REP_683757 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Alexandre Démétriadès et consorts - Livraison de repas à domicile : une "uberisation" sur le dos des travailleurs/euses et des entreprises respectueuses de leurs employé.e.s ? (19_INT_429).

Séance du Grand Conseil du mercredi 30 juin 2021, point 21 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Alexandre Démétriadès (SOC) —

C’est un honneur que vous me donniez encore une fois la parole cet après-midi, avant de ne plus être dans ce fauteuil de présidente. Pour rappel, la problématique que je soulevais dans mon interpellation concerne la livraison de repas à domicile. Plusieurs acteurs existent sur ce terrain tel des restaurants qui livrent directement des repas à domicile. Ces acteurs sont soumis à la convention collective nationale de travail pour l’hôtellerie-restauration, avec les exigences qui en découlent en matière de conditions de travail et de salaire. Au côté de ces restaurants et de ces livraisons directes, des entreprises se sont spécialisées dans la livraison de repas ou de courses à domicile. Même si mon interpellation a été déposée avant le COVID, vous avez pu largement les voir fleurir dans nos rues et magasins. Ces entreprises sont organisées selon différentes formes : cela va du simple salariat de l’ensemble des livreurs à la sous-traitance de toute ou partie des livreurs à des entreprises de coursiers. Dans ces deux cas de figure, les entreprises doivent respecter leurs obligations en matière de cotisations aux assurances sociales, d’assurance contre les accidents, de remboursement des frais professionnels, de conditions de licenciement, etc., avec des sanctions prévues en cas de non-respect.

Au-delà de ce salariat direct ou de la sous-traitance à des entreprises de coursiers, un troisième type d’entreprise s’est installé sur le marché des livraisons de repas à domicile. Uber Eats, par exemple, a recours à des travailleurs prétendument indépendants avec tout l’évitement des obligations légales que cela implique, soit non-cotisation des assurances sociales, sous-protection contre les accidents, horaires de travail non encadrés, etc. C’est précisément cette catégorie d’entreprise qui faisait l’objet de la présente interpellation. Bien que les lois sur le travail, sur la location de services ou sur l’assurance-vieillesse et survivants soient de compétence fédérale, ces bases légales octroient des compétences de contrôle aux caisses cantonales de compensation sur la détermination du statut d’indépendant ; et aux services cantonaux de l’emploi pour ce qui a trait au respect de la Loi sur le travail en matière de lutte contre le travail au noir, par exemple. Les questions de mon interpellation avaient pour but de clarifier l’action de la Caisse cantonale vaudoise de compensation et du Service de l’emploi au moment où de nombreux acteurs institutionnels — la SUVA, le Tribunal des Prud’hommes, les tribunaux cantonaux — se positionnent clairement contre le faux statut d’indépendant que tentent d’imposer les entreprises telles qu’Uber ou Uber Eats.

Je reste mitigé quant aux réponses apportées par le Conseil d’État. Il y a un point positif : celui-ci considère que, si l’économie des plateformes présente des opportunités potentiellement intéressantes, son développement ne doit pas se faire au détriment « des règles des assurances sociales et des normes de protection des travailleurs » et cela est très important. Point plus négatif, en lisant les réponses à mes questions, on se rend compte qu’une fine et subtile limite sépare le fait d’être attentif et attentiste, c’est pour la boutade... D’un côté, on peut comprendre que pour nombre de questions, des procédures sont en cours devant des tribunaux et qu’une jurisprudence fédérale se fait attendre. De l’autre, les réponses font penser que le Service de l’emploi laisse le bénéfice du doute à des entreprises telles qu’Uber Eats et adopte une position de tolérance relativement bienveillante en attendant que Berne agisse. Il ne me semble pas y avoir une claire volonté politique d’agir contre des pratiques inacceptables, contrairement à d’autres cantons ou pays. Toutefois, à moi de laisser le bénéfice du doute au Conseil d’État sur cette question et vous m’en remerciez déjà, monsieur Leuba.

Pour conclure, la matière n’est pas épuisée, M. Raedler ayant également déposé une interpellation sur les mêmes types de pratique. M. Tschopp en a fait de même et il attend une réponse de la part du Conseil d’État. Je ne souhaite toutefois pas déposer une détermination à ce stade, car nous devons y voir un peu plus clair. Enfin, je tiens à répéter à quel point ce type de pratiques de certaines entreprises est problématique. Elles représentent une sorte de cheval de Troie contre le droit du travail et des assurances sociales inacceptable et cela se passe au niveau international. Ces pratiques représentent une calamité pour les travailleurs eux-mêmes, précarisés dans ces situations et pas assez assurés contre les accidents, par exemple. C’est aussi une calamité pour les entreprises, car la plupart d’entre elles respectent leurs obligations et se voient opposer une concurrence parfaitement déloyale, dès lors qu’il y a une « sous-enchère » par des pratiques de ce type. Enfin, c’est aussi une calamité pour l’État et les contribuables, ces entreprises ayant des stratégies fiscales très discutables et ne respectant pas le droit du travail ainsi que les obligations qui y sont liées. Bien que ces pratiques aient pour effet de réduire les prix pour les consommateurs, c’est la société qui doit, finalement, assumer toutes les externalités négatives que peut représenter la non-assurance. Par exemple, en cas d’accident, si l’employé n’est pas assuré, c’est l’État et les contribuables qui vont devoir intervenir. On peut faire une liste très longue de l’ensemble des problématiques que posent ces types d’entreprises et qui doivent être régulées. Monsieur le conseiller d’État, je vous remercie pour votre réponse et j’ai noté que vous continuerez à suivre très attentivement cette question.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Il n’y a de la part du Conseil d’État et de l’administration cantonale aucun attentisme, aucune volonté de ne pas lutter contre les dérives, si celles-ci sont constatées. Il y a simplement la volonté qui nous est imposée par notre ordre juridique de respecter la séparation des pouvoirs. Lorsque les tribunaux sont saisis, nous devons attendre les décisions de justice avant de préjuger leur résultat, les conséquences de ces dernières étant très importantes. Nous devons également respecter les compétences fédérales, notamment de la SUVA. On ne peut donc pas se substituer ni à l’autorité fédérale ni aux tribunaux. C’est la raison pour laquelle nous surveillons strictement ce qui se passe sur le marché vaudois, dans le cadre du respect de nos compétences. Nous ne nous attribuons pas des compétences relevant d’autres autorités. Monsieur le député, vous pouvez mettre la réponse du Conseil d’État et de l’administration au bénéfice d’un large doute, puisque la conviction qu’est la nôtre est de veiller au respect strict des dispositions légales régissant le travail, qu’elles soient fédérales ou cantonales.

Mme Sonya Butera (SOC) — pré

La discussion est close.

Ce point de l’ordre du jour est traité.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :