Le vicus de Lousonna
Les fouilles anciennes (1900-1963)
Trois grandes campagnes de fouilles ont permis de dégager d’importantes surfaces de l’agglomération gallo-romaine. Les vestiges fouillés par Frédéric Gilliard de 1935 à 1939, puis ceux découverts lors de la construction de l'autoroute en 1960/61, ont livré une vision relativement détaillée de l’organisation du vicus à la fin du 1er siècle de notre ère. En 1962/63, des explorations menées dans l’urgence dans l’emprise de la future Exposition nationale ont par ailleurs occasionné la découverte d’une série de constructions à l’est du Flon, dans une zone dont on ignorait jusque là qu’elle était construite.
Les fouilles récentes (dès 1970)
Dans les années soixante-dix et quatre-vingt, de nouvelles interventions archéologiques ont permis de mieux comprendre le développement chronologique du site, son architecture et son urbanisme.
On mentionnera en particulier les fouilles menées entre 1972 à 1976 à l’emplacement de la future Promenade archéologique, au coeur de Lousonna, grâce auxquelles l’organisation du centre public de la ville est désormais connue.
Dans les années quatre-vingt, des investigations à la périphérie occidentale de Lousonna ont à leur tour apporté un éclairage nouveau sur l'histoire du vicus. Les premières constructions établies dans cette zone ont été faites plusieurs décennies après la partie centrale de la ville, attestant d’une croissance forte de la population tout au long du 1er siècle de notre ère.
De juin 1989 à septembre 1990, les vestiges d'un quartier gallo-romain particulièrement bien conservé ont été mis au jour à la route de "Chavannes 11", associés à un important mobilier. Sous les niveaux en relation avec l’agglomération romaine, une séquence pré- et protohistorique exceptionnelle a par ailleurs été découverte, s’étalant du Néolithique à la Tène finale.
De décembre 1998 à avril 2001, une vaste zone située sur la rive est du Flon a fait l’objet de plusieurs étapes de fouille successives, occasionnant la découverte exceptionnelle d’un théâtre romain. A côté de celui-ci, un quartier d’habitation semblable à ceux que l’on trouve de l’autre côté de la rivière a été partiellement fouillé.
Plus récemment encore, les vestiges les plus orientaux connus à ce jour ont été dégagés sous l’actuelle Maison du sport international, tandis que l’extension du siège du CIO, au Château de Vidy, a permis de mettre au jour des éléments des époques romaine et ultérieures.
Le Musée romain
En 1934, une spacieuse demeure romaine a été partiellement fouillée dans le cadre d’un programme d’occupation de chômeurs. Un pavillon a été aménagé dans l’élan afin de protéger les vestiges les plus marquants, une pièce dont les peintures étaient encore largement en place. Tout autour, des murs de cette domus antique, consolidés, étaient visibles dans les jardins du musée.
Quelques années plus tard, en 1941, deux ailes ont été accolées à ce "musée-pavillon", formant ainsi ce qui restera le Musée de Vidy pendant plus de quarante ans.
Devenu vétuste, l’édifice a été fermé en 1988, avant d’être rasé. En novembre 1993, un nouveau musée a été inauguré. Organisé sur trois étages, il intègre toujours les vestiges de la domus dégagés entre deux guerres – la chambre peinte, le puits, de même que les murs visibles à l’extérieur.
Autour d’une exposition permanente refaite à neuf il y a quelques années, le Musée propose un riche programme d’expositions temporaires et d’animations, auxquelles les visiteurs de tous âges font année après année un excellent accueil.
En 2011, le Musée romain va connaître une nouvelle étape de développement, puisqu’une annexe administrative va lui être adjointe, ce qui permettra de libérer des surfaces équivalentes pour les expositions et les animations dans le bâtiment actuel.
Pro Lousonna
Même si de grandes surfaces ont pu être dégagées, les conditions précaires dans lesquelles se sont déroulées les fouilles du début des années soixante ont amené quelques personnes à créer un organisme distinct de l'Association du Vieux-Lausanne, qui s'était jusque là chargée des fouilles.
Fondée en 1963, la nouvelle association "Pro Lousonna" s’est posé comme première mission « l'étude du passé gallo-romain de Lausanne et environs, et la conservation de tous les documents qui s'y rattachent » (Art. 1 des statuts de 1963). Par le soutien qu’elle apporte aux publications scientifiques en rapport avec l’antique Lausanne et de par son lien étroit avec le Musée romain de Lausanne-Vidy, dont elle soutient les activités – animations pour enfants, expositions –, l’association est depuis la gardienne du patrimoine antique régional.
Les fouilles de Vidy-Boulodrome
À partir de 2013, des campagnes estivales destinées à la formation des étudiants de l'Unil, organisées en étroite collaboration avec la Division archéologie, sont mises sur pied à l'ouest du Boulodrome dans le cadre du projet Métamorphose.
Les résultats de la première intervention indiquent que le secteur fouillé, situé à la périphérie occidentale du vicus, a été occupé à partir de 15/30 apr. J.-C. et abandonné à partir du milieu du 4e siècle apr. J.-C. On y observe le plan partiel de deux bâtiments accolés, flanqués par des portiques, et installés au carrefour de la rue principale (decumanus) du vicus de Lousonna et d’une voie nord-sud qui paraît marquer la limite occidentale de l’agglomération à cet endroit. Les vestiges d’activités domestiques et culinaires mis au jour permettent d’identifier ces deux unités comme des parcelles d’habitat, bien qu’une fonction de service (auberge) ne puisse être écartée.
Les caractéristiques architecturales (portiques), les dimensions (14 m x 30 m) et la disposition (maisons contiguës) de ces édifices montrent de grandes similarités avec les bâtiments identifiés au sud du decumanus lors de fouilles précédentes. Il s’en dégage l’impression d’une forte volonté de planification et de standardisation de l’urbanisme du secteur. S’ajoute à cela la pérennité du tracé général des façades et des rues lors des différentes phases de reconstruction, qui montre que le découpage parcellaire du quartier a été fixé dès les premières occupations, pour ne plus être modifié par la suite.
L’émergence de ce quartier périphérique témoigne aussi du décalage chronologique qui existe avec le centre du vicus, plus vieux d’un siècle. Au début du 3e s. apr. J.-C., on constate en revanche un dynamisme architectural plus important en périphérie qu’au centre. L’abandon d’un des bâtiments d’habitation à la fin du 3e siècle au profit d’une installation artisanale de production de poterie suggère une réduction de la surface de l’agglomération à partir de cette époque.
Le potentiel archéologique de cette parcelle est important pour la connaissance du développement des marges de l’agglomération de Lousonna. La campagne de l’été 2014 permettra d’explorer toute la largeur du deuxième bâtiment ainsi que les traces d’occupation les plus anciennes et apportera à n’en pas douter des éléments inédits.
On a à faire à deux maisons contiguës, bordées de portiques au sud et à l'ouest.
Les dimensions des pièces, la présence de foyers culinaires de grande taille, de très nombreux gobelets, ainsi que la position de la maison, à l'entrée ouest de l'agglomération, incitent à interpréter ces vestiges comme les restes d'un relais-auberge (mansio).
A la rubrique faits divers, il faut signaler la découverte macabre d'un squelette, trouvé dans un puits la tête en bas. L'homme a-t-il chuté accidentellement ou a-t-il été jeté dans ce puits, mort ou vif? L'enquête des archéologues le dira...
Complétant progressivement les connaissances sur ce quartier, les fouilles de 2015-2017 ont livré de grandes quantités de mobilier archéologique, témoins de la vie quotidienne dans ce quartier, le plus occidental du vicus, qui a été habité pendant plus de trois siècles.
Prés-de-Vidy: découverte de la nécropole principale de Lousonna
Dans le même contexte du projet Métamorphose, une fouille exploratoire a été mise sur pied en 2012 afin d'évaluer le potentiel archéologique de cet immense secteur. L'opération a révélé ce qui est sans doute la principale nécropole de l'agglomération romaine de Lousonna. Située à la périphérie occidentale du vicus, ce cimetière pourrait s’étendre sur un hectare et compter quelques 2000 tombes, voire plus, s’échelonnant entre le 1er et le 3e siècle de notre ère.
Certains défunts étaient inhumés, d’autres étaient incinérés sur un bûcher, leurs cendres étant ensuite déposées dans des urnes en verre ou céramique. Des offrandes tels que vases ou gobelets en céramique, bijoux et monnaies ont été découvertes dans les deux types de tombes.
L’endroit était déjà habité au Mésolithique, vers 8000 av. J.-C., comme l’attestent des minuscules objets en silex, pointes de flèches ou grattoirs par exemple, découverts dans une seconde étape de fouille encore plus minutieuse.