23_RES_23 - Résolution Loïc Bardet et consorts au nom Groupes PLR et UDC - Gestion du loup : Le train est là, il faut le prendre (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 28 novembre 2023, point 13 de l'ordre du jour

Texte déposé

Le 1er novembre dernier, le Conseil fédéral a adopté une révision de l’Ordonnance sur la chasse mettant en œuvre la révision récente de la Loi autorisant dorénavant la régulation préventive des loups. Le nouveau cadre légal définit 5 grandes régions pour lesquelles un nombre minimal de meutes est défini. Lorsque cette valeur seuil est dépassée, les cantons peuvent demander à l’OFEV l’autorisation d’éliminer complètement une meute problématique, pour autant que certaines conditions soient remplies. Le canton de Vaud est divisé entre deux grandes régions : le Jura pour sa partie Ouest et Nord (2 meutes minimum) et l’Ouest des Alpes pour l’Est vaudois (3 meutes minimum).

La Loi sur la chasse prévoit cette possibilité de régulation préventive entre le 1er septembre et le 31 janvier uniquement. C’est la raison pour laquelle le Conseil fédéral a adopté une procédure provisoire urgente permettant de prendre des mesures cette hiver déjà en vue de la saison 2024. Il a ainsi pris en compte la réalité du terrain montrant un développement rapide de la présence des loups sur le territoire national et des dégâts sur les animaux de rente qui en découlent. Le rapport explicatif du Conseil fédéral précise ainsi que « en 2020, la Suisse comptait 11 meutes et un peu plus de 100 loups. Cette population a augmenté pour atteindre 15 meutes en 2021, puis 26 à la fin 2022. Actuellement, les meutes observées sont au nombre de 32 pour environ 300 loups. Parallèlement, le nombre d’attaques subies par les animaux de rente s’accroît : il était de 446 en 2019 et de 1480 en 2022. »

Si le Gouvernement suisse a pris la mesure de la situation et de la nécessité de diminuer notamment la pression sur les activités agricoles, la balle est dorénavant dans le camp des cantons. Ces derniers jours, on a pu lire que les Grisons avaient déposés une demande de régulation complète pour 4 meutes présentes sur leur territoire ainsi que pour la régulation partielle de deux autres meutes. De son côté, le Valais souhaite réguler sept meutes réparties sur tout le canton. Vu le défi que représente cette action et la brièveté de la période concernée, du 1er décembre 2023 au 31 janvier 2024, tous deux souhaitent s’adjoindre un soutien extérieur en recrutant parmi les chasseurs pour épauler leurs gardes-faune.

Pendant ce temps, le Canton de Vaud a décidé de temporiser comme nous l’avons malheureusement découvert dans la presse. Ceci est incompréhensible lorsque l’on sait que le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité a régulièrement répondu à diverses interventions parlementaires, ainsi qu’aux demandes des milieux de l’élevage, que nous étions dans une période transitoire et qu’il fallait attendre que le cadre légal fédéral évolue. Celui-ci est dorénavant adopté et le Canton de Vaud ne peut donc plus se réfugier derrière un soi-disant cadre fédéral trop strict.

De ce fait, nous souhaitons que le Conseil d’Etat prenne immédiatement les mesures suivantes :

  • Demander à l’OFEV l’autorisation de réguler préventivement les meutes problématiques du Jura vaudois du 1er décembre 2023 au 31 janvier 2024 ;
  • Dégager au mieux le temps nécessaire au sein du corps de gardiennage afin d’assurer le succès de cette régulation. Ceci signifie que, si nécessaire, les deux agents engagés spécifiquement pour la surveillance du loup dans le cadre du plan loup 2023 pourront être épaulés par les 10 surveillants permanents de la faune mais également par des volontaires parmi les quelques 80 surveillants auxiliaires de la faune.

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Laurence CretegnyPLR
Laurence BassinPLR
Fabrice TannerUDC
Stéphane JordanUDC
Grégory BovayPLR
Nicolas BolayUDC
Patrick SimoninPLR
Florence GrossPLR
Regula ZellwegerPLR
Nicole RapinPLR
Guy GaudardPLR
Céline BauxUDC
Jean-François ThuillardUDC
Cédric WeissertUDC
Chantal Weidmann YennyPLR
Daniel RuchPLR
Marc MorandiPLR
Jean-Luc BezençonPLR
Sylvain FreymondUDC
Maurice GayPLR
Sergei AschwandenPLR
Maurice NeyroudPLR
Georges ZündPLR
Olivier PetermannPLR
Denis DumartherayUDC
Aliette Rey-MarionUDC
Anne-Lise RimePLR
Jean-Franco PaillardPLR
John DesmeulesPLR
Thierry SchneiterPLR
Yvan PahudUDC
Jean-Daniel CarrardPLR
Carole DuboisPLR
Josephine Byrne GarelliPLR
Charles MonodPLR

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Loïc Bardet (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis le directeur de la faîtière des organisations agricoles romandes et je viens de la première région de plaine qui a été concernée par le retour du loup. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de nombreuses fois du loup, dans cet hémicycle ; je ne reviendrai donc pas sur les détails, surtout que nous en avons discuté il y a deux mois, à l'occasion de la résolution José Durussel qui avait été adoptée par 69 voix contre 45. Depuis lors, le Conseil fédéral a adopté la nouvelle ordonnance sur la chasse qui permet aux cantons de demander la possibilité de réguler préventivement des meutes complètes, et ce, du 1er décembre au 31 janvier. Quatre cantons en Suisse en ont fait la demande : le Valais, les Grisons, Saint-Gall et le Tessin.

Cette possibilité n'est pas une possibilité de liquidation sans condition. En effet, il faut justifier la demande : pour prévenir des dégâts aux animaux de rente, il faut au moins une attaque sur les troupeaux protégés durant l'année écoulée ; pour prévenir un danger pour l'homme ou pour prévenir une baisse excessive des populations d'ongulés sauvages. La preuve que cette justification est nécessaire est que le canton du Tessin s'est vu refuser, par l'Office fédéral de l'environnement, sa demande de régulation d'une meute.

Image projetée annexe*

Comme vous le voyez sur cette carte, le canton de Vaud est concerné par trois meutes, qui sont toutes situées dans le Jura vaudois et qui sont également les trois meutes qui sont réparties sur l'ensemble de la région du Jura – qui va du canton de Genève jusqu'au canton d'Argovie. Parmi ces trois meutes, deux ont occasionné des dégâts durant les douze derniers mois : la meute du Mont-Tendre et la meute du Risoux. La région du Jura a une valeur seuil qui a été établie à deux meutes, ce qui signifie qu'il serait possible de réguler complètement une meute, voire de réguler sur la deuxième meute – on pourrait imaginer qu'on régule complètement la meute du Mont-Tendre et qu’on régule en partie la meute du Risoux, en prélevant deux tiers des jeunes de l'année. Malheureusement, le canton de Vaud n'a pas fait usage de cette possibilité. On nous a annoncé aujourd’hui que la demande faite il y a deux semaines de pouvoir prélever le mâle dominant du Mont-Tendre a été validée. Malheureusement, cette demande est à notre avis insuffisante pour diminuer la pression sur l'élevage bovin et ovin dans la région du Jura vaudois. C'est pourquoi je vous remercie de faire bon accueil à cette résolution.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je déclare mes intérêts : je suis secrétaire général de l'association Pro Natura Vaud. J'aimerais rappeler un vote qui a eu lieu en septembre 2020 : la population suisse et vaudoise a eu l'opportunité, via un référendum, de se prononcer sur la question des tirs sur les espèces protégées, et tout particulièrement sur le loup. Les assouplissements prévus ont été refusés ; et dans notre canton plus de 60 % des Vaudoises et des Vaudois étaient opposés à toute loi moins restrictive sur les tirs de régulation des espèces protégées. Force est de constater qu'on a fait peu de cas de cela, avec les modifications de cette ordonnance fédérale. Personne ne nie le problème de cohabitation entre grands prédateurs et agriculture de montagne ; c’est un problème qui crée stress et souffrance chez les éleveurs et les éleveuses ; c’est un problème qui mérite d'être traité sérieusement, y compris par des tirs de régulation quand cela est nécessaire – et j'insiste sur le « nécessaire ».

Or, c'est précisément ce qui est en train d'être fait, avec des mesures de protection des troupeaux qui ont été mises en place un peu partout. Ces mesures commencent à porter leurs fruits et les chiffres parlent d'eux-mêmes, puisqu'en comparaison avec la saison d'estivage 2022, il y a eu près de 30 % de moins de bêtes tuées par les attaques de loups en 2023, à l'échelle suisse, avec une pointe de moins 40 % dans les Grisons, et ce, malgré un contexte où le nombre de loups est en forte augmentation. Cela n'a pas été le fruit de tirs massifs ou le fruit du hasard, mais est dû aux mesures de protection des troupeaux qui commencent à porter leurs fruits. J'insiste là-dessus : on voit que ces politiques de protection commencent à fonctionner. Il y a quelques jours, on lisait que les tests avec des colliers aux phéromones de loups sont très prometteurs. Il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives, mais force est de constater que les résultats sont encourageants et que les efforts méritent d'être soutenus. Les mesures de protection des troupeaux méritent d'être poursuivies, soutenues et renforcées, parce que les chiffres parlent d'eux-mêmes.

Nos ancêtres avaient, il y a quelques siècles de cela, exterminé les loups dans nos contrées. Est-ce pour autant un exemple à suivre ? Pas tant que cela, aurais-je envie de vous dire, parce qu’ils ne disposaient pas des moyens que nous avons aujourd'hui pour lutter efficacement contre les attaques de grands prédateurs, que ce soient les clôtures électrifiées, les colliers aux phéromones ou toutes les technologies qui nous permettent aujourd'hui de protéger efficacement les troupeaux – bien plus efficacement d'ailleurs que les tirs de régulation. On risque fort, avec cette politique de la gâchette facile, de faire plus de mal que de bien aux troupeaux. En déstructurant les meutes, en augmentant le nombre de loups isolés, on augmente aussi le risque d'attaque. Vous en conviendrez : c’est exactement le contraire du but qui est poursuivi.

Dans ce Parlement, on aime bien invoquer le bon sens, qui devrait guider nos décisions. Or, c'est justement une question de bon sens que de refuser d'appliquer aveuglément une ordonnance qui tient plus de l'idéologie que de l'efficacité scientifique. Il y a bien entendu un aspect presque un peu philosophique là derrière, celui qui voudrait que l'humain puisse cohabiter avec le reste du vivant sans l'exterminer dès qu'un problème surgit. Il y a un aspect scientifique également, puisqu'on connaît l'importance des grands prédateurs pour les écosystèmes, et notamment la régénération des forêts, et que les lois les plus basiques du vivant nous indiquent qu'une croissance exponentielle d'une population animale n'est pas possible sur le long terme. Le nombre de loups va rapidement se stabiliser, avec ou sans tir de régulation, tout simplement parce qu'il n'y aura pas assez d'espace et de nourriture à disposition pour davantage de loups. Mais il y a surtout une question de pragmatisme et de bon sens à avoir. Le pragmatisme veut qu'on choisisse les mesures réellement efficaces pour protéger au mieux les troupeaux et permettre à l'agriculture de montagne de poursuivre son indispensable rôle dans les meilleures conditions. Alors, s'il vous plaît, ne nous laissons pas guider par l'idéologie et une envie de vengeance, mais gardons la tête froide et poursuivons avec une politique équilibrée qui donne les moyens adéquats aux éleveurs pour protéger leurs troupeaux ; ne recourons aux tirs que quand cela est strictement nécessaire. C'est d'ailleurs ce qu'a demandé le peuple vaudois fin 2020.

M. Pierre-François Mottier (PLR) —

Je déclare mes intérêts : je suis président de la Société vaudoise d'économie alpestre et, aujourd'hui, je pense qu'on est quand même très déçus. Je remercie en premier notre collègue Loïc Bardet pour cette résolution. Je pense qu'elle est importante et je vous invite vraiment à la suivre. La déception des gens qui travaillent dans les alpages et de nos agriculteurs de montagne vient du fait que… Monsieur le conseiller d'Etat, vous avez été à plusieurs reprises dans les alpages ; on a pu se confronter et discuter et c’est tout à votre honneur. Vous avez ainsi vu ce qu’il se passait et c'est très bien. Votre discours était très clair : à un moment donné, il fallait attendre que les directives viennent de Berne, parce que le canton de Vaud ne pouvait pas se prononcer tout seul et que cela devait venir de la Confédération. Aujourd'hui, ces directives sont arrivées et qu'est-ce qu'on voit ? Un rétropédalage de votre part ; vous annoncez dans la presse que la cohabitation sera probablement une des manières les plus certaines – c'est ce qui a été écrit dans le 24heures il y a quelques semaines – que l’on va essayer de cohabiter d'une manière encore plus approfondie. Il faut être très clair : on s'est tous rendu compte dans les milieux ruraux qu'on n'allait pas pouvoir éradiquer complètement le loup. Cela a été dit et je crois que l'on a compris qu'on devra cohabiter avec ce grand prédateur. Mais le seul moyen aujourd'hui, c'est de faire du prélèvement un peu plus sensible et de prendre des meutes complètes. C'est le seul moyen de réguler cet animal, qui devra finalement avoir un peu plus peur de nous. Aujourd'hui, il n'a plus peur de nous et cela pose un gros problème.

