21_MOT_2 - Motion Marc Vuilleumier et consorts - Petits revenus et fisc, lorsque l’Etat donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre.
Séance du Grand Conseil du mardi 15 juin 2021, point 8 de l'ordre du jour
Texte déposé
En octobre 2018, le Grand Conseil adoptait un certain nombre de mesures fiscales, notamment pour répondre à une initiative demandant une baisse d’impôt pour la classe moyenne. Entre autres, la déduction pour les cotisations de l’assurance maladie est passée de fr 2’200.- à un plafond de fr 3’200.-. Bon nombre de contribuables peuvent s’en réjouir. Toutefois, un effet pervers s’est introduit dans cette décision, notamment pour les bénéficiaires de PC et de rente-pont. Les associations remplissant les déclarations fiscales en ce début d’année en donnent de nombreux exemples. La suppression de la déduction de fr 2’200.-, au titre de l’assurance maladie pour les bénéficiaires de PC et, ainsi, la diminution de certaines déductions entrainent une augmentation très sensible d’impôt pour des revenus très modestes restés stables en 2019 et 2020. Il en va de même pour les bénéficiaires de rente-pont et, probablement, pour d’autres contribuables de condition modeste bénéficiant d’un subside élevé à l’assurance maladie. La modification de la déduction pour contribuables modestes ne compense pas la précarisation fiscale de ces nombreux contribuables. Les bénéficiaires de PC et de rente-pont représentent environ 10% des contribuables vaudois.
Nous présentons 3 exemples :
- Une bénéficiaire PC dispose en 2019 et 2020 d’un revenu déclaré de fr 28’440.-. Après les déductions usuelles et la suppression forfaitaire pour l’assurance maladie, le revenu imposable passe de fr 7’200.- en 2019 à fr 11’500.- en 2020. L’impôt dû passe de fr 535.- à fr 1052.-, augmentation de 96% !
- Un couple au bénéfice des PC dispose d’un revenu déclaré de fr 42’660.-. Le revenu imposable passe de fr 15’700.- à fr 20’900.- et l’impôt dû de fr 1’132.- à fr 1’820.-, augmentation de 60% !
- Un bénéficiaire de rente-pont dispose d’un revenu de fr 31’657.- en 2019 et fr 31’617.- en 2020. Il a pu déduire pour l’assurance maladie fr 2’200.- en 2019 et fr 114.- en 2020. Son impôt passe de fr 1’193.- à fr 1’713.-, augmentation de 44% !
Les motionnaires ont la conviction que le législateur n’a pas voulu aider les classes moyennes au détriment des contribuables modestes.
Il est en effet paradoxal que l’Etat finance des PC pour couvrir le loyer et les besoins vitaux de ses bénéficiaires et, parallèlement, ponctionne d’avantage d’impôt sur ces modestes revenus. Il donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre.
Nous pouvons nous demander quel sera l’impact de cette nouvelle taxation pour les PC familles et les nombreux contribuables bénéficiant d’un subside élevé à l’assurance maladie.
Par cette motion, nous demandons que des mesures appropriées soient proposées par le Conseil d’Etat, par exemple en revisitant la déduction pour contribuables modestes ou la déduction pour assurance maladie ou par tout autre mesure, pour que les contribuables concernés ne soient pas pénalisés entre 2019 et 2020 et pour les années à venir.
