LEG_624420 - Exposé des motifs et projet de loi modifiant celle du 31 mai 2005 sur l'exercice des activités économiques et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur les postulats Jessica Jaccoud et consorts - Airbnb : Combien de logements sont-ils retirés du marché locatif ? (16_POS_197) et Marc-Olivier Buffat et consorts - Réglementer les activités d'Airbnb pour une concurrence saine et transparente (16_POS_213) (162) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 15 février 2022, point 33 de l'ordre du jour

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Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

La commission s’est réunie à quatre reprises pour traiter de cet objet, et a connu différentes présidences. Je saisis cette occasion pour remercier M. le conseiller d’Etat Philippe Leuba et Mme la conseillère d’Etat Béatrice Métraux et leurs équipes pour leurs réponses circonstanciées. Je remercie enfin vivement M. Fabrice Lambelet, secrétaire de commissions au Secrétariat général du Grand Conseil (SGC) qui a tenu les notes de séances.

La commission a examiné le rapport du Conseil d’Etat qui propose une modification de la Loi sur l’exercice des activités économiques (LEAE) en réponse aux postulats de Mme Jessica Jaccoud et consorts qui s’inquiétait du nombre de logements Airbnb (à l’origine Airbed and breakfast) retirés du marché locatif et de M. Marc-Olivier Buffat et consorts qui demandait de réglementer les activités d'Airbnb pour une concurrence saine et transparente.

Ce rapport relève de deux départements, le Département des institutions et de la sécurité et le Département de l’économie et du sport, et touche aussi aux compétences communales, puisqu’il traite des taxes de séjour et du parc immobilier. Le Conseil d’Etat a associé les deux associations de communes à ses travaux – l’Union des communes vaudoises (UCV) et l’Association des communes vaudoises (AdCV) – ainsi que la Commune de Lausanne à la rédaction de ce rapport ; elles ont toutes trois adhéré au projet de modification de loi présenté. Il a été décidé de ne pas procéder à des auditions, car les milieux concernés – soit l’UCV et l’ADCV – ont été associés à la rédaction du rapport et les milieux de l’hôtellerie adhèrent aux propositions présentées par le Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a enfin négocié le prélèvement de la taxe de séjour avec la société Airbnb.

Le projet présenté permet de réglementer la location d’appartements ou de parties d’appartements par le biais d’une plateforme collaborative ; il s’agit donc ici de cadrer un nouveau modèle d’affaires. L’exposé des motifs et projet de loi n’a pas pour objectif de résoudre les nombreuses questions soulevées par ce nouveau modèle d’affaires, car elles relèvent d’autres législations – du droit du bail, du droit du travail, du droit fiscal, etc.

L’exposé des motifs et projet de loi permet de garantir la saine concurrence entre les acteurs :

  • il permet de répondre aux questions relatives à la location et à la sous-location sur une plateforme collaborative de type Airbnb ;
  • il permet de répondre aux questions relatives au prélèvement de la taxe de séjour, ce qui permet de garantir son paiement, d’assurer des recettes supplémentaires pour les communes et de les doter des ressources nécessaires pour effectuer les contrôles et les adapter à la réalité du phénomène, puisque la police des activités économiques est de compétence communale ;
  • il permet, enfin, de répondre à l’ensemble des questions juridiques relatives à l’affectation d’un logement.

Les modifications proposées visent à :

  • tolérer « une offre occasionnelle ou de brève durée » ;
  • exiger un changement d’affectation après 90 jours de soustraction du marché locatif. Cette limite de 90 jours est issue d’une discussion avec les communes et représente une moyenne recommandée par la jurisprudence fédérale. Cette limite permet de faire la distinction entre une affectation dévolue à l’habitation et une utilisation commerciale, étant entendu qu’un logement doit être utilisé conformément à son affectation, qu’il soit en propriété par étage (PPE) ou en location. Un logement passera donc du statut de « logement ordinaire » à celui « d’exploitation commerciale » au moment où il est mis en location plus de 90 jours sur une plateforme collaborative.

Il est précisé qu’une information générale sera adressée aux communes, ainsi qu’à l’Association suisse des locataires, section Vaud (ASLOCA Vaud) et la Chambre vaudoise immobilière (CVI), afin que tous les acteurs concernés soient informés des conséquences de cet exposé des motifs et projet de loi. La commission recommande au Grand Conseil d'entrer en matière sur ce projet de loi par 10 voix contre 1.

M. Jérôme Christen — Rapporteur-trice de minorité

Je serai bref à ce stade, car la minorité ne conteste pas la nécessité de cadrer la location de logements de vacances à des fins purement commerciales, mais elle estime que le projet de loi ainsi adopté par la majorité de la commission revient à tenter d’abattre des mouches avec un canon pour ce qui est du logement chez l’habitant, ou plus précisément de la location de chambres en appartement. J’interviendrai donc ultérieurement pour défendre l’amendement de la minorité. A ce stade, celle-ci vous recommande d’entrer en matière.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Il n’y a malheureusement plus grand-chose qui nous rejoigne avec mon collègue et confrère Marc-Olivier Buffat, mais je crois qu’aujourd’hui, nous aurons au moins le point commun d’être extrêmement frustrés de voir nos postulats respectifs traités cinq ans après leur dépôt, datés pour tous deux du 28 février 2017. Ce délai a permis à notre Grand Conseil d’attendre pendant toute une législature avant de voir traités ces deux objets. Le retard n’est pas directement imputable au travail du Conseil d’Etat – je tiens à rassurer ici M. le conseiller d’Etat Leuba qui me fait de grands signes – puisque le projet de loi lui-même date d’août 2019, ce qui montre bien que les travaux de notre Grand Conseil prennent parfois des retards inattendus sur des sujets qui relèvent pourtant d’une actualité fracassante. C’est bien là que je veux en venir : malgré le temps qui s’est écoulé depuis le dépôt de ces deux postulats, le sujet demeure cruellement d’actualité. J’en veux pour preuve un sujet paru à la fin décembre 2021 sur la RTS, qui démontrait qu’un propriétaire genevois avait soustrait plus de 200 appartements du marché locatif pour des locations de courte durée, meublées, à des tarifs qui relèvent quasiment de l’usure. On voit donc bien que le sujet demeure d’actualité dans les villes, encore nombreuses dans notre canton. Sur la base des révélations faites il y a à peine deux mois, le conseiller d’Etat Hodgers, qui a certainement été porté par le projet vaudois, a annoncé également à la télévision vouloir créer un Registre Airbnb, étant précisé que la limite de 90 jours existe déjà dans l’appareil législatif genevois.

Le projet de loi qui nous est présenté aujourd’hui répond donc à un besoin avéré, d’autant plus dans un canton comme le nôtre où plusieurs districts connaissent encore une pénurie de logements. L’objectif – qui sera rappelé au cours des débats – est clairement d’éviter la soustraction de logements sur le marché locatif, soustraction qui péjore ce marché au détriment des locataires. Il s’agit également de réguler la concurrence, notamment avec le marché hôtelier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes – en tout cas ceux qui nous ont été présentés dans le cadre de l’exposé des motifs et projet de loi. Peut-être M. le conseiller d’Etat aura-t-il des chiffres actualisés ? Ceux dont nous disposons ont été prélevés en novembre 2018. Pour vous donner un exemple, à cette date, on pouvait dire qu’à Lausanne, 130 logements étaient soustraits du marché du logement alors qu’à la même époque, seuls 626 logements étaient vacants dans cette ville. On peut donc dire que le nombre de logements vacants aurait pu être hypothétiquement amené à 754, ce qui aurait augmenté le taux de vacance dans notre capitale cantonale de 0,15 point. Il est clair qu’à elle seule, cette mesure ne résoudrait pas la pénurie de logements, mais cela permettrait évidemment de la diminuer au profit des locataires. Il est donc essentiel que toutes les mises à disposition totales ou partielles – raison pour laquelle nous nous opposerons également au rapport de minorité – doivent être soumises à autorisation dès qu’elles excèdent 90 jours par an.

