contradiction avec le bassin et de laisser des espaces naturels libres d'infrastructures et de présence humaine. » Cette initiative a été refusée par le Parlement fédéral au Conseil national par 99 voix contre 62. Quant au Grand Conseil genevois, lui aussi s’est opposé par 54 voix contre 27 et 14 abstentions. Ainsi, pour moi, ces deux éléments sont importants dans les comparables tant cantonaux que fédéraux. Je vous remercie pour votre attention.
Le débat a lieu, a duré plus d'une heure. Les arguments ont été échangés de part et d'autre. Je dépose une motion d'ordre pour que nous puissions voter, après l'intervention de M. le conseiller d'Etat, bien sûr.
La motion d’ordre est appuyée par au moins 20 membres.
La discussion n’est pas utilisée.
Je vous remercie pour ce riche et passionnant débat que – j'en suis persuadé – le député Venizelos aurait apprécié, lui qui les aimait ainsi riches de différents arguments mis en avant par les uns et les autres, avec parfois un brin d'exagération ou un petit peu de mauvaise foi. C’est donc aussi un débat de qualité que le conseiller d’Etat Venizelos a apprécié.
Il ressort du cadre de ces débats la question d'équilibre entre différentes politiques publiques, entre la protection de la biodiversité et du paysage et la nécessité d'offrir des espaces de détente à la population. Ces éléments ont été débattus au sein de ce Parlement. Le texte de l'initiative exprime la volonté de trouver ces différents équilibres. Rappelons peut-être que ce débat est relativement ancien et que des équilibres ont été trouvés par le biais du Plan directeur cantonal des rives vaudoises du lac Léman, un document adopté par le Grand Conseil en 2000, et qui fut porté à l'époque par Daniel Schmutz, orchestré par Victor Ruffy, pour être ensuite présenté devant le Parlement. Cela ne nous rajeunit pas ! Ce débat a par conséquent trouvé une réponse, en tout cas relativement aux équilibres entre la nécessité de protéger la biodiversité et celui de garantir un accès public aux rives des lacs. Ce document, toujours d’actualité, nous apprend, contrairement à ce qui peut être imaginé, que les tronçons proposés le long des rives du Léman contournent parfois certains biotopes pour respecter les éléments naturels et, à d’autres occasions, contournent des propriétés pour éviter une dureté foncière trop importante. Ce document est composé de différentes fiches qui devraient pouvoir être mises en œuvre relativement facilement pour atteindre les objectifs de l'initiative.
Or, malgré les différents projets de décret déposés par le Conseil d'Etat respectivement en 2000, 2007 et mai 2014 pour soutenir les communes dans la réalisation de ce cheminement continu dans le respect de la biodiversité, de la nature et des autres politiques publiques, on constate que le taux d'accessibilité reste relativement faible et que les objectifs ne sont pas atteints. Il est à noter que le Parlement avait apporté un amendement relativement important à ce Plan directeur des rives qui rappelait que la mise en œuvre des différentes dispositions relevait de la compétence des communes. Ainsi, le Conseil d'Etat n'a à l’évidence aucun levier pour contraindre les communes à réaliser, à mettre en œuvre ces différentes intentions. Peut-être, à l'époque, est-ce dans ce point qu’a résidé la motivation de l'ancien député à déposer cette initiative ? Alors, que fait le département aujourd'hui ? Qu’entreprend le Conseil d'Etat pour répondre à cette thématique ? D'une part, la durée des concessions accordées a été réduite de 30 ans à 15 ans, précisément dans l'objectif de préserver les rives de manière restrictive. De plus, un renouvellement des concessions existantes est vérifié par des agents de la Direction générale de l'environnement (DGE) sur le terrain, qui vérifient que le tracé de la servitude de passage à pied inscrite en contrepartie de l'usage du domaine public des eaux est bien libre de tout obstacle et d'entrave à la circulation des piétons.
Et, par ailleurs, le Canton, et notamment la DGE, travaille depuis maintenant plusieurs mois à l'établissement d'une planification stratégique en matière de revitalisation des rives lacustres qui devrait entrer en vigueur dans le courant de cette année et dont l'intérêt stratégique réside dans le fait de pouvoir bénéficier des conventions programmes et des soutiens financiers de la Confédération. En effet, pour les renaturations, il s’agit de subventionnements de l'ordre de 60 à 95 %. Nous possédons ainsi une opportunité de renaturer certaines rives, mais aussi de réfléchir à la question de l'accessibilité des rives au public. Je souhaiterais ajouter que, simultanément, des travaux préparatoires pour réviser certaines législations ont débuté en 2018, déjà, et ont débouché en 2019 sur un état des lieux des besoins. Je pense ici aux législations cantonales sur les eaux, notamment la Loi sur le marchepied – citée dans le cadre de ce débat – et la Loi sur les lacs et les cours d'eau : le siège de la matière concernant le cheminement riverain.
Ainsi, nos services et mon département travaillent étroitement avec les départements concernés par cette thématique à la révision de ces différentes législations. Quel que soit le choix de ce Parlement, nous reviendrons devant ce Parlement avec différentes propositions, fort du souci constant de renforcer l'accessibilité publique aux rives des lacs et aux cours d'eau, mais en tenant compte – il me paraît essentiel de le rappeler – de l'impact potentiel que de tels tracés pourraient avoir sur la biodiversité et la nature.
Dans l'intervalle, vous êtes invités à vous prononcer sur l’initiative déposée par cet ancien député. J’ignore quelle sera la position du nouveau Conseil d'Etat, notamment du nouveau conseiller d'Etat en charge du dossier relatif à cette question. Toutefois, la préoccupation du Conseil d'Etat de garantir un bon équilibre entre accès public aux rives des lacs – qui mérite très clairement d'être renforcé – et la nécessité d’accentuer la protection de la biodiversité a été identifiée par le gouvernement. Enfin, je vous invite à donner le signal que vous souhaitez au gouvernement quant à la nécessité de renforcer les actions du Conseil d'Etat en la matière à travers l'acceptation ou le refus de cette initiative
La motion d’ordre Pierre Zwahlen est acceptée par 74 voix contre 53 et 10 abstentions.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 81 voix contre 54 et 5 abstentions.
Je demande le vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui soutiennent le rapport de majorité, à savoir le renvoi de l’initiative au Conseil d'Etat, votent oui ; celles et ceux qui soutiennent le rapport de minorité et le classement de l’initiative votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le Grand Conseil refuse la prise en considération de l’initiative par 81 voix contre 54 et 5 abstentions.
*insérer vote nominal