22_LEG_272 - Exposé des motifs et projet de loi modifiant la loi sur la santé publique du 29 mai 1985 et rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur la motion Julien Eggenberger - Pour l'interdiction des "thérapies de conversion" (21_MOT_6) (2e débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 8 octobre 2024, point 14 de l'ordre du jour
Documents
- Tableau miroir (22_LEG_272) avant 2ème débat au GC
- Rapport de majorité de la commission - RC maj 22_LEG_272 - Gérard Mojon
- Texte adopté par CE - EMPL modifiant la LSP et rapport motion Eggenberger - thérapies de conversion - publié
- Rapport de minorité de la commission - RC min 22_LEG_272 - Sylvie Podio
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourIl est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en deuxième débat.
Art. 71a. –
Je dépose un amendement à l’article 71a, alinéa 5 pour demander la suppression de la lettre c et donc le retour au texte du Conseil d’Etat.
« Art. 71a. – al. 5, lit. c :
le fait d’inviter à la prudence et à la réflexion, tout en respectant son autodétermination, une personne qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un traitement prévu à la lettre b.»Je dépose cet amendement en mon nom personnel, car je suis persuadée que c’est un ajout inutile qui va stigmatiser les personnes en transition de genre plutôt que les aider. J’ai l’espoir de convaincre quelques personnes de la droite de notre hémicycle de changer leur vote du premier débat.
Les lettres a et b sont claires et ne prêtent pas à confusion. La lettre c permet d’inviter un ou une jeune à la prudence avec respect de son autodétermination. Comment cela sera-t-il jugé en cas de problème ? Comment se positionner sur l’autodétermination d’une personne si l’on est persuadé qu’il ou elle a tort ? Où se termine l’invitation et où commence la pression ?
Puisque j’ai la parole, je voudrais rendre hommage à ces personnes, à celui qui est né dans les années 50 qui a dû attendre pratiquement 20 ans que ses parents ne soient plus là pour devenir lui-même et trouver enfin le bonheur ; à ces parents qui accompagnent leurs enfants, qui les soutiennent, car leur bonheur est la chose la plus importante à leurs yeux ; à celle qui a dû changer de ville pour être elle-même, mais qui se cache encore du regard de ses parents et donc pour qui le bonheur n’est pas encore entier. Ils et elles doivent attendre en moyenne deux ans ou le premier entretien psychothérapeutique pour l’accès à un traitement hormonal de substitution. Ils et elles n’ont pas besoin de la lettre c de notre projet de loi.
Je ferme la parenthèse des transitions de genre, car aujourd’hui nous votons l’interdiction des thérapies de conversion. Il sera interdit de dire à une personne homosexuelle qu’elle souffre d’une maladie et qu’une quelconque thérapie peut la guérir. C’est un grand pas ! Restons-en là et revenons au texte du Conseil d’Etat. (Quelques applaudissements.)
Lors du premier débat, le motionnaire avait fait remarquer que la problématique des transitions de genre n’était pas l’objet de sa motion, mais compte tenu du projet de loi qui nous est présenté, il s’avère que la thématique des transitions de genre ne peut pas être exclue du débat. Nous comprenons la volonté d’interdire les thérapies de conversion – je rappelle qu’elles n’étaient pas un enjeu majeur dans les églises du canton de Vaud – et nous avons soutenu ce projet. En revanche, nous ne comprenons pas les résistances qu’éprouve une partie de cet hémicycle à élargir l’espace-temps pour ceux et celles qui souhaitent s’engager dans un processus de transition de genre.
Au travers des réseaux sociaux et des groupes de pairs, des pressions importantes s’exercent sur nos jeunes pour les encourager à entrer dans une démarche de transition de genre. Compte tenu de cette réalité, nous avons introduit l’amendement à lettre c, uniquement dans le but de donner un espace à ces jeunes dont je rappelle que le cerveau est encore en phase de maturation, comme cela a été mentionné lors du premier débat. Cet amendement ne fait qu’insister sur une invitation à la prudence et à la réflexion. Il n’a rien de moralisateur ou de paternaliste, mais il est là pour aider et protéger une génération entière. Au regard de ce qui se passe actuellement en Suède et au Royaume-Uni, ne sacrifions pas une génération en précipitant des transitions de genre qui pourraient être regrettées plus tard, d’autant plus qu’elles sont irréversibles. Il s’agit simplement d’accorder un espace-temps à ces jeunes avant qu’ils se lancent dans une transition de genre. Nous proposons ainsi une démarche de prévention – j’insiste sur ce terme – et non d’opposition ou de résistance.
Pour terminer, permettez-moi de citer le Dr Urs Eiholzer, endocrinologue pédiatrique, qui fait une mise en garde dans le Swiss Medical Forum – un journal assez coté au niveau de la Suisse en médecine interne générale. « Les jeunes qui s’interrogent sur leur genre évoluent aujourd’hui sur les réseaux sociaux dans une bulle Trans affirmative, où ils sont simplement confirmés dans leur désir, incapables de réfléchir sans pression ni influence à leur propre désir. Ces enfants trans pourraient subir une injustice pour laquelle la société devra s’excuser à l’avenir. » Telle est la crainte de cet endocrinologue. Pour ces raisons et pour préserver notre génération de jeunes, je vous invite à maintenir la lettre c introduite lors du premier débat.
La lettre c prévoit « d’inviter à la prudence et à la réflexion ». Voici quelques titres d’articles parus dans la presse romande ces derniers temps : « Jeunes traités trop tôt », « Changement de sexe, des médecins appellent à la prudence », « Je ne sais pas comment j’ai pu accepter de me faire mutiler » et enfin « Les bloqueurs de puberté sous le feu de la critique ». Je vous recommande de suivre la majorité de la commission et d’accepter cet amendement, comme lors du premier débat.
J’interviens en réponse à nos deux collègues qui viennent de s’exprimer, mais sans refaire le débat. A nouveau, je vous renvoie à l’article 23 de la Loi sur la santé publique (LSP). Je voulais surtout remercier notre collègue Céline Baux pour son amendement plein de sagesse, qui sera soutenu par le groupe Ensemble à Gauche et POP.
J’interviens après ma collègue Céline Baux, ce qui vous montre que, dans notre parti, nous avons la liberté d’avoir des avis divergents, en particulier sur ce point. Je pense que la lettre c est importante, cela sur cinq points. Il s’agit premièrement de la protection des jeunes en développement. A mes yeux, cela vise surtout et dans un premier temps à protéger les jeunes qui sont encore en phase de développement personnel. Il est important de s’assurer qu’ils aient suffisamment de temps et de soutien pour explorer leur identité de genre avant de prendre des décisions potentiellement irréversibles. Deuxièmement, il s’agit du respect du droit individuel : la lettre c ne cherche pas à restreindre des droits, mais à garantir que les décisions prises soient bien informées et réfléchies. Mon troisième point concerne l’importance de l’accompagnement professionnel, que l’on tendrait parfois à oublier ; le rôle des professionnels est crucial pour fournir un soutien adéquat et des informations objectives. Le quatrième point concerne la réduction des pressions extérieures. A contrario de ce que disait ma collègue Baux, avec cette lettre c, on encourage plutôt la réflexion personnelle et ainsi on aide à réduire les influences extérieures qui pourraient pousser une personne à prendre une décision qui ne lui correspondrait pas vraiment, ce qui permet aussi de s’assurer que les choix sont authentiques et surtout personnels. Et cinquièmement, il s’agit d’encourager un processus réfléchi. En effet, plutôt que retarder indûment les décisions, la lettre C promeut un processus qui permet de prendre des décisions éclairées. Par conséquent, au total, je vous encourage à maintenir la lettre c qui n’est rien d’autre qu’un garde-fou.
Tout comme le groupe UDC, nous avons aussi une liberté de parole et de prise de position, dans notre groupe. Personnellement, je vais refuser cette lettre c, après avoir discuté avec des spécialistes de la consultation au CHUV déjà citée qui sont opposés à cette modification du projet de loi. Il a été rappelé que les démarches sont longues. Les spécialistes qui sont approchés par ces jeunes prennent toutes les mesures de prudence nécessaires pour être bien sûrs que les démarches sont faites en toute conscience. Les personnes qui appartiennent aux associations qui ont des contacts avec les personnes concernées sont également opposées à cette modification et proposent d’en rester à la proposition du Conseil d’Etat. Ainsi donc, des personnes directement concernées qui côtoient les personnes en question pensent que les informations qui se trouvent déjà dans la LSP – et surtout qui sont mises en pratique par le corps médical – sont tout à fait suffisantes pour prendre toutes les précautions nécessaires.
Concernant les témoignages qu’on a pu lire dans les journaux sur des personnes qui regrettaient d’avoir fait ces démarches, c’est malheureux pour elles et nous en sommes désolés. Mais il aurait été intéressant d’avoir aussi les témoignages de toutes les personnes dont cela a changé la vie, et qui ont attendu très longtemps de pouvoir le faire. Cela a été rappelé par Mme Céline Baux dont je salue à mon tour le témoignage. J’invite celles et ceux qui seraient encore indécis à refuser cet amendement et à revenir au projet du Conseil d’Etat.
A mon tour et également au nom des Vertes et des Verts, je remercie Mme Baux pour le dépôt de son amendement et pour sa prise de parole très touchante. Le groupe des Vertes et Verts sera constant, c’est-à-dire qu’il maintiendra la même position qu’au premier débat. Pour toutes les raisons déjà très bien évoquées, il vous invite à refuser la lettre c et à en rester au texte proposé par le Conseil d’Etat.
Tous ceux qui ont élevé des enfants – comme chacun d’entre nous qui avons été jeunes – sont conscients que l’adolescence est une période où l’on a soif d’expériences. C’est le rôle responsable des parents que d’inviter leur descendance à la prudence et à la réflexion, surtout pour des actes irréversibles. Ce sont peut-être les premières décisions, mais aussi les plus importantes qu’un jeune peut prendre dans toute sa vie. Pour moi, il est indispensable que la loi m’affranchisse.
Après un premier débat-fleuve durant lequel nous avons déjà abondamment causé de cette question, je ne recommencerai pas la discussion aujourd’hui. J’ai retenu du premier débat que Mme la conseillère d’Etat a expliqué la pratique existant dans le canton de Vaud, dans laquelle le temps de la réflexion est la norme. Par conséquent, l’amendement déposé en premier débat n’a pas d’utilité. Mme Baux vient d’expliquer de manière très claire pourquoi il faut revenir au texte du Conseil d’Etat et je la remercie d’avoir déposé cet amendement que notre groupe soutiendra.
Je m’exprime en mon nom personnel pour dire que la loi proposée par le Conseil d’Etat garantit déjà les précautions nécessaires, tout en évitant de stigmatiser un groupe particulier. Il s’agit maintenant d’accepter la liberté individuelle, tout en soulignant que cet amendement ne fait que créer des doublons. L’espace-temps existe, puisque l’accès à une hormonothérapie, en Suisse, est de deux ans. Ce laps de temps donne largement le temps de la réflexion et permet d’accompagner les personnes concernées dans leur questionnement. Il fait intégralement partie des procédures pour les soins de base selon les standards internationaux suivis par les professionnels de santé. Je souhaite remercier Mme Céline Baux pour ses mots touchants et je soutiendrai son amendement.
Je vous invite à confirmer votre décision du premier débat et à maintenir l’amendement de la commission qui ne demande que prudence et réflexion. Par la même occasion, je vous invite à refuser l’amendement proposé aujourd’hui par Mme Baux.
Tout d’abord, je remercie Mme Baux pour ses propos et son amendement que je soutiens. Je répète que cet article est un doublon inutile de la lettre b amendée. Il me semble nécessaire de rappeler qu’aujourd’hui nous votons sur l’interdiction des thérapies de conversion et non pas sur les modalités permettant une réassignation de genre. Toutefois, il semble tout de même nécessaire d’aborder cette question et de mentionner encore une fois qu’en Suisse, il faut deux ans pour accéder à un traitement hormonal. La pratique et la loi actuelle permettent déjà un espace-temps qui permet aux personnes concernées d’expérimenter leur genre sans intervention médicale et de se questionner sur leur identité, avant d’opter pour une thérapie hormonale. Le principe de précaution est donc déjà garanti. Quant au consentement libre éclairé, c’est une obligation légale mentionnée à l’article 3.23 de la LSP. Ainsi, la lettre c affaiblit cet article pour une population particulière et particulièrement fragile, et donne un message négatif aux personnes concernées en les estimant moins aptes à s’autodéterminer que l’ensemble de la population qui doit choisir des soins médicaux dans d’autres circonstances, y compris les mineurs. Je vous remercie donc d’accepter l’amendement de Mme Baux.
L’amendement Céline Baux est adopté par 75 voix contre 54 et 7 abstentions.
Je demande le vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est soutenue par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l’amendement Céline Baux (suppression de la lettre c) votent oui, celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Céline Baux est accepté par 75 voix contre 55 et 6 abstentions.
*introduire vote nominal
L’article 71a, amendé, est accepté par 98 voix contre 24 et 14 abstentions.
L’article 2, formule d’exécution, est accepté.
Le projet de loi est adopté en deuxième débat.
Le troisième débat interviendra ultérieurement.