Ainsi que la rapportrice l’a dit, les loueurs devront s’annoncer aux autorités communales, qui auront l’obligation de tenir un registre des loueurs. C’est sur ce point que le projet vaudois a anticipé les problématiques rencontrées aujourd’hui à Genève, soulevées par M. Hodgers dans son intervention du mois de décembre passé. En effet, la création d’un tel registre permettra aux autorités communales et cantonales de procéder, le cas échéant, à des contrôles de police et éventuellement également à des contrôles fiscaux puisque les revenus issus de ces locations, comme vous le savez, doivent être déclarés. Enfin, un dernier point afin de montrer que le projet permet à tous les acteurs d’être gagnants : les communes bénéficieront directement de la nouvelle réglementation grâce au prélèvement automatique de la taxe de séjour, une taxe qui vraisemblablement leur échappe dans le cadre des locations de courte durée via les plateformes internet.

Sur la base de ces éléments, je vous encourage à soutenir l’entrée en matière et le rapport de majorité, et ensuite à rejeter l’amendement qui vous sera présenté par la minorité de la commission, qui aurait pour conséquence de vider le texte de sa substance. Je reviendrai plus tard, dans le cadre du débat article par article, mais je vous invite tout d’abord à soutenir l’entrée en matière.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je serai moins long et moins mélodramatique que ma préopinante, mais il est vrai que la Saint-Valentin c’était hier et qu'aujourd’hui est un autre jour. La question que vous posez sur les plateformes Airbnb pose deux problèmes principaux. Il y a d’abord la question de la concurrence face à l’hôtellerie. Là, il faut évidemment mettre tous les acteurs sur un pied d’égalité et acter le fait que le projet du Conseil d’Etat et de la majorité de la commission satisfait au vœu d’une transparence plus équitable entre les différents acteurs de ce marché compliqué puisqu’il résulte, pour l’essentiel, de plateformes de location. La deuxième problématique relève du droit du bail. Vous connaissez mes intérêts dans le domaine, puisque je siège notamment au conseil d’administration d’une régie immobilière. Or, la problématique du bail a également deux aspects. Le premier est celui de la sous-location, puisqu’il s’agit incontestablement d’une forme de sous-location à caractère commercial. En effet, son but n’est pas l’accueil bénévole d’un étudiant ou d’une étudiante, par exemple, mais bien d’obtenir des revenus. Le deuxième aspect est celui de l’occupation de logements d’habitation à fin commerciale ou partiellement commerciale, puisqu’une partie du logement n’est ainsi plus affectée à l’habitation elle-même. Si l’on prend l’exemple d’un grand appartement dont une personne loue une ou deux pièces par Airbnb, on occupe finalement un appartement qui devrait être attribué à des familles et on empêche ainsi une mobilité dans les différents appartements.

Il est aussi intéressant de constater deux choses. Premièrement, il n’est pas anecdotique – et sur ce point, comme on dit dans notre canton, nous avons été « déçus en bien » – de voir que, finalement, le problème était important, tant pour ce qui concerne le texte de Mme Jessica Jaccoud que pour celui de votre serviteur. Il y a donc manifestement quelque chose à faire, car une augmentation de 146 % en quelque quatre ans n’est pas négligeable, pour 4500 objets mis en location sur des plateformes de type Airbnb. Enfin, il faut relever que la loi qui vous est proposée aujourd’hui – et sur laquelle vous aurez compris que je vous invite à entrer en matière – est finalement peu ou prou la même que celle que le canton de Genève a adoptée dans le même cas de figure, avec des délais qui se ressemblent passablement. Finalement, on voit donc une certaine cohésion entre les cantons romands sur les mesures à prendre pour régulariser et réglementer ce type de locations Airbnb.

Je ne crois pas qu’on puisse dire que l’on tire au canon sur des moineaux : c’est une vraie problématique. C’est une problématique de voisinage, car si vous avez un voisin qui fait du Airbnb, cela crée des désagréments. Les gérances ont des retours de gens qui arrivent de l’étranger et ne savent pas à quel étage aller, qui doivent trouver des clés dans des boxes ou sous des paillassons et qui sonnent chez les voisins à minuit ou une heure du matin pour savoir comment cela se passe, ce qui est évidemment très dommageable. Il y a un ensemble d’effets secondaires liés à ces sous-locations et aux pratiques Airbnb qu’il ne faut pas négliger et qui sont vraiment problématiques. L’annonce a l’avantage d’apporter une vraie transparence, en permettant aux bailleurs comme aux voisins de savoir ce qui se passe. Elle permet d’obtenir des renseignements. C’est donc une bonne loi qui permet de façon relativement simple et assez claire de réglementer ce type d’activités. Je pense que nous nous dotons ainsi d’un outil performant qui permet d’aller de l’avant dans la problématique. Je vous remercie donc de voter l’entrée en matière.

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP se montre toujours très méfiant face à ce que l’on appelle pompeusement l’économie collaborative. A notre sens, effectivement, elle est souvent source d’abus, de précarisation, de démantèlements sociaux divers, de concurrence déloyale, et c’est donc un miroir aux alouettes. Uber et Airbnb en sont deux exemples mondialisés emblématiques. Notre groupe se réjouit donc qu’un cadre législatif et réglementaire limite et oriente ces activités. Cela a été le cas il y a quelques mois pour le transport de personnes, même si le cadre donné est à notre sens insuffisant, ainsi que le dit le rapport de minorité. C’est aujourd’hui le cas pour Airbnb et c’est tant mieux, d’autant plus que le nombre d’objets mis en location par Airbnb via la plateforme a augmenté de manière importante dans le canton de Vaud. Selon les rapports, il y avait 3672 objets mis en location en 2018 et plus de 4000 en 2020, soit une augmentation de 20 %. Nous ne disposons pas de chiffres plus récents, mais peut-être le Conseil d’Etat pourra-t-il nous renseigner dans le cadre de la discussion ? Le logement est un bien trop précieux pour que certains objets soient retirés du marché locatif, notamment dans les régions où sévit la pénurie. Et cela surtout qu’il existe une forte augmentation de la professionnalisation de cette activité, puisque nombre de multiloueurs ainsi qu’on nous l’a dit – sans parler de ceux qui en retirent 200 – mettent plusieurs objets en location.

Par ailleurs, nous sommes satisfaits sur trois points. Premièrement, Airbnb devra prélever la taxe de séjour et la reverser aux communes, même si nous trouvons assez piquant qu’Airbnb exige – je crois que c’est toujours le cas – que la taxe soit uniformisée sur l’ensemble du canton. Nous nous réjouissons aussi que les loueurs doivent s’annoncer aux communes, qui pourront suivre l’évolution de ce marché et tenir un registre. Et nous nous réjouissons aussi qu’un changement d’affectation soit nécessaire après 90 jours de mise en location. Nous aurions préféré un délai plus court, de 60 jours, mais il semble que ce ne soit pas possible selon la jurisprudence fédérale. Nous regrettons toutefois, notamment par rapport à l’hôtellerie, que des normes de qualité et des exigences ne soient pas posées, comme cela se fait dans les hôtels. Nous sommes également un peu perplexes devant la situation fiscale d’Airbnb par rapport aux revenus qu’ils retirent en Suisse. Ces sommes sont-elles fiscalisées et comment ? J’espère que M. le conseiller d’Etat pourra nous donner quelques renseignements à ce propos. Pour l’heure, nous allons entrer en matière, mais refuser tout amendement qui modifiera le cadre, déjà très faible.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je serai brève, puisque la plupart de ce que je voulais dire a déjà été dit, notamment par mon collègue Marc-Olivier Buffat – comme quoi, parfois, on se retrouve ! Les Vertes et les Verts vous encouragent à entrer en matière sur ce projet de loi. A l’instar de certaines et certains de mes préopinantes et préopinants, je regrette que ce projet de loi arrive aussi tard sur notre table, puisqu’il me semble que le rapport est prêt depuis un certain temps ; en tout cas, la commission a siégé depuis longtemps. Il est toujours aussi important et urgent de légiférer sur ces activités qui, pour l’instant, échappent quelque peu au radar législatif vaudois. Avec ce projet de loi, on entame une régularisation.

Ainsi qu’il a été dit, le problème que posent les plateformes telles qu’Airbnb est, d’une part, la soustraction de certains logements au marché locatif, ce qui est un grand problème pour un canton dont certains districts connaissent une pénurie de logements. Ainsi, certains appartements ne sont plus habités à l’année, mais loués pour de courtes périodes à des prix très élevés et prohibitifs, ce qui contribue à dérégler encore plus le marché du logement. A ce titre, je déclare mes intérêts : je suis Secrétaire générale adjointe de l’ASLOCA Suisse. D’autre part, il y a la question – déjà évoquée elle aussi – de la concurrence des activités économiques. En effet, louer des chambres via une plateforme pour de courts séjours touristiques revient à exercer une activité économique sur un terrain occupé par l’hôtellerie, c’est-à-dire une activité elle-même passablement régulée. C’est donc une forme de concurrence déloyale que de pouvoir louer sans respecter de règles, notamment jusqu’ici sans réellement payer la taxe de séjour. Le projet de loi permet donc de réguler quelque peu et, à ce titre, je remercie le Conseil d’Etat d’avoir légiféré. Il a ainsi osé faire un pas que la Berne fédérale n’a pas osé faire elle-même, ce que je regrette, à titre personnel. C’est ainsi : il faut prendre le taureau par les cornes et c’est ce que nous faisons. C’est pourquoi je vous enjoins à entrer en matière sur le projet de loi.

M. Maurice Treboux (UDC) —

Nous pouvons tous le constater : depuis une petite décennie, l’accès numérique à des prestations quotidiennes s’est développé beaucoup plus rapidement que les cadres législatifs qui y sont liés. Vous aurez tous compris que je fais référence au développement exponentiel des plateformes en ligne offrant des services tels que la réservation de voitures avec chauffeur, la livraison de repas express et, pour ce qui nous occupe ici, des locations par des particuliers de logements de vacances et de chambres pour étudiants. Afin de garantir le principe de la libre concurrence ou encore de lutter contre un dumping malsain, le législateur se doit d’adapter les lois. Il ne s’agit pas d’en faire une usine à gaz administrative, mais de donner à tous les acteurs d’une économie circulaire les mêmes chances et mêmes outils. Fort de ces constatations et analyses, le groupe UDC vous invite à entrer en matière et à accepter le rapport de majorité.

Mme Chantal Weidmann Yenny (PLR) —

Je souhaitais amener quelques compléments afin de faire un point de situation sur l’automatisation du prélèvement de la taxe de séjour. La plateforme en ligne Airbnb est d’accord d’encaisser la taxe pour le compte des communes, pour autant qu’elle n’ait qu’un seul interlocuteur pour la redistribution de la taxe et que les communes perçoivent un montant uniformisé, ainsi que l’a mentionné notre collègue Vuilleumier. L’Etat de Vaud est dès lors sorti du jeu et les négociations sont menées directement par l’UCV, avec la plateforme Airbnb d’un côté et les communes vaudoises de l’autre. Grâce à ce travail, une automatisation du prélèvement de la taxe, pour les communes vaudoises qui le souhaitent, pourra voir le jour. Une convention de plateforme entre Airbnb et l’UCV a été établie et est actuellement à bout touchant. Le principe retenu sera le suivant : Airbnb percevra l’ensemble des taxes de séjour auprès des structures parahôtelières inscrites sur sa plateforme, puis transmettra semestriellement le montant total perçu à l’UCV qui le redistribuera elle-même auprès des communes. Chaque commune sera libre d’adhérer ou non à cette convention. Si elle souhaite le faire, il sera nécessaire d’adapter son règlement sur la taxe de séjour afin d’y introduire une taxe parahôtelière si elle n’y figure pas encore. A mon tour, je vous invite à entrer en matière sur ce projet de loi.

M. Arnaud Bouverat (SOC) —

Il a été dit par les rapporteurs que ce projet de loi concerne avant tout les questions économiques, de police et d’utilisation des logements. Les questions de droit fiscal et de droit du travail n’y sont pas traitées, même s’il peut y avoir des conséquences en la matière. Comme l’ont indiqué plusieurs personnes avant moi, plusieurs branches sont touchées par l’activité de la plateforme Airbnb, et notamment par les acteurs qui disposent de plusieurs appartements sur cette plateforme. Les travailleurs de la branche du nettoyage, de l’hôtellerie-restauration, ou encore d’allocations de services peuvent être touchés par les services qui accompagnent l’offre de location.

Dans un tel contexte, du fait de mes intérêts de secrétaire auprès du syndicat UNIA, dans le cadre de cette entrée en matière, je souhaiterais premièrement avoir quelques précisions sur les réflexions du département sur ce sujet qui touche à l’ensemble de l’économie et aussi au contrôle des conditions de travail. Quelle politique d’information sera donnée aux personnes ? Nous avons entendu qu’il y aurait une politique d’information auprès des milieux immobiliers concernés, c’est-à-dire les faîtières des propriétaires et des locataires. Au niveau de chaque demandeur, soit de chaque personne qui se déclare, dès le moment où une activité est menée, une sensibilisation, notamment sur les conditions de travail, sera-t-elle donnée à chaque acteur de manière spécifique ? Deuxièmement, l’accessibilité au registre sera-t-elle assurée, notamment pour les organes tripartites ou paritaires qui peuvent être impliqués dans le contrôle des conditions de travail ? Y a-t-il déjà eu des réflexions en la matière ? Ces questions-là pourraient-elles être évoquées au niveau réglementaire ? Ou alors le Conseil d’Etat estime-t-il qu’il est de la compétence des autorités de contrôle de se débrouiller elles-mêmes pour voir si elles peuvent accéder ou si elles obtiennent l’accès à ces registres ? Je sais que ce n’est pas le centre de l’action, mais les problématiques liées à Airbnb sont aussi celles des conditions de travail et j’estime important que le législateur soit informé des conséquences possibles de cette législation sur le contrôle du marché du travail.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Tout d’abord, je remercie l’ensemble des orateurs d’avoir plaidé en faveur de l’entrée en matière. J’aimerais répondre à quelques questions, tout d’abord sur l’imposition fiscale : il n’y a pas de spécificité en la matière. Il va de soi que tous les revenus touchés par le locataire, le propriétaire ou par des tiers doivent faire l’objet d’une déclaration d’impôt, comme toute activité économique ou tout produit d’une activité économique ; il n’y a pas de spécificité en la matière et il faut s’en réjouir.

Ensuite, pour répondre aux interrogations de M. Bouverat, les registres sont tenus par les communes. Elles sauront qui loue, qui sous-loue, et pourront donc d’effectuer un contrôle. En matière de conditions de travail, il y a évidemment une autorité de surveillance au niveau du canton, et de la ville de Lausanne pour ce qui la concerne ; il va de soi qu’une information sera donnée à cet égard. Mais ce sont bien les règlements communaux qui régiront les conditions fixées pour l’utilisation de ce registre ainsi que les éventuels ayants droit, tout en étant évidemment respectueux de la protection des données en la matière. Là encore, ce n’est pas dans cette loi que l’on peut fixer des conditions spécifiques de protection des travailleurs, le cas échéant, mais il est évident que si l’on restreint le parc dévolu à la sous-location, il y a potentiellement un risque de priver un certain nombre de travailleuses et de travailleurs du marché qui existe aujourd’hui. Dans ce domaine, on ne peut avoir le beurre et l’argent du beurre ; il faut savoir ce que l’on veut et fixer des priorités. Le Conseil d’Etat a fixé les siennes et je constate qu’elles sont largement partagées par ce plénum. Je vous remercie d’entrer en matière.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise à l’unanimité.

Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.