A ce stade, j'espère que vous aurez le bon sens de mandater des chasseurs pour prélever des meutes ; on ne peut pas les prélever un par un, sinon on va repartir avec exactement les mêmes problèmes, dès l’été 2024. Et même si on fait du prélèvement, il faudra continuer de faire de la prévention. Des chaînes de protection seront nécessaires ; des sociétés comme l’organisation pour la protection des alpages (OPPAL), qui ont pas mal aidé les agriculteurs, seront également nécessaires. Or tout cela a un coût : on parle d'un loup qui coûte environ 45’000 francs par année pour les dédommagements qu'il entraîne et pour l'entretien qu'il demande. Les gens doivent savoir que cela représente près de 13 millions d’impôts, au niveau de la Suisse. Cela me paraît quand même important. Aujourd'hui, on doit prendre des mesures plus drastiques pour réguler cette affaire. Alors, je vous demande de suivre la résolution de notre collègue Bardet, afin qu’on puisse prendre des mesures et effectuer des prélèvements qui soient un peu plus que de l'homéopathie.

M. Denis Corboz (SOC) —

Depuis les années 2000, c'était le lynx qui était la proie de toutes les peurs ; on craignait des attaques sur les humains. Dans les années 80, j'étais enfant, et c'était le renard qui était craint : s'il souffrait de la rage, il pouvait devenir, semble-t-il, agressif et attaquer des humains. Aujourd'hui, suite à la réapparition du loup, depuis quelques années, c'est lui qui nous inquiète, tout du moins une partie de la population et évidemment les agriculteurs. Il y a près de 60’000 loups en Amérique du Nord et 15’000 en Europe, qui se partagent un espace avec des centaines de millions de personnes. En 20 ans, on a recensé 14 attaques, dont deux pertes humaines. Le risque d'attaque du loup est donc très bas. Le risque n'est pas nul, mais en rapport avec le nombre de loups en circulation, il est très faible.

Le loup fait peur et fascine. Il est sauvage, il colporte des mythes et des légendes – par exemple, dans les contes pour enfants, la grand-mère du petit chaperon rouge se fait dévorer. Mais le loup est une réalité : il inquiète et fait souffrir de nombreux agriculteurs et agricultrices de ce canton, car il représente une menace pour le troupeau et leur activité économique. Le Conseil fédéral aimerait éradiquer 60 % des loups du pays et autoriser le tir de meute entière. Au regard des connaissances de la science, il est absurde – et j'insiste sur le mot « absurde » – de vouloir éradiquer 60 % des loups du pays. D'une part, les loups ne connaissent pas de frontières. Tirer une meute, c'est créer de la place pour d'autres loups de pays limitrophes – la France, l'Italie. D'autre part, la régulation est compliquée ; le risque est réel de tirer le mauvais loup, c'est-à-dire de tuer le mâle ou la femelle alpha d'une meute. Tuer un mâle alpha ou une femelle alpha a pour conséquence de casser la meute en deux et d'augmenter la surface des territoires occupés par le loup. C'est éliminer un individu d'un groupe social ; cela déstabilise la meute et disperse de jeunes loups qui iront coloniser de nouvelles régions. La France en fait la cruelle expérience : à chaque tir sur un mâle ou une femelle alpha, la meute se disloque et gagne de nouveaux territoires.

Les scientifiques – avec un certain recul, puisque cela fait plus d'une vingtaine d'années que le loup est étudié – signalent que les meutes de loups ont un fonctionnement très particulier. Elles ne contiennent qu'un seul mâle reproducteur et une seule femelle reproductrice et les autres membres de la meute ne se reproduisent pas. Chaque meute érige un territoire d'environ 200 km. Aucune autre meute ne déborde sur le territoire des autres. Quand un mâle alpha est tué, un autre mâle prend sa place et la concurrence peut déstructurer les meutes.

En mars 2022, un mâle en couple qui ne posait aucun problème a été tiré et a été remplacé par un autre qui, lui, pose des problèmes. Des tirs mal réalisés peuvent dégénérer en une situation qui était pourtant stable. Ce que disent les scientifiques, et notamment la Fondation Jean-Marc Landry, c'est qu'il faut du temps pour comprendre le fonctionnement d'une meute. Il faut laisser les meutes se structurer, car les changements permanents sèment le chaos. Par exemple, pour la meute du Marchairuz, la Fondation Landry arrive à la suivre, à deviner et à comprendre son passage. Tandis que suivre la meute du Mont-Tendre est beaucoup plus compliqué, car celle-ci tâtonne et cherche son territoire. Plus de 20 ans d'analyses scientifiques et documentées l'affirment : une meute implantée est moins dangereuse qu'une meute décimée.

Alors je vous propose de laisser le Valais, les Grisons ou le Tessin exterminer leurs meutes et observons ensemble les résultats – certainement une augmentation des loups et des attaques sur les troupeaux. Cependant, la régulation est possible, mais sur des loups solitaires qui font des déprédations. C'est exactement ce qu'essaie de faire le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité depuis plus d'une année, quand un loup solitaire crée des dégâts et attaque des troupeaux. Je comprends aussi la volonté portée par le député Bardet : aider les agricultrices et les agriculteurs de ce canton à protéger leurs troupeaux lors des estivages. Pour en avoir discuté avec quelques députés agriculteurs de ce plénum, certains le disent : il va bien falloir vivre avec le loup.

Les mesures de protection déjà mises en place portent leurs fruits : 30 % d'attaques de loups en moins cette année, alors que le loup n'a jamais été aussi présent en Suisse. Pour éviter que la situation ne dégénère et rende la vie des éleveuses et des éleveurs encore plus pénible, je vous recommande de ne pas soutenir cette résolution et de continuer à soutenir la politique menée par le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité, soit de procéder à des tirs de régulation sur des loups solitaires qui provoquent des dégâts.

M. Sylvain Freymond (UDC) —

La situation n'est plus du tout sous contrôle dans notre canton. Après de nombreuses attaques, surtout dans le Jura vaudois cet été, ces gentils petits loups inoffensifs massacrent et terrorisent maintenant les troupeaux en plaine. Ils sont observés à proximité des localités. Les animaux qui ont subi des attaques sont nerveux et le nombre d'avortements et de blessures augmente sans cesse dans les troupeaux. Il semble que le canton de Vaud soit le seul des cantons qui n'arrive pas à comptabiliser le nombre de loups et de meutes qui vivent sur son territoire. L'excuse de dire que c'est compliqué, étant donné que certaines meutes ont leur territoire qui chevauche un autre canton ou la France, n'est pas sérieuse. Les cantons des Grisons et du Valais, qui sont dans la même situation géographique, ont pris des mesures depuis longtemps et vont pouvoir réguler ces prédateurs dès la semaine prochaine. L'annonce du tir d'un animal, à ce jour, est un affront et un manque de respect pour le monde agricole. Le canton de Vaud se doit de prendre des mesures supplémentaires très rapidement. J'ai oublié d'annoncer mes intérêts : je suis agriculteur à Montricher, au pied du Mont-Tendre.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Il y a un constat unanime quand on parle du loup : le débat est vif, émotionnel, il polarise et il divise. Au sein du groupe Ensemble à Gauche et POP, différentes sensibilités existent aussi sur le sujet, puisque si certaines s'opposent à tout tir de loup, d'autres soutiennent des mesures de régulation ciblées – j'insiste sur le terme « ciblées », ce qui n'est pas l'objet de la résolution d'aujourd'hui. Nous avons conscience des problèmes et de la pression vécus par les milieux agricoles avec la présence du loup et les attaques sur les troupeaux. Ce n'est jamais une partie de plaisir que de retrouver ces bêtes mutilées ou mangées et les enjeux ne sont pas uniquement financiers. Alors, dans ce contexte, certains posent comme solution d'éliminer les individus de manière drastique ; il faudrait faire disparaître le loup de certains territoires et continuer dans l'illusion, voire l'utopie que nous pouvons et devons donc tout maîtriser. C'est dans cette direction que s'inscrit cette résolution, puisqu’elle demande d'éliminer une meute entière et une partie d'une autre meute – et ce n'est que le début.

Notre groupe ne peut donc pas se ranger derrière cette solution simple, dangereuse et qu'on sait aussi inefficace. Nous ne soutiendrons donc pas cette résolution. En revanche, on constate que les débats récurrents sur le sujet ont permis de faire avancer les connaissances et les collaborations entre politiques, groupes d'intérêts de protection de l'environnement, personnes sur le terrain et milieux agricoles pour esquisser d'autres mesures. Il y a des solutions qui existent, d'autres qui sont en devenir, avec comme objectif une cohabitation pacifique avec le loup. Nous soutenons fermement ces solutions. Nous sommes prêts à ce que l’Etat de Vaud débloque des moyens pour des mesures supplémentaires en faveur de cette cohabitation, qui permettent de tenir les loups éloignés des troupeaux, mais qui permettent aussi de soutenir et d’accompagner les agriculteurs et agricultrices qui sont sous pression, d'indemniser les animaux touchés avec des critères qui tiennent compte des réalités du terrain. Nous tenons aussi à saluer le travail et les positions du Conseil d'Etat qui sont défendues sur le sujet et qui sont en cours actuellement. Nous vous invitons donc à ne pas soutenir cette résolution.

M. Jerome De Benedictis (V'L) —

Cet énième débat sur le loup accouchera une nouvelle fois d'une résolution dont la portée n'aura aucun effet, car elle ne sera même pas soutenue par la moitié de notre plénum. Celles et ceux qui croient que cette problématique – et c'en est une, mais dont les clés sont entre les mains de la Confédération et de notre Conseil d'Etat – se résoudra par des résolutions chaque semaine se trompent. L'efficience que nous attendons de l'administration, le Grand Conseil doit être le premier à la rechercher. Si notre groupe reste partagé sur cette thématique, c'est unanimement qu'il s'abstiendra lors de ce vote et sur toutes les autres résolutions du même acabit, tant leur forme et leur portée sont inutiles.

M. Loïc Bardet (PLR) —

On nous ressort souvent le résultat du vote populaire de 2020. Alors, certes, cette année-là, le peuple suisse avait refusé par 51,9 % des voix la révision de la Loi sur la chasse. Une des raisons pour laquelle le peuple l'avait refusée était notamment qu'à l'époque, la modification de la loi permettait aux cantons de directement donner les autorisations de tir. Cette critique a été écoutée et a abouti à la nouvelle modification de la Loi sur la chasse adoptée à la fin de l'année 2022, et pour laquelle un référendum a été lancé, mais ce référendum n'a pas abouti. Il est donc faux de dire que la volonté populaire n'est pas respectée, avec cette modification de la loi.

Image projetée annexe* (idem précédente)

Concernant les prédations, vous pouvez voir les statistiques finalisées jusqu'à la fin de l'année 2022. Dès lors, on voit qu'il y a, quasiment en continu, une augmentation des prédations sur les animaux de rente. Il est possible qu'on ait une légère diminution en 2023, mais pour le moment, ces statistiques ne sont pas encore finalisées et officielles. Surtout, une stabilisation des prédations est rassurante, car la Confédération a mis environ 10 millions pour les mesures de protection, sur l'année 2023. Vous avez certainement vu que, dans le budget de l'Etat de Vaud, pour l'an prochain, le canton prévoit pour environ 800’000 francs de mesures de protection. Dès lors, tout ceci a un coût !

Il y a aussi de plus en plus d'autorisations de tir qui ont eu lieu et qui expliquent aussi une baisse des prédations. Par exemple, aux Grisons, on a pu voir que le fait d'avoir prélevé le mâle dominant de la meute de Beverin avait fortement diminué la pression dans cette région.

Enfin, pour répondre à M. Mocchi qui dit qu'il va bientôt y avoir une stabilisation du nombre de meutes dans le pays, je vous lis un passage issu du site du KORA, qui s'occupe de l'observation des populations de loups : « Il y a la possibilité, sur l’ensemble du territoire suisse, d'avoir entre 50 et 100 meutes » ; avec 30 meutes actuellement, on est loin du plafond.

