23_POS_79 - Postulat Mathilde Marendaz et consorts au nom Sébastien Humbert, Laurent Balsiger, Alberto Mocchi - Reconnaître le coût environnemental et climatique du béton (Développement et demande de renvoi à commission avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 19 décembre 2023 (suivie du Noël du Grand Conseil), point 9 de l'ordre du jour

Texte déposé

L’empreinte carbone du béton est devenue massive depuis l’industrialisation de la fabrication du ciment au 19è siècle. Le béton génère une empreinte carbone élevée et contribue à l’épuisement de ressources comme le sable et les granulats. Le secteur du bâtiment est responsable de 37% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et le béton est responsable de 52 % à 80% des émissions de ce secteur. La fabrication du ciment contenu dans le béton, est responsable de 98% des émissions de gaz à effet de serre du béton, en raison du processus de fabrication du ciment très énergivore (le clinker va être chauffé aux alentours de 1450°C via des combustibles fossiles), et la décarbonatation du calcaire, réaction chimique produisant du CO2,est responsable des deux tiers restants des émissions de GES du ciment. Voici les étapes principales de la fabrication du ciment qui coûtent cher en émissions de CO2.

 

L'industrie du béton est celle qui rejette le plus de gaz à effet de serre en Suisse. Selon la revue Tracé, le secteur de la construction est responsable de 40 % des émissions de CO2 dans le pays. En outre, dans un rapport annuel de 2021, l'ONU s’était inquiétée du fait que « les émissions de CO2 du secteur du bâtiment ont atteint un niveau jamais vu ». Si certains développent des bétons bas carbone, et que les émissions des grands cimentiers sont quant à elles en baisse, cette baisse est beaucoup trop lente et trop faible selon les scientifiques qui dénoncent la dépendance de la société au béton.

 

En plus de cela, le coût des transactions foncières pour fabriquer du béton, sur Vaud, est le suivant : les entreprises d'extraction achètent environ 2.- le m³ de matière première (terre, gravier), et revendent 30.- le m³ de calcaire extrait, additionné à 30 autres francs de m² de vide qui se vend cher parce qu’il permet de la place pour enfouir les déchets de constructions. Ces chiffres sont confirmés par différentes sources journalistiques. La conséquence de ces achats de terres à faible coût de terres est que ces entreprises en détiennent une quantité importante, cela impactant aussi les terres paysannes, comme dans des exemples de domaines agricoles rachetés par des entreprises de la construction. Mais c'est aussi cet achat de terres à faible coût qui favorise la grande rentabilité du matériau béton, aujourd'hui peu concurrentiel.

 

Au sein du Grand conseil, des propositions ont émergé pour favoriser d’autres matériaux de construction et réduire l’utilisation de béton là où cela est possible, puisque cela est urgent. Il est primordial d’encourager les alternatives, en promouvant des méthodes durables et variées de construction, et de valoriser les différents savoir-faire reliés. Si ces alternatives sont indispensables, des architectes affirment qu’il est nécessaire d’intervenir sur la production de béton. Le béton est un matériau facile à créer, qui se moule dans de nombreuses formes, rentable et coûtant bien moins cher que d’autres matériaux biosourcés, bien que son impact climatique élevé n’est pas intégré. Des maîtres d’ouvrage renoncent à choisir les modèles basés sur des matériaux biosourcés car ceux-ci sont plus chers que le béton. Pour veiller à préserver nos ressources, il est nécessaire de réfléchir rapidement à des mécanismes financiers autour de l’extraction des matières premières et de la production de CO2 du béton, ceci dans le but d’alimenter un fond pour promouvoir des matériaux plus durables. Ce fond permettrait à l’État et aux privés de favoriser les propositions d’ouvrage basés sur les matériaux biosourcés et sur le réemploi, solutions autrement plus coûteuses.

 

Différentes solutions politiques permettant d’intégrer le coût climatique du béton ont été éprouvées. Dans l’État du Texas, toute société qui produit du ciment ou en importe au Texas et distribue ou vend le ciment dans le commerce intra-étatique ou utilise le ciment est taxée, sur la base d’un calcul basé sur la quantité de ciment distribué, vendu ou utilisé. Une taxe carbone est de compétence fédérale, mais le Canton est souverain sur le plan fiscal et peut introduire un impôt spécial cantonal d'orientation.

 

En France, la réglementation environnementale 2020 a pour ambition de répondre à la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre du secteur de la construction en fixant un seuil limite de consommation en énergie pour toutes les constructions neuves, seuil de consommation énergetique qui repose sur une transformation progressive des techniques de construction vers des matériaux moins émetteurs.

 

Dans le Canton de Genève, la loi carbone adoptée en décembre 2021 a induit des nouveaux articles à la loi sur les constructions (LCI) : les nouveaux articles 117 et 118. Le titre de la section, « Empreinte carbone des matériaux de construction (nouveau) », instruit donc les articles suivants :

 

Art. 117 Principes (nouveau)

1 Toute construction ou rénovation importante doit être conçue et réalisée à base de matériaux propres à minimiser son empreinte carbone.

2 En premier lieu, il y a lieu de privilégier, dans la mesure du possible, le réemploi des matériaux de construction existants.

3 À défaut, il faut privilégier les matériaux de construction recyclés ou à faible empreinte carbone.