Article premier. —

Art. 2 et 4a. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

En commission, l’article 2 a été adopté à l’unanimité des membres présents, sans commentaire. Quant à l’article 4a, la discussion a porté sur la notion « offre de brève durée », qui correspond à un maximum de 90 jours par an. En préambule, il convient de placer cet article dans le contexte légal. L’analyse du marché réalisée dans le cadre de ce rapport a confirmé la nécessité de modifier le règlement d’application de la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif (LPPPL), afin de répondre à l’intérêt public. Il est donc prévu de réglementer uniquement dans les districts soumis à pénurie et de prévoir une sanction. C’est donc le dispositif vaudois de préservation du parc locatif qui pose la base légale permettant de limiter la durée de mise à disposition de logements locatifs sur des plateformes d’économie collaborative. Ainsi, le Conseil d’Etat a décidé de préciser, à l’article 15, alinéa 2, du règlement de la LPPPL, qu’une sous-location totale ou partielle de logements du parc standard de location qui excède 90 jours par année est considérée comme un changement d’affectation. Cette modification réglementaire entrera en vigueur en même temps que la modification de la Loi sur l’exercice des activités économiques qui est l’objet de l’exposé des motifs. La notion « offre de brève durée » correspond ainsi à un maximum de 90 jours par an. Il s’agit d’un critère objectif, simple et compréhensible qui simplifie la vie de tous les acteurs. Il convient de retenir le critère de la mise à disposition d’un appartement à location sur une plateforme collaborative, sans garantie de location, pour lutter contre la soustraction d’appartements du marché locatif indigène dans une région à pénurie. Concrètement, si un appartement est mis à disposition pendant 110 jours sur Airbnb et qu’un client le loue pour 40 jours, l’appartement est tout de même soustrait plus de 90 jours du marché locatif indigène. L’article 4a a été ainsi adopté à l’unanimité des membres présents.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Les articles 2 et 4a sont adoptés à l’unanimité.

Art. 74b. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

 L’article 74b, alinéa 1, réglemente la mise à disposition de tout ou partie d’un logement contre rémunération à partir d’une nuitée au minimum. La personne qui décide de sous-louer un appartement au-delà de 90 jours doit demander un changement d’affectation. Il est précisé que seul le propriétaire ou le bailleur, par délégation de compétences, peut demander une modification de l’affectation et que tout locataire qui sous-loue son bien plus de 90 jours sans demander le changement d’affectation s’expose aux sanctions prévues par la loi, vu qu’il n’est pas habilité à changer unilatéralement les termes fondamentaux d’une relation contractuelle écrite. Un amendement a été déposé, afin d’exclure les locations de partie de logements. Le Conseil d’Etat a invité les commissaires à rejeter l’amendement pour les raisons suivantes :

  • L’amendement proposé ne respecte pas le droit supérieur, vu que la demande de changement d’affectation porte sur tout ou partie d’un logement. Ainsi, une personne qui louerait sur une plateforme collaborative 4 pièces d’un appartement de 5 pièces ne serait pas soumise à cette disposition alors qu’une personne louant son studio y serait soumise.
  • L’amendement proposé amènerait à rouvrir la LPPPL et son règlement, puisqu’elle ne permettrait plus d’atteindre les objectifs visés par la LPPPL, soit d’éviter la soustraction de logements du marché locatif.
  • L’amendement proposé ne permettrait plus de cadrer tous les objets qui font l’objet de transactions sur les plateformes collaboratives et donc de cette modification de loi.

En commission, par 2 voix contre 10 voix, l’amendement a été refusé. L’article 74b a été adopté par 10 voix et 2 abstentions.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

L’article 74b est accepté à l’unanimité.

Art. 74c. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

A l’article 74c, il est précisé que l’obligation de s’annoncer au moins 10 jours avant la première nuitée auprès de la commune concerne la première disponibilité du bien mis à disposition pour une période donnée sur une plateforme collaborative, vu qu’il est impossible de savoir ce que l’année nous réserve. Il s’agit d’un délai d’ordre comme il en existe d’autres dans l’administration. Le Conseil d’Etat précise que le projet de loi prévoit, en principe, une annonce de 10 jours au préalable et qu’il n’y aura pas de sanction en cas d’annonce tardive, si les circonstances le justifient. Il est précisé qu’un bilan de la mise en œuvre de cette loi sera effectué après trois ans et que la mise en place de cette réglementation a été faite aussi à la demande des communes.

Deux amendements ont été déposés. Le premier amendement propose de modifier l’alinéa 1 de l’article 74c comme suit : « La personne physique ou morale qui met en location ou en sous-location un hébergement s’annonce auprès de la commune du lieu de situation du logement et lui communique les données nécessaires à la tenue du Registre des loueurs au moins dix jours avant la première nuitéedès l’annonce de son inscription auprès des associations, sociétés, Internet, etc., mais au plus tard dix jours avant la première nuitée ». Considérant qu’il suffit d’une seule annonce, que le contrôle communal doit s’effectuer pour tout type de location et non se limiter à celles transitant sur les plateformes collaboratives et que le Conseil d’Etat s’engage à revenir devant le Grand Conseil avec une modification légale, si le système mis en place par cette loi devait se révéler inefficace, l’amendement est refusé par 4 voix contre 5 et 3 abstentions. Les alinéas 1 et 2 de l’article 74c ont été adoptés à l’unanimité des membres présents.

Le second amendement propose de modifier l’alinéa 3 en vue de ne pas encombrer les archives des communes et de soumettre les loueurs et hôteliers aux mêmes exigences, puisque la Loi sur les auberges et les débits de boissons (LADB) et le Règlement d'exécution de la loi sur les auberges et les débits de boissons (RLADB) exigent que les hôtelières et hôteliers gardent les documents pendant trois ans à disposition des autorités cantonales et communales.

Le Conseil d’Etat relève qu’un hôtel présente une bien plus grande stabilité qu’un loueur Airbnb, généralement un locataire, et rend les commissaires attentifs au fait que la modification proposée obligerait une commune à partir à la recherche d’un locataire qui aurait déménagé pour lui demander les documents, et ce, pendant 3 ans.

Considérant que les problématiques relatives à la transmission des documents par le biais de l’informatique et à la traçabilité du loueur devraient plutôt être réglées dans le cadre du règlement, il est proposé d’amender l’article 74c, alinéa 3 en conséquence :

« Art. 74c. — Al. 3 : Le loueur remet tous les six mois une copie du registre prévu à l’alinéa 2 à l’autorité communale compétente. Pour le surplus, le règlement fixe les modalités. »

En commission, l’amendement est accepté à l’unanimité des membres présents. L’article 74c a été adopté tel que modifié par 10 voix et 1 abstention.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je dépose l’amendement suivant, qui avait été évoqué en commission.

« Art. 74c. — Al. 1bis : (nouveau)En particulier, le loueur fournira l’ais donné au bailleur et prescrit par l’art. 262 CO, ainsi que toute information utile sur le respect du délai et des exigences posées par l’art. 15 al. 2 RLPPL nouveau. »

Lorsqu’on donne l’avis prescrit par cette disposition, il paraît nécessaire de compléter un peu le dossier, en ce sens que toute sous-location est en principe soumise à l’autorisation du bailleur. Le bailleur ne peut pas refuser son autorisation, mais il doit aussi connaitre les conditions de cette sous-location. En particulier, vous ne pouvez pas sous-louer votre appartement à un tarif plus élevé que le bail principal, par exemple. Si vous n’habitez plus dans l’appartement et que vous ne faites que des locations Airbnb, les conditions prescrites par l’article 262 du Code des obligations pourraient s’appliquer, et le bailleur pourrait refuser de donner son accord. Il me paraît donc essentiel que le bailleur soit informé, puisque le loueur doit informer son bailleur ; cela résulte du droit du bail. Il ne s’agit que d’un avis – une lettre, un mail – précisant que l’on souhaite faire une sous-location Airbnb. Le bailleur peut demander ou non les conditions, mais cela doit figurer dans le dossier.

Il en va de même si on veut assurer une certaine protection de l’application de la LPPPL et de son règlement d’application : éviter la sous-location, éviter la soustraction de logements destinés à l’habitation à des fins commerciales. Il serait bon d’obtenir quelques renseignements sur les conditions de cette sous-location – sa durée, etc. – afin de s’assurer que les conditions de l’article 15, alinéa 2, RLPPPL soient respectées. Vous connaissez ma hantise de la bureaucratie et ma réticence à compliquer les choses, mais cela ne me paraît pas insurmontable, puisque dans les deux cas ce sont des conditions qui doivent être remplies. C’est élémentaire, dans le droit du bail : la protection et la garantie du respect du règlement de la LPPPL ; cela me paraît un minimum. J’ai compris qu’en commission on trouvait cela trop compliqué, mais celui qui est capable de mettre une annonce sur Airbnb, d’accueillir des gens et de louer sa chambre ou son appartement est capable d’envoyer un courriel à son bailleur pour le tenir au courant et lui donner trois mots d’explication quant au fait que l’article 15 RLPPPL est respecté.