Mme Martine Gerber (VER) —

Mesures de régulation préventive, ne pas avoir peur ni du loup ni de la complexité : en tant que paysanne et éleveuse, permettez-moi aussi de prendre la parole – et par là même, je déclare mes intérêts. Maintenir et soutenir le pastoralisme à long terme dans le canton de Vaud, et en particulier dans le Jura vaudois, est une volonté partagée par toutes et tous. Le canton, en collaboration avec le KORA et d'autres organisations, suit l'évolution du loup sur l'ensemble de son territoire et réalise un monitoring intensif du loup, dans le Jura vaudois notamment. Affirmer la nécessité d'activer les différents piliers du plan d'action Loup Vaud 2023, en particulier la régulation, la protection des troupeaux et l'étude du comportement, est primordial. Par exemple, étudier et observer comment créer les conditions pour que le loup s'attaque moins aux animaux de rente qu'aux gibiers en forêt est de notre compétence. Ces travaux d'études méritent toute notre attention. Nous encourageons du reste le Conseil d'Etat à mettre en place et favoriser, dès que possible, des débats et autres événements publics à ce sujet afin que la population acquière des connaissances sur ce grand prédateur et sur son mode de vie et puisse forger une opinion basée sur des expériences de terrain, mais aussi sur des études scientifiques étayées et rassurantes.

Suite à l'adoption, le 1er novembre dernier, de la révision de l'ordonnance sur la chasse par le Conseil fédéral, la régulation préventive des meutes de loups est dès à présent autorisée. Je tiens à préciser que la régulation préventive n'est pas contraignante et ne peut se faire qu'à certaines conditions. Elle n'est qu'une possibilité d'intervention sans aucune preuve de succès. En nous considérant concurrents du loup dans un même espace et pour un bout de viande convoité, nous devrions faire preuve de plus de sagacité pour comprendre les stratégies de notre prétendu adversaire. La régulation préventive n'est pas une solution durable et elle est risquée : risque de destruction d'une meute renforçant les problèmes de cohabitation, risque d'agir sur les symptômes en méconnaissance de cause et de reporter le problème vers les générations futures, risque encore de passer à côté d'une opportunité de concevoir enfin l'environnement naturel comme un partenaire plutôt que comme un adversaire. La perte de la biodiversité et les problèmes d'écologie en général devraient nous alarmer sur notre rapport au vivant, sur le partage des ressources et nous orienter vers de nouvelles approches agricoles inclusives. L'histoire de l'agriculture regorge d'exemples démontrant les limites d'une approche de domination de la nature. De paysans et paysannes, nous sommes devenus exploitants et exploitantes ; d'autonomes, nous sommes devenus assujettis – je force le trait, bien sûr.

Nos terres s'appauvrissent sous la pression de la productivité et du consumérisme. Les alpages sont très convoités eux aussi. Mais il est encore temps d'admettre que ce grand prédateur n'est pas « méchant », il est intelligent et libre, comme nous, somme toute. Il est encore temps – et le cadre légal nous y autorise – de ne pas avoir peur, de prendre du recul et de prendre nos responsabilités. Transmettre la complexité de la situation, éviter des messages nourrissant la peur et la haine est de notre devoir. Notre agriculture est en souffrance ; le loup n'est pas responsable, il n'est que l'aiguille dans une botte de foin. Évitons les pièges de la pensée manichéenne, résistons à la pensée magique. Il est simpliste de désigner le loup comme bouc émissaire des problèmes agro-sociétaux. Le défi est de taille certes, mais consacrons-nous à trouver des solutions constructives et durables. Le Plan loup est en place, les moyens et la volonté de comprendre, d'agir existent. Certes, le monde de l'élevage doit s'adapter et ce n'est pas simple, mais des défis autrement plus complexes nous attendent pour nous maintenir en équilibre sur cette terre.

Le loup reste et doit rester un animal protégé. Des paysannes et des paysans y tiennent et, contrairement aux apparences, la voix du monde agricole n'est pas unanime à ce sujet. Nous pouvons défendre notre place, notre nourriture, défendre notre territoire et notre progéniture au besoin. Qu'à cela ne tienne, aujourd'hui faisons-le avec responsabilité, intelligence et sensibilité. Acceptons courageusement le défi de la cohabitation et, sans naïveté ni angélisme, repoussons avec détermination les tentatives simplistes, hâtives et à court terme de régulation préventive du loup dans notre canton.  

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Nous avons eu beaucoup de prises de parole qui appuient le danger des tirs de loups à grande échelle. Cela crée la déstructuration de la meute et de son organisation, la déstructuration de la connaissance et de la maîtrise de la meute, qui est essentielle, afin de prévenir des dégâts. Il est donc essentiel de soutenir un travail de longue haleine de maîtrise de ces meutes que permettent d'autres mesures comme l'effarouchement ou le tir ciblé en cas d'individus très perturbateurs. Or, les meutes déstructurées, qui seront des conséquences des tirs préventifs que vous proposez, vont créer des loups solitaires qui vont davantage se tourner vers les animaux de rente ; la situation va donc empirer, alors qu'on pourrait se concentrer sur la connaissance des meutes, sur la protection des troupeaux. Il est aussi démontré que les territoires qui seront laissés vacants vont être recolonisés par d'autres loups en provenance de cantons ou de pays voisins. Cela générera une situation encore plus hors de contrôle. Est-ce que vous voulez vraiment nous proposer de faire empirer la situation ? L'abattage d'un mâle sur le Mont-Tendre avait eu de nombreuses conséquences délétères dues à la déstructuration de la meute. Vaud a abattu, ce mois de septembre, deux louveteaux mâles et veut abattre le mâle reproducteur sur le Mont-Tendre. Cela laisse supposer qu’il y aura de faibles reproductions en 2024 sur le Mont-Tendre. Est-ce que cela n'est pas suffisant, pour le moment, en connaissance des risques élevés de l'abattage à grande échelle ?

Les organisations environnementales ont rappelé les rôles essentiels de la présence du loup – qui doit être effectivement maîtrisée et modérée – comme régulateur naturel des populations de chevreuils, de cerfs, de sangliers, soit comme aide aux forestiers ou aux agriculteurs. Les dégâts peuvent et doivent être réduits ; en 2023, ils ont diminué à l'échelle nationale de 30 % d'attaques de loups en moins. Ils sont restés stables dans le canton de Vaud. Mais pour les réduire, il faut écouter le monde scientifique et les gens du terrain, parce qu'ils ne sont pas unanimes comme l'a rappelé Martine Gerber. Recourir à l'observation, à la pratique, à la science pour permettre des solutions concrètes comme l'effarouchement, mais aussi l'accompagnement économique, social, psychologique des éleveurs. Il est plus facile d'attiser une peur irrationnelle du loup que de s'occuper des vrais problèmes des agriculteurs, comme leur situation économique et sociale qui est liée à bien d'autres raisons – ne serait-ce que celles des marges de la grande distribution, par exemple.