Le 22.1.2020
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
---|---|
Jean-Marc Nicolet | |
Hadrien Buclin | EP |
Pierre-Alain Favrod | UDC |
Yann Glayre | UDC |
Stéphane Balet | SOC |
Yvan Luccarini | EP |
Yves Paccaud | SOC |
Cendrine Cachemaille | SOC |
Valérie Induni | SOC |
Jean-Louis Radice | V'L |
Felix Stürner | VER |
Nicolas Bolay | UDC |
Stéphane Montangero | SOC |
Jérôme Christen | |
Sébastien Cala | SOC |
Salvatore Guarna | SOC |
Anne-Sophie Betschart | SOC |
Jean-Claude Glardon | SOC |
Taraneh Aminian | EP |
Raphaël Mahaim | VER |
Amélie Cherbuin | SOC |
Didier Lohri | VER |
Circé Fuchs | V'L |
Séverine Evéquoz | VER |
Jean Tschopp | SOC |
Sébastien Pedroli | SOC |
Cédric Echenard | SOC |
Léonard Studer | |
Nathalie Jaccard | VER |
Céline Misiego | EP |
Delphine Probst | SOC |
Serge Melly | |
Julien Eggenberger | SOC |
Pierre Zwahlen | VER |
Documents
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa Commission des finances a traité de cet objet lors de sa séance du 25 mars 2021 et elle vous propose de ne pas prendre en considération cette motion. Convaincu que les mesures fiscales adoptées par le Grand Conseil à la suite du dépôt de l’initiative populaire relative à la déductibilité fiscale des primes d’assurance-maladie contiennent des effets pervers, le motionnaire demande que des mesures soient prises afin qu’aucun contribuable ne soit pénalisé par l’introduction de ces nouvelles règles. Il est utile de rappeler que, lors de la discussion sur le budget 2019, le Parlement a effectivement modifié la loi d’impôt dans le sens proposé par l’initiative populaire dite « Pour une réduction d’impôt pour la classe moyenne ». Il a ainsi porté la déduction pour prime d’assurance-maladie de 2200 à 3200 francs par contribuable, limitant toutefois celle-ci aux seules primes effectivement payées par le contribuable lui-même. En même temps, le Parlement a augmenté la déduction pour contribuable modeste de 1000 francs. Il a toutefois refusé une proposition d’amendement visant à augmenter ladite déduction au-delà de la proposition du gouvernement.
Le conseiller d’Etat a expressément attiré l’attention de la Commission des finances sur le fait que c’est précisément parce qu’il était conscient que la suppression de la déductibilité des primes non payées pouvait poser des problèmes à certains profils de contribuables que le Conseil d’Etat a proposé de relever le montant de la déduction pour contribuable modeste. Il a également rappelé qu’il est normal que le contribuable ne puisse fiscalement faire valoir à titre de déduction que les charges qu’il a personnellement supportées et qu’accessoirement le canton de Vaud est à ce jour l’un des plus généreux envers les personnes physiques à bas revenus.
Le motionnaire dit n’être pas certain que le Grand Conseil était bien conscient des conséquences de sa décision de ne pas porter l’augmentation de la déduction pour contribuable modeste au-delà des 1000 francs proposés. Plus confiante en la capacité d’analyse du Parlement, la majorité de la Commission des finances est convaincue que le Grand Conseil a, en la matière, pris sa décision en toute connaissance de cause. Elle ne voit ainsi dans la motion proposée qu’une tentative de revenir sur un vote perdu et vous recommande, par 9 voix contre 5 et sans abstention, de ne pas prendre en considération cette motion.
Comme l’a rappelé le rapporteur de majorité, à la suite d’une décision du Grand Conseil en réaction au dépôt d’une initiative populaire cantonale, la déduction pour les cotisations de l’assurance-maladie est passée de 2200 à 3200 francs. Toutefois, cette décision a provoqué un effet négatif pour les bénéficiaires de prestations complémentaires (PC) et de rentes-pont notamment. En effet, ces derniers pouvaient jusqu’alors déduire 2200 francs, même s’ils ne payaient pas leur assurance-maladie. Ce n’est désormais plus le cas. Cette déduction était pourtant légitime dans la mesure où on pouvait la considérer comme une déduction sociale pour des frais médicaux généraux. Rappelons que de nombreux frais médicaux ne sont pas remboursés par l’assurance, par exemple pour des médicaments comme l’aspirine, les pansements, le désinfectant, les masques de protection et on pourrait citer bien d’autres exemples.
En début d’année 2021, les associations qui aident ces contribuables à remplir leur déclaration fiscale ont alerté sur les conséquences de cette révision pour les personnes à faible revenu et elles étaient présentes ce matin à l’entrée du Parlement, comme vous l’avez certainement remarqué. La population concernée est nombreuse, puisque les bénéficiaires de PC et de rentes-pont constituent près de 9 % des contribuables vaudois, soit 42’000 personnes. La suppression de la déduction pour cette catégorie de contribuables entraine une augmentation très sensible d’impôt pour des revenus pourtant modestes en 2019 et 2020. L’augmentation de la déduction pour contribuable modeste, qui avait été décidée par le Grand Conseil parallèlement à la suppression de la déduction au titre de l’assurance-maladie pour les bénéficiaires de PC et de rentes-pont, ne suffit de loin pas à compenser l’augmentation de la charge fiscale pour ces ménages.
Cette problématique – je remercie le rapporteur de majorité de l’avoir rappelée – avait été soulevée aussi bien par l’auteur du présent rapport que le motionnaire, mon collègue Marc Vuilleumier, en 2019, lors des débats au Grand Conseil sur le budget 2020. Nous avions défendu un amendement pour augmenter davantage la déduction pour contribuable modeste. Lors de ce débat, il apparait clairement et de manière rétrospective que le Conseil d’Etat avait sous-estimé l’impact de la modification fiscale sur les bénéficiaires de PC et de rentes-pont, de sorte que les membres du Grand Conseil n’étaient probablement pas conscients de toutes les conséquences de leur vote sur ces habitants du canton aux revenus modestes. Le motionnaire donne des exemples d’augmentations fiscales très sensibles que vont subir les bénéficiaires de PC et de rentes-pont. Pour ma part, je n’en citerai qu’un : le cas d’une personne qui déclare un revenu de 28’440 francs, l’impôt dû passerait de 535 à 1052 francs, soit une augmentation de 96 %. Pour une personne disposant de faibles revenus, la péjoration du pouvoir d’achat est conséquente.
La minorité estime qu’il est hautement problématique d’octroyer un coup de pouce fiscal aux revenus moyens-élevés au détriment des contribuables modestes, puisque cela conduit à creuser les inégalités de revenus réels et de pouvoir d’achat. Il est en plus paradoxal que l’Etat finance des PC pour couvrir le loyer et les besoins vitaux de ces bénéficiaires et, parallèlement, ponctionne davantage d’impôt sur ces modestes revenus. Finalement, comme l’ont rappelé ce matin les associations devant ce Parlement, il donne d’une main ce qu’il reprend de l’autre. Cette situation est tellement injuste que même des députés de droite comptent parmi les cosignataires de la présente motion. Dans ces conditions, la minorité soutient la demande du motionnaire pour que des mesures appropriées soient proposées par le Conseil d’Etat dans le but de corriger cet effet défavorable. Une solution pourrait passer par une augmentation de la déduction pour contribuable modeste ou par l’introduction d’une déduction forfaitaire pour les frais médicaux courants non remboursés par l’assurance-maladie. Relevons enfin que vu l’état très solide des finances publiques vaudoises, avec des excédents financiers aux comptes 2020, malgré la pandémie, et des réserves financières conséquentes dans le bilan de l’Etat, ce dernier aurait largement les moyens de trouver une solution favorable pour les personnes concernées. J’espère dès lors que vous donnerez suite à cette motion.
La discussion est ouverte.