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

Cet amendement n’a pas été déposé en commission, car il a été discuté en préambule dans la discussion générale et il y avait été répondu qu’on n’entrait pas dans les questions relatives au droit du bail.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je vous invite à refuser cet amendement pour plusieurs raisons. La première est pratique, puisque l’obligation du locataire d’obtenir une autorisation de son bailleur pour procéder à une sous-location est une obligation de droit privé. S’il ne respecte pas cette obligation, il encourt une sanction de droit privé, à savoir une potentielle résiliation du bail par le bailleur.

Ici, nous sommes dans le cadre d’une législation de droit public, dans laquelle nous régissons les activités et relations qui existent entre des propriétaires ou des locataires qui mettent à disposition, de manière limitée, leur logement par des plateformes de type Airbnb et les communes qui doivent, dans cette dynamique, tenir le registre des loueurs. En ce sens, il me semble que le registre des loueurs, qui a précisément pour objectif de contrôler l’activité relative aux changements d’affectation, n’a pas pour but de permettre aux bailleurs de contrôler l’activité de leurs locataires. Par ailleurs, je ne vois pas comment il serait possible qu’une commune agisse si, par hypothèse, l’avis ne lui serait pas fourni. A ce moment-là, devrait-elle dénoncer le locataire au bailleur en l’informant qu’il existe une sous-location qui n’a pas été autorisée ? Je n’ai pas l’impression que c’est l’esprit de l’amendement, mais on ne comprend pas bien comment la commune devrait réagir si cet avis n’est pas fourni dans le cadre de la tenue de ce registre.

Enfin, l’avis donné au bailleur n’est pas encore synonyme d’autorisation, puisque pour de multiples raisons le bailleur est en droit de refuser l’autorisation d’une sous-location, notamment s’agissant d’un loyer qui serait abusif. Dès lors, selon moi, le fait de fournir cet avis donné au bailleur ne permettrait même pas d’accueillir les objectifs qui sont prétendument visés par cet amendement. Pour toutes ces raisons, je vous invite à refuser cet amendement.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je rejoins largement les propos tenus par Mme Jaccoud. Je vous invite aussi à refuser cet amendement. On ajoute ici, par le biais d’un article de droit public cantonal, une forme pour l’avis au bailleur, selon l’article 262 CO, alors que celui-ci ne prévoit pas de forme en matière de droit fédéral. Théoriquement, si vous vous entendez bien avec votre propriétaire, vous pouvez lui passer un coup de téléphone et cela suffit. Certes, cela pose des questions de preuve et tout bon avocat vous dirait que ce serait mieux de confirmer par écrit, mais le droit fédéral ne prévoit pas de forme. Introduire, par le biais de la législation sur les débits de boissons, une forme pour le cas de sous-location via des plateformes collaborative est un peu compliqué légistiquement. De plus, on introduit ici une sorte de contrôle étatique du respect d’une obligation de droit privé fédéral. Je n’ai rien contre le principe d’une obligation de contrôle étatique du respect du droit privé fédéral dans l’absolu, mais pourquoi celui-là ? Pourquoi ne pas introduire un contrôle des rendements locatifs, par exemple ? Surtout les immeubles du canton… Je suis potentiellement assez favorable à ce genre de mécanisme, mais à ce stade, ce n’est ni le bon endroit ni le bon outil pour atteindre le but visé par l’amendement.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Je vous invite également à refuser cet amendement. C’est une impossibilité donnée à l’administration communale de faire respecter le fait que le loueur n’ait pas une autorisation du bailleur. Nous sommes dans une sorte de régime d’annonces ; on doit annoncer que l’on va mettre son appartement sur une plateforme et qu’on va faire de la location de courte durée. Nous ne sommes pas sur un régime d’autorisation, de demander l’autorisation de pouvoir sous-louer ; cette autorisation devrait être demandée à la commune, or ce n’est pas le cas. Monsieur Buffat, je ne vois vraiment pas comment la commune pourrait intervenir si la personne qui vient annoncer qu’elle sous-loue ne présente pas ce type d’avis. Je ne pense pas que l’on va demander à la commune de prendre contact avec des bailleurs.

Dès que l’on va dépasser les 90 jours, on va prévoir dans le futur que l’on doit demander un changement d’affectation. Dans ce cas, dès qu’on est au-delà des 90 jours, le bailleur va de toute façon être informé de la situation, s’il y a un changement d’affectation, puisque c’est lui qui va devoir le signer. Je ne vois donc pas ce que votre amendement amène, si ce n’est des chicaneries administratives. Cela ne peut pas s’appliquer finalement. On pourrait le faire si l’on était dans un régime d’autorisation, dès le départ, en disant « si vous nous amenez cela, vous ne pouvez pas sous-louer », mais ce n’est pas le cas. Votre amendement est donc inutile et impraticable, d’autant plus que dès que l’on dépassera les 90 jours, on aura besoin de l’autorisation du bailleur, puisque c’est lui qui devra signer la demande de changement d’affectation de l’appartement ou du local mis en sous-location auprès des services compétents.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

En premier lieu, s’agissant du grief de non-communication de cet amendement, je vous adresse mes excuses. On vit dans une période de campagne électorale assez mouvementée, d’autant plus que certaines de celles qui ont pris la parole précédemment s’ingénient à la compliquer ou à l’alimenter de façon assez importante – et c’est un euphémisme.

Finalement, cet amendement a le tort principal de venir d’un élu PLR de droite. Dès lors, on lui trouve à peu près tout ce qu’il faut pour s’y opposer. Je constate que, il y a deux semaines, quand on parlait du texte de M. Dolivo sur l’obligation de renseigner les locataires sur les travaux, on nous disait exactement le contraire : « il n’y avait qu’à », « ce n’était pas compliqué », « des descriptions de travaux qui font 50 pages, des calculs de hausse éventuelle de loyer compliqués étaient une babiole pour permettre aux locataires d’être renseignés », etc. On parle ici d’une information légale, simple, qui tient dans une phrase ou un paragraphe, et on nous répond que c’est une bureaucratie invraisemblable. Je ne sais donc pas ce qu’il fallait dire de l’intervention de M. Dolivo – heureusement, son texte a connu le sort qu’on lui connait. On nous parle maintenant de « chicaneries ». Je m’étonne, car de temps en temps, il y a des textes et des amendements qui peuvent être gagnants-gagnants, et j’en ai l’absolue conviction. Ce texte vise aussi à protéger des voisins ; ils ont le droit de savoir ce que fait leur voisin, si c’est un salon un peu particulier avec des allers et venues ou si c’est une location Airbnb. Cela fait partie des règles et usages locatifs, pas seulement au sens juridique, mais simplement pour un simple usage entre voisins. Je vous rappelle que dans tous les règlements de PPE, en principe, ce type d’activité est interdite. Un avis donné, si on est locataire d’un appartement en PPE, est la moindre des choses. C’est donc important, par égard pour les voisins et le bailleur.

Enfin, concernant les exigences déduites de l’article 15, alinéa 2, du règlement sur la préservation du parc locatif, c’est pour le moins piquant de voir la gauche s’insurger contre cette exigence. C’est le b.a.-ba du respect des exigences légales déduites d’un règlement du Conseil d’Etat.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à soutenir cet amendement. Je suis convaincu qu’il est utile aux bailleurs, aux locataires, aux voisins, et ce, dans une PPE également.

M. Nicolas Mattenberger (SOC) —

Monsieur Buffat, pouvez-vous répondre à nos interrogations ? Que fait-on si cette annonce n’est pas faite, si la personne vient à la commune et qu’elle n’a pas le courrier demandant à son bailleur l’autorisation de sous-louer ? Vous parliez des voisins qui doivent savoir ce qu’on fait dans l’appartement à côté de chez eux. Vous évoquiez des salons, je présume des salons érotiques, mais en matière de salons érotiques, on a un régime d’annonce obligatoire. Si l’annonce ne se fait pas, que se passe-t-il ? L’autorité, à savoir la police cantonale du commerce, ferme le salon. Il y a donc une mesure qui va être prise par l’autorité. Là, vous ne nous donnez pas de marche à suivre, de ce que devrait faire l’autorité si la personne n’arrive pas avec ce courrier de son bailleur.

