REP_664737 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Stéphane Montangero et consorts - Que faire pour que nos enfants apprennent non seulement à manger, mais aussi à cuisiner ? (18_INT_231).
Séance du Grand Conseil du mardi 6 septembre 2022, point 18 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourEn préambule, je tiens à souligner la continuité de toute administration. M. le Conseil d’Etat Borloz en a fait mention dans sa première intervention, toute administration a un continuum et c’est dans ce cadre que je vais faire un certain nombre de commentaires sur la réponse apportée à mon interpellation.
Tout d’abord, deux dates et un chiffre : 4 septembre 2018 et 20 juin 2022, ce sont les dates entre le dépôt de l’interpellation et la réponse. Le chiffre trois, comme trois mois pour répondre dans les délais à une interpellation – c’est l’article 116, alinéa 3, de la Loi sur le Grand Conseil (LGC). Point besoin de vous dire que, quand un plat mijote aussi longtemps, il doit être parfait, succulent et vous ne devez plus avoir faim après. Ici, c’est tout le contraire : cette réponse offre à boire et à manger de bien piètre manière, avec des soufflés qui sont retombés, des plats froids, voire pas aboutis. Pire, pour bon nombre de ceux-ci, on nous renvoie à la carte, comme si les plats en question n’avaient pas pu être cuisinés depuis quatre ans. Bref, si j’avais vraiment un plat, je le renverrais en cuisine et je reste clairement sur ma faim de connaissance et d’information – et je le regrette.
Plus précisément, la question 1 demandait pourquoi devoir choisir entre les activités créatrices manuelles (ACM) et l’éducation nutritionnelle. Pourquoi choisir entre le fromage et le dessert ? On peut prendre les deux ! Cela implique qu’une grande partie des élèves n’auront pas d’éducation nutritionnelle – ou les ACM, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse dans cette interpellation. Dans tous les autres cantons romands, les élèves passent tous à la cuisine. Cette situation est restée stable depuis le dépôt de mon interpellation, il y a quatre ans.
La réponse n° 2 ne correspond pas à la question : « Etat des lieux, et sinon pourquoi ? » Le fait qu’il ne figure pas à la grille horaire n’empêche pas que cet état des lieux soit donné. Dès lors, quelle est la situation ?
Pour la question n° 3, la réponse est correcte. En revanche, la question des camps est une manière de botter en touche, de renvoyer à l’économat, comme si une à deux semaines d’économie familiale permettaient d’ancrer les pratiques culinaires.
La question n° 4 concernait la transmission des connaissances. La réponse est « bateau ». Je me permets de rappeler que l’article 5 de la Loi sur l’enseignement obligatoire (LEO) mentionne :
« 1 L’école assure, en collaboration avec les parents, l’instruction des enfants. Elle seconde les parents dans leur tâche éducative.
2 Elle offre à tous les élèves les meilleures possibilités de développement, d’intégration et d’apprentissages, notamment par le travail et l’effort. Elle vise la performance scolaire et l’égalité des chances.
3 Plus particulièrement, elle vise à faire acquérir à l’élève des connaissances et des compétences, à développer et à exercer ses facultés intellectuelles, manuelles, créatrices, et physiques, à former son jugement et sa personnalité et à lui permettre, par la connaissance de soi-même et du monde qui l’entoure ainsi que par le respect des autres, de s’insérer dans la vie sociale, professionnelle et civique. »
En conclusion, manger fait aussi partie de l’éducation. Si nous voulons éviter que nos enfants ne le fassent qu’avec de la malbouffe achetée au fast-food – qui, par hasard, est trop souvent à proximité des écoles ou lieux de formation des jeunes – voire des barquettes toutes prêtes dans les supermarchés, il est impératif que nos enfants, non seulement connaissent, mais qu’ils puissent avoir eux-mêmes testé les bases de l’alimentation et de la cuisine.
En conséquence de ce qui précède, conformément à l’article 117 de notre LGC, je dépose la détermination suivante que je vous remercie de soutenir :
« Le Grand Conseil souhaite que le Conseil d’Etat mette sur pied un enseignement en éducation nutritionnelle et des cours pratiques de cuisine pour l’ensemble des enfants scolarisés, à un moment ou l’autre de leur cursus. »
La discussion sur la détermination est ouverte.
Pour ma part, j’ai déposé plusieurs interpellations concernant l’économie familiale. La réponse à mon interpellation qui traitait du même sujet sera donnée lors d’un point suivant de notre ordre du jour. Je pense qu’avec les problèmes d’obésité que nous connaissons depuis quelques années, nous devons faire quelque chose, tout en étant conscients que, dans chaque établissement scolaire, il n’existe pas forcément de cuisine. Peut-être que nous pourrons pallier ce problème lors des prochaines années avec tous les nouveaux bâtiments qui vont être construits. Je vous propose donc de soutenir cette détermination.