Permettez-moi tout d’abord d’apporter un correctif par rapport à ce qui est écrit dans le rapport de majorité. Au point 2, alinéa 3, je n’ai pas indiqué que le législateur n’avait pas voulu soulager les classes moyennes au détriment des classes aisées, ce point ne m’ayant pas dérangé outre mesure. Toutefois, j’ai mentionné que le législateur ne voulait pas aider les classes moyennes au détriment des classes les plus modestes et il s’agit bien de cela aujourd’hui. C’est d’ailleurs un des paradoxes de la question soulevée, puisque ce sont les contribuables de condition très modeste qui financent partiellement la baisse d’impôt des classes moyennes ou aisées. Vous connaissez le problème et il a été rappelé par les deux rapports : la suppression du forfait d’assurance-maladie a fait grimper dans l’échelle fiscale les bénéficiaires de PC ainsi que de rentes-pont, mais aussi – et c’est peut-être moins connu – les bénéficiaires de subsides élevés à l’assurance-maladie.
A revenus égaux, entre 2019 et 2020, l’immense majorité de ces contribuables modestes, peut-être même la totalité, voient leur impôt augmenter de 50, 60 et même 100 %, voire plus. Il ne s’agit pas de deux ou trois personnes, mais d’environ 40’000 contribuables, quasiment 10 % des contribuables vaudois. Je me contenterai de citer l’exemple rappelé par mon collègue Buclin, soit celui du contribuable bénéficiaire de PC et qui touche 28’440 francs en 2019 et le même montant au franc près en 2020. En 2019, avec les déductions et un revenu déterminant de 7200 francs ; en 2020, sans les déductions, il a un revenu déterminant de 11’200 francs avec, comme résultat des courses, un montant d’impôt passant de 535 francs à 1052 francs, soit un impôt qui a presque doublé. Or, une dizaine de milliers de contribuables se trouvent dans cette situation. Il est donc erroné de dire, comme cela a été le cas en commission, qu’il n’y a pas de problème, car c’est incontestablement le cas. Dans cette salle ou ailleurs, qui accepterait de voir son impôt augmenter dans de telles proportions ? Certainement personne... Les bénéficiaires de PC, ceux de rentes-pont et de subsides élevés à l’assurance-maladie non plus. En outre, le rapport de minorité le rappelle également, les bénéficiaires de ces montants devraient puiser dans les frais d’entretien déterminés par la Confédération pour payer ce supplément d’impôt, alors que ceux-ci sont prévus pour contribuer à ce que les personnes vivent dignement dans ce pays. On le voit, l’Etat finance les PC, mais ce même Etat – même s’il s’agit d’une autre instance – en reprend une partie et ponctionne ce montant indispensable pour vivre dignement dans ce pays.
Depuis le dépôt de cette motion et la discussion en commission, d’innombrables associations ont été confrontées à ce problème, soit en remplissant elles-mêmes des déclarations d’impôt, soit en étant sollicitées par des usagers au travers des services sociaux qu’elles mettent en place. Ces associations vous ont écrit et il s’agit d’associations importantes : le Centre social protestant (CSP) Vaud, Caritas Vaud, Pro Infirmis, Forum Handicap, Mouvement populaire des familles, Association des vieillards, invalides, veuves et orphelins (AVIVO), Cap-Contact, l’Association des familles monoparentales, l’Association des familles du Quart Monde, la Fédération syndicale SUD, la Fédération vaudoise des retraités et l’Association suisse romande intervenant contre les maladies neuro-musculaires (ASRIMM). Cela représente beaucoup de personnes qui ne sont pas prêtes à lâcher cette question. Toutes ces associations, les 40’000 personnes concernées, ainsi que les députés qui ont cosigné cette motion – cela englobe aussi des députés de droite – et finalement toutes les personnes éprises par un sentiment de justice fiscale vous demandent de renvoyer cette motion au Conseil d’Etat afin que ce dernier trouve des solutions, comme il l’a fait avec le rétroactif AI ou rente-pont. La solution à privilégier est certainement d’augmenter la déduction pour contribuable modeste, comme cela a été proposé il n’y a pas longtemps, mais refusé. Nous enjoignons le Conseil d’Etat à étudier cette possibilité pour que les contribuables concernés n’aient pas plus d’impôt à payer en 2020 qu’en 2019 et pour les années à venir.