Ce que vous demandez, finalement, on le fait dès qu’on a passé 90 jours, car dans ce cas, l’obligation faite par le droit administratif au propriétaire de l’immeuble est de signer la demande de changement d’affectation. A ce moment-là, il sera informé de ce qui se fait dans son appartement, qu’on va dépasser les 90 jours. Il y a donc une conséquence juridique, mais dans votre proposition je ne vois pas la conséquence juridique. Si vous nous amenez une autre solution, on pourra peut-être vous suivre.  

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je considère simplement qu’il faudra refuser l’enregistrement, comme n’importe quelle demande de formulaire, dès que le formulaire est incomplet. Je suis sidéré de constater que des documents que l’on demande pour n’importe quelle autorisation ou déclaration administrative… Aujourd’hui, c’est plus simple d’envoyer un mail à son bailleur que de mettre un appartement sur un signe Airbnb. Je ne vois pas où est la complication de demander à fournir ce document. Je ne demande même pas la réponse et l’accord du bailleur, je demande l’avis du bailleur.

Quand vous parlez des salons érotiques, excusez-moi de vous dire qu’un certain nombre n’est pas annoncé et sauvage. Dire qu’ils ont l’obligation de l’annoncer ne résout rien. Je peux vous dire qu’à Lausanne, il y en a beaucoup.

S’agissant de l’obligation d’annonce, le fait de respecter la législation sur la préservation du parc locatif est un minimum. Le bailleur a le droit de savoir ce qu’il se passe dans l’appartement qu’il loue, non pas après 90 jours, mais déjà après 30 ou 60 jours – les règles du droit du bail s’appliquent – sans devoir interpeller son locataire pour lui demander « qu’êtes-vous en train de fabriquer, vos voisins se plaignent, il y a du bruit jour et nuit, etc. » Je prends note que cela n’intéresse par la gauche de ce Parlement, mais ce sont des règles de voisinage qui me semblent élémentaires ; la protection des locataires me paraît élémentaire. Si cela ne vous intéresse pas, ne le prenez pas.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Cet amendement n’a pas été déposé en commission, par conséquent le Conseil d’Etat n’en a pas été saisi. Toutefois, j’avoue avoir quelque peine à suivre les méandres des argumentations des uns et des autres. Sur le fond, le droit fédéral exige qu’une sous-location soit adressée au propriétaire. Celui-ci ne peut refuser l’autorisation qu’au travers d’un certain nombre d’éléments stipulés par le Code des obligations. L’amendement de M. Buffat ne changerait donc rien quant à l’obligation d’avertir le propriétaire quand on procède à une sous-location. De plus, il faut savoir si l’on est dans une législation exclusivement de droit public et dans laquelle on ne pourrait pas insérer des obligations relevant du droit privé. Notre ordre juridique souffre à maints égards d’exceptions de cette nature ; on ne sortirait pas des clous. En réalité, la seule portée de l’amendement de M. Buffat est que vous exigeriez que l’annonce faite au propriétaire le soit sous forme écrite. C’est la seule conséquence, car vous ne pourriez pas fournir à l’administration communale qui a la charge de contrôler les registres un avis au propriétaire, si celui-ci n’a pas été fait par écrit. Quant à la portée d’une absence de cet avis, c’est évidemment la même portée que lorsque vous annoncez une activité et que les éléments qui doivent faire l’objet de l’annonce ne sont pas complets. L’administration communale devrait, si l’amendement Buffat était accepté, renvoyer le dossier au locataire en lui disant « il nous manque une pièce ; vous être prié de nous la fournir pour que vous puissiez être incorporé dans le registre communal. » C’est cela en réalité.

Je me permets de penser que cet aspect des choses est extrêmement faible dans sa portée par rapport à l’importance du projet de loi qui vous est soumis. Nombre d’entre vous s’est plaint de retards dans le traitement fait par le Parlement, et notamment le Bureau – si vous me permettez cette violation de l’indépendance du premier pouvoir – et non pas du Conseil d’Etat puisque ce dernier a fait diligence en la matière. La seule portée est ici : voulez-vous, oui ou non, une obligation d’avis du propriétaire faire par écrit ? On peut certes encore gloser sur ces questions-là pendant une ou deux semaines, mais cela m’apparaît comme relativement secondaire par rapport à l’importance de régir ce domaine de l’activité commerciale, compte tenu de l’impact qu’elle a sur le marché locatif, d’une part, sur la distorsion de concurrence à l’endroit du secteur hôtelier, d’autre part.

Si vous acceptez ou refusez cet amendement, le projet de loi ne sera pas dénaturé, mais la portée de l’amendement dans la vie concrète est très faible. Je tiens à corriger l’impression que peut avoir laissée l’intervention de M. Mattenberger : ce n’est pas le locataire qui va demander au propriétaire de signer une demande de changement d’affectation. C’est le propriétaire – et lui seul – qui peut requérir un changement d’affectation de son bien, et non le locataire. Le locataire ne va pas faire remplir au propriétaire, dans la cage d’escaliers, un document disant qu’il loue un appartement et qu’il va le transformer en zone commerciale. C’est le propriétaire – et lui seul – qui décide de demander un changement d’affectation de son bien. Je me permets de rappeler que la propriété privée est préservée et garantie constitutionnellement sur le plan suisse. De plus, le locataire qui violerait son obligation d’annonce auprès du propriétaire quant à sa volonté de mettre sur le marché d’Airbnb son appartement prend le risque de voir son contrat de location purement et simplement supprimé et annulé. Telle est la conséquence concrète. Il va de soi qu’un locataire qui procéderait de cette manière, sans accord écrit du propriétaire, prendrait un risque considérable sur le maintien ou non de son contrat de location. Je ne peux qu’émettre un vœu à l’égard de ce Parlement : que cette décision soit rapidement tranchée, afin que l’on puisse mettre ce projet de loi sous toit.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

L’amendement Marc-Olivier Buffat est accepté par 66 voix contre 62 et 3 abstentions.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je demande un vote nominal.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent l’amendement Marc-Olivier Buffat votent oui ; celles et ceux qui le refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

L’amendement Marc-Olivier Buffat est accepté par 72 voix contre 62.

*Insérer vote nominal.

L’amendement de la majorité de la commission est accepté à l’unanimité.

L’article 74c, amendé, est accepté par 106 voix et 24 abstentions.

Art. 74d. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

L’amendement concerne le registre des loueurs. Il a été déposé à l’alinéa 1 et permet de déléguer la tenue du registre à l’entité prélevant la taxe.

« Art. 74d. — Al. 1 : Les communes tiennent un registre répertoriant les personnes physiques ou morales mettant en location ou en sous-location un hébergement situé sur leur territoire, sous réserve des exceptions définies à l'article 74e. Les communes peuvent déléguer la tenue du registre à l’entité prélevant la perception de la taxe ».

Considérant que les communes vaudoises sont libres de s’organiser comme elles le souhaitent, notamment de déléguer sans passer par une délégation formelle – par exemple aux associations intercommunales – et que cette précision pourrait prêter à confusion, les communes pouvant en déduire qu’il n’existe pas de possibilités de délégation là où ce n’est pas prévu, l’amendement à l’alinéa 1 a été refusé par 8 voix contre 3. L’article 74d a été adopté tel que présenté dans le projet de loi par 9 voix et 2 abstentions.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

L’amendement de la majorité de la commission est accepté avec 1 abstention.

Art. 74e. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

La discussion a porté sur la location de chambres dans un appartement occupé par le loueur ou le propriétaire, étant argumenté que ce type de location ne correspondrait pas à une soustraction au marché du logement, vu leur peu d’importance et leur durée moyenne de location. Un amendement a été déposé, qui propose l’ajout d’un alinéa 2 nouveau :

« Art. 74e. — Al. 2 : (nouveau) Dans le cas de locations de chambres dans un appartement dans lequel réside le propriétaire ou le locataire, le changement d’affectation au sens de la LPPPL n’est pas nécessaire. »

Considérant que cet amendent vide la loi de sa substance en introduisant un risque de distorsion de concurrence – par exemple un couple qui louerait un studio à l’extérieur pour leur fils aux études afin de louer sa chambre sur Airbnb – et un risque de soustraction de logements, vu l’abandon de l’obligation de changer d’affectation, l’amendement a été refusé par 10 voix contre 1. En commission, par 10 voix et 1 abstention, l’article 74e est adopté tel que présenté.

M. Jérôme Christen — Rapporteur-trice de minorité

Pour faire preuve de transparence, j’aimerais annoncer ce qui pourrait être considéré comme un intérêt : ma compagne met en location une partie de son appartement ponctuellement depuis 2019. Je précise toutefois deux choses : d’une part, hors pandémie, à peine 50 nuits, d’autre part, l’appartement dont elle est propriétaire fait partie d’une PPE familiale et n’entre donc pas dans la catégorie dite à pénurie.

J’aimerais évoquer l’état d’esprit de la large majorité des personnes qui mettent en location des chambres dans leur propre appartement – je précise bien que je parle de leur propre appartement ; c’est une démarche qui n’est pas tout à fait la même que d’acquérir des appartements pour les mettre en location. A titre personnel, j’ai, dans ma jeunesse, hébergé gratuitement des hôtes dans mon appartement, dans le cadre de Servas International, une ONG internationale fondée en 1949 par le pacifiste américain Bob Luitweiler ; c’était un mouvement de paix ; c’est une organisation sans but lucratif qui contribue à forcer l’entente, la tolérance et la paix à travers le monde. Le principe est d’offrir gratuitement, sur la base d’une lettre de recommandation émise par l’organisation, trois nuits et trois petits déjeuners à ses hôtes. Pendant plusieurs années, j’ai donc reçu des hôtes et j’ai aussi été reçu. Certes, on ne peut pas faire d’analogie directe avec Airbnb ou d’autres plateformes de chambres d’hôte, dès lors qu’il y a un prix de location. Mais il n’en demeure pas moins que le principe de la chambre d’hôte est à son origine une démarche à caractère social. Airbnb n’est qu’une plateforme qui facilite la mise en location. A titre personnel, j’ai souvent logé en vacances chez l’habitant, pour mieux découvrir l’âme du pays, le mode de vie et la culture des habitants. Dans l’esprit du logement chez l’habitant, il y a certes un prix de location, mais il y a une volonté d’échange culturel – qui commence par un verre de Chasselas, voire une bouteille si entente, parfois même des repas partagés en commun. C’est l’esprit de base du logement chez l’habitant. Je dois toutefois bien admettre que cet esprit a été quelque peu dévoyé. Désormais, de plus en plus de chambres indépendantes sont mises en location. Certains en font même une activité professionnelle ou accessoire. Or, c’est précisément ce type d’activité qu’il convient de cadrer au travers de cette loi, mais pas la location de chambres, qui ne seront de toute façon jamais mises sur le marché, qu’elles entrent ou non dans la catégorie d’appartements dite à pénurie.

Lors des travaux de la commission, pour combattre mon amendement, un exemple purement théorique, pour le moins invraisemblable, a été évoqué : le cas hypothétique de parents qui suggéreraient à leur fils, étudiant, de quitter le domicile familial, afin qu’ils puissent mettre sa chambre en location. Sérieusement, on peut imaginer les cas les plus tordus, mais est-ce qu’on veut vraiment jeter le bébé avec l’eau du bain ? Est-ce bien raisonnable d’instituer une punition collective pour un cas qui ne se produira jamais, ou tout du moins de manière rarissime ? A contrario, pour pratiquer régulièrement avec ma compagne et mes enfants le logement chez l’habitant, il m’est arrivé de tomber parfois chez des étudiants qui, grâce à la location d’une ou de deux chambres de leur appartement, trouvent une petite source de revenu supplémentaire qui leur permet de payer leurs études. Alors si vous suivez l’amendement de la minorité, vous éviterez de pénaliser ces personnes. C’est du concret ; ce ne sont pas des théories fumeuses qui ont été faites en commission de parents indignes qui voudraient se débarrasser de leurs enfants dans un but lucratif.

J’aimerais également insister sur un argument peut-être moins social que ceux évoqués jusqu’ici, mais plutôt économique. D’aucuns se sont indignés à juste titre des funestes conséquences des lits froids. Dès maintenant, voilà que l’on aimerait prendre des mesures pour interdire un réchauffement positif qui profite à l’économie touristique. La clientèle du logement chez l’habitant n’est, contrairement à ce que l’on pense, pas toujours fauchée. Elle est extrêmement variée. Il y a certes des jeunes aux moyens limités, mais qui reviendrons un jour dans nos hôtels, lorsqu’avec les années ils auront amélioré leur pouvoir d’achat. Il y a aussi ceux qui ont des moyens financiers plus importants, qui souhaitent simplement varier les expériences et avoir un contact avec les autochtones, et qui dépenseront ailleurs – en restauration et loisirs – l’argent économisé sur le logement. Alors, vouloir légiférer à l’excès n’aboutit à rien. Cela risque au contraire de créer un marché noir. Rien de plus simple que de ne pas déclarer un hôte pour pouvoir rester dans le cadre des 90 jours de mise en location. Lorsque vous louez une chambre depuis plusieurs années, rien de plus facile que d’obtenir une location directe sans passer par une plateforme numérique. Il n’y a certes pas les mêmes assurances de paiement et de sécurité, mais avec des personnes que vous avez déjà accueillies, avec qui s’est établi un lien de confiance, le risque est pour le moins ténu.

Enfin, vouloir imposer cette règle des 90 jours de mise en location est boiteuse. Sur la plateforme Airbnb, par exemple, le propriétaire d’un logement peut en tout temps décider de changer les dates de disponibilité de son logement, notamment en fonction de ses disponibilités pour accueillir des hôtes. Cela donne le sentiment, à la lecture du projet du Conseil d’Etat, que la réalité des choses n’est pas comprise ; il faut voir comment cela se passe sur le terrain. Les dates exactes de mise en location devront-elles se faire en début d’année ? Pourront-elles se faire mois après mois ? Les disponibilités pourront-elles être modifiées en tout temps ? C’est un mystère ! Sur cette problématique, le projet de loi ignore totalement la réalité du marché de location de pièces dans un appartement.

Pour conclure, j’aimerais citer la vice-présidente d’Asloca Genève, Carole-Anne Kast, qui faisait la déclaration suivante au Courrier le 12 août 2021, à propos de Airbnb : « Il faut distinguer deux types d’offres qu’on trouve sur ces plateformes. Il y a d’une part des personnes qui louent des chambres chez elles, ou temporairement des appartements où elles résident, mais qui mettent leur foyer en location lorsqu’elles en sont absentes. Une pratique qui correspond à l’esprit initial de ce genre de site et qui ne pose aucun problème. » Mais on observe d’autre part des logements entiers, où manifestement personne n’habite, qui sont proposés aux touristes toute l’année. Ils sont ainsi soustraits au marché locatif pour être destinés à l’hôtellerie déguisée. C’est contre cela qu’il faut lutter et c’est pour cela que vous avez accepté les articles de loi votés précédemment. S’il vous plait, ne commettons pas l’erreur, en refusant mon amendement, de viser un type d’appartement mis en location qui ne pose aucun problème ; au contraire, qui rend service à ceux qui les mettent en location, mais aussi à ceux qui en profitent.

