24_POS_23 - Postulat David Raedler et consorts au nom Commission thématique des affaires juridiques (CTAFJ) - Le Canton de Vaud frise encore et toujours les sommets suisses du taux d’incarcération : quelles actions entreprendre pour enfin infléchir ce constat ? (Développement et demande de prise en considération immédiate).
Séance du Grand Conseil du mardi 21 mai 2024, point 6 de l'ordre du jour
Texte déposé
C’est un marronnier bien connu des médias et du monde politique vaudois : chaque année, au moment de la publication des statistiques de l’Office fédéral de la statistique (OFS) relatives au taux d’incarcération en Suisse, les Cantons romands se trouvent systématiquement en tête[1]. Un constat qui s’est répété une nouvelle fois lors de la présentation annuelle de ces chiffres par l’OFS le 29 avril 2024 : comme à l’accoutumée, le Canton de Vaud se trouve dans le trio de tête des cantons ayant le plus de personnes détenues (352), précédé uniquement de Zurich (412) et devançant le Canton de Genève (326)[2]. Ensemble, ces trois cantons représentent plus du 50% de l’entier des personnes détenues en Suisse. Et la tendance continue de croître, avec une augmentation de 8.3% des demandes de mises en détention durant l’année 2023 en comparaison à 2022, comme cela a été relevé par le Procureur général lors de sa conférence de presse du 6 mai 2024[3].
Outre les cas d’exécution des peines et des mesures, qui constituent la première cause du nombre d’incarcération en Suisse[4], ce taux d’incarcération élevé s’explique aussi par les cas de détention préventive et pour des motifs de sûreté, qui représentent presque un-tiers du total des détenus en Suisse. Sur ce point spécifiquement, le Canton de Vaud se trouve là aussi au second rang des cantons de Suisse pour le nombre de personnes en détention préventive et pour des motifs de sûreté, ayant même été le premier canton de Suisse (devant Zurich) en 2022. Il est pertinent de relever que le Canton de Vaud est ainsi passé devant le Canton de Genève justement depuis 2022, alors que le Canton de Genève tenait lui-même le premier rang de Suisse entre 2018 et 2021, de même qu’entre 2015 et 2013[5].
Ces éléments, et l’analyse des chiffres de l’OFS, montre une forte augmentation du nombre de personnes détenues dans le Canton de Vaud – et particulièrement en détention préventive – depuis 2019. Une évolution qui ne trouve pas d’arrêt ni de réel ralentissement. Pourtant, les alternatives à l’incarcération apparaissent elles-mêmes aussi être utilisées de façon prononcée par les autorités vaudoises. En particulier, les chiffres de l’OFS démontrent que l’exécution des peines sous surveillance électronique est elle-même très sollicitée dans notre Canton, qui se trouve sans interruption depuis 2018 à la première place des cantons suisses en termes de jours totaux effectués[6].
Dans l’ensemble, cette situation et la seconde place occupée par le Canton de Vaud sur le podium du taux d’incarcération a de quoi interpeller, à la fois en termes des coûts que cela induit et de la surpopulation carcérale qui caractérise notre Canton. Un constat qui a été tiré une nouvelle fois par la Commission des visiteurs du Grand conseil dans son rapport de janvier 2024[7]. Et qui entraîne des situations très problématiques sous l’angle des conditions de détention appliquées.
Il est donc nécessaire de procéder, à brève échéance, à une analyse concrète des causes de cette augmentation de la population carcérale dans le Canton de Vaud, en y intégrant à la fois les causes exogènes et celles relatives à la politique pénale menée par le Ministère public du Canton.
A la lumière de ce qui précède, les signataires demandent respectueusement au Conseil d’Etat d’établir, à brève échéance, un rapport sur le taux d’incarcération existant dans le Canton de Vaud, ses caractéristiques principales, les causes pouvant l’expliquer ainsi que les solutions pouvant être identifiées en vue d’en freiner l’augmentation et, à terme, de le réduire.
***
[1] Un constat identique tant en 2018 (https://www.letemps.ch/suisse/geneve/cantons-romands-champions-detention) qu’en 2022 (https://www.letemps.ch/suisse/radiographie-annuelle-detention-suisse).
[2] OFS, Communiqué de presse « Privation de liberté » du 29 avril 2024 (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.31007638.html); diagramme du 29 avril 2024 (https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.31726374.html).
[3]https://www.letemps.ch/suisse/vaud/le-ministere-public-vaudois-poursuit-sa-metamorphose-et-met-en-scene-son-activite.
[4] Cf. le tableau disponible sous https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.31425963.html.
[5] Cf. le tableau disponible sous https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home.assetdetail.31425976.html.
[6]https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/criminalite-droit-penal/execution-penale.assetdetail.28565941.html.
[7]https://www.vd.ch/fileadmin/user_upload/organisation/gc/fichiers_pdf/2022-2027/23_PAR_27_RC.pdf, p. 9.
Conclusion
Prise en considération immédiate
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Florence Bettschart-Narbel | PLR |
Olivier Agassis | UDC |
Josephine Byrne Garelli | PLR |
Yannick Maury | VER |
Aurélien Clerc | PLR |
Grégory Bovay | PLR |
Patricia Spack Isenrich | SOC |
Muriel Thalmann | SOC |
Marc Vuilleumier | EP |
Yolanda Müller Chabloz | VER |
Xavier de Haller | PLR |
Nicolas Bolay | UDC |
Denis Dumartheray | UDC |
Thanh-My Tran-Nhu | SOC |
Maurice Treboux | UDC |
Kilian Duggan | VER |
Céline Misiego | EP |
Cédric Echenard | SOC |
Carine Carvalho | SOC |
Théophile Schenker | VER |
Marion Wahlen | PLR |
Blaise Vionnet | V'L |
Nathalie Vez | VER |
Céline Baux | UDC |
Géraldine Dubuis | VER |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Isabelle Freymond | IND |
Jean-Louis Radice | V'L |
Nicola Di Giulio | UDC |
Julien Eggenberger | SOC |
Michael Demont | UDC |
Didier Lohri | VER |
Laurence Cretegny | PLR |
Felix Stürner | VER |
Sébastien Humbert | V'L |
Aurélien Demaurex | V'L |
Hadrien Buclin | EP |
Mathilde Marendaz | EP |
Laure Jaton | SOC |
Sylvie Podio | VER |
Martine Gerber | VER |
Claude Nicole Grin | VER |
Fabrice Moscheni | UDC |
Yves Paccaud | SOC |
Alice Genoud | VER |
Valérie Zonca | VER |
Nathalie Jaccard | VER |
Rebecca Joly | VER |
Monique Ryf | SOC |
Maurice Neyroud | PLR |
Pierre Fonjallaz | VER |
Circé Fuchs | V'L |
Cédric Weissert | UDC |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourCe postulat est déposé au nom de la Commission thématique des affaires juridiques (CTAJ). Il concerne l’occupation de nos prisons et le taux d’incarcération qui s’applique en Suisse et spécifiquement dans le canton de Vaud. Depuis de nombreuses années – beaucoup trop – le canton de Vaud se trouve dans le trio de tête des cantons qui comptent le plus grand nombre de personnes détenues. Il occupe la deuxième marche du podium des cantons suisses, juste derrière le canton de Zurich. D’année en année, cet élément ne change pas : chaque année, lorsque les chiffres de l’Office fédéral de la statistique (OFS) paraissent, notre canton retrouve la deuxième place. La Commission des visiteurs a elle-même relevé le problème de surpopulation carcérale, directement lié à la question du taux d’occupation de nos prisons. Il est aussi pertinent de relever que cette occupation des prisons vaut à la fois pour l’exécution des peines et pour la détention provisoire. A ce dernier titre, le canton de Vaud est en tête des cantons suisses en ce qui concerne le nombre de personnes en détention provisoire. Un dernier chiffre intéressant : en parallèle à tout cela, les mesures alternatives à la détention – notamment le bracelet électronique et la semi-détention – sont aussi appliquées dans notre canton. Par exemple, en termes absolus, nous sommes le premier canton suisse à faire usage du bracelet électronique.
Tout cela montre que, dans notre canton, il y a un problème en termes de détention comme de mesures alternatives. Le postulat de la CTAJ demande au Conseil d’Etat de dresser un bilan et de faire un rapport sur les causes de ce problème afin de pouvoir le prendre à bras-le-corps. Cette question est centrale à la fois pour les conditions de détention, étant donné la surpopulation carcérale que cela cause, mais aussi d’un point de vue purement économique, dans la mesure où, je vous le rappelle, une personne en détention coûte 300 francs par jour. Au budget, cela représente des montants astronomiques pour des mesures qui ne sont pas toujours adéquates. Il est par conséquent central de nous saisir de cette problématique aujourd’hui ; c’est ce que demande le postulat. La demande de renvoi immédiat est précisément justifiée par le fait que ce postulat émane d’une commission, et qu’il ne servirait donc à rien de le renvoyer à une commission.
La discussion est ouverte.
Au-delà du fait que ce sujet me semble extrêmement important et que la CTAJ a totalement raison de l’empoigner, je pense qu’il importe d’envisager cette problématique de manière un peu plus large que via des statistiques de l’OFS qui ne pourront pas totalement expliquer la situation. Pour ma part, pour faire le travail, j’estime qu’il serait important d’intégrer les réalités du Service de la population (SPOP) et du Service pénitentiaire (SPEN). Il faut aussi regarder du côté de la Police cantonale (Polcant) qui effectue son travail et qui amène des dossiers, de concert avec le Ministère public. Il y a également la politique sanitaire, avec ce qu’il se passe au niveau des infractions dans le domaine des stupéfiants. Il faut aussi comprendre les raisons pour lesquelles la criminalité est plus importante dans les cantons latins, notamment Genève et Vaud. Peut-être est-ce dû à l’arrivée de délinquants transfrontaliers ?
Toutes ces données me poussent à croire qu’un renvoi du postulat en commission serait bénéfique, car il ne faut pas envisager cette problématique uniquement sous l’angle des affaires juridiques, mais aussi sous l’angle du SPOP, du SPEN, de la Polcant et de la situation macro-criminelle. Je pense qu’un texte tel que celui qui nous est proposé aujourd’hui doit passer par l’examen d’une commission et c’est ce que je revendique aujourd’hui. Au nom du groupe PLR, je vous demande d’accepter le renvoi de ce postulat en commission afin de bien cadrer le rapport que notre gouvernement doit proposer à notre Parlement, car le sujet est important. Vous me direz que c’est un chantier monstrueux et j’en conviens, mais je pense important de réaliser ce travail aujourd’hui, de manière conséquente et professionnelle.
La question soulevée par le postulant mérite le débat, car les chiffres rendus dernièrement par l’OFS interpellent vraiment. Comment se fait-il que nous ayons le plus de personnes détenues dans nos prisons, après Zurich ou avant Genève ? Comment se fait-il que, juste après Zurich, le canton de Vaud compte le plus grand nombre de personnes détenues en détention préventive pour des motifs de sûreté ? Cela a pour conséquence que les établissements de détention sont pleins et que la situation est plus que tendue de nos établissements pénitentiaires, aussi bien pour les détenus que pour le personnel pénitentiaire. En plus – je déclare mes intérêts : je suis avocate – j’ai pu voir, dans les affaires pénales, que des personnes qui viennent d’être arrêtées peuvent passer plus de 10 jours à l’Hôtel de police ou en moyenne six jours à la Blécherette – dans des conditions de détention clairement jugées illégales – avant de pouvoir intégrer un établissement de détention, étant donné que les prisons sont pleines. Or, ces lieux sont absolument inadaptés pour des détentions allant au-delà de 48 heures ! Dans son rapport publié en mai 2020, le sous-comité des Nations Unies pour la prévention de la torture a d’ailleurs insisté sur l’impact psychologique néfaste des conditions de détention prolongée à l’Hôtel de police de Lausanne, ainsi que dans la zone carcérale de la Polcant à la Blécherette. Dans l’hypothèse où la personne détenue est acquittée, il y a une obligation pour notre Etat d’indemniser cette personne pour cette détention illégale.
La situation est donc préoccupante et le postulat pose des questions légitimes. Dans ses conclusions, le postulat demande un rapport qui devrait relever les caractéristiques principales du taux d’incarcération et ses causes, ainsi que les solutions pouvant être identifiées en vue de freiner l’augmentation de ce taux. Ce postulat est le fruit d’une réflexion faite au sein de la CTAJ dont je fais également partie. Soucieux de ce taux d’incarcération et de la situation en général dans nos établissements de détention, le groupe socialiste au Grand Conseil est également unanime pour dire que cette analyse est indispensable. Il soutiendra le postulat et son renvoi direct au Conseil d’Etat. Puisque cette question a déjà été débattue au sein de la CTAJ, il n’y a aucun sens à renvoyer ce postulat en commission.