Personnellement, je ne soutiendrai pas cette détermination. De tels cours existent déjà. Ce n’est pas à nous de faire des cours pratiques de cuisine pour l’ensemble des enfants scolarisés. A mon avis, cela doit plutôt se faire dans le cadre familial.
J’aimerais poser une question à M. Montangero : s’agirait-il de cours qui s’ajoutent au programme actuel ou qui remplacent d’autres matières et, le cas échéant, lesquelles ?
Ces cours interviendraient à un moment ou à un autre du cursus des élèves. Cela veut dire qu’il faut les insérer, à un moment ou à un autre, pour faire en sorte que chaque enfant ait pu avoir un cours pratique de cuisine lors de sa scolarisation.
Pour enseigner la cuisine, il faut des locaux adaptés. Or, ces locaux sont évidemment à la charge des communes. Après toutes les branches spéciales qu’il existe, lorsqu’on construit un collège, s’il faut encore ajouter une cuisine adaptée pour l’enseignement de cette matière, il faudra nous dire qui va la payer et comment nous allons faire.
J’ai également une question à poser à M. Montangero : un cours, c’est quoi ? Une période sur une année, un seul cours de 2 heures, comme pour la prévention de la criminalité par la Police cantonale ? J’aimerais que votre détermination soit un peu plus précise, monsieur Montangero.
Le groupe Ensemble à Gauche et POP va soutenir cette détermination qui est parfaitement dans l’air du temps : il faut très vite apprendre aux enfants à bien manger. La question posée par M. Haury – faut-il remplacer un cours existant par un cours de cuisine – m’étonne un peu. Je déclare mes intérêts : j’ai subi la Haute école pédagogique (HEP), il y a deux ans. Dans cette école, on nous a encouragés à faire de l’interdisciplinarité, c’est-à-dire de prendre deux ou trois matières et de les mettre ensemble pour faire une séquence pédagogique. Je trouve que la cuisine pourrait parfaitement être intégrée dans un cours de chimie ou dans un cours de sociologie. Il ne s’agit pas seulement d’apprendre à cuisiner, comme l’ont dit certains collègues, c’est un tout, un tout qui passe notamment par le bien manger et la bataille contre l’obésité. Dès lors, je vous encourage vivement à soutenir la détermination de M. le député Montangero.
Au vu des enjeux en matière de santé publique, il me semble important de sensibiliser les jeunes à bien manger. Je pense donc qu’il est essentiel de soutenir ce texte. Par ailleurs, pour répondre au questionnement de M. Thuillard, je rappelle que des cours de cuisine figurent déjà au programme des classes de voie générale (VG) – si je ne m’abuse. Les écoles sont donc déjà équipées de cuisine pour donner ces cours, je ne vois donc pas de problème de ce côté-là. A titre personnel, je vous encourage à soutenir cette détermination.
Je remercie M. Keller pour les précisions qu’il a apportées. Je note qu’il considère que le groupe Ensemble à Gauche et POP doit soutenir ce texte, parce qu’il est « dans l’air du temps », ce qui ne m’étonne pas de la part de ce groupe…
Cela étant, je considère que cette idée nécessite passablement d’heures. Monsieur Montangero, il ne faut pas croire que l’on forme des enfants à la cuisine en deux heures. Lorsque les parents le font avec leurs enfants, ils voient bien qu’il faut y passer du temps.
Je relève toutefois qu’il ne s’agit que d’une détermination, donc qui n’est pas contraignante. La sagesse du département saura sans doute gérer cette proposition avec subtilité.
Cette question concernant l’apprentissage de la cuisine date d’un certain nombre d’années. Je ne sais pas si, comme moi, lorsque vous étiez à l’école, les filles faisaient de la couture et les garçons des travaux manuels ? Je pense que beaucoup d’entre nous n’ont jamais vu un ustensile de cuisine lors de leurs études et l’ont regretté, parce que ce sont des compétences que nous utilisons au quotidien.
A l’heure où beaucoup d’enfants se rendent dans des Accueils pour enfants en milieu scolaire (APEMS), je pense que la recherche de solutions alternatives pour les sensibiliser au fait de cuisiner pourrait aussi se faire à ce moment. Il y a peut-être des moyens de sortir des sentiers battus en ne faisant pas forcément des heures supplémentaires pendant le cursus, mais en mettant à profit ces moments que les enfants partagent à midi aux APEMS pour leur inculquer quelques notions de cuisine. Comme l’a dit notre collègue Haury, il s’agit d’une détermination et le Conseil d’Etat pourra proposer quelque chose d’innovant et de constructif. Personnellement, je soutiendrai donc cette détermination.
