21_RES_12 - Résolution Hadrien Buclin et consorts - Un permis humanitaire pour Solomon Arkisso, en danger après son renvoi forcé de Suisse (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).
Séance du Grand Conseil du mardi 15 juin 2021, point 22 de l'ordre du jour
Texte déposé
Le Grand Conseil vaudois considérant :
– l’interpellation 21_INT_20 Jean Tschopp et consorts - « Stop aux vols spéciaux vers l’Ethiopie en conflit armé », présentée au Grand Conseil Vaudois le 9 février 2021 ;
– le renvoi forcé de Monsieur Solomon Arkisso le 27 janvier 2021 en Ethiopie et sa mise en danger en Ethiopie vu les nouvelles alarmantes sur sa situation actuelle dans ce pays ;
– que Monsieur Solomon Arkisso, ressortissant éthiopien, est membre de l’ethnie Oromo, contre laquelle le pouvoir central du pays (Front de Libération du Peuple du Tigré : FLPT) a mené une politique de discriminations et de persécutions (non-reconnaissance linguistique et culturelle, privation d’accès aux ressources naturelles) ;
– que Monsieur Arkisso est proche du parti OLF (Oromo Liberation Front), parti étant la cible de persécutions de la part du parti au pouvoir actuellement en place. Durant tout son séjour en Suisse, s’est engagé auprès de la communauté Oromo et a participé à de nombreuses actions et manifestations publiques de contestation du gouvernement éthiopien et que cette participation l’expose depuis son retour en Ethiopie à des persécutions de la part de la police ;
– les graves violations des droits humains qui sont perpétrées en Ethiopie, documentées par des associations de défense des droits humains telles que Human Rights Watch, Amnesty International et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ;
– la décision du 26 janvier 2021, par laquelle le comité contre la torture de l’ONU (CAT) et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) ont ordonné la suspension du renvoi de deux ressortissant-es éthiopien-nes par le même vol spécial que Solomon Arkisso ;
– le principe de non-refoulement garanti par l’article 25 de la Constitution fédérale, l’article 33 de la Convention relative au statut des réfugiés et l’article 3 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants ;
– le fait que Monsieur Solomon Arkisso représente un exemple d’intégration, comme en atteste notamment sa participation active aux clubs de football CS Chavannes et au FC Morges, son travail assidu d’agent d’entretien des foyers de l’EVAM, sa mise sur pied d’un atelier de construction et réparation de vélos électriques avec du matériel recyclé dans le cadre de la mesure d’insertion professionnelle Embelimur ainsi que son projet de mettre en place une équipe de foot pour les participants de cette même mesure d’insertion, le fait qu’il a appris le français et tissé un large réseau d’ami.e.s en Suisse qui non seulement l’apprécient, mais tiennent profondément à lui et sont très inquiets pour lui ;
– l’attachement du canton de Vaud aux droits fondamentaux et à la tradition humanitaire de la Suisse, ainsi que l’intérêt de la Suisse à promouvoir son image de pays garant de la Convention de Genève et considéré comme un centre mondial des droits humains et de l’humanitaire,
invite le Conseil d’Etat à demander au Conseil fédéral qu’il délivre de toute urgence un visa humanitaire pour Monsieur Solomon Arkisso.
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Jean Tschopp | SOC |
Jérôme Christen | |
Didier Lohri | VER |
Sébastien Cala | SOC |
Céline Misiego | EP |
Valérie Induni | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
Carine Carvalho | SOC |
Claude-Alain Gebhard | V'L |
Felix Stürner | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Elodie Lopez | EP |
Marc Vuilleumier | EP |
Muriel Cuendet Schmidt | SOC |
Graziella Schaller | V'L |
Cédric Echenard | SOC |
Yves Paccaud | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Serge Melly | |
Amélie Cherbuin | SOC |
Alexandre Démétriadès | SOC |
Vincent Keller | EP |
Léonard Studer | |
Maurice Mischler | |
Guy Gaudard | PLR |
Alice Genoud | VER |
Blaise Vionnet | V'L |
Anne-Sophie Betschart | SOC |
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa résolution étant accompagnée de 28 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 députés.
La résolution propose que le Conseil d’État intervienne auprès de la Confédération pour octroyer un permis humanitaire à Solomon Arkisso, en danger dans le pays où il a été renvoyé en janvier dernier. M. Arkisso a quitté l’Éthiopie après avoir été arrêté et torturé à plusieurs reprises par les autorités éthiopiennes en raison de la fuite de sa sœur vers l’Europe l’été 2012. Celle-ci a demandé l’asile en Suisse et y a obtenu un permis B par voie de regroupement familial en 2021. Après avoir été torturé et menacé d’emprisonnement s’il ne livrait pas sa sœur à la police, M. Arkisso n’a eu d’autre choix que de s’enfuir. Il a quitté l’Éthiopie et demandé l’asile en Suisse en 2013. À l’appui de sa demande d’asile, il a remis au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) la dernière convocation qu’il avait reçue de la police éthiopienne l’accusant de terrorisme politique. M. Arkisso n’a toutefois pas obtenu l’asile en Suisse et a fait l’objet d’un renvoi forcé vers l’Éthiopie, en janvier dernier, au motif que ce pays peut être considéré comme sûr. La décision du SEM, basée sur l’appréciation selon laquelle l’Éthiopie serait un pays sûr, a été critiquée par le comité contre la torture de l’ONU (CAT). En effet, la situation dans ce pays est, en réalité, loin d’être sûre ; elle est très instable, avec un gouvernement autoritaire qui bafoue un grand nombre de droits fondamentaux, à fortiori pour un homme comme M. Arkisso, membre du groupe linguistique des Oromo ayant fait l’objet de discriminations de la part du pouvoir central. Il est également proche du parti d’opposition Front de Libération Oromo, réprimé par ce même pouvoir. Depuis ce renvoi forcé en janvier dernier, la situation des droits humains s’est encore dégradée en Éthiopie, le pouvoir menant une politique toujours plus autoritaire et répressive. M. Arkisso, depuis son renvoi en Éthiopie, est contraint de vivre caché pour fuir les persécutions. Conscient-es de cette réalité, les députées et députés du Grand Conseil genevois ont accepté une résolution analogue à celle que je soumets, en faveur d’un autre requérant d’asile éthiopien qui a fait l’objet d’un renvoi forcé en même temps que M. Arkisso. J’espère donc que notre Parlement pourra suivre l’exemple genevois et se montrer aussi sensible à la situation des droits humains en Éthiopie et surtout à la dégradation de la situation dans ce pays, ces derniers mois. Ce pays est déchiré par la guerre civile et gouverné par un pouvoir très autoritaire qui n’hésite pas à enfermer les opposants politiques et certains membres de minorités sans respect des droits fondamentaux, hors de toute base légale.
J’aimerais encore insister sur les efforts accomplis par M. Arkisso durant les années passées en Suisse, notamment sur son travail assidu d’agent d’entretien des foyers de l’EVAM, sa mise sur pied d’un atelier de construction et réparation de vélos électriques avec du matériel recyclé dans le cadre de la mesure d’insertion professionnelle Embellimur, ainsi que son implication dans la vie sociale de notre canton, dans divers clubs de foot notamment, son apprentissage du français rapide et assidu et le fait, finalement, qu’il ait tissé un large réseau de connaissances en Suisse, en particulier dans la région d’Yverdon. Ces connaissances et amis se mobilisent pour lui et ont plaidé pour le dépôt de cette résolution que je suis content de porter devant le plénum. Une série d’éléments plaident donc en faveur de l’acceptation de cette résolution et d’une intervention du canton auprès de la Confédération. J’espère que vous lui ferez bon accueil et je vous remercie de votre attention.
La discussion est ouverte.
Je déclare mes intérêts : je suis patron d’une petite et moyenne entreprise (PME) d’une cinquantaine de collaborateurs, dont plusieurs migrants avec CFC ou en phase d’apprentissage. Ces migrants sont issus de divers pays, dont la Somalie, l’Érythrée, l’Iran, le Pakistan et l’Afghanistan. Mon entreprise a reçu le 25 mai dernier le prix Diversité-Emploi-Formation de la Ville de Lausanne, au regard de la formation professionnelle que nous dispensons à des migrants et de l’engagement d’employés issus de la migration. Quinze entreprises ont participé à ce concours. Je peux vous assurer qu’aucun de mes collaborateurs n’est venu profiter du système d’accueil en Suisse. Chacun est arrivé dans notre pays au péril de sa vie et en empruntant des chemins que peu parmi nous auraient le courage de prendre. Le plus âgé de mes apprentis migrants a 39 ans. Ce qu’espère la majorité d’entre eux est de travailler et d’avoir une situation stable. Loin d’eux l’idée de séjourner en Suisse afin de toucher de l’argent sans rien faire. Concernant mes apprentis, aucun ne m’a déçu à ce jour. Ce sont des personnes qui veulent s’intégrer et apprendre notre langue, suivent les cours professionnels et sont ponctuelles, polies et travailleuses. Quand je lis les références de M. Arkisso, arrivé en Suisse en 2013, je constate qu’il entre dans le cadre des conditions que je fixe à mes apprentis migrants pour réussir leur intégration : apprentissage de la langue, participation active à des clubs sportifs, participation assidue aux travaux d’entretien des foyers de l’EVAM et mise sur pied d’un atelier de réparation de vélos électriques. Tous ces engagements prouvent sa volonté de s’intégrer. Par conséquent, il est difficilement compréhensible que, malgré toutes les mises en garde des associations humanitaires et de défense des droits humains, on l’ait expulsé manu militari de notre pays le 27 janvier 2021, soit huit ans — j’ai bien dit huit ans — après son accueil en Suisse sans s’assurer qu’il ne soit pas en danger à son retour en Éthiopie. On peut assimiler ceci à de la maltraitance. Dès lors, chères et chers collègues, je vous invite à soutenir la résolution de notre collègue Buclin pour que le Conseil d’État demande au Conseil fédéral un visa humanitaire pour M. Solomon Arkisso. Je m’engage devant ce Parlement à fournir une place d’apprentissage à M. Arkisso, dès son retour en Suisse, et l’obtention des permis usuels pour pouvoir travailler. Je vous remercie de votre soutien et de votre attention (applaudissements).
L’appréciation d’une situation politique peut être très différente, si l’on observe la situation depuis l’Europe ou depuis l’Afrique. Je peux comprendre les motifs qui ont amené le SEM à renvoyer M. Arkisso par vol spécial le 27 janvier 2021. Cette décision est le fruit d’un regard porté depuis la Suisse sur l’Éthiopie. Pour avoir vécu six ans au Cameroun, j’ai expérimenté combien les situations politiques peuvent évoluer très rapidement. Il est probable que les éléments dont avait connaissance la Confédération pour prendre une décision de renvoi en janvier ne sont plus d’actualité aujourd’hui, en Éthiopie. Il ne me paraît pas admissible de renvoyer quelqu’un dans son pays, et que celui-ci soit contraint de vivre clandestinement dans un climat d’angoisse pour lui, sa famille qui, de plus, est menacée. C’est le cas de M. Solomon Arkisso. Dans une situation si précaire, l’octroi d’un permis humanitaire est la moindre des choses que notre pays, qui se veut humanitaire, puisse offrir. Je vous invite, avec la majorité des Vert’libéraux, à soutenir la résolution.
Il y a quelques mois, en janvier, j’ai interpellé le Conseil d’État, qui avait trois mois pour me répondre. Mon interpellation demandait d’approcher le Conseil fédéral pour suspendre l’accord de réadmission vers l’Éthiopie. Le Conseil d’État n’a pas encore répondu à cette interpellation, qui se préoccupait de la situation, en particulier de celle de M. Solomon Arkisso, et qui faisait écho aux alertes, notamment du comité de l’ONU contre la torture, d’Amnesty International et d’autres ONG qui avaient dénoncé des renvois décidés par le SEM également pour des personnes d’autres cantons que M. Arkisso. Nous apprenons, aujourd’hui, que la minorité Oromo dont est issu M. Arkisso est menacée et qu’il vit caché dans son pays d’origine à l’abri de la police fédérale pour éviter des tortures, des sévices, ou en tout cas, des représailles. Nous avions alerté les autorités de ce renvoi et nous voilà quelques mois plus tard. Nous aurions aimé avoir tort, mais le temps nous a donné raison. Je salue l’engagement pris par Guy Gaudard. C’est un acte, non des paroles. Il n’a plus rien à prouver dans le domaine, tant il est vrai que son entreprise fait un travail considérable pour l’intégration des migrants.
Nous avions un individu, M. Arkisso, qui s’était parfaitement intégré dans la vie suisse et locale. Il vivait dans notre pays depuis sept ans, s’était fait connaître pour son ingéniosité à réparer certains vélos et s’était très bien intégré. Et maintenant, sa vie est menacée dans son pays. Nous formulons une demande, comme le canton de Genève, et en appelons à la fibre humaine de ce Parlement et au respect des droits humains auquel nous sommes attachés afin que notre canton envoie un signal à Berne dans le but d’obtenir un permis humanitaire pour M. Solomon Arkisso. Je vous remercie de voter en faveur de la résolution de notre collègue Hadrien Buclin.
Dans maints débats au sujet de la régularisation de requérants d’asile, souvent à l’occasion de pétitions, des députés ont rappelé que le droit d’asile doit être octroyé avec parcimonie pour laisser de la place aux véritables réfugiés politiques et que l’on doit donc refuser les réfugiés économiques, même établis depuis des lustres dans notre canton. Aujourd’hui, c’est l’occasion, mesdames et messieurs qui avez systématiquement refusé toutes les pétitions, de prouver votre bonne foi. Nous sommes en présence d’un cas tragique, où les risques pour le requérant, s’il sort de sa cachette, sont réels. Nous ne pouvons être complices de la tragédie qui s’annonce. Nous ne pourrons pas dire que nous sommes étonnés de la tournure qu’auront prise les événements. Nous sommes véritablement responsables d’un destin. Ne pas transmettre cette demande à Berne serait de la lâcheté face à un drame annoncé.
Comment voter sur cette résolution ? Je dois voter sur un texte dans lequel le Grand Conseil « invite le Conseil d’État à demander au Conseil fédéral qu’il délivre de toute urgence un visa humanitaire pour M. Solomon Arkisso. » Avez-vous une quelconque garantie ou un début de garantie que le Conseil fédéral va nous suivre ? La réponse est négative. Il y a vingt-cinq ans, avec trois conseillers d’État de partis différents, pour un cas sur lequel je ne m’étalerai pas, nous avons essayé à tout prix d’éviter que la personne soit extradée de notre pays. Il y avait des raisons très simples que le secret médical m’empêche d’indiquer ici. Ces trois conseillers d’État et votre serviteur se sont battus longtemps, mais cela n’a pas suffi. Le niveau fédéral est sourd. Je ne sais pas : peut-être l’un d’entre vous a des relations avec au moins quatre conseillers fédéraux avec qui il a déjà parlé de cela et qu’il a la garantie que cela fonctionnera. On peut accepter la résolution, mais il ne se passera rien. Finalement, à l’époque — il m’intéresserait de savoir cela de la part de M. le conseiller d’État — on avait mis sur pied un sauf-conduit humanitaire. Le canton de Vaud avait décidé, seul, qu’il avait la capacité de proposer un sauf-conduit humanitaire. C’est ce qu’il a fait, mais cela n’a pas été simple. La personne en question a pu revenir nombre de fois. C’est un plus précaire que de réintégrer la personne dans la communauté vaudoise, mais cela a le mérite d’être un geste concret qui ne dépend que de nous, s’il c’est toujours possible, puisque nous sommes souverains. Je pourrais m’y rallier évidemment, car tout ce qui a été dit sur le sujet, je le comprends très bien. Je le comprends particulièrement bien, mais à quoi sert-il d’aller brasser de l’air à Berne, sachant que la réponse sera négative ? C’est un dilemme cornélien d’accepter une chose dont on sait que la probabilité qu’elle n’aboutisse pas est de 98 %, ou de la refuser. Je suis d’avis d’être plus modeste, avec un sauf-conduit cantonal. Cela aurait été mieux que l’on parler de cela tranquillement entre quelques yeux sans donner trop de publicité au dossier. Je remercie Hadrien Buclin de s’être préoccupé de cet homme.
À ce stade de la procédure, il n’est pas d’usage que le Conseil d’État s’exprime sur le fond. Je me bornerai, dès lors, à rétablir ou corriger certains faits allégués par l’un ou l’autre d’entre vous, à la lumière des pièces du dossier et non d’articles de presse, écrits avec une complaisance dont ne bénéficient que les causes qui entendent miner notre Etat de droit. Ensuite, j’expliquerai factuellement la procédure et ce que l’on nous demande par la résolution. Cette dernière nous invite, si je comprends bien, à demander au Conseil fédéral de délivrer un permis humanitaire.
M. Solomon Arkisso se trouve actuellement dans son pays d’origine, frappé d’une interdiction d’entrer en Suisse qui court jusqu’en 2026. Un visa humanitaire ne peut être demandé que par lui seul. Le canton de Vaud n’est pas parti de la procédure et ne peut pas demander, au nom d’un tiers, un permis humanitaire. Celui-ci doit être demandé par la personne en question auprès de l’ambassade qui couvre la zone géographique dans laquelle il se trouve. Je suis contraint de corriger certaines allégations amenées dans ce Parlement, en me basant uniquement sur les pièces, les auditions du SEM et l’état du dossier. M. Arkisso est entré en Suisse en 2012. Monsieur Gaudard, il a reçu une décision négative en 2014, avec un délai de départ cette année-là. La Confédération n’a donc pas attendu huit ans pour se déterminer. La période qui sépare 2014 de 2021 résulte de recours systématiques et constants, et de demandes de reconsidération, dont la dernière date d’il y a quelques mois auprès du SEM. Tous ces recours et demandes de reconsidération ont été rejetés. À cet égard, j’aimerais préciser deux choses à l’intention de M. Gaudard. D’abord, il ne suffit pas de vouloir entrer en Suisse et de s’y intégrer pour obtenir le droit d’y résider. C’est l’Etat de droit qui le veut, je n’en suis pas responsable. Croyez-moi, des centaines de milliers de personnes, sinon des millions, n’ont qu’une aspiration : venir en Suisse, non pour profiter de régimes sociaux particulièrement généraux, mais pour travailler et se donner des perspectives ainsi qu’à leur famille. C’est parfaitement compréhensible sur le plan humain. Il n’empêche que le droit suisse, adopté en votation populaire tant par une majorité de Suisses que de Vaudois, ne fixe pas la volonté de s’intégrer et de travailler comme critère pour obtenir le droit de résider ici. C’est valable pour l’Union européenne, mais ce n’est pas valable pour les états tiers, notamment l’Éthiopie. De dire « voilà quelqu’un qui a essayé de s’intégrer et qui a appris le français » n’est pas suffisant. Il n’est guère envisageable que nous répondions favorablement à l’ensemble de ces millions de personnes.
Ensuite, je dois le dire, car l’état du dossier est ainsi : M. Arkisso n’a jamais travaillé ni été autonome sur le plan financier. Il a toujours été soutenu par l’EVAM, quand bien même il était autorisé pendant treize mois à travailler. Il ne faut pas confondre travail et autonomie financière avec occupation à nettoyer les locaux à l’EVAM. C’est tout à fait honorable — la question n’est pas là — mais la personne en question n’avait aucune autonomie financière, n’ayant jamais trouvé un employeur autre que l’EVAM. Alors, indiquer qu’il a toujours fait preuve de la volonté de travailler et réussi son intégration professionnelle est une présentation quelque peu subjective de la réalité. Se basant sur son expérience au Cameroun, l’un d’entre vous a déclaré que la décision prise par le SEM, seule autorité compétente en matière d’asile, résultait d’une vision suisse de la réalité du pays. Permettez-moi de vous rappeler que la Suisse a, en Éthiopie, un attaché diplomatique spécialement chargé d’apprécier la situation sécuritaire dans le pays pour déterminer si des renvois sont possibles ou non. C’est l’un des rares pays où la Suisse dispose d’un spécialiste. Ce dernier est à Addis-Abeba, non dans un bureau de l’administration fédérale à Berne. Sur place, il est en mesure de déterminer si la situation permet ou non des renvois. Ce n’est donc pas une vision de l’administration fédérale qui a amené le SEM à considérer que les conditions de renvoi étaient admissibles.
Par ailleurs, dans le dossier, M. Arkisso n’a jamais invoqué une quelconque attache partisane pour justifier une demande d’asile. Il n’a jamais fait état d’appartenir à un parti victime de violences, ni d’être proche d’un mouvement politique. De même, il n’a jamais avancé le fait d’être issu d’une ethnie qui ferait l’objet de violences de la part de l’autorité. C’est la réalité du dossier. Il a demandé l’asile au seul motif de la situation de sa sœur qui était ici. À aucun moment, il n’a avancé l’argument d’un engagement politique ou d’une appartenance ethnique qui serait à l’origine de violences policières. Le SEM, après avoir auditionné la personne en question et sa sœur, a tenté de corroborer les témoignages et est arrivé à la conclusion que la version avancée par M. Arkisso ne tenait pas la route, qu’elle contredisait de manière flagrante les éléments avancés par sa sœur. Dans le dossier de M. Arkisso, il n’est pas fait mention de torture subie avant son départ, mais de convocations par la police, en effet, et d’une nouvelle convocation six mois après la dernière. M. Arkisso a indiqué ne pas avoir fait l’objet d’arrestations, car, étant chauffeur pour un établissement bancaire local, il voyageait beaucoup. La police n’était pas parvenue à mettre la main sur lui. On est donc relativement loin des allégations de torture de la part de l’autorité locale.
M. Vuillemin nous demande s’il existe des sauf-conduits cantonaux permettant à une personne de revenir. La réponse est catégoriquement négative. Aucun titre de séjour ou d’entrée en Suisse ne peut être délivré par un état cantonal. L’ensemble des conditions permettant l’entrée en Suisse relève du droit fédéral et est délivré par l’autorité fédérale. Tout sauf-conduit cantonal serait parfaitement illégal et contraire à la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons. Elle ne serait pas reconnue par le premier douanier rencontré. Il n’y a pas de possibilités de délivrer, si telle était la volonté du Conseil d’État, un sauf-conduit. L’unique voie possible est le dépôt d’une demande de visa humanitaire par la personne concernée dans une ambassade suisse, par exemple à Addis-Abeba ou dans la région. Si vous demandez quelles sont les chances de succès, je me bornerai à vous indiquer que toutes les demandes de reconsidérations ont été rejetées par le SEM et qu’il est frappé d’une interdiction d’entrée et de séjour en Suisse jusqu’en 2026. Vous conclurez ce que vous voulez, mais ces éléments devraient être les plus à même de répondre à la question des chances ou d’absence de chances, posée par M. Vuillemin.
Voilà ce que je tenais à vous dire. J’ai essayé d’être précis sur la procédure, sur qui peut agir ou non ; j’ai souhaité corriger les allégations erronées, avancées par l’un ou l’autre d’entre vous, dans le but de vous permettre de vous déterminer sur des faits, non des supputations. Pour le reste, le Conseil d’État ne se prononce pas sur le fond, puisque la procédure parlementaire ne le permet pas.
La discussion est close.
La résolution est adoptée par 69 voix contre 60 et 9 abstentions.
Je demande le vote nominal.
Retour à l'ordre du jourLa demande est appuyée par au moins 20 députés.
Celles et ceux qui acceptent la résolution votent oui, celles et ceux qui la refusent votent non ; les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, la résolution est adoptée par 75 voix contre 63 et 5 abstentions.
*introduire vote nominal