Pour rappel, j’ai déposé en mai 2019 un postulat qui a été soutenu par le parti socialiste et accepté partiellement en plénum en septembre de la même année. Ce postulat demandait de mener une étude sur les situations qui seraient impactées par, d’une part, les modifications de barèmes des PC et, d’autre part, les modifications fiscales en cours. Ce postulat demandait également d’évaluer précisément les impacts sur les impôts des bénéficiaires, suite au relèvement de la déduction fiscale de l’assurance-maladie correspondant aux primes effectivement payées à revenu égal, pour des personnes sans PC fédérales, pour celles qui toucheraient un complément en la matière et pour celles bénéficiant d’une importante participation de PC. En effet, lorsque la droite de cet hémicycle a voté en faveur de la non-déductibilité des primes subsidiées, il était évident que les plus pauvres de notre société, soit ceux qui ont besoin d’un complément de ressource à l’AI ou à l’AVS, se retrouveraient avec une augmentation massive de leurs impôts. Cet élément est désormais prouvé, puisque certains subissent une augmentation allant jusqu’à 96 %.
Il nous avait alors été indiqué que, pour les bénéficiaires des PC, des mesures transitoires seraient mises en place pour faire en sorte que personne ne soit prétérité par les modifications législatives. Malheureusement, cela ne s’est pas appliqué à la fiscalité et, pour le moment, aucune mesure correctrice n’a été mise en œuvre malgré cette catastrophe prévisible et annoncée. Nous ne pouvons donc que soutenir cette motion qui permettra de rééquilibrer une situation inacceptable, et ce de manière urgente. Lors du vote de ces modifications fiscales, nous n’avions peut-être pas évalué leur impact. Au nom des invalides et retraités aux revenus modestes, je vous prie de bien vouloir accepter cette motion.
Il peut arriver que de nouvelles mesures fiscales adoptées pour de bonnes raisons produisent des effets délétères lors de leur entrée en vigueur et c’est incontestablement le cas ici. Nous savons désormais que cette mesure fiscale destinée à soulager la classe moyenne – et qui a priori porte ses fruits – a des effets catastrophiques sur les contribuables les plus modestes. Nous avons tous reçu le courriel émanant d’une dizaine d’associations, dont le CPS et Caritas Vaud. Ces associations n’ont pas pour habitude, et vous en conviendrez avec moi, de nous interpeller inutilement. Dès lors, n’ignorons pas leur mise en garde. La suppression de la déduction fiscale de 2200 francs entraine des effets pervers ainsi qu’une augmentation des impôts pour ceux disposant de revenus très modestes. Nous avons une politique sociale qui permet à bien des gens de rester la tête hors de l’eau et de mener une vie décente. Ne permettons donc pas que l’Etat reprenne d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Nous avons la possibilité de corriger cet état de fait, faisons-le donc maintenant et tout de suite. La motion ne demande pas une remise d’impôts, mais que des mesures correctrices et pragmatiques soient proposées pour éviter de pénaliser les contribuables les plus modestes. Vous l’aurez compris, les Verts soutiennent cette motion et vous invitent à la transmettre au Conseil d’Etat.
Je profite d’avoir la parole pour indiquer qu’il est très compliqué d’entendre quoique ce soit au fond de salle. Il y a beaucoup de voix qui résonnent et les micros des intervenants sont très faibles. Je vous invite tous à faire plus attention afin que nous puissions entendre tout ce qui se dit.
