22_LEG_239 - Exposé des motifs et projet de décret visant à exercer le droit d'initiative du canton auprès de l'Assemblée fédérale en l'invitant à entreprendre dans les meilleurs délais toutes les démarches en faveur de la réintégration de la Suisse au programme de recherche de l'UE afin que les chercheuses et les chercheurs suisses soient à nouveau pleinement associés à Horizon Europe et préavis du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'initiative Sonya Butera et consorts (22_INI_2) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 29 août 2023, point 35 de l'ordre du jour
Documents
- Texte adopté par CE - EMPD droit d'initiative du canton et préavis du CE au GC sur initiative Sonya Butera et consorts - publié
- RC-(22_LEG_239)-Y. Glayre
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission s’est réunie le 14 mars 2023 en présence de M. le conseiller d’Etat Frédéric Borloz. En préambule, je rappelle que le Grand Conseil a accepté à une large majorité – avec quelques oppositions – la prise en considération immédiate de l’initiative et que le Conseil d’Etat émet un préavis positif sur l’opportunité de transmettre cette initiative à l’Assemblée fédérale.
Quelques mots sur le contexte : depuis l’échec de l’accord-cadre, la Suisse a été reléguée au rang de pays tiers non associé au sein du programme Horizon Europe et les chercheurs suisses sont exclus de certains appels à projets. Les conséquences sont donc une perte de financement et une perte de qualité du réseau de recherche.
L’initiante se déclare particulièrement satisfaite du fait que le Conseil d’Etat ait maintenu une position claire dans les différentes réponses sur ce même sujet. La Confédération met en avant les accords de coopération scientifique et de recherche avec les Etats-Unis, le Canada, la Grande-Bretagne ou l’Australie, mais M. le conseiller d’Etat a rappelé que développer ce réseau prendrait des années. La discussion générale a soulevé certains éléments. La Grande-Bretagne, malgré le Brexit, aura à nouveau un accès complet au programme de recherche Horizon Europe, dont la Suisse reste exclue. Cette intégration est de bon augure pour la Suisse. Cela dit, les conditions de cette réintégration restent floues. Il est rappelé qu’à l’heure actuelle, pour ouvrir les discussions, l’Union européenne demande préalablement que la Suisse s’engage à reconnaître la Cour de justice de l’Union européenne comme instance suprême, ce qui rend la reprise des négociations quasi impossible.
Lors du vote, l’entrée en matière, les articles et le projet de décret en vote final ont été acceptés à l’unanimité des membres de la commission.
La discussion est ouverte.
Des petites et moyennes entreprises délocalisent déjà. Des professeurs, des chercheuses et chercheurs hésitent ou parfois renoncent à des postes en Suisse dans la recherche, selon la directrice des affaires fédérales et universitaires à la Direction générale de l’enseignement supérieur. Ce sont des informations évidemment inquiétantes. Ce n’est pas seulement l’accès à des fonds européens qui est en cause, mais bien des réseaux de chercheuses et chercheurs sur tout le continent que la Suisse perd. La Suisse perd ainsi de son attrait ; elle a déjà perdu la coordination ou la conduite de projets internationaux de recherche.
Il est important que plusieurs cantons déposent en parallèle une initiative à l’Assemblée fédérale. C’est déjà le cas de Genève, de Bâle-Ville, de Bâle-Campagne et de Fribourg qui l’a fait l’an dernier. Il est important que notre canton se joigne à ces différentes interventions pour peser sur l’Assemblée fédérale. C’est notre soutien que nous témoignons à l’Université, à l’Ecole polytechnique et aux Hautes Ecoles Spécialisées, notamment celles sises sur notre territoire.
Il faut le dire, le statut de pays tiers que nous avons maintenant face à Horizon Europe exclut des industries, des petites et moyennes entreprises et même des jeunes pousses. Entre 2014 et 2020, c’est plus de 1 milliard d’euros qui ont été versés à des entreprises et à de hautes écoles romandes. Il s’agit d’un montant de 42 % de l’ensemble des financements européens attribués à la Suisse. Nous avons donc eu notre rôle à jouer dans la recherche et l’innovation de ce continent et il importe de pouvoir retrouver la place de notre pays. A cette fin, nous devons faire pression sur les autorités fédérales. Nous vous demandons de soutenir le rapport unanime de la Commission thématique des affaires extérieures.
Je déclare mes intérêts : j’ai longtemps participé, lors de ma carrière académique, à des projets du style du programme Horizon. Ce sont effectivement des projets très intéressants qui permettent d’avancer dans une logique technologique, mais aussi de constituer un réseau professionnel. Néanmoins, je voudrais tout même remettre ce qui s’est passé dans le cadre de la dynamique de cette problématique : nous sommes ici face à une mesure de rétorsion d’une entité politique – la Communauté européenne – par rapport à un pays souverain qui est la Suisse. On peut s’interroger sur la manière dont tout cela est arrivé. Certains nous disent que c’est normal de céder maintenant à la pression. Mesdames et Messieurs, il faut s’interroger sur la valeur de notre souveraineté. Seriez-vous d’accord que la Berne fédérale nous explique que si l’on veut que Berne continue à financer l’EPFL, nous devions par exemple arrêter de donner un subside aux gens qui payent trop d’assurance-maladie. Nous sommes ici dans une logique un peu similaire. Je ne remets pas en question le fait qu’il faut essayer de trouver un accord avec l’Union européenne, mais je pense qu’un accord à tout prix serait très dangereux, eu égard à la valeur fondamentale qui est celle d’un pays indépendant et neutre – et qui veut le rester. Dans une logique de mesure, je crois qu’il faut aussi tenir compte de cet aspect-là, tout en espérant que nous pourrons trouver un accord avec l’Union européenne.
La Suisse est considérée comme un pays tiers non associé en ce qui concerne Horizon Europe et les programmes-cadres et initiatives qui y sont liés, tels que le programme Euratom ou encore le programme pour une Europe numérique. En outre, l’Union européenne ne considère momentanément plus la Suisse comme un Etat participant à la construction d’ITER, un projet très ambitieux au niveau de l’énergie de demain. Le Conseil fédéral a décidé que tous les projets collaboratifs qui avaient reçu une évaluation positive en 2022 seront financés de manière transitoire par le Secrétariat d’Etat à la formation, à la recherche et à l’innovation (SEFRI). Il est à noter qu’un soutien supplémentaire par l’intermédiaire du SEFRI a été accordé dans les domaines du calcul à haute performance et de la recherche quantique, mais il n’est plus possible pour des chercheurs et chercheuses provenant d’un pays tiers non associé comme la Suisse d’émarger à des projets individuels européens. Il s’agit notamment des appels individuels du Conseil européen de la recherche, des postdoctoral fellowships, des projets actions et/ou des bourses comme celle de Marie Curie, ainsi qu’à l’accélérateur du Conseil européen de l’innovation.
Ainsi, l’exclusion de la Suisse du programme Horizon Europe est un frein à la mobilité académique et au transfert de connaissances pour les jeunes scientifiques suisses, mais aussi à l’attractivité des postes et des projets au sein des hautes écoles et instituts de recherche suisses. Cela a également pour conséquence son exclusion des grands programmes sur l’énergie de demain et l’Europe numérique. Aussi, je ne peux que recommander au Grand Conseil, comme l’a fait la commission, d’entrer en matière sur ce projet de décret.
Je soutiens bien sûr ce décret, mais j’aimerais signaler que si la Suisse devenait membre de l’Espace économique européen (EEE), elle intégrerait automatiquement le projet Horizon Europe. Cette proposition, qui pour le moment n’est défendue que par le parti vert’libéral suisse – je précise que je ne suis pas candidat aux élections nationales – pourrait être reprise par d’autres partis. Cette adhésion serait simple – c’est un système qui existe déjà – plutôt que de devoir mener des négociations lourdes domaine par domaine. Je vous encourage donc à rejoindre ceux qui, avec sagesse, recommandent une adhésion de la Suisse à l’EEE.
Au vu de l’heure, je renonce à vous lire ce que j’avais écrit, mais je vais vous donner la position du parti socialiste. Évidemment, nous vous demandons de soutenir ce décret. Pour l’avenir de nos universités, pour l’avenir de notre recherche, je crois qu’il est important de nous montrer solidaires et de suivre les différents cantons qui ont aussi déposé ce type d’initiative. Il en va du bien de notre canton et de notre recherche.
Le groupe PLR soutiendra évidemment ce décret. Je pense qu’il est extrêmement important que nos chercheurs puissent être partie intégrante à Horizon Europe. Le PLR est évidemment favorable à cette initiative auprès des Chambres fédérales.
On ne répétera jamais assez l’importance du programme Horizon Europe et notre participation à ce type de programme. Lorsque j’étais à Berne, je me préoccupais déjà de cela. Avec quelques membres de la commission – dont je ne faisais pas partie – j’étais actif déjà sur cette question. Aujourd’hui, je le suis depuis mon entrée en fonction.
Au niveau des hautes écoles, nous analysons les répercussions négatives de cette non-participation. Nous voyons qu’elles sont croissantes et que s’y ajoutent encore des mesures qui nous inquiètent beaucoup, des mesures d’économie de la Confédération en faveur du FRI. Tout cela cumulé accentue la pression sur l’enseignement supérieur en Suisse, en Suisse romande et dans le canton de Vaud, en particulier avec l’EPFL et l’UNIL. Aujourd’hui, il reste deux ans à ce programme Horizon, mais il sera sans doute renouvelé. C’est le plus grand programme de recherche du monde, avec ses quelque 95 milliards. J’espère que, d’ici ce renouvellement, de l’eau aura coulé sous les ponts – l’eau de la diplomatie, l’eau du contact et l’eau de la réconciliation – et que nous aurons de bonnes chances de participer au prochain programme.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Le projet de décret est adopté en premier débat à l'unanimité.
Le deuxième débat aura lieu ultérieurement.