Le loup a été qualifié par ma collègue Gerber d'aiguille dans une botte de foin. C'est aussi la pointe visible de l'iceberg des problématiques agricoles. Des paysans et paysannes, ailleurs, pas loin de chez nous – dans les Abruzzes par exemple – font autrement ; cela veut dire que c'est possible. Autre argument pour rejeter cette résolution : les risques d'erreurs majeures du personnel non-garde-faune officiel vu qu'il y a déjà eu de nombreuses erreurs par les garde-faune eux-mêmes ; elles ont eu pour effet de créer de potentielles problématiques sur les meutes vu qu'on ne maîtrise pas l'individu qui est tiré. Il y a eu des erreurs de tir, ce qui déstructure encore plus les meutes et empire la situation pour les personnes qui sont concernées. Finalement, vous citez le Valais ; mais rappelons que l'Office fédéral de l’environnement (OFEV) n'a pas encore validé le nombre ou la manière pour le Valais. Bref, il est temps de laisser travailler le Département de la jeunesse, de l’environnement et de la sécurité avec ses mesures, de tester d'autres méthodes face à la tentative de simplification que vous proposez, mais qui aura pour effet de dangereux risques de déstructuration des meutes et de faire empirer la situation.

M. José Durussel (UDC) —

Monsieur Mocchi, depuis les votations en 2020, la situation a quand même changé. Il y a une augmentation exponentielle de ces animaux qui prennent vraiment de la place. Monsieur Corboz, vous avez cité quelques chiffres, mais vous avez surtout oublié un chiffre important : le Canada, les Balkans ou la Russie, par exemple, ont des surfaces tout de même un peu plus importantes que notre Jura vaudois.

Concernant les patous, il en faut absolument, ils font bien ce travail. Mais le loup étant assez malin, lorsqu'ils sont deux ou trois ils occupent le patou, et le cheptel est ensuite attaqué de la même façon. Il n'y a pas si longtemps, j’ai discuté avec un éleveur jurassien qui a des patous. Il m'a expliqué que, dans sa région, il voyait auparavant beaucoup d'animaux de la forêt, mais que depuis que ses patous tournent autour de sa ferme et dans ses pâturages, ces animaux ont disparu ; et l'hiver, avoir des patous est très compliqué. Lorsqu'ils sont à la ferme, ils aboient souvent ; ce sont des animaux, alors ils « gueulent » dès qu’un chat passe – excusez-moi du terme – et cela dérange le voisinage. Cela entraîne d'autres problèmes.

Madame Marendaz, il est sûr que les scientifiques sont très présents dans cette affaire, ou du moins ils essaient de l’être, mais il y a quelques mois, à la Vallée de Joux, ils ont été très surpris de voir une deuxième meute apparaître, alors que tous les agriculteurs l'avaient repérée depuis bien longtemps. Dès lors, j’émets un doute sur cette cause scientifique.

Avec le manque de réaction des départements concernés et du gouvernement, il est inévitable que ce sujet revienne régulièrement à l'ordre du jour de nos séances. Dans trois jours, nos chers voisins valaisans vont passer à l'action, ainsi que les Grisons. Et nous, les Vaudois, pendant ce temps, que faisons-nous ? Nous allons attendre que ces scientifiques, éthologues ou biologistes présentent leur rapport sur l'éventualité d'une future cohabitation entre les loups et les bovins ou ovins. Certes, on a reçu un communiqué tout à l'heure nous disant que le M351 sera abattu très prochainement – cela fait plaisir à entendre – mais je pense que M. le conseiller d'Etat et tous mes collègues présents ici savent très bien que, dans le règne animal, un géniteur dominant est très vite remplacé s'il est éliminé. Monsieur le conseiller d’Etat, on peut admettre qu'une certaine pression est mise sur votre chemin, mais vous devez bien reconnaître que les pro-loups sont beaucoup plus menaçants que les éleveurs qui subissent des dégâts sur leur troupeau. La patience a des limites et il ne faut pas attendre que certains essaient de se faire justice eux-mêmes lors des attaques ; cela pourrait provoquer de regrettables accidents. En 2023, est-il acceptable que des éleveurs ou des bergers, durant l'été, aient recours à des aumôniers pour leur venir en aide ? C'est scandaleux ! Aujourd'hui, monsieur le conseiller d'Etat, quelle autre profession accepterait des contraintes aussi méprisantes pour leur travail ?

M. Andreas Wüthrich (V'L) —

Je m'adresse ici aux pro-loups pour leur dire que je le suis aussi, comme je suis un pro-vers de terre, un pro-coccinelles, un pro-lièvres et même un pro-doryphores. Ces derniers sont de beaux insectes dont la larve se nourrit spécifiquement des feuilles de pommes de terre et qui n'ont pas de sérieux prédateurs. Mais en tant que cultivateur de pommes de terre, je dois les réguler pour sauver les récoltes. Réguler ne veut pas dire exterminer ! C'est la même chose avec le loup. Le loup, comme le sanglier, prolifère grâce aux activités humaines – l'agriculture et l'élevage. Et comme les deux n'ont pas de prédateurs considérables, c'est à l'être humain de les réguler. Comme le disait il y a une dizaine d’années un écologiste français bien connu, José Bové, le loup n'a pas besoin d'être protégé.

M. Fabrice Moscheni (UDC) —

Je déclare mes intérêts : je n'ai pas d'animaux de rente, je suis un citadin ; je ne comprends rien aux loups et je laisse cela aux personnes qui connaissent ce prédateur. Je voulais faire part de l'impression que me donne ce débat. Je constate que, d'un côté, il y a des gens qui sont directement en prise avec cet animal, qui en subissent les conséquences, qui travaillent dans le domaine de l'élevage d'animaux de rente et qui, pour travailler aujourd'hui, font face à de gros problèmes avec cet animal. De l'autre côté, j'entends des gens qui sont plutôt d'une logique intellectuelle, assis à leur bureau en regardant des PowerPoint, et qui donnent des injonctions aux premiers pour leur dire de s'adapter, mais qui, eux, ne vont pas s'abaisser à aller vivre de l'élevage d'animaux de rente. Personnellement, je fais plutôt confiance à ceux qui s'y connaissent un peu et qui sont confrontés à la réalité du prédateur qu'est le loup. Tous les jours, ils sont confrontés, dans le cadre de leur travail, à ce que ce loup fait. Dès lors, je vous invite à suivre les gens qui connaissent la situation et donc à soutenir la résolution de M. Bardet.

Mme Florence Gross (PLR) —

Quand on nous rappelle aujourd'hui de respecter la votation fédérale, j'ose rappeler les débats de la semaine dernière concernant l'âge de la retraite des femmes, dont les mêmes personnes nous demandaient le contraire.