Pour en revenir à la motion du député Vuilleumier, une bonne partie de mon groupe et moi-même estimons que les effets ont été sous-estimés au moment de l’introduction de la modification des déductions pour les primes d’assurance-maladie. Or, cela n’était certainement pas l’effet souhaité. Comme cela a été dit, ce n’est pas dans l’optique d’aider la classe moyenne au détriment des contribuables les plus modestes que cette déduction avait été prévue. Un correctif est donc nécessaire. La suppression par l’Etat de cette déduction de prime subsidiée et qui ne correspondait pas à une situation réelle était une bonne idée. Nous sommes dès lors satisfaits de cette correction, mais elle ne doit pas se traduire par une péjoration de la situation des contribuables modestes, mais bien à une modification consistant à augmenter la déduction pour contribuable modeste ou à prendre d’autres mesures. La proposition du motionnaire mentionne la déduction fictive des primes d’assurance-maladie et nous regrettons que ce dernier n’ait pas directement proposé de modifier la déduction pour contribuables modestes. En l’état, une bonne partie du groupe des Vert’libéraux soutiendra la motion de M. Vuilleumier.
Personne n’a dû entendre votre appel en début de prise de parole, beaucoup étant occupés à papoter. Ayant obtenu le soutien d’un membre de la députation, je réitère mes propos : les personnes qui doivent bavarder sont invitées à sortir de la salle. Il y a deux semaines, lorsqu’une classe de Crissier est venue, elle m’a indiqué que dans tels cas de figure, les élèves étaient déplacés. (Rires.) Je ne savais pas trop quoi leur répondre... (Applaudissements.)
Je ne reviendrais pas sur les exemples de situations dramatiques dans lesquelles se trouvent des personnes à la suite de la modification de la loi. En effet, elles ont été très bien décrites tant dans la motion que dans les prises de parole. Je souhaite seulement revenir sur le principe. A l’époque, en Commission des finances, je me souviens qu’année après année, le rapporteur de majorité s’était inquiété de la possibilité de déduire des frais qui n’existaient pas. La loi va désormais dans ce sens en évitant que les personnes recevant des subsides puissent déduire un montant pour l’assurance-maladie. Plusieurs personnes ont qualifié cette situation d’injuste. Toutefois, ces déductions de frais qui n’existent pas sont prévues à d’autres endroits de la loi. C’est notamment le cas dans l’impôt sur les entreprises. C’est une mesure qui n’a pas été retenue, mais qui a été soutenue par le canton de Vaud dans le cadre des discussions au niveau fédéral et qui s’appelle Notional interest deduction (NID), le bénéfice corrigé des intérêts dans lequel une entreprise aurait pu déduire des intérêts fictifs d’investissements effectués avec ses fonds propres. L’idée était que l’entreprise utilise ses fonds propres pour effectuer un investissement et qu’elle puisse déduire des intérêts fictifs qui n’existent pas, celle-ci n’ayant pas emprunté. Il y a donc deux poids deux mesures et cela n’a pas été discuté jusqu’à présent. En effet, d’un côté, plusieurs personnes considéraient les NID très intéressantes alors même qu’elles permettaient de déduire des dépenses qui n’ont pas été faites et, d’un autre côté, pour les personnes bénéficiant de PC ou de petits revenus, on considérait comme scandaleux la déduction d’un montant non dépensé. De plus, comme l’a indiqué le rapporteur, tout le monde assume des dépenses liées à la santé. Certes, les personnes au bénéfice de PC peuvent faire prendre en charge leur franchise et participation, mais cela n’est pas le cas de toute une partie au bénéfice de petits revenus et qui assume de toute manière l’entièreté de leur franchise et participation jusqu’à un montant de 1000 francs par année. Ces personnes affrontent donc toujours des dépenses. Il s’agit du pot de fer contre le pot de terre et il est urgent de modifier cette injustice crasse faite aux plus petits revenus de nos habitants. Je vous invite donc à accepter le rapport de minorité.
