23_MOT_4 - Motion Hadrien Buclin et consorts - Candidates et candidats au Conseil d’Etat, un domicile fiscal obligatoire dans le canton !.

Séance du Grand Conseil du mercredi 13 décembre 2023, point 11 de l'ordre du jour

Texte déposé

Depuis le 1 juillet 2013, la Loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques (LEDP) limite le tourisme électoral en stipulant que tout candidat doit avoir son domicile politique dans la commune au moment du dépôt des listes. Cette modification de la LEDP est le résultat d’une intervention parlementaire déposée par l’ancien syndic d’Ormont-Dessus et ancien député, Philippe Grobéty. Cette intervention avait été déposée après qu’une élection tacite dans sa commune avait été empêchée par une candidature de dernière minute d’un citoyen, spécialiste du tourisme électoral, qui se présentait à des élections communales sans être domicilié dans la commune lors du dépôt de sa liste.

Les révélations autour de ce qu’on pourrait appeler le tourisme fiscal de la nouvelle conseillère d’Etat vaudoise aux Finances soulève notamment la question de savoir s’il ne faudrait pas exiger d’un·e candidat·e au gouvernement vaudois un domicile fiscal dans le canton au moins trois mois avant la date du dépôt des listes de candidature. En effet, tout·e candidat·e au Conseil d’Etat est susceptible d’être élu·e et, dans cette hypothèse, d’occuper éventuellement le poste de chef·fe des finances. Les élections de 2022 en sont la preuve. Or, il apparaît pour le moins problématique qu’une telle fonction soit remplie par une personne qui n’aurait pas, depuis un certain temps, son domicile fiscal dans le canton. Et cette question vaut du reste pour tous les membres du gouvernement. Car la fiscalité joue évidemment un rôle central dans toute la politique cantonale : les électeurs et électrices sont en droit d’attendre de leurs élus·es dans l’exécutif qu’ils·elles soient imposés comme eux, sans privilège, ni passe-droit.

La présente motion propose trois mois de domiciliation fiscale. Lors des débats en Commission ou devant notre parlement, il pourrait être envisagé même d’allonger ce délai.

Les député·es soussigné·es demandent en conséquence par voie de motion d’introduction d’une nouvelle disposition dans la LEDP, au chapitre III Election au Conseil d’Etat, dont la teneur serait la suivante :

Article 87

Al. 2 (nouveau) Une personne candidate ne peut être inscrite sur une liste que si elle a élu son domicile fiscal dans le canton de Vaud au plus tard trois mois avant l’échéance de dépôt des listes.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Céline MisiegoEP
Felix StürnerVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Alexandre RydloSOC
Aude BillardSOC
Yannick MauryVER
Mathilde MarendazEP
Nathalie JaccardVER
Kilian DugganVER
Joëlle MinacciEP
Elodie LopezEP
Muriel ThalmannSOC
Cendrine CachemailleSOC
Marc VuilleumierEP
Blaise VionnetV'L
Martine GerberVER
Nathalie VezVER
Valérie ZoncaVER
Cédric RotenSOC
Oriane SarrasinSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Théophile SchenkerVER
Alexandre DémétriadèsSOC
Valérie InduniSOC
Laurent BalsigerSOC
Yves PaccaudSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Michael Wyssa (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

Cette motion fait suite aux informations concernant la domiciliation fiscale de Mme la conseillère d’Etat, Valérie Dittli qui, peu avant son élection, était encore fiscalement domiciliée à Zoug. Le problème de la légalité d’une telle pratique a été tranché par une expertise indépendante. Dès lors, légalement, cette question ne se pose plus. Le motionnaire estime néanmoins que la question du cadre légal reste ouverte sur le plan politique et que les électrices et les électeurs sont en droit d’attendre que les personnes candidates partagent les règles de vie et de participation communes à la société vaudoise. Ainsi, l’assujettissement fiscal en fait partie, car l’impôt représente la solidarité et la contribution économique à la société. Il propose donc que cette question soit clarifiée trois mois avant le dépôt des listes.

Pour sa part, le Conseil d’Etat est réticent à cette motion pour plusieurs raisons. S’agissant du droit cantonal, la nouvelle Loi sur l’exercice des droits politiques (LEDP) contient déjà une règle de domicile à l’article 59 alinéa 7, soit qu’une personne candidate ne peut être inscrite sur une liste que si elle a élu domicile dans l’arrondissement ou le sous-arrondissement dans lequel elle se porte candidate à l’échéance du dépôt des listes. Dans le cas du Conseil d’Etat, l’arrondissement électoral est le canton. S’agissant du droit fédéral, le droit d’éligibilité est constitutionnel. Le droit d’être élu est ainsi un principe garanti de manière large et inconditionnelle, et la restriction d’un droit fondamental n’est possible qu’à certaines conditions, notamment si elle répond à un intérêt public. Or, il n’est pas évident de démontrer que la corrélation entre un domicile fiscal antérieur différent à celui du canton relève de l’inéligibilité, d’invoquer un intérêt public ainsi que de justifier la restriction de ce droit fondamental d’être élu au motif que la personne candidate viendrait de s’établir dans le canton et n’y a pas encore payé d’impôt. La mesure envisagée semble encore plus problématique sous l’angle de la proportionnalité. Il s’agit de s’assurer que les élus du peuple ne bénéficient d’aucun privilège. Rien ne permet d’argumenter que la domiciliation fiscale seulement, au moment du dépôt des listes, puisse apporter un privilège à une personne candidate et que, trois mois avant, cette situation serait différente. D’autre part, cette règle ne garantit en rien la probité du candidat sous l’angle fiscal.

Pour terminer, d’autres mesures, comme une certaine transparence sur la situation fiscale, seraient plus à même de garantir l’absence du privilège que l’interdiction de se présenter à l’élection. Mesure lourde en conséquence, car une interdiction à se porter candidat à une élection est une restriction grave à la garantie des droits politiques. La motion pose également des problèmes pratiques. Le bureau électoral n’est pas compétent pour déterminer le domicile fiscal d’une personne. Il devrait s’adresser à l’Administration cantonale des impôts (ACI) qui, elle-même, ne pourra fournir le renseignement que si le secret fiscal est levé. Cela pourrait mener à des situations inextricables avec des conditions d’éligibilité hétérogènes. Le Conseil d’Etat estime donc que cette motion est difficilement applicable sur le plan légal et n’y est par conséquent pas favorable. En commission, la discussion fut animée et les avis partagés. Voici les arguments de la majorité de la commission qui propose de classer cette motion.

Il s’agit d’une motion politique uniquement motivée par le cas de Mme Dittli. Il est d’ailleurs amusant de rappeler qu’une intervention ressemblante a été déposée il y a 27 ans par un député de droite qui visait un conseiller d’Etat de gauche : éternel recommencement au gré des situations politiques. L’instrument parlementaire est utilisé pour mettre en exergue des positions partisanes. Le Grand Conseil sort d’une révision complète de la LEDP, laquelle a introduit un délai de 8 semaines pour le dépôt des listes avant l’élection. La majorité est favorable à en rester à cette récente adaptation. Le délai fixé au jour du dépôt des listes permet également de trouver des candidats jusqu’à 8 semaines avant l’élection en cas de situation exceptionnelle. Sur la base des informations et des réponses qui sont fournies en toute intégrité par les candidats, certains députés relèvent qu’il incombe au peuple vaudois de décider et de sanctionner la personne. Fixer une règle générale sur la base de situations ponctuelles serait absurde. Au contraire, l’intérêt public prépondérant réside dans le principe que des personnes compétentes soient élues au Conseil d’Etat, des personnes qui de surcroît ont envie, voire le courage de mettre en parenthèse une bonne partie de leur vie privée à disposition de notre canton. La question de savoir si elles ont leur domicile fiscal dans le canton depuis 8, 5 ou 6 semaines, 24 mois, paraît peu pondérante par rapport à leurs autres qualités. Et, in fine, il reviendra à l’électeur ou à l’électrice de décider si la question est déterminante pour son choix de vote.

Enfin, la commission s’est encore posé la question suivante : quid d’une personne qui devient majeure dans les 3 mois avant le dépôt des listes ? Il est fort peu probable que cette situation se présente, mais il faut néanmoins déjà énoncer une liste de dérogations. Pour terminer, certains députés ont émis la crainte que ce projet d’adaptation légale finisse par s’étendre aux élections communales. Le motionnaire précise que sa volonté ne concerne que les élections cantonales.

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission vous invite à soutenir la prise en considération de cette motion pour les raisons suivantes. D’abord, elle estime que la question du domicile fiscal des candidats et candidats au Conseil d’Etat est une question politique. Fondamentalement, ces éléments ont été centraux dans le débat et dans les arguments de la majorité. La minorité estime que cette motion respecte les deux critères d’intérêt public et de proportionnalité. Pour quelles raisons ? D’abord, les électrices et électeurs sont en droit d’attendre des personnes candidates qu’elles partagent des règles de vie et de participation communes à la société. Or, l’assujettissement fiscal en est une. La question de l’intérêt public est centrale. Pour la minorité, l’intérêt public équivaut à garantir une insertion réelle dans le canton des personnes candidates au gouvernement, puisqu’une élection implique de gérer des affaires qui concernent toute la population du canton et qui sont financées collectivement. Avoir son domicile fiscal dans le canton constitue par conséquent un signe d’inclusion, de participation, d’intérêt pour la collectivité dont on souhaite gérer les affaires. Ainsi, la motion propose que les personnes candidates doivent être domiciliées fiscalement dans le canton depuis au moins trois mois, un délai qui semble raisonnable à la minorité – elle aurait même été prête à l’étendre.

La LEDP a été révisée. Des décisions ont été prises afin d’éviter le tourisme électoral. D’ailleurs, une adaptation s’est opérée relativement à une affaire qui avait fait l’objet d’une médiatisation. Elle touchait à des principes similaires à ceux soulevés aujourd’hui par cette motion. Il apparaît donc logique d’adapter la loi cantonale dans le même esprit de ce qui a été fait par le passé. Enfin, cette motion permet de gagner en transparence vis-à-vis des électeurs et des électrices. Aujourd’hui, en cas d’élection, on ignore si le candidat ou la candidate au gouvernement ont leur domicile fiscal dans le canton. Ainsi, l’acceptation de cette motion réglerait la question une bonne fois pour toutes pour l’ensemble des futurs candidats et candidates. Elle permettrait aussi de mettre fin aux nombreux problèmes et débats qui ont eu lieu par le passé en lien avec les questions de domicile fiscal des conseillers et conseillères d’Etat. La situation actuelle a démontré un certain flou, flou qui transparaissait ensuite dans des affaires relayées par la presse et occasionnant des débats. Ainsi, cette motion permet de régler ces questions une bonne fois pour toutes. En conclusion, pour toutes ces raisons, la minorité de la commission vous invite à renvoyer la motion de notre collègue Buclin au Conseil d’Etat.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

 La discussion est ouverte.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Cette motion a été déposée à la suite des informations révélées par les médias à propos de la domiciliation fiscale de la conseillère d’Etat, Valérie Dittli. Pour rappel, peu avant l’élection au Conseil d’Etat, cette dernière était encore domiciliée dans le canton de Zug, malgré un premier aller-retour en 2021, à Lausanne, à l’occasion des élections communales. La question de la légalité d’une telle pratique a été tranchée, puisque Mme Dittli bénéficie d’une jurisprudence qui prévoit des règles de domiciliation fiscale plus souples pour les personnes de moins de 30 ans, dont acte.

A titre personnel, je ne connaissais pas cette jurisprudence ; je n’étais apparemment pas le seul. C’est pourquoi j’avais – parmi d’autres – déposé une question au Grand Conseil demandant une expertise fiscale indépendante. Sur le plan juridique, le débat est clos. Toutefois, sur le plan politique, la question, pour moi, demeure. En effet, comme l’a bien expliqué la rapportrice de minorité, les électrices et les électeurs sont en droit d’attendre des candidats et candidates qu’elles et ils participent pleinement à la société qu’ils ambitionnent de représenter. Cette participation, évidemment, revêt de multiples formes, mais elle passe aussi par l’assujettissement fiscal. L’impôt constitue évidemment une forme importante de participation à la société, une forme de solidarité.

Raison pour laquelle je demande une révision de la LEDP afin de prévoir un délai d’au moins 3 mois pour un domicile fiscal dans le canton avant le dépôt des listes, une révision qui me paraît proportionnée en ce qu’elle vise uniquement l’élection au Conseil d’Etat, non au Grand Conseil ou aux exécutifs communaux. Effectivement, il me paraîtrait inutilement compliqué de viser l’ensemble des candidats et les exécutifs de petites communes, compte tenu aussi des difficultés de certaines petites communes à trouver des candidats motivés. Il me semble qu’on peut quand même se montrer un peu plus exigeant pour les candidats d’un gouvernement d’une collectivité de 830’000 habitants. Et de plus, je ne partage pas le souci exprimé par le Conseil d’Etat en commission s’agissant de prétendues complications administratives avec cette motion. Il est en fait simple et rapide de procéder à un contrôle de la domiciliation fiscale pour un nombre limité de personnes, puisque les candidatures au Conseil d’Etat ne se comptent pas non plus par dizaines lors de chaque élection. Il y a quelques années, un député de droite avait d’ailleurs proposé une modification de la LEDP pour limiter le tourisme électoral au niveau communal, après qu’une élection tacite avait été empêchée au dernier moment par un habitué assez connu du tourisme électoral. C’est un peu dans le même esprit que j’inscris cette motion, qui me semble tout à la fois proportionnée et répondre à un intérêt public, à savoir que les candidats et candidates soient réellement partie prenante de la collectivité qu’ils et elles ambitionnent de représenter au niveau politique.

M. Cédric Weissert (UDC) —

Je voulais revenir sur un point du rapport relatif à la position du motionnaire : « A son sens, les électrices et électeurs sont en droit d’attendre des personnes candidates qu’elles partagent des règles de vie et de participation communes à la société. L’assujettissement fiscal en fait partie de manière importante, car l’impôt, c’est la solidarité, un acte de participation et de contribution à la société. » En l’occurrence, je me réjouis que M. Buclin passe cette bonne information au très grand nombre de contribuables vaudois et vaudois qui ne paient pas d’impôts, dont une bonne partie réside à Lausanne. En d’autres termes, cette motion n’a pas de sens et ne changera strictement rien aux cas de figure auxquels nous pourrions être confrontés dans les prochaines années. Insérer un délai relatif à la domiciliation fiscale, trois mois avant le dépôt des listes ne changerait pas beaucoup la méthode actuelle.

Enfin, le peuple a le dernier mot. Il pourra décider seul s’il estime que tel candidat ou telle candidate mérite le poste de conseillère ou conseiller d’Etat. La médiatisation d’une telle campagne fait que l’entier de la population sera informé du passé de chaque candidate ou chaque candidat. Au vu de ces différents éléments et au nom du groupe UDC, je vous encourage à refuser la prise en compte de cette motion et à suivre le rapport de majorité

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je réponds volontiers à l’objection exprimée en commission et répétée ici par M. Weissert, à laquelle je m’attendais un peu. Elle vise à me faire passer pour un partisan du suffrage censitaire, pourquoi pas un partisan de l’ancien régime. Or, non, ce n’est pas du tout le cas. Je vous rappelle que chaque citoyenne et citoyen est tenu de déposer une déclaration d’impôt, à partir de 18 ans : cela s’appelle l’assujettissement fiscal. Ensuite, que l’on bénéficie de déductions pour contribuable modeste ou frais de garde et qu’après examen et taxation, l'on ne paie pas d’impôt, c’est autre chose. Le principe consiste à déposer une déclaration – un acte de participation minimale attendu d’une personne qui prétend gouverner le canton.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Je déclare mes intérêts : j’ai été constituant. Cette année, le 14 avril, nous avons fêté les 20 ans de la Constitution vaudoise de façon un peu discrète, puis le 23 septembre, sous les flonflons. Nous avons pu assister et écouter un certain nombre de discours, dont l’un de l’ancienne coprésidente de la Constituante vaudoise, Mme Yvette Jaggi qu’on ne présente plus. Parmi les œuvres majeures de la Constitution vaudoise – citée par la susnommée Mme Jaggi – résidait le fait que nous avions réussi, dans le canton de Vaud, à coupler droit de vote et d’éligibilité. Or, en fait, la motion qui nous occupe revient à découpler à nouveau les deux institutions. A cet égard, je me pose d’ailleurs très sérieusement la question : à lire les articles 84 et suivants de la Constitution vaudoise, cela n’entraînerait-il pas une modification constitutionnelle ? Je ne crois pas que l’on puisse placer des cautèles à l’éligibilité de quelqu’un qui a le droit de vote dans le canton, puisqu’il y est domicilié. Dès cet aspect, cela équivaut à faire un mauvais procès à cette Constitution qui, par ailleurs, donne entière satisfaction et fut célébrée. Ainsi, j’estime qu’il faut maintenir ce que la Constitution a décidé. En outre, j’émets de sérieux doutes quant à la constitutionnalité du texte proposé.

Par ailleurs, de multiples questions se posent dont je vous fais part en l’état. Pourquoi 3, plutôt que 6 mois ? Pourquoi pas 1, 2 ou 5 ans ? En effet, tant qu’à faire, si nous voulons vraiment être sûrs que la personne soit imprégnée de tous les us et coutumes cantonaux, il faudrait prévoir une période plus longue. Et pourquoi ne pas fixer un montant ? Puisque ce qui est choquant – si on a bien compris la fameuse affaire qui nous a agités au mois de mars – c’était le fait qu’elle ne paie pas d’impôts. Quelle somme minimale faut-il payer ? Enfin, le motionnaire a expliqué tout à l’heure qu’il est juste de remplir une déclaration d’impôt ; ouf ! Quoi qu’il en soit, cette motion ne résout aucun problème. A fortiori, elle s’avère même erronée compte tenu des motifs exposés et déduits de la Constitution. Personnellement, je considère qu’il est absurde de découpler éligibilité et droit de vote.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Effectivement, pourquoi 3 mois ? interroge notre collègue M. Buffat. Par souci de proportionnalité, je souhaitais une règle simple et légère. Bien entendu, tout demeure discutable et revêt une part d’arbitraire. Néanmoins, l’idée consistait en une règle simple et légère visant à éviter de se retrouver dans une situation tout de même assez cocasse avec une personne qui se retrouve à la tête de l’administration fiscale, mais sans avoir déposé de déclaration d’impôt dans ledit canton. Selon moi, il y a un intérêt public à éviter cette situation un peu cocasse.

M. Nicolas Suter (PLR) —

Au nom du groupe PLR, je vais bien évidemment soutenir le rapport de majorité. Le rapport de minorité insiste sur flou de la situation de la conseillère Dittli à l’origine de cette motion. Je tiens à préciser que ce flou a été nettement et très clairement entretenu. La transparence est maintenant faite grâce à un avis de droit. L’élection des membres du Conseil d’Etat est celle qui est le plus sous les feux de la rampe, les candidatures étant scrutées sous tous les angles. Il me paraîtrait assez cocasse de prévoir une exception pour ces candidats. Quant à la transparence, à mon avis elle a lieu et est possible. Enfin, comme l’a indiqué mon collègue Buffat, la loi est cohérente. Par conséquent, nulle raison de voter cette motion.

Mme Thanh-My Tran-Nhu (SOC) —

Je remercie le motionnaire pour son texte et sa proposition très modérée et facile à appliquer. Aujourd’hui, la seule règle existante est relative au fait d’être domicilié dans un arrondissement du canton à l’échéance du délai du dépôt des listes. On ne peut pas être plus à la « der » que ce que prévoit l’article 59, alinéa 7, LEDP ! Or, en période électorale, on connaît déjà les candidats et candidates avant le dépôt des listes. Les électeurs et électrices ont donc droit à la transparence, surtout quand il s’agit de la plus haute fonction du canton qui est briguée. Ainsi, le motionnaire demande simplement que le délai prévu au dépôt des listes soit élargi à 3 mois. Je ne vois pas quel problème cela pose. Au contraire, ça permettra aux candidats et candidates de faire bonne figure lorsqu’ils vanteront pendant leur campagne leur attachement à notre canton. Et cela, sans qu’aucun doute ne puisse être émis quant à leur domiciliation fiscale. Le groupe socialiste soutiendra ainsi la motion de notre collègue Buclin et votera en faveur du rapport de minorité.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Monsieur Buclin, je vous remercie pour votre motion qui vise à ce que le domicile fiscal des candidats se trouve dans le canton de Vaud depuis 3 mois au moment du dépôt des listes électorales. Personnellement, je considère que cela ne garantit en rien que les candidats aient été imposés sans « privilège » auparavant. Je me réjouis d’écouter Mme la conseillère d’Etat sur la nouvelle LEDP, qui contient déjà une règle de domicile pour les candidats à cette élection, en particulier.

Vous êtes le numéro 1 au POP ou Force en mouvement… enfin, vous l’appellerez comme vous voulez ! (Réactions) J’ai toujours du respect pour les institutions. Toutefois, vous êtes quand même les champions du monde pour dégoter des problématiques qui peuvent avoir lieu, du point de vue fiscal, en particulier, au centre-droite ! Et Mme Dittli en a fait les frais. Heureusement, ce qui était flou est devenu extrêmement clair.

Pour ma part, le souci que génère cette motion réside dans sa potentielle analogie adaptable aux exécutifs communaux du canton – dans le cas d’une acceptation. Il s’agit d’un aspect qui me dérangerait fortement et qui, juridiquement, serait complexe à mettre en œuvre. Je rappelle aussi qu’une intervention il y a 27 ans avait fait les pages grasses de différents journaux ! La motion avait été largement combattue par la gauche et finalement refusée. A titre personnel, j’aimerais aussi vous encourager à respecter les récentes adaptations législatives et à refuser cette motion. Le délai est actuellement fixé au jour du dépôt des listes, ce qui permet de trouver des candidats jusqu’au dernier moment. Je vous propose donc le classement via le vote du rapport de majorité.

Mme Elodie Lopez (EP) — Rapporteur-trice de minorité

J’aimerais simplement préciser un point à la suite de l’intervention de notre collègue Suter. J’ai effectivement fait référence à du flou tout à l’heure, mais ce n’était pas en lien exclusivement avec la situation de Mme Dittli, mais plutôt de manière générale, en lien avec les questions de domicile fiscal des conseillers et conseillères d’Etat. En effet, le but de cette motion consiste à inscrire un principe à partir de cas concrets. D’autres cas de figure ont problématisé la question du domicile fiscal en lien avec le Conseil d’Etat, notamment en lien avec M. Broulis. Ces différents cas de figure montrent que ce flou n’est pas rare. Inscrire un principe dans la loi permet de régler les questions une bonne fois pour toutes. Quant à M. Weissert qui indiquait qu’il incombait finalement à la population de choisir et d’avoir le dernier mot en fonction de ce qui lui semblait le plus important, il s’agit d’ajouter qu’il est malaisé de choisir en toute connaissance de cause, lorsqu’on ne possède pas toutes les informations. Ainsi, cette motion propose de régler la question en permettant plus de transparence et une simplification.

M. Philippe Miauton (PLR) —

Je crois que je viens d’être touché par l’esprit de Noël, et je vais renoncer à prendre la parole, comme mes excellents collègues l’ont très bien fait précédemment !

M. Jacques-André Haury (V'L) —

  Monsieur le président, je ne sais pas si je suis insensible à l’esprit de Noël, mais je suis quand même assez surpris par le côté « faux-cul », comme on dit, de ce débat, parce qu’au fond, la gauche de cet hémicycle n’a pas digéré le basculement de la majorité du Conseil d’Etat à droite. Par conséquent, il s'agit pour elle de faire durer le débat et de trouver des défauts à Mme Dittli, ou éventuellement des défauts à des dispositions qui ont permis son élection. Amis de la gauche, je vous donne un conseil charitable en cette période de Noël : intéressez-vous plutôt aux causes qui ont fait échouer Mme Amarelle !

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

Un ange passe, comme on dit. (Réactions et rires.)

