24_REP_45 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Arnaud Bouverat et consorts - Les pharmacies refusent de négocier une CCT. La pilule ne passe pas auprès des assistantes en pharmacie. (24_INT_19).

Séance du Grand Conseil du mardi 8 octobre 2024, point 25 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire régional du syndicat UNIA, qui représente le personnel des assistantes en pharmacie dans notre canton. De plus, à titre plus personnel et conjoncturel, comme beaucoup de Vaudois en ce moment, je suis un consommateur régulier de médicaments auprès des pharmacies vaudoises. Je suis attentivement les recommandations du Conseil d'Etat visant à ne pas surcharger les cabinets médicaux et hôpitaux, en essayant, non sans difficultés, de soigner les affections automnales de manière appropriée.

Je tiens tout d’abord à remercier le Conseil d'Etat pour ses réponses détaillées à cette interpellation. Vous évoquez un libre marché dans le domaine de la pharmacie, mais permettez-moi de nuancer légèrement ce propos. Certes, il s’agit d’un secteur privé, toutefois, la profession de pharmacien, comme d’autres professions médicales, bénéficie d’une protection légale. La délivrance des médicaments est un monopole confié aux pharmaciens, conformément à la Loi sur la santé publique, et les officines sont soumises à une autorisation d'exploitation, comme l’a rappelé Mme Byrne Garelli plus tôt. De plus, les prestations des pharmacies sont partiellement financées par des contributions obligatoires, notamment les primes d’assurance-maladie qui, bien que n’étant pas un impôt direct, sont imposées par un cadre légal à tous les citoyens. Une partie de ces montants sert à financer les prestations des pharmacies. Dans le canton de Vaud, les subventions cantonales – subsides – alimentées par les impôts directs participent également au financement des prestations assurées par les pharmacies.

La loi permet à l’Etat de confier de nouvelles tâches aux pharmacies. Nous avons déjà vu ce développement, notamment dans le domaine de la prévention ou avec l’ouverture des dossiers électroniques du patient ou encore l’implication des pharmacies comme maillon de la chaîne sanitaire. Ces nouvelles responsabilités sont accompagnées d’un financement ou d’une compensation pour les pharmacies. Cependant, cette évolution appelle à des responsabilités sociales accrues, notamment en matière de bonnes conditions de travail et de formation pour les assistantes et assistants en pharmacie, à l’instar de ce qui est pratiqué dans le reste du secteur sanitaire.

Je salue le soutien du Conseil d'Etat en faveur de l'ouverture des négociations et je l'encourage à en faire part aux employeurs du secteur qui, comme nous l'avons entendu, sont en contact régulier avec le département. Depuis le dépôt de cette interpellation, les acteurs de la branche ont montré une certaine ouverture à discuter des conditions de travail avec les partenaires sociaux, bien que certains proposent des alternatives à une convention collective de travail (CCT). Or, comme vous l'avez mentionné dans votre réponse, il n'existe pas d'autre outil aussi efficace pour la revalorisation des salaires et des conditions de travail qu’une CCT, même si le secteur est subventionné ou protégé.

Cela fait maintenant trois ans que les assistantes et assistants en pharmacie se mobilisent pour obtenir une revalorisation de leur métier, après une première tentative, il y a une vingtaine d’années. Il est urgent d'agir, car le secteur est confronté à une pénurie de personnel. Nous avons entendu les difficultés à assurer certaines prestations qui prennent du temps, et ce ne sont pas seulement les pharmaciens qui en sont responsables, mais aussi les assistantes. Pour pallier cette pénurie, il est impératif que les acteurs de la branche prennent conscience de la situation et interviennent rapidement.

La formation des assistantes en pharmacie est exigeante, aboutissant à un CFC, et chaque nouvelle prestation confiée aux pharmacies entraîne des exigences supplémentaires pour les collaborateurs. Malheureusement, la concurrence actuelle ne favorise pas l’amélioration des conditions de travail. Au lieu de se concentrer sur l’amélioration des conditions générales, la concurrence se fait sur l’acquisition de personnel par le biais de primes à l’engagement ou au recrutement – si une salariée trouve une collègue qui peut être engagée, elle obtient une prime – ce qui n’offre aucune solution durable, car l’herbe est toujours plus verte ailleurs.

Il existe ainsi une concurrence à l’embauche, mais pas à la carrière. Ainsi, beaucoup de personnes abandonnent l’exercice de la profession pour aller travailler pour des assurances-maladie, par exemple. Et les pharmacies, maillon essentiel de la chaîne de santé publique, se retrouvent dépourvues de personnel ; aujourd'hui, des horaires de pharmacie sont parfois réduits, en raison de ce manque de personnel. Le deuxième effet de la concurrence, c'est que les pharmacies essayent de se racheter, de se concentrer pour avoir des diminutions de coûts ou faire des alliances commerciales. Dès lors, beaucoup de moyens dans la branche sont simplement dévolus au rachat d'officines pour des sommes mirifiques ; cela sert aux pharmaciens qui sortent de leur carrière, mais n'assure pas une pérennité et un avenir aux professions exercées dans les pharmacies.

Il est donc essentiel de redéfinir les conditions-cadres, d'assurer des salaires minimums obligatoires, d’offrir une progression salariale en fonction des compétences, et de mettre en place un mécanisme d'encouragement à la formation à l’échelle de la branche. Cela permettra de répondre aux défis de santé publique liés au vieillissement de la population.

Le syndicat UNIA a déposé une pétition forte de 11’260 signatures pour que l’Etat joue pleinement son rôle dans la revalorisation du métier d’assistante en pharmacie. J'espère que la Commission thématique des pétitions ainsi que notre plénum accueilleront favorablement cette demande. Je souhaite également que le Conseil d’Etat soutienne l’ouverture des négociations avec le patronat de la branche dans le cadre de partenariats public-privé.

Il existe, chers collègues, un consensus sur la nécessité de revaloriser les formations professionnelles. Mais au-delà des slogans, si aucune perspective n’est offerte après l’apprentissage, tous nos efforts seront vains. Nous devons passer des déclarations d’intention à des actions concrètes pour répondre à l’attente des professionnels du secteur et relever les défis sanitaires à venir.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion n’est pas utilisée.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :