23_MOT_6 - Motion Jean Tschopp et consorts - Protégeons nos droits populaires.

Séance du Grand Conseil du mardi 19 novembre 2024, point 14 de l'ordre du jour

Texte déposé

Les droits populaires sont une force de notre pays. Beaucoup de peuples nous envient nos droits démocratiques. Ces droits nécessitent du temps et de l’énergie pour récolter des signatures pour un référendum ou une initiative populaire. Ils ont aussi un coût financier pour les associations et comités qui se lancent dans une récolte de signatures.

 

Les droits populaires représentent aussi un marché. Différentes associations comme Incop et VoxCommunication proposent leurs services dans ce secteur. Sur mandat de comité d’initiative ou de référendum, ces organisations sont mises à contribution pour récolter des signatures parfois de plusieurs textes simultanément (voir aussi l’interpellation 19_INT_351 du 21.05.2019 « Protégeons nos droits populaires »). Des formations accélérées sont dispensées couvrant jusqu’à quatre initiatives en 1 heure 30 et le mode de récoltes. Ces organisations n’hésitent pas à recruter du personnel à l’étranger. Les employés de ces organisations ont une rémunération à la signature. Ce paiement à la signature opère comme un incitatif fort pour obtenir un maximum de signatures en un minimum de temps. Tous les arguments sont bons. À tel point que plusieurs personnes de notre canton se sont plaintes d’avoir été conduites à signer des textes présentés par les collecteurs de signatures comme demandant l’exact inverse de l’initiative ou du référendum en question notamment sur la loi contre l’homophobie, le congé paternité ou plus récemment sur une initiative populaire limitant le droit à l’avortement (initiative populaire "La nuit porte conseil").

 

Plusieurs cantons ont légiféré pour encadrer la rémunération de signature (à Genève art. 183 let. d ch. 3 LEDP-GE ou dans le canton de Neuchâtel qui a légiféré en 2021, art. 138a al. 1 let. d LDP-NE) pour empêcher ces dérives. Dans le canton de Vaud, il existe un vide juridique. Certaines organisations l’ont bien compris en concentrant leur activité dans notre canton et en y établissant leur siège. La RTS a réalisé l’enquête « La récolte rémunérée de signatures pour les initiatives populaires est un véritable business qui engendrer des dérives » à ce sujet diffusée le 10.11.2022  ( https://www.rts.ch/play/tv/19h30/video/la-recolte-remuneree-de-signatures-pour-les-initiatives-populaires-est-un-veritable-business-qui-peut-engendrer-des-derives--enquete?urn=urn:rts:video:13535470 ).

 

La présente motion ne demande pas d’empêcher la rémunération pour la récolte de signatures. Cette option a été écartée par le Grand Conseil Vaudois en février 2021 qui a rejeté la motion Rebecca Joly « La démocratie directe n’est pas à vendre ! » (20_MOT_127). Aux yeux des membres du Grand Conseil soussignés, une rémunération horaire doit être possible au bon vouloir du comité référendaire ou du comité d’initiative. La présente motion demande d’empêcher la rémunération « à la signature » en la sanctionnant d’une amende pour l’organisation ou la personne qui procède ou fait procéder à des récoltes pour des initiatives ou référendum populaires. Cette option n’a pas été débattue au moment de la révision d’ensemble de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques. Ce type de rémunération « à la tâche » incite les collecteurs à mettre une forte pression sur la population. Un citoyen qui apporte son soutien à un texte doit être renseigné correctement sur son contenu.

 

Nous avons besoin de mesures dissuasives pour ne pas inciter les collecteurs à récolter des signatures à n’importe quel prix allant jusqu’à induire la population en erreur. Nos droit populaires et le droit à l’information doivent être protégés.

 

Au vu de ce qui précède, les membres du Grand Conseil soussignés demandent au Conseil d’Etat une modification de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques (LEDP) empêchant aux organisations et individus la rémunération à la signature en matière de référendum ou d’initiative populaires.


Lausanne, le 28.03.2023

 

Jean Tschopp, député; Jacques-André Haury, député;

Rebecca Joly, députée; Guy Gaudard, député; Elodie Lopez, députée  

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Vincent JaquesSOC
Thanh-My Tran-NhuSOC
Carine CarvalhoSOC
Philippe MiautonPLR
Pierre DessemontetSOC
Cendrine CachemailleSOC
Jean-François ChapuisatV'L
Cédric RotenSOC
Romain PilloudSOC
Julien EggenbergerSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Anna PerretVER
Sébastien HumbertV'L
Elodie LopezEP
Vincent KellerEP
Yannick MauryVER
Sandra PasquierSOC
Alberto MocchiVER
Claude Nicole GrinVER
Valérie InduniSOC
Patricia Spack IsenrichSOC
Nathalie VezVER
Alexandre RydloSOC
Valérie ZoncaVER
Rebecca JolyVER
Alberto CherubiniSOC
Yolanda Müller ChablozVER
Jerome De BenedictisV'L
Jacques-André HauryV'L
David RaedlerVER
Céline MisiegoEP
Jessica JaccoudSOC
Guy GaudardPLR
Monique RyfSOC
Yves PaccaudSOC
Hadrien BuclinEP
Muriel ThalmannSOC
Felix StürnerVER
Laurent BalsigerSOC
Théophile SchenkerVER
Carole DuboisPLR

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Thanh-My Tran-Nhu (SOC) — Rapporteur-trice

La commission s’est réunie le 30 juin 2023. Le motionnaire a précisé que sa démarche n’avait pas pour but d’interdire la rémunération pour la récolte de signatures en lien avec un référendum ou une initiative, mais visait à lutter contre les dérives liées à la pratique du paiement à la signature. Son objectif était de cibler les organisations à l’origine de ces pratiques, qui nuisent à notre démocratie. Il a évoqué de nombreux témoignages de citoyens ayant eu le sentiment d’être trompés, en raison de présentations délibérément faussées des objectifs des textes soumis à signatures.

La présidente du Conseil d’Etat a rappelé que les cantons n’ont pas la compétence de légiférer sur les droits politiques relevant du droit fédéral, limitant ainsi la portée de la proposition aux objets cantonaux. Lors des discussions, les membres de la commission ont unanimement estimé que certaines méthodes de récolte de signatures étaient inacceptables. Plusieurs députés ont exprimé le souhait d’un meilleur encadrement des entreprises actives dans ce domaine, notamment par une formation adéquate du personnel.

En réponse, la présidente du Conseil d’Etat a suggéré une piste : soumettre les entreprises concernées à un régime d’autorisation, semblable à celui appliqué aux débits de boissons. Ce système permettrait de retirer les autorisations en cas de pratiques frauduleuses. Cette proposition a été favorablement accueillie, tant par le motionnaire que par les membres de la commission, car elle permettrait également de traiter la problématique au niveau fédéral.

Ainsi, pour préserver l’approche initiale du motionnaire tout en intégrant la proposition de la présidente du Conseil d’Etat, la commission a décidé d’élargir la motion par une prise en considération partielle. En conclusion, les commissaires ont voté à l’unanimité pour cette prise en considération partielle, avec pour objectif d’introduire un régime d’autorisation pour encadrer cette activité.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Muriel Thalmann (SOC) —

Le groupe socialiste exprime son soulagement de voir cette motion enfin inscrite à l’ordre du jour, plus d’un an après la publication du rapport de commission, qui avait été adopté à l’unanimité. Pour rappel, la motion repose sur deux demandes principales : d’une part, l’interdiction du paiement à la signature, actuellement rémunéré entre 6 et 7 francs par signature, et d’autre part, la mise en place d’un régime d’autorisation pour encadrer les entreprises opérant dans ce domaine sous le couvert d’associations prétendument bienfaitrices – un point ajouté par la commission.

Depuis, trois plaintes ont été déposées par la Chancellerie fédérale, qui a néanmoins attendu deux ans avant de communiquer à ce sujet. Ces plaintes concernent des signatures frauduleuses récoltées dans six cantons et impliquent cinq initiatives populaires différentes. L’enquête est en cours auprès du Ministère public de la Confédération. Face à cela, le Conseil fédéral et la Chancellerie se sont contentés d’organiser une table ronde avec les acteurs concernés, alors même que la confiance dans le système est gravement compromise.

De plus, il a été révélé que certaines entreprises collectent des signatures sans mandat, puis les proposent aux initiants contre rémunération. Ce procédé relève d’une forme de chantage : si les initiants refusent de payer, les signatures ne sont pas transmises, entraînant des pertes. Pire encore, cela entraîne de la confusion auprès des citoyens ayant déjà signé, à qui l’on pourrait demander de signer une seconde fois. Cette pratique est inacceptable et doit être interdite.

Par ailleurs, plusieurs propositions liées à cette problématique, émanant de pratiquement tous les bords politiques, seront discutées au Parlement lors de la session de décembre. Cependant, la majorité des entreprises concernées ont leur siège à Lausanne. Le canton de Vaud doit donc s’impliquer et prendre conscience de l’ampleur du phénomène, même si son champ d’action législatif se limite aux initiatives et référendums cantonaux. Il est essentiel d’agir de manière proactive, plutôt que d’attendre que de nouvelles plaintes soient déposées pour réagir. Protéger la crédibilité et l’intégrité de notre démocratie est une priorité. Ainsi, sans surprise, le groupe socialiste vous appelle à suivre les conclusions de la commission.

M. Yannick Maury (VER) —

Dans la continuité du soutien apporté au postulat Gross, largement accepté il y a quelques semaines, le groupe des Verts vous invite à accepter cette motion prise en considération partiellement. Sans revenir en détail sur les arguments déjà évoqués, je tiens à souligner que nous avons un devoir moral à protéger nos institutions, lesquelles ont été profondément ébranlées, notamment depuis le scandale des signatures falsifiées. En tant que représentants de la population au sein de l’organe législatif cantonal, nous avons la responsabilité de garantir la crédibilité de notre travail auprès de toutes et tous. Dans une période où la démocratie est chahutée à l’échelle mondiale, il est impératif de la préserver. Raison pour laquelle le groupe des Verts soutient la prise en compte partielle de cette motion. 

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Lorsque notre ancien collègue Tschopp m’a sollicité pour soutenir sa motion, j’ai accepté avec enthousiasme. A mon sens, et même si cela a déjà été évoqué, toute récolte payante de signatures devrait être strictement interdite. Ce procédé exerce, à mon avis, une forme de pression inacceptable sur le signataire, ce qui va à l’encontre des principes du bon fonctionnement de la démocratie. Hélas, en raison des limites imposées par la législation fédérale, nous devons nous restreindre aux propositions issues de la commission et nous contenter de cette prise en considération partielle. Cependant, au fond, je souhaiterais que nous puissions aller bien plus loin.

M. Philippe Jobin (UDC) —

La préservation des droits populaires a particulièrement retenu l’attention du groupe UDC. Un cadre réglementaire est nécessaire, et il doit être mis en place. Je n’entrerai pas davantage dans les détails, car cette motion a une portée assez consensuelle, presque œcuménique. Nous attendons du Conseil d’Etat qu’il mène ce travail avec sérieux, et nous aurons l’occasion d’exprimer notre point de vue une fois ce travail achevé. Ainsi, nous vous recommandons de prendre cette motion en considération et de la renvoyer au Conseil d’Etat.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Nous sommes également satisfaits que ce point puisse être débattu aujourd’hui, d’autant que la commission avait déjà travaillé sur le sujet l’année dernière, avant même que les derniers éléments concernant les récoltes rémunérées n’émergent dans les discussions de ces derniers mois. Dans ce cadre, il est important de rappeler que nous traitons ici spécifiquement des récoltes de signatures dans le contexte vaudois. Par ailleurs, de nombreux aspects restent en discussion au niveau fédéral.

Du côté du Conseil d’Etat, nous avons toujours privilégié une approche proportionnée sur cette question cruciale, car c’est la crédibilité même de notre démocratie qui est en jeu. Toutefois, il est essentiel de trouver les réponses les plus adaptées. Bien que l’interdiction pure et simple des récoltes rémunérées puisse sembler disproportionnée ou inefficace pour atteindre l’objectif visé — et je ne reviendrai pas sur ce point — le régime de soumission à autorisation nous paraît, en revanche, être une solution intéressante. Cette approche permettrait de définir des conditions claires et, si nécessaire, de révoquer une autorisation en cas de pratiques inadéquates ou d’une formation insuffisante du personnel concerné.

Ainsi, du point de vue vaudois, nous soutenons cette motion telle qu’elle a été retravaillée en commission. Bien que ce sujet n’ait pas encore été présenté en plénum au Grand Conseil, nous avons déjà amorcé une réflexion sur ce dossier. Si le Grand Conseil décide d’aller de l’avant avec cette prise en considération, notre objectif serait de vous soumettre une modification législative d’ici le premier semestre 2025. Nous sommes donc favorables à cette motion, dans la perspective d’approfondir l’étude de ce régime d’autorisation, qui sera bien sûr limité à l’échelle cantonale.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil prend la motion en considération partiellement à l’unanimité. 

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