Aujourd'hui, nous ne remettons pas en question la présence du loup, mais nous craignons son fort développement qui est totalement hors de maîtrise. Les conséquences ont été formulées et j'en ai une vision peut-être encore plus forte. En effet, des espèces domestiques ou sauvages qui, par leur activité de pâture, entretiennent des zones, ne viennent plus à cause du loup ; ces zones étaient pourtant entretenues par ces animaux. Ces zones ne seront donc plus favorables à des espèces sauvages ou à des espèces de pâture. On vit donc un complet décalage avec des conséquences fortes sur notre paysage et sur notre environnement. Aujourd'hui, le fait que ces animaux n'aient plus ces activités de pâture est un réel danger pour la biodiversité de notre canton. J'ose le dire : le loup fait partie de l'extermination de la biodiversité. Je vous invite donc à soutenir cette résolution.

Mme Elodie Lopez (EP) —

Je voudrais seulement remettre l'église au milieu du village, après l'analyse de M. Moscheni, qui dit qu’il y aurait d'un côté les intellectuels citadins sans expérience du terrain qui se positionnent et, de l'autre, les agriculteurs et agricultrices qui connaissent très bien le terrain. Je n'ai pas l'impression que ce soit vraiment ainsi. Des deux côtés de l'hémicycle, il y a des personnes issues du terrain, des agriculteurs et agricultrices qui se sont exprimés, ainsi des gens qui relayent une position du terrain qui n’est pas représentée au Grand Conseil, la position de gens qui ne sont pas assis sur les sièges de ce Parlement, mais qui sont relayés par les différentes prises de position qui ont été entendues.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

C’est un débat passionné, avec beaucoup de postures, beaucoup de déclarations. Chacun fait appel au bon sens pour justifier sa position et son propos. Pour rappel, le bon sens, c'est le sentiment de ce qui est raisonnable. C'est sur cette base que le Conseil d'Etat a construit sa politique de gestion du loup, portée par les deux départements de Mme Dittli et de moi-même. Nous portons cette stratégie loup sur la base de l'ancien droit. Cette stratégie loup va évidemment être mise en œuvre à l'aune de la nouvelle ordonnance ; c'est évident.

Dans ce débat, il est important d'en rester aux faits et je reviendrai sur certains d’entre eux. Tout d'abord, concernant le nombre de prédations, 62 morts sont à répertorier en 2022, entre la période du 1er janvier et du 15 novembre ; en 2023, il s’agit de 79 morts. On observe donc une augmentation des prédations. Concernant la localisation de ces prédations, on observe effectivement, monsieur Humbert, un déplacement de ces prédations du côté du pied du Jura. La majorité des prédations sont le fait de M351, le géniteur de la meute du Mont-Tendre. Ce géniteur a fait l'objet, ce matin, d'une décision de tir.

La récente modification de l'ordonnance a suscité passablement de questions et d'interrogations. Dans le cadre de la consultation – cela m'a été reproché – mon département a interpellé monsieur Roesti et la Confédération sur certains éléments qui méritaient d'être clarifiés. Je vais vous expliquer maintenant pourquoi c'était une bonne idée d'insister sur la nécessité de clarifier certains éléments, notamment sur la question de comment comptabiliser les meutes. L’OFEV, dans le cadre d'une séance qui a eu lieu le 10 novembre 2023, a rappelé comment compter ces meutes qui sont à cheval sur deux pays. Nous avons deux meutes qui sont à cheval sur deux pays : la meute de Jougne et la meute du Risoux. Or, ces meutes doivent être comptabilisées comme une demi-meute. Cela confirme la critique qui avait été formulée sur l'approche arithmétique de la gestion du loup. On a donc des demi-meutes sur le territoire cantonal et des meutes complètes – deux meutes complètes : celle du Marchairuz et celle du Mont-Tendre. Nous avons donc ces deux meutes dans le compartiment du Jura, ce compartiment qui va de Genève au canton d'Argovie. Ce à quoi s'ajoutent les deux demi-meutes du Risoux et de Jougne. Cela fait donc trois meutes et une régulation préventive est dès lors autorisée.

En revanche, la Confédération est très claire sur un élément : le nombre de meutes minimal est à garantir en tout temps dans chacun des compartiments, sans tenir compte des meutes transfrontalières. Cela veut dire que si nous voulons exterminer une meute, nous devons cibler une meute transfrontalière et non pas une meute qui est à 100 % sur le territoire vaudois. Il serait donc possible d'éliminer la meute du Risoux. Pour rappel, il y a une demande de régulation pendante sur deux louveteaux de la meute du Risoux. Il n’est pas possible de réguler celle de Jougne, car elle n'a pas causé de dégâts. La mise en œuvre d'une telle décision sur la meute du Risoux serait extrêmement compliquée à mener en raison du comportement transfrontalier de la meute, qui mène des attaques à la fois sur le territoire suisse et sur le territoire français.

La résolution porte sur deux points : mettre en œuvre la possibilité de tir préventif et l'engagement d'auxiliaires de garde-faune. Tout d'abord, concernant le tir préventif, à ce stade des informations reçues par l'OFEV, il n'est pas possible d'éliminer une meute indigène – par exemple, celle du Mont-Tendre ou celle du Marchairuz, qui sont deux meutes indigènes. Nous avions donc deux voies possibles de régulation, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle ordonnance. Premièrement, éliminer complètement la meute du Risoux – je rappelle qu'il y a une demande de tir pour deux louveteaux qui est déjà en cours. Mais prévoir des tirs sur une meute qui a un environnement transfrontalier est une action relativement complexe. C'est la première option.

La deuxième option est de réguler partiellement la meute du Mont-Tendre qui a occasionné l'écrasante majorité des dégâts ces dernières années, notamment cette année, en visant prioritairement M351. C'est cette deuxième option que nous avons privilégiée.

Comme je vous l'ai indiqué le 14 novembre dernier, le canton a donc demandé la possibilité d'effectuer ce tir et nous avons reçu la décision de l'OFEV. Pour cette raison, la décision de tir a été confirmée ce matin. Cette même demande de tir – c'est important de le rappeler, puisqu'on semble dire qu'il y a du rétropédalage, du revirement de la part du chef de département sur ce dossier – sur M351 avait déjà été formulée par mon département il y a quelques mois. Toutefois, dans le cadre de l'ancien droit, ce n'était pas possible ; c'est une des évolutions autorisées par ce nouveau droit. C'est pour cette raison que je rappelle, monsieur Mottier – qui ne m'écoute pas, mais ce n'est pas grave – dans le cadre des différents échanges que nous avons pu avoir avec les éleveurs, qu'il fallait attendre le nouveau droit pour pouvoir faire évoluer les tirs de régulation. Avec le nouveau droit, nous pouvons réguler M351, qui est à l'origine de la plupart des attaques.