En ce qui concerne le renvoi en commission, je répète qu’il s’agit d’un postulat émanant de la CTAJ que préside Mme Bettschart-Narbel du groupe PLR et que les éléments couverts par ce postulat englobent les questions posées par notre collègue Berthoud. Il faudrait peut-être faire un autre postulat qui traiterait spécifiquement des causes liées au SPOP ou au SPEN, mais je rappelle que le temps presse. Je vous renvoie au rapport de la Commission des visiteurs qui, année après année, relève cette surpopulation carcérale. On ne peut pas simplement dire qu’il faut renvoyer ce postulat en commission, avec des jetons de présence pour 12 personnes, pour discuter à nouveau d’une thématique qui a déjà donné lieu à des échanges dans le cadre de la CTAJ, puis revenir devant ce plénum d’ici six à huit mois pour enfin renvoyer ce postulat au Conseil d’Etat. Cela ne tient pas la route ni d’un point de vue logique ni du point du respect de la CTAJ. Je m’adresse à l’ancien président de la Commission des finances (COFIN) : d’un point de vue purement économique, c’est aussi un non-sens, non seulement en raison des jetons de présence, mais aussi parce qu’une journée en prison pour une personne revient à 300 francs. Plus nous attendons, plus nous jetons d’argent par les fenêtres ! Je ne peux imaginer que cette façon de faire convienne à la COFIN. Dès lors, je vous invite à renvoyer ce postulat directement au Conseil d’Etat et à cesser ces tergiversations qui ne servent à rien. Le constat est unanime : il y a un problème et nous devons nous en saisir, avec le bon sens vaudois qui devrait tous nous caractériser.
Mon collègue Raedler a dit l’essentiel, mais j’aimerais encore relever que la Commission thématique des affaires juridiques couvre un champ de thématiques qui englobe notamment l’activité du SPEN et d’autres services de l’Etat. En ce sens, elle a pu se rendre compte à quel point il y a un problème en matière d’incarcération. Le travail de commission a donc été fait, puisqu’il débouche sur le présent postulat. Je crois effectivement que tout report retarderait les solutions que le Conseil d’Etat pourrait nous proposer en la matière. Dès lors, je vous invite à renvoyer ce postulat immédiatement au Conseil d’Etat.
Aucun membre de notre groupe politique ne fait partie de la CTAJ, dont nous saluons la démarche et la demande de renvoi direct au Conseil d’Etat. En effet, c’est vraisemblablement cette même commission qui devrait traiter de cet objet en cas de renvoi en commission, ce qui ne ferait donc aucun sens. Notre groupe se réjouit du dépôt de ce postulat qui est aligné avec les dénonciations de la surpopulation carcérale émanant, année après année, de nombreux acteurs de la chaîne pénale.
J’aimerais encore attirer votre attention sur le fait que ce postulat demande exactement la même chose que la question orale que j’ai posée, avec mon groupe politique, le 16 avril dernier, en parallèle d’une requête concernant la Loi l'information (LInfo) déposée par les Juristes progressistes vaudois, à savoir que nous souhaitions obtenir au plus vite un rapport confié à un mandataire externe depuis plus d’un an par le Conseil d’Etat pour évaluer les causes et les solutions à la surpopulation carcérale. Cette démarche a été annoncée dans la presse par le Conseil d’Etat à de multiples reprises. En avril dernier, ma question orale a fait l’objet d’une réponse assez vague. Toutefois, il m’a été rapporté, depuis, que le rapport aurait été confié à un éminent spécialiste des questions de politique pénitentiaire suisse, M. Benjamin Brägger. En plénum, le Conseil d’Etat prétendait que les documents d’analyse produits ne seraient qu’une étape d’une grande étude plus large. En février 2024, dans le journal 24heures, le Conseil d’Etat parle d’une étude en consultation auprès des partenaires de la chaîne pénale. Nous imaginons que cela désigne le Ministère public et trouvons tout à fait regrettable que les pouvoirs de l’Etat ne soient pas traités de manière égalitaire. C’est-à-dire que le Conseil d’Etat consulterait le pouvoir judiciaire sans consulter le pouvoir législatif, ce qui revient à tenir le Grand Conseil dans l’ignorance d’un sujet majeur appelé par plusieurs groupes politiques et par plusieurs commissions. De toute évidence, le Grand Conseil demande à obtenir ces chiffres et ces informations , ainsi que les résultats produits jusqu’ici. Le Grand Conseil est un partenaire de la chaîne pénale qui doit être inclus dans le processus de consultation afin de pouvoir participer à cette réflexion d’utilité publique. Nous devons donc avoir accès à tous les documents d’analyse qui auraient déjà été produits. Comme cela a déjà été dit, il s’agit d’une situation d’urgence, même si d’autres rapports ou d’autres analyses pourront être produits par la suite.
En résumé, l’analyse des causes de l’augmentation de la population carcérale dans le canton de Vaud, que tout le monde appelle de ses vœux, semble déjà en partie sur la table, puisqu’elle a déjà fait l’objet d’une demande d’analyse par le Conseil d’Etat, qui aurait déjà reçu un rapport du spécialiste des questions de politique pénitentiaire ! Personnellement, l’occultation de ce document me semble inexplicable, surtout lorsqu’on connaît le sérieux du mandataire en question.
Il y a une phrase célèbre, dans le film « Le guépard » : « Il faut que tout change pour que rien ne change. » Je déclare mes intérêts : je suis avocat de profession et auteur – vous pourrez en juger par vous-même – d’un certain nombre d’interventions sur les problématiques liées à la chaîne pénale. Je suis notamment l’auteur d’une interpellation intitulée « Détenus relâchés par faute de place, quelle est la solution ? ». C’est dire que, depuis 17 ans que je siège dans ce Grand Conseil, nous n’avons manifestement toujours pas trouvé l’œuf de Colomb pour résoudre une problématique dont on nous répète « y a qu’à, faut qu’on », ou alors « Le Conseil d’Etat n’a qu’à déposer un rapport et nous allons trouver des solutions » alors que nous n’en avons pas trouvées depuis une vingtaine d’années !
Je rappelle également qu’en 2013, à la demande d’une motion de votre serviteur, nous avions tenu des Assises de la chaîne pénale. On nous annonçait alors une amélioration de la situation, notamment en raison des nouvelles procédures issues du nouveau Code de procédure pénale. Rien n’y a fait ! En 2018, de nouvelles Assises de la chaîne pénale ont eu lieu. Aujourd’hui, nous sommes en 2024 et nous nous posons exactement les mêmes questions qu’en 2013 et 2018. Chers collègues qui invoquez l’urgence à trouver des solutions, je me permets d’apporter un peu de modération à votre enthousiasme. Si nous trouvions une solution d’ici 2030, ce ne serait déjà pas si mal.
Premièrement, on évoque des statistiques, à grands cris. Je dois préciser que si je suis membre de la CTAJ, je n’étais pas présent lors de cette séance, ce qui me permet peut-être quelque distance par rapport au texte adopté. On a surtout envie de se pencher sur l’aspect statistique, comme si les statistiques allaient donner la solution aux problématiques déjà évoquées de la chaîne pénale. Oui, le canton de Vaud compte 1 million d’habitants. Oui, le canton de Vaud est un des premiers cantons de Suisse en termes d’immigration. Je le précise, parce que l’une des causes de la détention préventive – ou même de l’exécution des peines en post-pénal – est évidemment le profil social du détenu et ses attaches avec notre pays. En effet, lorsque le juge doit examiner les risques de fuite, l’entourage et l’origine du détenu entrent évidemment en considération dans la pesée des intérêts. Sortir des statistiques d’un chapeau pour dire qu’à Berne, c’est différent… pour moi, cela n’a aucun sens.
Deuxième élément : la surcharge des autorités judiciaires a été fortement médiatisée par le Procureur général. Je pense que tous les représentants de la Commission de gestion (COGES) ou ceux qui se donnent la peine de lire le rapport du Tribunal cantonal sur l’Ordre judiciaire peuvent voir, année après année, que les délais s’allongent pour arriver à l’audience de jugement – M. de Lapalisse nous aurait dit que la détention s’allonge d’autant.
Un troisième élément a été mis en avant par le procureur lors de sa conférence de presse : il s’agit de la gravité des faits. Statistiquement, on ne peut pas comparer une infraction avec une autre, cela dépend évidemment des faits pour lesquels les personnes sont renvoyées.
Un quatrième élément – et non des moindres – au sujet duquel votre serviteur a fait de nombreuses interventions concerne le fameux chantier des prisons. Depuis l’année 2000, époque à laquelle je suis entré en politique, j’ai entendu dire que le Bois-Mermet serait prochainement fermé. Je l’ai encore entendu récemment, nous verrons bien… Nous savons que les Grands Marais vont ouvrir, mais il n’en demeure pas moins que la problématique du manque de places dans les prisons est aussi une réalité. J’ai déjà eu l’occasion de le dire, dans cet hémicycle, que laisser des détenus dans des cellules totalement inappropriées est parfaitement inacceptable et c’est d’ailleurs sanctionné par les tribunaux qui octroient des indemnités à ces détenus.
Il me semble que la meilleure solution pour savoir ce à quoi nous voulons tendre serait effectivement de renvoyer ce postulat à une commission pour que nous puissions débattre de ce que nous attendons du Conseil d’Etat. Puisque nous avons apparemment une sorte de rythme quinquennal sur les assises de la chaîne pénale, pourquoi ne pas convoquer à nouveau de telles assises ? A l’évidence, la problématique est beaucoup plus large que le fait de brandir des statistiques.
S’ajoute en outre la question de la séparation des pouvoirs évoquée par une préopinante – et ce n’est pas une mince affaire ! Je veux bien que l’on donne des injonctions au Tribunal des mesures de contrainte en disant qu’il devrait être moins sévère, ou que la justice pénale vaudoise condamne plus lourdement – ce qui est encore à prouver… Je me permets pourtant d’attirer votre attention sur le fait que ce genre de réflexion dépasse largement les compétences du Grand Conseil, respectivement du Conseil d’Etat. En outre, il n’y a pas si longtemps, on tirait à boulets rouges sur le Tribunal des mesures de contrainte parce que des détenus dangereux avaient été libérés... Le problème est extrêmement complexe et il ne date pas d’aujourd’hui, même si cela n’excuse rien, j’en conviens. Si nous voulons proposer autre chose qu’un alibi ou un sparadrap, sans réponse adéquate, j’estime qu’il vaut la peine de prendre le temps de la réflexion pour savoir exactement ce que nous allons demander au Conseil d’Etat. Aussi, je me permets de suggérer la tenue d’Assises de la chaîne pénale. C’est vrai qu’elles n’ont jamais résolu totalement les problèmes qui se posaient, mais au moins elles permettent des échanges avec l’ensemble des intervenants, sans forcément pointer du doigt des statistiques qui ne veulent strictement rien dire.
De nombreuses personnes ont déjà pris la parole, mais je pense qu’il s’agit d’un sujet important et que nous devons donc prendre le temps d’en parler. Evidemment, je ne partage pas l’opinion de mon collègue Raedler quand il parle des jetons de présence d’une séance de commission à 12 ou 15 personnes. De temps en temps, certains sujets doivent être sortis des commissions de prédilection – je pense notamment à la péréquation, dont la COFIN s’est longtemps occupée – jusqu’au moment où un dossier particulièrement important doit être pris en charge par une autre commission. C’est ce qui s’est passé, avec une commission à 17 membres : des personnes différentes pour un traitement différent. C’est sans doute ce que nous examinerons cet après-midi, en premier débat.
Le postulant représente la CTAJ – commission pour laquelle j’ai un profond respect, vous savez tous pourquoi – mais je ne voudrais pas que l’on regarde aujourd’hui ce dossier uniquement sous l’angle du Ministère public et de l’Ordre judiciaire vaudois (OJV), car je pense qu’il y a d’autres aspects à prendre en compte, notamment la politique du SPEN. Peut-être le dossier devrait-il être traité par des Assises de la chaîne pénale, comme cela s’est fait lors de la précédente législature ? J’aurais envie de parler de ce qui s’est passé du côté du SPOP, notamment de la manière de gérer le renvoi d’étrangers dans notre canton et de la manière dont la police travaille ; je pense également à la politique sanitaire et peut-être aussi à une autocritique de notre Parlement. Madame la députée Marendaz, vous avez parfaitement raison : nous faisons partie intégrante de cette chaîne, dont nous sommes le maillon important qui délivre les montants à disposition lors du budget pour gérer toutes les collaboratrices et tous les collaborateurs et toutes les personnes qui travaillent pour la sécurité de nos concitoyennes et de nos concitoyens– indépendance du pouvoir ou non avec le judiciaire.
Malgré tout le respect que je porte au vice-président de la CTAJ, le sujet me parait trop important pour être traité de la manière proposée. C’est la raison pour laquelle je vous demande de renvoyer ce postulat à une commission.
Tout d’abord, je déclare mes intérêts : je suis présidente de la Commission des visiteurs et j’invite notamment les commissaires de cette commission qui s’expriment à titre personnel à déclarer eux aussi leurs intérêts. Je me garderai bien de prendre position sur le travail de la CTAJ et surtout sur le système judiciaire, par ailleurs indépendant. La Commission des visiteurs peut constater une surcharge des places en détention avant jugement impactant toute la chaîne pénale, depuis les zones carcérales. Ce postulat semble avoir du sens pour questionner sur l’avenir de l’incarcération dans le canton et pour les personnes hors canton sous autorité vaudoise. Toutefois, une analyse et un débat ouvert me semblent nécessaires, et donc un renvoi en commission avec peut-être l’audition de personnes concernées.
Monsieur Buffat, ce n’est pas parce que nous ne trouvons pas de solution qu’il faut baisser les bras, ne rien faire et ne pas analyser les causes du problème auquel nous sommes confrontés. Il y a une certaine contradiction dans le fait de relever que vous aviez proposé, en 2013, puis en 2018, des Assises de la chaîne pénale, de dire que cela n’a pas servi à grand-chose en regard de la situation actuelle et, ensuite, de suggérer la tenue de nouvelles Assises de la chaîne pénale ! Le serpent se mord la queue.
Nous nous fondons sur des statistiques, parce qu’elles sont intéressantes et inquiétantes. Le rapport demandé dans le postulat n’est pas une simple description ou une explication de ces statistiques ! Il s’agit réellement de savoir quelles sont les causes qui peuvent expliquer le taux d’incarcération et quelles solutions peuvent permettre de le réduire. Nous avons effectivement entendu que le Conseil d’Etat a déjà pris des mesures allant dans ce sens, afin de comprendre le contexte et un rapport à ce sujet a été établi – cela a été dit par notre collègue Marendaz. En réalité, le travail est déjà en train d’être fait. En revanche, il faut maintenant mettre en avant le rôle de notre Grand Conseil dans ce contexte. Monsieur Berthoud, vous l’avez très bien dit : nous avons la responsabilité de nous assurer que nous ne surchargeons pas la chaîne pénale par nos lois, nos décrets et nos règlements, mais nous avons aussi la responsabilité de vérifier que l’argent est dépensé correctement.
Vous savez toutes et tous que, le 13 août, nous aurons une commission sur la construction de la nouvelle prison des Grands Marais. Il s’agit de centaines de millions de francs qui seront dépensés. Notre rôle n’est pas de tergiverser pour connaître précisément le cercle ou le contexte dans lequel nous devrions faire cette analyse, mais de demander au Conseil d’Etat de se saisir de ce sujet et de nous livrer un rapport. Dans le cas contraire, je vous dis déjà que nous ne ferons rien et nous nous retrouverons en 2042 – comme l’a dit M. Buffat – avec encore de nouvelles prisons à construire, un taux d’incarcération énorme et de la détention illicite. Peut-être que nous proposerons alors la tenue de nouvelles Assises de la chaîne pénale, mais cela ne servira à rien. Pour cesser de mener une politique qui ne sert à rien – à part de débattre de manière peu utile – nous devons obtenir un rapport de la part du Conseil d’Etat. En d’autres termes, il faut lui « refiler la patate chaude »…
Je déclare mes intérêts : je fais partie de la Commission des visiteurs de prison depuis deux ans et je commence à comprendre ce qui se passe dans ces pénitenciers et la problématique de la surcharge carcérale. Je rejoins le postulant : il faut « refiler la patate chaude » au Conseil d’Etat et je partage l’idée du renvoi direct. En revanche, monsieur Raedler, vous qui êtes avocat, je trouve assez étonnant de lire vos considérations sur les problématiques d’incarcération, dans votre postulat : les causes sont déjà connues et c’est la raison pour laquelle j’attends du Conseil d’Etat qu’il en parle d’ici trois ou six mois. Zurich, Genève et Vaud sont leaders dans l’incarcération et, avec Berne, nous faisons partie des plus grands cantons suisses. Cela entraîne un passage inévitable de délinquance entre les deux aéroports de Genève et de Zurich. La Riviera et la Côte ne sont pas épargnées et représentent un attrait pour ces gens qui cherchent des fonds, à voler de l’argent et font des victimes. Durant le week-end dernier, à Cheyres – une commune qui jouxte la mienne, entre Yverdon et Estavayer-le-Lac – il y a eu 14 vols. Si la police arrête des suspects, ils doivent être internés provisoirement avant de savoir s’ils sont coupables ou non et cela occupe inévitablement des places d’incarcération et participe à la surcharge de nos prisons.
Monsieur Raedler, je n’ai pas de dons de contorsionniste, ni physiquement ni politiquement. Sur l’aspect politique, personne n’a baissé les bras dans ce domaine. Au contraire, les différentes assises qui ont eu lieu ont permis de dégager des solutions, parmi lesquelles la construction de nouveaux établissements pénitentiaires ou des améliorations dans la fluidité de la chaîne pénale. Néanmoins, ce n’est pas l’objet du postulat que vous avez déposé. Si vous relisez les résultats des Assises de la chaîne pénale publiés en 2013 et en 2018, vous verrez que le débat a été approfondi et qu’il a apporté des solutions pour certaines choses – il faut le dire clairement. Néanmoins, le monde évolue et les procédures pénales deviennent de plus en plus complexes, du fait de la jurisprudence. Le procureur s’est aussi clairement exprimé à ce sujet.
Je persiste à considérer que l’on ne peut pas questionner le Conseil d’Etat sur des solutions, comme vous le préconisez de façon aussi réduite, parce que cela implique des réflexions extrêmement larges qui touchent aussi l’Ordre judiciaire et d’autres départements que la justice. Vous obtiendrez peut-être un rapport, mais si vous souhaitez obtenir ce que l’on entrevoit dans votre postulat – à savoir, le fait d’emprisonner moins de personnes et de diminuer la durée de la détention préventive, respectivement de la détention pénale – vous imaginez bien que cela ne touche pas l’administration de la justice en tant qu’administration, mais bien le rendu de la justice. Cela revient à mettre les deux pieds dans les prérogatives du procureur qui gère la criminalité dans le canton de Vaud, d’une part et, d’autre part, de l’autorité judiciaire.
A part un rapport qui n’amènera pas de solution, je ne vois pas l’intérêt de se précipiter avec la solution que vous préconisez. Je pense que le renvoi de ce postulat à une commission permettrait d’étudier la possibilité de refaire des Assises de la chaîne pénale et serait beaucoup plus adéquat. Dès lors, je vous remercie de suivre cette proposition.
Il n’y a pas si longtemps, le Bureau élargi du Grand Conseil a tenu une séance. A cette occasion, il m’a semblé que tout le monde était d’accord pour dire que lorsqu’un sujet n’était pas mûr pour être renvoyé directement au Conseil d’Etat – typiquement, lorsque l’on en parle depuis plus d’une demi-heure avant de passer au vote – il fallait le renvoyer à l’examen d’une commission. Au contraire, si le texte faisait l’objet d’une unanimité, il pouvait être directement renvoyé au Conseil d’Etat. Il me semble assister actuellement à un entre-soi de la CTAJ. Je pense donc qu’il serait de bon ton d’accepter la proposition de notre collègue Berthoud et de renvoyer ce texte à une commission – pas forcément la CTAJ – pour éclaircir ce qu’il demande. Personnellement, j’estime que ce sujet n’est pas mûr pour être envoyé directement au Conseil d’Etat.
Je dois donner une précision : ce postulat émane de la CTAJ. Ainsi, dire que cet objet n’est pas mûr – comme nous venons de l’entendre – revient à dire que la CTAJ n’est elle-même pas mûre pour savoir ce qu’elle fait. Nous ne sommes pas dans la situation d’une personne isolée qui dépose un texte demandant un renvoi immédiat au Conseil d’Etat et pour ce genre de cas, je rejoins ce qui a été dit : s’il n’y a pas d’unanimité, il faut que le texte soit renvoyé à une commission. Ici, encore une fois, ce postulat émane d’une commission. Etes-vous en train de nous dire que la CTAJ ne sait pas de quoi elle parle, ou qu’elle n’a pas perçu la complexité de cette question ? « Les pauvres quidams de cette commission ne savent pas ce qu’ils font, donc confions ce postulat à une autre commission ». Cela revient à mettre sous tutelle la commission dont je suis le vice-président, ce qui n’est pas acceptable sous l’angle du respect que l’on doit au Grand Conseil et à ses commissions. Ce postulat émane d’une commission, on ne peut pas le renvoyer à une autre commission, ce qui serait une mise sous tutelle de la CTAJ.
Pour notre groupe politique, ce texte est très intéressant, puisque cela fait longtemps que nous luttons pour l’expulsion des criminels étrangers qui peuplent nos prisons. Il serait intéressant de connaître le taux de récidive, preuve que le système actuel n’est pas efficient. Hasard du calendrier : à Lausanne, une vaste opération policière vient de permettre d’interpeller 39 personnes en lien avec le trafic de drogue, et la saisie de plus d’un kilo de cocaïne. Je souligne à cette occasion l’excellent travail mené par les forces de l’ordre. Malheureusement, les prisons vaudoises ne sont pas près d’être désengorgées ! Une autre piste serait que les détenus étrangers purgent leur peine dans leur pays d’origine. En espérant pouvoir lire cela dans le rapport du Conseil d’Etat, nous vous invitons à lui renvoyer directement ce texte.
Je fais partie de la CTAJ et le texte du postulant pose effectivement un certain nombre de questions, et c’est la raison pour laquelle je l’ai signé. Mais contrairement aux propos tenus par mon collègue Raedler, j’estime que de nouvelles considérations ont été apportées, cet après-midi, notamment par mes collègues Berthoud et Buffat. Comme eux, je pense qu’il faudrait discuter de ce texte dans le cadre d’une commission dédiée afin d’avoir un débat serein et cadré, d’avoir la vue la plus juste possible pour pouvoir juger de la question en toute objectivité.
Finalement, j’aimerais poser une question à Mme Marendaz qui nous a apporté un élément supplémentaire en faisant référence à un rapport. Ce rapport a-t-il été finalisé et publié ? Si c’est le cas, alors ce postulat devient caduc, parce que nous avons déjà obtenu une réponse. Et si ce n’est pas le cas, je trouve malvenu de discuter d’un rapport ni finalisé ni publié. Je vous invite donc à renvoyer le texte en commission pour qu’il puisse faire l’objet d’une discussion.
Tout d’abord, je voudrais rectifier le propos de M. Suter selon lequel le sujet serait purement circonscrit à la CTAJ. En effet, les membres d’autres commissions se sont exprimés et aussi l’ensemble des différents groupes politiques. Peut-être est-ce pour des raisons différentes, mais tous appellent un tel rapport de leurs vœux. Je trouve donc ce rebondissement du PLR est assez étonnant, étant donné l’unanimité qu’il y avait derrière le texte. A mon avis, il serait peu véridique de dire que ce texte résulte d’un huis clos de la CTAJ… C’est peut-être le cas, mais il s’agit d’un sujet qui concerne tous les groupes et tout le monde demande la parution d’un tel rapport.
Personnellement, je ne suis pas conseillère d’Etat, je ne dispose donc pas de chiffres détaillés. Toutefois, si l’on en croit les nombreuses déclarations du Conseil d’Etat dans la presse, il est évident qu’un rapport a déjà été commandé et il y a donc de bonnes raisons de penser qu’une partie de ce rapport existe déjà. Qu’est-ce qu’il contient ? Quels sont les chiffres ? Je vous invite à demander au Conseil d’Etat de faire le plus rapidement possible toute la transparence sur les premiers documents qui auraient déjà été produits. Personnellement, je n’en connais pas les détails.
Je remercie Mme Marendaz pour sa réponse. Je prends note qu’alors que ce rapport n’est ni finalisé ni publié, Mme Marendaz a visiblement déjà un aperçu des chiffres et de certaines conclusions de ce rapport.
Dans ce débat, j’entends beaucoup de députés parler de rôle et de responsabilité, mais je doute fortement que, grâce à ce rapport, nous apprenions si, oui ou non, nous dépensons notre argent correctement avec la construction des Grand Marais. Cette question me semble quand même anticipée.
M. Durussel a évoqué la responsabilité du législatif, s’il s’agit de « refiler la patate chaude au Conseil d’Etat », comme il l’a dit, pour moi ce n’est pas suffisant. C’est d’ailleurs pour cette raison que je soutiendrai le renvoi de ce postulat à une commission, évidemment à une commission ad hoc. Le texte cible principalement le Ministère public et l’OJV, alors que l’ensemble des maillons de la chaîne pénale devraient être concernés. Ainsi, la vision de ce postulat doit clairement être élargie. Nous ne sommes de loin pas opposés à ce postulat, mais clairement, pour qu’il soit utile, il faut le renvoyer à une commission. Monsieur Raedler, vous avez raison : une séance de commission aura un coût, mais si le rapport qui en découle est bien ciblé, son utilité sera largement supérieure. Ce sera plus efficient que d’accélérer les choses avant de dire, sous couvert d’efficience, qu’une séance de commission supplémentaire serait inutile. Dès lors, je vous prie de bien vouloir soutenir ce renvoi à une commission ad hoc. C’est précisément parce qu’il s’agit d’un chantier important que ce postulat mérite, dans ses conclusions, d’élargir sa vision et de cibler l’ensemble des services de l’Etat concernés afin que nous puissions avoir un rapport utile, qui soit utilisable et utilisé.
J’annonce mes intérêts : je suis membre de la CTAJ et j’ai également cosigné ce texte. Avant toute chose et tout en respectant le secret des délibérations de la commission, je me permets de rappeler le contexte dans lequel ce texte a été proposé aux membres de la commission. En effet, notre commission a été nantie d’une pétition qui émanait apparemment de plusieurs détenus de La Croisée, qui mettaient en cause non seulement les conditions de détention et la problématique de la détention provisoire, mais également certains arguments de fond de certains dossiers. Sur la base de cette pétition, notre commission a décidé de rencontrer le représentant des pétitionnaires, par le biais d’une délégation. Cette audition a eu lieu. Il est apparu qu’en réalité, la pétition transmise émanait d’un détenu qui, pour des raisons inconnues de la commission, a vu sa procédure se prolonger au-delà de la période de détention habituelle et qui est demeuré durant toute cette période en détention provisoire. Sur la base de ces constatations, notre commission a effectivement discuté de la possibilité de déposer un postulat pour obtenir certaines réponses sur la problématique de la détention provisoire. C’est dans ce cadre que nous avons discuté de ce texte. Ce que j’entends aujourd’hui montre qu’en réalité, le débat est beaucoup plus large. Effectivement, comme cela a d’ores et déjà été dit par certains préopinants, d’autres questions se posent probablement. J’apprends également aujourd’hui l’existence d’un projet de rapport. Ainsi, la question de la nécessité de déposer ce postulat se pose. Certes, notre commission a discuté de cet objet, mais elle l’a fait dans le cadre très précis que je viens de rappeler.
Par ailleurs, à mon sens, un autre argument plaide institutionnellement pour le renvoi de ce postulat à une nouvelle commission ad hoc : notre commission a mené ses travaux sur cet objet sans la présence du Conseil d’Etat. Aucun représentant du Conseil d’Etat n’a jamais été entendu par la CTAJ sur cette question. Aujourd’hui, au vu des discussions soulevées, des différents arguments mentionnés et manifestement de la confusion que font certains entre la détention provisoire – donc avant jugement – l’exécution de peine et la problématique de la politique criminelle dans le canton, il me semble qu’un renvoi en commission se justifie. Je vous invite dès lors à soutenir cette proposition.
Je suis vice-président de la Commission des visiteurs, ce qui, à mon avis, ne constitue pas un intérêt. Evidemment, depuis 2 ans, cette commission s’est posé les mêmes questions que se pose la CTAJ. Nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’auditionner le Procureur général et la présidente du Tribunal cantonal sur ces sujets. J’imagine donc que plusieurs membres de cet hémicycle appartenant à des commissions différentes ont obtenu un certain nombre d’informations. Une commission ad hoc permettrait de mettre en commun les différentes informations que nous avons obtenues par des canaux différents et cela permettrait sans doute aussi d’affiner ce texte, comme l’a dit Mme Gross.
Monsieur le vice-président de la CTAJ, il ne s’agit nullement d’une mise sous tutelle. Encore une fois, le dossier est tellement important que nous devons reprendre ce qui s’est passé, ce qui se passe et ce qui se passera. C’est un sujet si important que l’on ne peut pas le réduire à une statistique de l’OFS. Il y a de nombreux sujets connexes que nous devons traiter.
Monsieur Durussel, je suis d’accord avec vous : on peut remettre « la patate chaude » à notre gouvernement, mais le groupe UDC n’a pas de représentant au gouvernement – malheureusement selon moi, puisque je suis un homme de droite. Chères et chers collègues de l’UDC, s’il vous plaît, participez au débat ; ne renvoyez pas ce dossier à l’exécutif sans y prendre part.
Monsieur Glayre, je ne comprends pas votre position. Oui, il y a une surpopulation carcérale. Je peux entendre vos propos par rapport aux étrangers ; cela ne me pose aucun problème, on peut en parler. Cela s’appelle la démocratie et se fait, dans un Parlement. Chères et chers collègues de l’UDC, encore une fois, je ne comprends pas votre position.
Dans le cadre de ce débat, nous avons entendu de nombreux éléments très intéressants. Tout d’abord, en ce qui concerne l’étude de M. Brägger, il s’agit d’un document qui est en cours d’élaboration. Ainsi, comme tout document en cours d’élaboration, il n’a pas encore été transmis au Grand Conseil et n’a pas encore été rendu public. Effectivement, il s’agit d’une étude menée au sein du Conseil d’Etat sur les questions qui vous occupent aujourd’hui. Madame Marendaz, tant que cette étude n’est pas finalisée, nous n’allons pas vous la transmettre. Aujourd’hui, nous sommes dans le cadre d’une étude qui doit encore être menée, avec encore de nombreux éléments à reprendre sur ce sujet complexe. Le jour où ce rapport sera complet, nous informerons à ce propos.
En ce qui concerne le postulat qui nous occupe aujourd’hui, il convient de distinguer deux éléments : les constats, et les chiffres en rapport avec les constats. La question de ce que nous voulons faire de ces chiffres se pose aussi et à ce sujet, il me semble que vous n’êtes pas tous d’accord. Le postulat part du principe que l’on veut faire diminuer le nombre des personnes incarcérées, mais pour cela, il faudrait déjà être d’accord avec les constats posés. Or, j’ai de la peine à percevoir une convergence de vues à ce sujet au sein de ce plénum. Puisque, visiblement, tout le monde n’est pas d’accord sur les constats posés et les chiffres, est-ce que tout le monde est d’accord avec l’objectif de ce postulat qui demande de freiner l’augmentation, voire, à terme, de réduire l’incarcération ? Personne n’a envie d’incarcérer des personnes pour le plaisir, évidemment, mais êtes-vous tous d’accord avec l’objectif final de diminuer l’incarcération des personnes, et cela sans savoir quelles sont les causes et quels sont les constats chiffrés y relatifs ? Il est assez compliqué de comprendre l’objectif des personnes qui se sont exprimées. En effet, dans son développement écrit, le postulat indique déjà que son objectif est de diminuer l’incarcération. C’est la première question que je vous pose, à cette étape.