Ce n’est pas très clair : est-ce que ces cours peuvent s’intégrer dans un cursus ou s’agit-il d’heures supplémentaires ? Dans ce dernier cas, il y a des conséquences en matière de locaux, de professeurs et d’encadrement qu’il faudrait prévoir.
A première vue, cela semble être une bonne idée, mais je crains que tout cela fasse gonfler le système éducatif actuel. J’attends l’intervention de M. le conseiller d’Etat pour me prononcer, mais je suis plutôt sceptique…
Monsieur Berthoud, je pense que ces cours pourraient se donner sur un semestre, à raison de deux périodes par semaine, comme c’est le cas actuellement pour les VG, en alternance avec les ACM.
M. Haury et Mme Schaller m’ont retiré le pain de la bouche : j’allais rappeler qu’il s’agit d’une détermination, ce n’est pas un texte contraignant, ce n’est pas une motion. En revanche, par rapport à la santé de nos enfants, par rapport à l’éducation à tout ce qui se rapporte à la nourriture et au goût, par rapport aux dangers de la malbouffe – vous l’avez vu, il y a quelques jours, la Semaine du goût a été relancée avec un message assez interpellant – c’est un signal que l’on donne vis-à-vis du département. Je suis persuadé que ce dernier saura bien cuisiner une telle détermination.
Encore faut-il avoir les bons ingrédients… C’est vrai, il y a beaucoup d’interpellations ou de motions qui prennent du temps pour être traitées. J’essaierai de fournir un effort de ce côté, monsieur Montangero. Je vous proposerai peut-être parfois des réponses un peu succinctes, mais rapidement. C’est ce que nous essayons de mettre en place. N’y voyez pas un commentaire négatif sur ma prédécesseuse avec qui j’entretiens toujours de très bonnes relations.
Dans le paquet d’interpellations que nous traitons ce matin, j’aimerais relever que trois visent à augmenter les cours ou la matière enseignée dans les écoles. A un moment donné, le programme scolaire ne permet plus d’intégrer tout cela. Je sais que vous faites toutes et tous preuve de très bonne volonté, que vos arguments sont pertinents et qu’il y a de très bonnes raisons d’enseigner ce que vous proposez, mais il faut bien imaginer que chaque décision entraîne des conséquences sur le financement des communes ou sur l’organisation scolaire. Bien entendu, on ne peut pas non plus ajouter des années supplémentaires pour essayer de caler toutes ces matières.
Cela étant dit, la détermination de M. Montangero a un côté superfétatoire, mais il ne le savait pas au moment de la déposer. En effet, je peux d’ores et déjà vous informer que, depuis peu, la Direction de l’enseignement obligatoire, en partenariat avec la HEP, réalise actuellement des séquences d’enseignement dans le cadre d’un projet pilote qui est appelé à être généralisé dans toutes les classes du cycle I, puis du cycle II. Ces séquences permettront d’aborder cinq axes de l’éducation à l’alimentation : l’éducation sensorielle, l’éducation nutritionnelle, l’approche environnementale et durable, la pratique culinaire et l’approche sociale et culturelle. Je pense que nous répondons ainsi au vœu qui a été émis, mais il demeure la question du choix. C’est une question qui doit aussi être présente à notre esprit et sur laquelle nous devons nous positionner : faut-il rendre cette matière obligatoire dans le cadre du plan d’enseignement ou faut-il laisser le choix entre plusieurs matières ? J’ai un peu le sentiment, mais je ne veux pas finir sur une note négative, que si la cuisine devenait obligatoire, on nous demanderait de proposer un choix, parce que tout le monde ne veut pas faire de la cuisine, mais plutôt des travaux manuels. D’un autre côté, si le choix est laissé, vous nous diriez qu’il faut insister un peu sur la cuisine… Je pense que nous allons faire une pesée d’intérêts sur cette question. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a actuellement un projet pilote qui vise précisément à intégrer la cuisine dans la dimension que j’ai citée. C’est une dimension qui me convient très bien, parce que, comme M. Montangero, je pense que manger, c’est aussi partager. Cela fait partie des découvertes que l’on fait jour après jour dans le cadre de notre vie quotidienne.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La détermination Stéphane Montangero est adoptée par 65 voix contre 47 et 23 abstentions.
Ce point de l’ordre du jour est traité.