Avec cette décision de tir sur M351, nous exploitons toute la marge de manœuvre offerte par l'ordonnance en matière de tir de régulation. Nous ne pouvons pas faire plus en vertu de l'ordonnance telle qu'elle est interprétée par les juristes de l'OFEV aujourd'hui. Dès lors, au vœu des signataires de la résolution de demander à l'OFEV l'autorisation de réguler les meutes problématiques, la réponse est sans équivoque : oui ! D'ailleurs, cela a déjà été fait, puisqu'une décision a été prise ce matin. Concernant le tir préventif et la nécessité de tout mettre en œuvre pour réguler une meute, la réponse du Conseil d'Etat est oui, et d'ailleurs, on l'a déjà fait.

Concernant les auxiliaires de faune, il convient de rappeler que l'Etat de Vaud a engagé deux agents techniques spécialisés sur la thématique du loup, qui sont entrés en fonction respectivement le 1er septembre et le 1er novembre. Leur mission comporte évidemment toutes les actions relatives à la gestion du loup ; ils sont opérationnels. S'agissant des tirs de régulation qui peuvent être effectués dans le canton entre le 1er décembre et fin janvier, il convient de rappeler que la comparaison qui est faite par certains avec les cantons du Valais et des Grisons n'est pas pertinente. Dans le canton de Vaud, il s'agit de tirer un individu, M351, qui est à l'origine de la majorité des dégâts, et de le faire de nuit, puisque ce loup sort et va chasser de nuit, alors que dans les autres cantons, il s'agit de régulation de plusieurs meutes. Dans le canton du Valais, il peut être pertinent, vu le nombre de meutes que l'on va réguler, de faire appel aux auxiliaires de chasse, mais dans le canton de Vaud, on peut s'interroger.

Pour la régulation de M351, il s'agira de procéder à un tir extrêmement délicat, extrêmement technique et difficile, qui comporte un certain risque d'erreur. Je rappelle d'ailleurs qu'il y a eu une erreur, il y a quelques mois, puisque c'est le mâle géniteur de la meute du Marchairuz qui avait été tiré, alors que c'était un louveteau qui était visé. A cette période de la saison, il est difficile de différencier le mâle géniteur des louveteaux, de jeunes adultes, qui ont déjà une morphologie imposante. Dès lors, le risque d'erreur est réel. La formation à l'expertise des personnes qui sont habilitées à procéder à de tels tirs est donc centrale et très importante. J'en veux pour preuve que, dans l'ordonnance de classement prononcé par le Ministère public suite à l'instruction ouverte après l'erreur de tir sur la meute du Marchairuz, la question de la formation du garde-faune a été centrale dans l'appréciation du procureur. Il est clair que les garde-faune ont une formation que les auxiliaires n'ont pas, même si une formation ad hoc est prévue. Aujourd'hui, les auxiliaires de chasse jouent un rôle essentiel et très important dans le monitoring et la gestion du loup. Le Conseil d'Etat, le département, et la Direction générale de l’environnement s'appuient sur les auxiliaires de chasse pour le monitoring, pour observer le comportement des meutes, pour compter les différentes meutes. Il est essentiel de pouvoir s'appuyer sur eux ; ce sont des acteurs essentiels pour l'ensemble du système. Je note que, dans la proposition de la résolution, il est mentionné de faire appel aux auxiliaires si nécessaire. A l'heure actuelle, compte tenu des trois décisions de tir qui sont pendantes, il n'est pas nécessaire de faire appel aux auxiliaires de chasse, mais je prends note du souhait du député Bardet. Je rappelle que les auxiliaires de chasse, aujourd'hui déjà, sont intégrés dans la gestion du loup et ont un rôle important à jouer, notamment sur les questions de monitoring.

Pour conclure, je tiens à rappeler que la stratégie du Conseil d'Etat vise la coexistence entre le loup et l'humain. La stratégie vaudoise s'appuie d'ailleurs sur trois piliers : le tir de régulation, la protection des troupeaux, et les dédommagements. Plusieurs mesures sont déployées : le monitoring, les mesures de protection, le développement et la systématisation des mesures d’effarouchements, l'indemnisation et le soutien des éleveurs, le renforcement de la police de la faune et nature et les réflexions sur l'évolution de l'économie alpestre. Ce sont les axes de la stratégie loup qui va faire l'objet d'une mise à jour à l'aune de la nouvelle ordonnance. Le canton applique la nouvelle ordonnance – il a d'ailleurs toujours dit qu'il allait le faire, car je sens encore un doute sur la volonté du Conseil d'Etat et de mon département d'appliquer la nouvelle ordonnance. Ce n'est pas parce que, dans le cadre d'une consultation, on émet des critiques sur des éléments qui nous semblent inadéquats ou qui ne sont pas clairs qu'on ne va pas appliquer les différentes ordonnances. C'est ce que l'on a fait ce matin avec ces décisions de tir. Avec ma collègue Dittli et l'ensemble du collège gouvernemental, nous agissons au quotidien avec la Direction générale d'environnement, avec la Direction générale de l'agriculture, pour permettre cette coexistence, tout en comprenant les difficultés rencontrées sur le terrain par les éleveurs, par les bergers, par les agriculteurs. Pour cette raison, il est essentiel d'avoir un débat dépassionné, de s'appuyer sur les faits, de s'appuyer sur les constats du terrain, mais aussi sur les faits scientifiques, de trouver les bons équilibres entre la régulation, la protection du troupeau. C'est sur cette voie que la stratégie du Conseil d'Etat s'inscrit et continuera à s'inscrire ces prochaines années.

M. Pierre-Alain Favrod (UDC) —

Il n'y a pas si longtemps, il y avait les élections au Conseil national, dont un parti avait pour slogan « Le courage d'agir », que je trouvais très bien. Je le vois aujourd'hui, pour certains, c'est plutôt « Courage, fuyons le débat ». Alors, je ne me demande plus qui a raison, mais je vous encourage à soutenir cette résolution.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

La résolution est adoptée par 68 voix contre 60 et 12 abstentions.

M. Alberto Mocchi (VER) —

Je demande le vote nominal.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.

Celles et ceux qui soutiennent la résolution votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, la résolution est adoptée par 68 voix contre 59 et 12 abstentions.

* Insérer vote nominal

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