La deuxième question est la suivante : faut-il renvoyer ce postulat à une commission, ou non ? Vous en déciderez. Selon moi, il est clair que si ce postulat nous est transmis – suite à un passage en commission ou pas – le Conseil d’Etat devra, de toute façon, en étendre la portée. En effet, dans son développement écrit, M. Raedler indique que l’on devrait analyser les causes de l’augmentation de la population carcérale, en y intégrant à la fois les causes exogènes et celles relatives à la politique pénale menée par le Ministère public du canton. Je veux bien, mais cela me parait beaucoup trop restreint. Il s’agit de questions de politique intérieure et pas simplement de politique pénale. Il y a la question de l’OJV, du SPEN, du SPOP, il y a la question de la typologie des délinquants et de leur origine. Il y a enfin la question de l’attractivité de notre canton en matière d’infractions. D’une manière ou d’une autre, tous ces éléments devraient être intégrés à cette étude. Si ce postulat nous était renvoyé, il paraît assez clair que ces éléments devraient, pour le moins, figurer dans l’étude qui nous est demandée.
Troisièmement, sur la base de ces chiffres, nous devrions voir quels sont les objectifs. Sur la base des éléments de l’étude, devons-nous viser une diminution de l’incarcération ? Les constats qui seront posés nous donneront des réponses, mais on ne peut pas répondre a priori. Avec ce texte, on part du principe qu’aujourd’hui, une surpopulation est due à X raisons et nous devons faire en sorte de faire diminuer les incarcérations. Mais ce sont là des éléments qui n’apparaîtront qu’en fonction de l’étude qui sera établie.
Enfin, j’aimerais souligner un dernier point : l’indépendance de la justice. A ce propos, je rappelle que la politique pénale n’est pas du ressort du Conseil d’Etat. A mon sens, il s’agit d’éléments très importants et nous ne sommes évidemment pas du tout opposés à ce type d’étude, mais celle qui est menée au sein du Conseil d’Etat n’est pas encore finalisée. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas encore été rendue publique.
En conclusion, si ce postulat veut s’attaquer aux causes de la surpopulation carcérale, il faut imaginer l’ensemble des causes et non se focaliser sur deux ou trois points pris hors de leur contexte, alors qu’il s’agit précisément d’avoir une vue globale, notamment en termes de typologie des délinquances dans le canton de Vaud. Je le répète, ce postulat part du principe que l’objectif est de diminuer la population carcérale. Je le comprends, mais une fois de plus, il s’agit d’abord de mener une étude avant de pouvoir imaginer les mesures à prendre, qu’il s’agisse de la construction de prisons – celle des Grand Marais paraît tout de même indispensable – ou d’autres solutions pour éviter l’incarcération. Il me paraîtrait très intéressant de refaire un passage en commission pour évoquer ces éléments, mais vous pouvez aussi nous transmettre directement ce postulat. Dans tous les cas, l’objectif de l’étude devrait être beaucoup plus global que ce qui figure actuellement dans le texte.
Je remercie la présidente du Conseil d’Etat pour ces éléments. Vous avez évoqué le fait que, dans ce postulat, il est effectivement indiqué que l’étude devrait intégrer à la fois les causes exogènes et celles relatives à la politique pénale menée par le Ministère public du canton et vous avez ensuite relevé que cela était beaucoup trop restrictif. J’ai du mal à comprendre comment cela pourrait être trop restrictif, alors que l’on parle de causes exogènes – soit, par définition, absolument toutes les causes extérieures à la situation. Naturellement, l’objectif final est la diminution du nombre de personnes incarcérées, parce qu’une augmentation continue de leur nombre représente une vraie fortune. Nous ne pouvons pas nous permettre une croissance illimitée du taux d’incarcération. Mais ce n’est pas le but recherché par ce postulat. En effet, je vous renvoie à la conclusion elle-même : le but n’est pas de réduire le taux d’incarcération, mais d’obtenir un rapport sur ce taux d’incarcération, avec ses caractéristiques principales, les causes qui peuvent l’expliquer et les solutions qui peuvent être mises en œuvre. Le but de ce postulat est de comprendre pourquoi nous sommes aujourd’hui dans cette situation – et c’est exactement ce que vient de dire Mme la présidente du Conseil d’Etat.
A ce titre, je relève aussi que, dans le rapport de 2023 de la Commission des visiteurs, la première recommandation précise : « La commission recommande au Conseil d’Etat de prendre toutes les mesures utiles pour mettre fin à la surpopulation carcérale, indépendamment du projet de construction de l’établissement pénitentiaire des Grands Marais ». Je ne voudrais pas qu’une troisième commission – ad hoc, du coup, parce que l’on ne fait pas suffisamment confiance à la CTAJ – vienne nous dire qu’elle aimerait que l’on réduise cette surpopulation. Cela deviendrait réellement ridicule. Aujourd’hui, nous avons la possibilité de dire au Conseil d’Etat que nous voulons des explications sur les causes exogènes liées à ce taux d’incarcération. Comme nous avons besoin de ces explications à brève échéance, je vous remercie de soutenir le renvoi immédiat de ce postulat au Conseil d’Etat.
Monsieur le vice-président de la CTAJ, j’ai de la peine à accepter ce que vous nous dites. En effet, lorsque l’on fait un travail, dans une commission, cela débouche sur la réalisation d’un rapport. A la suite de cela, un débat en plénum a lieu et le Parlement s’exprime pour donner des directions au gouvernement. Il ne s’agit pas d’une question de confiance envers votre commission, mais ce n’est pas tout à fait la même chose que la démarche institutionnelle que vous tentez de nous imposer aujourd’hui. Naturellement, vous êtes libre de la proposer, monsieur le vice-président, mais je peux d’ores et déjà vous annoncer que je vais déposer un texte complémentaire qui permettra au gouvernement de répondre aux questions qui m’intéressent, des questions un peu plus larges, qui traitent du passé, du présent et du futur et qui n’incombent pas qu’au Ministère public ou à l’OJV.
La discussion est close.
Le président rappelle que l’auteur ayant demandé le renvoi direct au Conseil d'Etat et certains membres le renvoi en commission, le plénum doit décider du cheminement du postulat.
Le renvoi direct au Conseil d'Etat, opposé au renvoi à une commission, est choisi par 72 voix contre 61 et 5 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui privilégient le renvoi direct au Conseil d’Etat votent oui ; celles et ceux qui préfèrent un renvoi en commission votent non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, le renvoi direct au Conseil d'Etat, opposé au renvoi à une commission, est choisi par 73 voix contre 62 et 4 abstentions.
*introduire vote nominal
Le postulat, pris en considération, est renvoyé au Conseil d’Etat par 78 voix contre 57 et 4 abstentions.