23_INT_34 - Interpellation Jacques-André Haury et consorts - ECA : des primes près de deux fois trop élevées ? (Développement).

Séance du Grand Conseil du mardi 14 mars 2023, point 10 de l'ordre du jour

Texte déposé

La direction de l’Etablissement cantonal d’assurance (ECA) vient de faire parvenir à tous ses assurés, soit quasiment à tous les habitants de ce Canton, une lettre faisant état des mauvaises performances de ses placements financiers, empêchant d’accorder un rabais de prime. Elle déclarait maintenir les primes à leur niveau de 2022 ; mais annonçait la décision de relever l’indice des bâtiments de 125 à 135 points, soit une augmentation de 8%, entraînant de fait une augmentation des primes dans la même proportion.

 

Naïvement, les assurés que nous sommes pensaient que les primes étaient calculées en fonction des sinistres indemnisés et non des fluctuations de la bourse C’est le principe d’une « assurance mutuelle », qui est le rôle de l’ECA (Loi concernant l’assurance des bâtiments et du mobilier contre l’incendie et les éléments naturels LAIEN, art. 1a, al. 1).

 

Nous nous sommes donc penchés sur la comptabilité de l’ECA des sept dernières années, telle qu’elle apparaît dans les rapports annuels 2015 à 2021, en partie publiés sur Internet.

On y apprend que l’ECA a encaissé en moyenne CHF 190 mio de primes chaque année.

Il n’est pas facile de connaître le montant exact des bénéfices annuels, de nombreux montants ayant été affectés à des « provisions » diverses, selon une méthode bien connue. Si on compare les bilans, on constate que l’actif passe de CHF 1,543 milliards le 31.12.2014 à CHF 2,092 milliards le 31.12.21, soit une augmentation annuelle moyenne sur les sept années étudiées de CHF 78 mio : un peu moins de la moitié des primes encaissées ! Et dans ce bilan, on ne tient pas compte de la réserve latente sur le patrimoine immobilier, qu’on peut estimer à CHF 269 mio en 2021.

 

Si on veut se faire une idée de ce que représente la fortune de l’ECA, on doit examiner le montant des sinistres qu’il a indemnisés au cours des sept années étudiées. Ce montant varie selon les années de CHF 41 mio à CHF 103 mio, soit une moyenne annuelle de CHF 67 mio. En d’autres termes, avec la fortune accumulée et sans aucun prélèvement de primes, la fortune de l’ECA lui permettrait de couvrir ses charges de sinistres pendant 30 ans !

 

Que fait l’ECA de son bénéfice ? S’écartant de sa vocation d’une assurance obligatoire visant à mutualiser les risques, l’ECA s’est lancé dans une politique de développement immobilier qui n’a plus rien à voir avec sa vocation première.  En 2020 par exemple, il a investi 48 millions dans ce secteur et ne cache pas son ambition de renforcer sa pratique de la gestion immobilière, en développant sa propre gérance et son propre service de construction, si on lit bien son rapport. Il le fait avec les montants qu’il prélève notamment auprès des propriétaires immobiliers (qui les répercutent sur les locataires, le cas échéant), tout en étant exempté des impôts communaux et cantonaux, à quelques menues exceptions près (LAIEN, art.2 al.2), ce qui paraît pour le moins constituer une concurrence discutable.

 

La LAIEN donne au Conseil d’Etat la double mission de « fixer l’indice du coût de la construction au début de chaque année » (art. 25) et de « fixer la prime annuelle » (art. 42). On objecte toujours, lorsqu’on se penche sur l’ECA, que ses primes sont basses. Mais cela ne dispense par l’autorité compétente d’exercer un examen critique des primes imposées à l’ensemble de la population en raison du caractère universel et obligatoire de l’assurance.

 

Au vu des observations qui précèdent, nous posons au Conseil d’Etat les deux questions suivantes :

  1. Sur quelles bases comptables et actuarielles fixe-t-il les primes perçues chaque année par l’ECA ?
  2. A quel montant estime-t-il que les provisions et réserves accumulées par l’ECA correspondent à sa mission d’assurance mutuelle ou la dépassent ?

 

Nous remercions d’avance le Conseil d’Etat pour ses réponses.

Conclusion

Souhaite développer

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Blaise VionnetV'L
Aurélien DemaurexV'L
Cloé PointetV'L
Guy GaudardPLR
Jean-Rémy ChevalleyPLR
Nicolas GlauserUDC
Yvan PahudUDC
Circé FuchsV'L
Nicole RapinPLR
Jean-Louis RadiceV'L
Oscar CherbuinV'L
Mathieu BalsigerPLR
Valérie ZoncaVER
Marc MorandiPLR
Yannick MauryVER
Cédric WeissertUDC
Laurence BassinPLR
Denis DumartherayUDC
Pierre ZwahlenVER
Sébastien HumbertV'L
Felix StürnerVER
Fabrice MoscheniUDC
Jean-François ThuillardUDC
Nicolas BolayUDC
Graziella SchallerV'L
Didier LohriVER
Jean-Marc UdriotPLR
Pierre KaelinPLR
Kilian DugganVER
Jerome De BenedictisV'L
Pierre FonjallazVER
David VogelV'L

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jacques-André Haury (V'L) —

Je déclare mes intérêts : je suis assuré auprès de l’Etablissement cantonal d’assurance contre l’incendie et les éléments naturels (ECA). (Rires.) Au début de l’année, quasiment tous les habitantes et habitants de ce canton ont reçu un courrier de l’ECA annonçant qu’il n’y aurait pas de rabais sur les primes, en 2023, au motif « que les placements financiers ont affiché en 2022 des performances moins réjouissantes ». Surpris par cette argumentation provenant d’une assurance mutuelle, nous avons examiné avec attention les rapports annuels de l’ECA pour les années 2015 à 2021, celui de 2022 n’étant pas encore publié. Au cours de cette période, l’ECA a encaissé chaque année quelque 190 millions de primes. Si l’on se réfère au bilan, les actifs ont augmenté, en moyenne, de 78 millions par an. Cela veut dire que l’ECA a engrangé chaque année un bénéfice qui s’élève à un peu moins de la moitié des primes encaissées. Par ailleurs, les actifs de l’ECA se montent à un peu plus de 2 milliards de francs, à la fin 2021, sans compter les réserves latentes sur l’immobilier que l’on peut estimer à près de 300 millions. Quant à l’indemnisation des sinistres, qui constitue le rôle premier de l’ECA, elle a été en moyenne de 67 millions par an pendant la période étudiée.

En d’autres termes, cela signifie que les réserves et provisions de l’ECA lui permettraient de couvrir les sinistres pendant près de 30 ans sans percevoir aucune prime. A ceux qui diraient : « Mais on parle maintenant de risques sismiques élevés, dans le canton de Vaud », il faut rappeler que les tremblements de terre et les dommages de guerre sont exclus des risques couverts par l’ECA. La loi donne au Conseil d’Etat la compétence de fixer les primes ECA. Au vu de ce qui précède, il nous parait légitime de demander au Conseil d’Etat sur quelles bases comptables et actuarielles il fixe ces primes, et à quel montant il estime que les provisions et réserves accumulées par l’ECA correspondent à sa mission, ou la dépassent.

Mme Séverine Evéquoz (VER) — Président-e

L’interpellation est renvoyée au Conseil d’Etat qui y répondra dans un délai de trois mois.

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