Dossier d'exposition
Le festival suisse ou Festspiel
Le festival suisse ou Festspiel, tel qu'il s'est établi chez nous depuis la fête commémorative de la bataille de Sempach en 1886, présente les caractères généraux suivants : il est exécuté par le peuple, sans rétribution des acteurs; il fait partie intégrante d'une fête patriotique.
Dans la règle, et jusqu'à la fête de Morat en 1876, le cortège costumé, terminé quelquefois par l'exécution d'une cantate, fut la forme traditionnelle de la fête commémorative. Seule la fête des vignerons, à Vevey, d'antique tradition, s'est maintenue jusqu'à nos jours sous une forme dramatique de plus en plus grandiose. De même la commémoration de l'Escalade de Genève a conservé son originalité comme coutume populaire. Le passage du cortège historique au véritable festival eut lieu en 1886 lors des fêtes jubilaires de Sempach, pour lesquelles on n'avait d'abord prévu qu'un cortège avec cantate.
Les festivals historiques des années suivantes ont été ceux des fêtes du Petit-Bâle 1892, de Neuchâtel, du Rheintal saint-gallois et de Thurgovie, en 1898; de la bataille de Dornach (Soleure), de Calven (Coire), en 1899. Avec le temps, la musique prit toujours plus d'étendue et d'importance à côté de la composition poétique, en particulier dans les pièces historiques de Berne, de Neuchâtel et de Coire. En 1901, trois cantons ont célébré par des festivals leur entrée dans la Confédération : Bâle, Zurich et Schaffhouse; Argovie et Vaud suivirent en 1903. Les Appenzellois commémorèrent de même en 1905 la bataille du Stoos. Les plus importants festivals des dernières années furent Die Bundesburg, joué à l'ouverture de l'exposition nationale de Berne en 1914; La Fête de juin, pour la commémoration de l'entrée de Genève dans la Confédération, 1914; et Die Schweizer au tir fédéral d'Aarau en 1924.
Extrait de : Dictionnaire historique et biographique de la Suisse, Neuchâtel, 1926, t. 3, pp. 96-98.
Le Centenaire vaudois : une double fête
Les Fêtes du Centenaire furent organisées pour marquer solennellement la création du canton de Vaud et son entrée dans la Confédération.
Ces fêtes furent organisées sur 2 périodes : fêtes d'avril et de juillet 1903
Le 14 avril 1903 : jour férié d'action de grâce, dit "Fête Vaudoise". Culte dans toutes les paroisses.
- Cantate du Centenaire" par Alexandre Dénéréaz et René chantée à la cathédrale et Cantique suisse
- Cortège populaire de toutes les sociétés lausannoises en ville de Lausanne
- Théâtre municipal, Le Peuple Vaudois d'Henri Warnery, musique de Gustave Doret
- Cérémonie patriotique dans toutes les communes du canton : plantation des arbres de la liberté
Avril et mai 1903 :
- La Dîme, jouée au Théâtre de Mézières qui engendrera la création du Théâtre du Jorat
- 17 avril 1903 : Fête Zofingienne à Lausanne
4-6 juillet 1903 :
- Festival Vaudois, paroles et musique d'Émile Jaques-Dalcroze, à Beaulieu en face des alpes, figuration réglée par l'acteur Firmin Gémier de Paris, décors de MM. Jusseaume (Paris) et Sabon (Genève), décors de Charles Vuillermet, Eugène Burnand
Le Festival fut organisé pour recevoir les autorités fédérales et cantonales confédérées
- 5 juillet 1903 : Cortège commémoratif dans les rues de Lausanne
Le Festival vaudois vu par un contemporain
Le Festival Vaudois ne se rattache à aucun des genres traditionnels. Ce n'est pas une pièce historique, ni un drame, ni un opéra. C'est une suite de scènes, de tableaux, d'évocations qui font revivre les époques disparues, plutôt qu'elles n'interprètent la succession des événements qui constituent l'histoire de notre pays. L'auteur a fait passer sous nos yeux la vigne et le vignoble, la période de Savoie, la période bernoise, la période révolutionnaire, l'alpe et le montagnard, pour conclure par un hymne vibrant à la Patrie suisse.
Appelé d'ailleurs à travailler en vue d'un énorme concours de spectateurs réunis en plein air, M. Émile Jaques-Dalcroze a dû recourir à toutes les ressources de la musique instrumentale et vocale, aux rondes, danses et ballets, aux cortèges, à une nombreuse et brillante figuration, à des décors considérables, pour qu'une foule aussi grande pût jouir du spectacle tout entier. Les chroniques, les mémoires, la tradition, l'histoire lui ont fourni les éléments de son festival; sa fantaisie de poète et son génie musical ont fait le reste.
Unies entres elles par les chants conducteurs du Chœur vaudois, les cinq parties du Festival nous ont fait revivre ainsi en quelques heures les grandes phases de notre vie nationale.
Arnold Bonard, officiel, introduction.
Le Festival vaudois en cinq actes
Les cinq actes du Festival Vaudois comprenaient les groupes suivants, recrutés dans les districts et les localités indiqués entre parenthèses :
Ier acte :
La Vigne. Prêtres (Ste-Croix); Laboureurs et femmes de laboureurs (Montreux); Jeunes filles (Vevey); Faunes et bacchantes (Lausanne); Effeuilleurs, effeuilleuses, porteurs d'attributs (district d'Aigle), Vendangeurs, vendangeuses, Tonneliers (district de Lavaux); Enfants du char de la vigne (Lausanne).
IIe acte :
Moudon (La Savoie). Seigneurs, dames, écuyers, pages, hommes d'armes, hommes de la maison de Savoie (Lausanne et canton); Délégués des communes : Moudon, Romont, Yverdon, Rue, Les Clées, Morges, Nyon, Morat, Payerne, Estavayer; La reine Berthe et sa suite (Payerne); Bourgeois et bourgeoises de Moudon (Broye, Orbe et Mézières); Garçons et filles de Cossonay (Cossonay); Fille de Payerne (Payerne); Fillettes du Madrigal (Ste-Croix), Bohémiens et Bohémiennes (Lausanne et Avenches); Marchands ambulants (Avenches et Oron); Soldats de Grandson (Grandson); Garçons et filles d'Yverdon et Orbe (Yverdon); Fifres et tambours (Lausanne); Sonneurs de trompe (La Vallée); Marmousets (Lausanne); Garçons de Moudon (Orbe et Vallorbe); Musique de scène, La Jurassienne, du Sentier.
IIIe acte :
Lausanne (La Réforme). Membres du Conseil académique; Escorte du bailli; Le Conseil de Lausanne; Escholiers et escholières de mai; Hommes du guet; Garçons et filles de mai; Vieux de mai; Bourgeois et bourgeoises; Petits Maïentzets; Petites Maïentzettes (Lausanne).
IVe acte :
Rolle (La Révolution). Messieurs de Lausanne (Lausanne); Rollois (Rolle et Mézières); Rolloises (Mézières); Jeunes filles de Nyon (Nyon); Vieux Grenadiers (Perroy-Allaman); Tireurs de Morges (Morges); Tireurs d'Aubonne (Aubonne); Tireurs de Nyon (Nyon); Tireurs de La Vallée (La Vallée); Gamins de Rolle (Lausanne); Musique de scène : Harmonie lausannoise.
Ve acte :
L'Alpe (La paix et la liberté). Fleurs des Alpes : Rhododendrons, Véroniques, Draves, Marguerites, Gentianes, Edelweiss, Violettes; Fraises des bois; Papillons; Nains de l'Alpe (Lausanne); Bergers (Pully, Echallens); Bergères, Groupe des 25 cantons et demi-cantons, Confédération et Cantons (Lausanne); Soldats de la République helvétique; Soldats des milices vaudoises (Lausanne et diverses localités du canton).
Outre la suite des scènes, de tableaux et d'évocations qui font revivre des époques disparues, le Festival vaudois se voulait l'expression de la trinité artistique grecque : poésie, musique, danse.
Les multiples expressions du Festival vaudois de 1903
Le Festival :
- favorise l'expression de l'art choral vaudois
- la communion populaire de l'art et du patriotisme
- l'éclosion du graphisme contemporain : affiches, publicités
- l'expression de la mise en scène originale
- le reflet de la photographie professionnelle et d'amateurs
- les manifestations des sociétés locales
Le Festival vaudois se voulait aussi un hymne au progrès au travers de la liberté par la démocratie, garant du bonheur individuel et collectif.
La sociabilité vaudoise se manifesta largement : les représentants des familles en vue tenaient des rôles historiques de premier plan.
"Les acteurs et figurants, recrutés dans tout le canton, firent preuve d'une telle compréhension de l'art, d'un sentiment artistique si développé que le peuple vaudois se montra dans ce spectacle sous un aspect nouveau et inattendu. Les spectateurs, tout à la fois charmés, émus et enthousiasmés, conserveront précieusement le souvenir de ces inoubliables journées".