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

J’aimerais réaffirmer la position du Conseil d’Etat, bien que dûment argumentée dans le cadre des débats de commission. Nous sommes totalement opposés à cette modification. Notre responsabilité n’est pas d’édicter des lois en fonction des personnes, mais en fonction des droits et des restrictions qu’on pourrait y apporter. A cet égard, il nous parait clair que le droit d’être élu est un droit constitutionnel extrêmement important et que la restriction apportée ici est importante. Dans ce cadre, divers éléments doivent être réunis pour justifier une telle restriction. Or, l’intérêt public n’est pas présent ni la question de la proportionnalité, en particulier, la corrélation entre domicile fiscal antérieur à l’élection et éligibilité. En effet, l’intérêt public qui justifierait une restriction du droit à l’éligibilité de citoyens vaudois uniquement au motif qu’ils viendraient de s’installer dans le canton, qu’ils n’y paieraient pas encore d’impôts – on ne peut en tout cas pas leur reprocher d’avoir payé leurs impôts ailleurs pendant un temps – n’est pas évident.

Quant à l’aspect de l’intérêt public de la lutte contre ce qu’il est convenu d’appeler l’optimisation fiscale, il n’a rien à voir avec les droits politiques. De plus, l’intérêt financier du canton ne constitue pas en tant que tel un intérêt public. Quant à la proportionnalité notamment au sens étroit, c’est-à-dire le rapport raisonnable qui doit exister entre la gravité de la restriction et l’intérêt public poursuivi, une fois encore, la mesure paraît très délicate sous l’angle des droits politiques auxquels nous sommes − j’imagine − toutes et tous attachés. L’interdiction de se porter candidat à une élection est une restriction grave à la garantie des droits politiques ; or, toute l’histoire de notre pays s’est orientée vers un élargissement des droits politiques et du droit à l’éligibilité. Par conséquent, il nous paraît que ce texte doit être refusé, non seulement en fonction des personnes concernées, mais bel et bien par rapport à l’existence même des droits politiques et à l’importance du droit de vote et d’éligibilité.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Je vous prie de m’excuser d’avoir l’impertinence de réagir après Mme la présidente du Conseil d’Etat. Je souhaite néanmoins réagir sur un point, puisque l’on essaie de nous faire passer pour les partisans d’une restriction des droits politiques. A cet égard, j’aimerais rappeler qu’à gauche nous avons porté une extension des droits politiques notamment pour les personnes en situation de handicap ou sous curatelle. Nous attendons avec impatience la réponse du Conseil d’Etat – qui tarde un peu. Récemment, sur le plan communal, nous avons aussi porté une extension des droits politiques pour les personnes immigrées. Une fois encore, nous attendons avec impatience la réponse du Conseil d’Etat. Ainsi, je considère que le temps pris pour répondre à ce texte semble indiquer que l’extension des droits politiques ne constitue pas franchement une priorité. Enfin, il me semblait important d’amener cette petite rectification qui tend à montrer qu’en principe nous sommes fondamentalement favorables à l’extension des droits politiques. Or, porteuse d’une règle de contrôle simple et légère, cette motion concerne un nombre très restreint de personnes : celles et ceux qui se présentent au Conseil d’Etat.

Mme Christelle Luisier Brodard (C-DITS) — Président-e du Conseil d’Etat

Je note que vous êtes en principe ouvert à l’extension des droits politiques, mais que par exception, ici, vous plaidez pour une restriction des droits politiques. Dans ce cadre, ce n’est pas l’étendue des personnes concernées qui est visée, mais une restriction qui vaut pour chaque personne concernée. Et cette restriction pour la personne concernée est très importante. Or, elle nécessite le respect des principes ancrés dans notre Constitution, à savoir une base légale, un intérêt public et la proportionnalité : autant d’éléments qui, en l’espèce, nous paraissent absents. Pour ma part, je vous invite à garantir les droits politiques et à ne pas accepter ce texte. Quant aux réponses aux autres éléments évoqués, elles vous parviendront au premier trimestre. Nous y travaillons, car nous sommes conscients de l’importance du sujet.

M. Laurent Miéville (V'L) — Président-e

La discussion est close.

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 71 voix contre 47 et 4 abstentions.

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