« Art. 74e. — Al. 2 : (nouveau) Dans le cas de locations de chambres dans un appartement dans lequel réside le propriétaire ou le locataire, le changement d’affectation au sens de la LPPPL n’est pas nécessaire. »

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Il faut bien se rendre compte qu’avec cette nouvelle législation telle qu’elle est proposée par le Conseil d’Etat, il n’est pas question d’interdire la mise à disposition d’une chambre dans son propre logement ou la mise à disposition de l’entier de son logement. Il est uniquement question de réglementer et de cadrer la manière dont cela se fait quand cette mise à disposition est supérieure à 90 jours par an. Cette cautèle des 90 jours permet à celles et ceux qui mettent à disposition leur logement pendant leurs vacances, pendant une semaine par ci ou une semaine par-là, de ne pas être concernés, notamment par les demandes de changement d’affectation, parce que l’on considère que la grande majorité du temps ce logement est destiné à l’habitation. Cependant, et c’est là que l’objectif est clairement annoncé, quand un logement ou une partie de celui-ci est mis à disposition plus de 3 mois par année à la location, de manière partielle ou complète, il est normal d’estimer que l’affectation du logement change, puisqu’elle n’est plus majoritairement de l’habitation, mais qu’elle a, tout ou partie, une activité commerciale et de rendement. L’esprit de logement chez l’habitant auquel fait référence M. Christen demeurera, malgré la nécessité pour certains de requérir un changement d’affectation. Cela n’aura – je l’espère – aucune incidence sur la qualité de l’accueil qui sera offert aux habitants, chez la compagne de M. Christen qui pourra toujours offrir un verre, voire une bouteille de chasselas, le changement d’affectation n’ayant aucun impact sur ces éléments. Si nous voulons continuer à poursuivre des objectifs d’intérêt public, il est absolument essentiel que ce changement d’affectation soit nécessaire à partir de 90 jours de mise à disposition par année, que ce soit lorsque le logement est mis entièrement à disposition, de manière partielle ou dans son propre logement. Faute de quoi, cela viderait simplement cette loi de sa substance. Je vous invite donc à refuser l’amendement de M. Christen.

M. Jérôme Christen — Rapporteur-trice de minorité

Si vous me dites aujourd’hui, madame Jaccoud, que le but est que l’on ait la possibilité de louer 90 jours qui ne sont pas annoncés ou prédéfinis, je vous dis oui, c’est possible ! Mais le problème est que quand on met à disposition un appartement en location, on ne sait pas quand les gens vont le louer. On peut estimer que ce sera dans la période hivernale si on est proche des stations, ou pendant la période estivale, voire les vacances scolaires, mais qui ne sont pas les mêmes partout ; alors on essaie de cibler. Si aujourd’hui, il s’agit de dire qu’il faut limiter à 90 jours la plupart des gens qui louent des chambres de leur appartement – peu le louent davantage, parce que c’est intrusif ; vous partagez avec ces gens une cuisine, parfois une salle de bains. En revanche, si vous devez dire à l’annonce quels jours vous souhaitez mettre votre appartement à disposition, là cela ne marche plus. C’est pour cela que j’ai proposé cet amendement.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

J’aimerais revenir sur deux points au regard de la plaidoirie de M. Christen. Premièrement, concernant les 90 jours, le bien public que l’on essaie de préserver au travers de cette loi n’est pas la location effective, mais la soustraction au marché locatif. Donc, si vous décidez de le mettre sur une plateforme 90 jours, vous ne pouvez pas le consacrer à la location ordinaire. De ce fait, il est soustrait à la location ordinaire de ceux qui habitent ici. C’est cela l’objectif ! L’objectif n’est pas de s’assurer que Pierre, Jacques ou Jean, qui mettent leur appartement sur une plateforme de type Airbnb, le louent effectivement 50, 70 ou 90 jours. Ce qui compte, c’est de déterminer la période pendant laquelle cet appartement est soustrait au marché locatif pour la population indigène.

Deuxièmement, M. Christen nous dit « à l’époque, je mettais à disposition gratuitement une chambre », un plaidoyer splendide sur la fraternité humaine auquel je souscris volontiers. Il n’empêche que si c’est une mise à disposition gratuite, vous ne tombez pas sous le coup de la présente loi. L’article 74b que vous venez de voter à l’unanimité stipule bien que c’est une mise en location contre rémunération. Dès lors, l’Abbé Pierre, autrement dit le député Christen, n’est pas soumis à cette disposition, à cette législation. Son beau plaidoyer n’a donc strictement rien à voir avec la législation dont le Conseil d’Etat vous propose l’adoption. Pour l’ensemble de ces éléments, je vous invite à en rester au texte du Conseil d’Etat ; c’est la sagesse même. Nous serions bien inspirés de concentrer nos propos sur la thématique qui nous est soumise et non sur l’histoire de l’humanité.

M. Jérôme Christen — Rapporteur-trice de minorité

Je ne vois pas où est le problème de la soustraction d’appartement. Si vous ne pouvez plus, pour différentes raisons – parce que votre logement tombe sous le coup de la LPPPL et que vous n’obtiendrez pas l’autorisation de le mettre à disposition, parce qu’il y a une pénurie de logement dans cette catégorie – vous n’avez pas à mettre votre appartement en location, puisque vous y vivez, mais que vous en louez simplement une petite partie. Votre loi ne va rien résoudre à la problématique du logement. En revanche, il est vrai que s’il s’agit d’un appartement indépendant, la personne disposant d’un appartement va vouloir le louer, probablement à l’année et pas sur la plateforme Airbnb. Quand c’est dans votre appartement, la problématique est totalement différente.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

L’amendement Jérôme Christen est refusé par 108 voix contre 13 et 6 abstentions.

L’article 74e est accepté avec 3 abstentions.

Art. 89. —

Mme Muriel Thalmann (SOC) — Rapporteur-trice de majorité

L’article 89 a été adopté sans commentaire à l’unanimité des membres présents.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Les articles 89, premier et 2, formule d'exécution, sont acceptés à l’unanimité.

Le projet de loi est adopté en premier débat.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Pour essayer de faire avancer ce projet et de relier à la fois le pouvoir exécutif et législatif sur les éventuels retards, je demande le deuxième débat immédiat.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Nous avons attendu 5 ans, alors je pense que nous pourrons attendre une semaine supplémentaire, notamment pour faire quelques recherches concernant l’amendement que M. Buffat a déposé aujourd’hui sans nous le transmettre au préalable, afin que nous puissions en discuter. (Réactions dans la salle.) J’adore me faire huer dans ce Parlement ; c’est dans ces moments-là que j’ai l’impression de faire mon travail. (Réactions dans la salle.) C’est la première fois depuis le début de l’après-midi que j’ai l’impression que le groupe UDC écoute nos débats. (Rires dans la salle.) Je vous invite à refuser le deuxième débat immédiat.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Mme Jaccoud vient de prononcer un réquisitoire ; respectez son indépendance. (Rires dans la salle.) Plusieurs d’entre vous, sur tous les bancs, ont regretté le retard pris sur ce projet de loi. Mme Jaccoud dit qu’on a attendu 5 ans et qu’on peut donc attendre une semaine supplémentaire. Avec un raisonnement pareil et de tels arguments, on peut attendre le retour des Bourbon. (Rires dans la salle.) Il n’y a pas un argument de fond. Si vous étiez mue par l’intérêt public… La commission dans son immense majorité demande que l’on régisse ce secteur. Le projet de loi, dans ses principes, est validé par tous les groupes parlementaires. Il y a juste eu un argument de M. Buffat, qui est totalement marginal. Et vous allez le retarder de deux semaines, avec les vacances, au motif que vous avez déjà attendu 5 ans ? C’est vraiment une drôle de manière d’avoir sous les yeux l’intérêt public. Faites ce que vous voulez, je respecte l’indépendance du Parlement. Mais franchement, ceux qui nous écoutent et suivent les débats – s’il y en a encore – doivent être atterrés par cette attitude. (Applaudissements.)

Mme Sonya Butera (SOC) —

Il ne doit pas être très agréable pour M. Buffat d’apprendre que ses amendements doivent être considérés de manière marginale. Il reste 10 minutes avant la fin de la séance, il y a 7 ou 8 mois qui se sont écoulés entre le rapport de la majorité et le rapport de la minorité, l’an dernier. Je pense que deux semaines peuvent être utilisées pour préparer la prochaine séance, afin que l’on traite cet objet de manière plus sereine.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

Le deuxième débat immédiat est refusé, la majorité des trois quarts n’étant pas atteinte (70 voix contre 50 et 7 abstentions).

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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