 

Art. 118 Prescriptions applicables (nouveau)

1 L’empreinte carbone de chaque matériau d’une construction ou d’une rénovation importante correspond au bilan des émissions de gaz à effet de serre de ce matériau, et cela durant l’ensemble de son cycle de vie.

2 Le calcul de l’empreinte carbone se fait selon l’état de la technique. Le Conseil d’Etat fixe par voie réglementaire les modalités précises de ce calcul, en concertation avec les milieux professionnels intéressés.

3 Le Conseil d’Etat peut définir, par voie réglementaire, des seuils d’empreinte carbone maximale à respecter par matériau de construction, après concertation des milieux professionnels intéressésune

 

Depuis lors, des discussions entre les services de l’État et les représentant·e·s de la société des ingénieur·e·s et architectes (SIA) ainsi que des professionnel·le·s du domaine, ont mené à un règlement d’application qui entrera en vigueur en 2024 selon les informations publiques. Pour toute construction ou rénovation publique soumise à un permis de construire, un concept visant à minimiser l’empreinte carbone – seuil carbone selon l’état de la technique et des données de référence – devra être fourni, sans quoi le projet de construction ne sera pas adopté. Le concept de minimisation de l’empreinte carbone devra détailler les stratégies d’optimisation de la forme et des principes constructifs du bâtiment, les choix de matérialité à faible impact carbone, les stratégies de réemploi et de recyclage et les stratégies de sobriété technique. Le règlement d’application précisera que lorsqu’un projet s’écarte des valeurs-seuils, le concepteur devra expliquer les raisons qui conduisent aux écarts par lots (gros-œuvre, enveloppe, …). Il faudra prouver « avoir fait tout le possible dans l’état de la technique » pour atteindre les seuils. Les attentes autour du concept seront adaptées à la norme SIA qui distingue les catégories d’ouvrage en raison des contraintes techniques différentes impactant les possibilités de minimisation de l’empreinte carbone (ex : hôpitaux). Le fonctionnement genevois permet d’aller vers une plus grande sobriété dans l’utilisation du béton, mais également d’élargir la réflexion sur les émissions CO2 du secteur de la construction à tous les matériaux.

 

En effet, rappelons que ce n'est pas le béton tel quel, mais sa sur-utilisation alors qu'on pourrait faire différemment, ainsi que le surdimensionnement, qui posent le problème majeur des émissions de CO2 de cette industrie en Suisse et dans le monde.

 

Ce postulat, soutenu par plus de 100 architectes et ingénieur·e·s, demande au Conseil d’État d’étudier les opportunités d’intégrer les coûts environnementaux et climatiques du bétonpar:

 

(1) Des mesures sur les normes des nouvelles constructions pour favoriser des constructions avec un faible impact environnemental, selon la loi carbone genevoise ayant découlé sur les nouveaux articles 117 et 118 la LCI genevoise ;

(2) L’instauration d’un fonds alloué au soutien à des projets de construction sans béton et/ou basés sur la promotion du réemploi et de la réutilisation du béton ;

(3) Toute solution et mécanisme financier visant à alimenter ce fond en tenant compte de l'impact climatique et environnemental de la construction et du béton.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Géraldine DubuisVER
Valérie ZoncaVER
Yves PaccaudSOC
Laurent BalsigerSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Oriane SarrasinSOC
Martine GerberVER
Monique RyfSOC
Céline MisiegoEP
Cendrine CachemailleSOC
Marc VuilleumierEP
Alice GenoudVER
Claire Attinger DoepperSOC
Théophile SchenkerVER
Isabelle FreymondIND
Rebecca JolyVER
Jean-Louis RadiceV'L
Elodie LopezEP
Didier LohriVER
Sabine Glauser KrugVER
Felix StürnerVER
Joëlle MinacciEP
Nathalie VezVER
Alberto MocchiVER
Kilian DugganVER
Sylvie PodioVER
Vincent JaquesSOC
Hadrien BuclinEP
Cloé PointetV'L
Sébastien HumbertV'L
Yannick MauryVER
Pierre FonjallazVER
Pierre WahlenVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Claude Nicole GrinVER
Nathalie JaccardVER
Cédric EchenardSOC
Graziella SchallerV'L
Muriel ThalmannSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Ce postulat fait suite à un postulat précédent, déposé en juin, que j’ai décidé de retirer après les travaux de commission pour en proposer une nouvelle version. Globalement, dans ce postulat porté aussi au nom de mes collègues verts, socialistes et vert’libéraux membres de la Commission de l’environnement et de l’énergie, je demande des procédures permettant de reconnaître le coût climatique élevé du béton – en Suisse l’industrie qui produit le plus de gaz à effet de serre – par le biais de différents mécanismes. L’un d’eux consiste à développer des concepts de minimisation de l’empreinte carbone pour toute nouvelle construction et à l’instauration de seuils d’émissions tolérables. Un autre mécanisme consisterait à instaurer un fonds pour des matériaux biosourcés. En effet, ces derniers étant systématiquement plus coûteux que le béton, cela décourage les maîtres d’œuvre et les planificateurs de se tourner vers des matériaux plus écologiques quand bien même ce serait possible. Voilà donc les raisons pour lesquelles j’ai déposé ce postulat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Le postulat, cosigné par au moins 20 membres, est renvoyé à l’examen d’une commission.

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