Le groupe les Libres soutiendra les conclusions du rapport de minorité et vous propose de renvoyer la motion de notre collègue Vuilleumier au Conseil d’Etat. Comme d’autres, nous considérons qu’il est pour le moins paradoxal que des mesures fiscales qui visent à épargner différentes catégories de contribuables aient pour effet de prétériter les moins favorisés d’entre eux et que, d’une certaine manière, le remède que l’on souhaite appliquer se révèle pire que le mal que l’on veut combattre. Certes, cet effet défavorable n’a jamais été voulu par la mise en place de telles mesures. Toutefois, il crée une forme d’injustice qui mérite d’être reconsidérée et qui est mieux placé que notre gouvernement pour analyser la situation et proposer les corrections qui devraient s’imposer ? En conclusion, le groupe des Libres vous recommande de prendre en considération cette motion.
Je n’ai pas grand-chose de nouveau à ajouter. Depuis une quinzaine d’années, je suis curateur d’une personne âgée. Comme tout curateur, je remplis la déclaration fiscale de ma pupille et, depuis plusieurs années, elle paie une somme se situant aux alentours des 50 francs. Or, cette année, j’ai été surpris de constater que ce montant est passé à 170 francs. J’ai analysé la situation et je me suis aperçu que le mécanisme mis en place a contribué à faire augmenter ses impôts de manière significative. L’impôt fédéral est passé de 50 à 70 francs. De plus, alors qu’elle ne payait pas d’impôts cantonal et communal, elle se voit désormais débitrice de 33 et 68 francs. Il s’agit d’une situation concrète que j’ai vécue en tant que curateur et dont je n’avais pas pris conscience lorsque nous avons discuté de cet aspect. Nous devons désormais admettre que ce qui a été mis en place a des effets pervers et, lorsqu’on constate qu’un tel système dysfonctionne, il faut le corriger. Je n’ai pas de solution, mais il faut prendre en considération cette motion pour en trouver. Nous devons impérativement faire quelque chose, car il est inacceptable de laisser une telle situation perdurer. Je vous enjoins à renvoyer cette motion au Conseil d’Etat.
Je suis évidemment sensible à la situation des retraités. Il s’agit d’un effet de seuil lié à une injustice existante à travers laquelle des personnes pouvaient déduire des montants qu’elles ne payaient pas. Je prends le contre-pied des propos tenus par Mme Induni – parce que, lorsqu’elle parle du rapport de majorité, il s’agit de votre serviteur. La Gauche ayant refusé les NID, parce qu’il s’agissait de montants déduits mais non payés, elle ne peut plus accepter la déduction des primes d’assurance-maladie. Nous avons eu quelques discussions avec Mme Induni et d’autres collègues de gauche à ce sujet. Toutefois, selon moi, il y a eu une correction dans le cadre de l’initiative des jeunes libéraux-radicaux, laquelle a fait augmenter de 2200 à 3200 francs, soit 1000 francs de plus, les déductions possibles pour les personnes qui payaient réellement leurs primes. C’est un mécanisme correct et juste sous l’angle fiscal et c’est important de l’avoir mis en place.
Il y a effectivement eu une augmentation de la déduction des contribuables modestes, notamment pour les familles monoparentales. Cette correction a été faite, mais, à chaque fois que l’on touche à quelque chose au niveau fiscal – comme la péréquation – il y a des effets de seuil qui apparaissent et des injustices qui peuvent se créer. Je suis particulièrement sensible à celle-ci. Toutefois, pour tous les contribuables vaudois, on ne peut pas accepter d’augmenter de 2200 à 3200 francs la déduction possible, comme cela avait lieu auparavant. De ce fait, cette motion n’est pas le bon outil, car ce n’est pas en revenant à la situation antérieure que l’on va améliorer les choses. En revanche, le Conseil d’Etat pourrait trouver une autre solution qui permettrait à ces contribuables payant des impôts relativement modestes, mais représentant une somme importante pour eux, de ne pas subir cet effet de seuil. Cette motion est, selon moi, inacceptable, mais un postulat permettant de trouver une solution pour éviter cet effet de seuil obtiendrait mon soutien.
Je souhaite vous partager mon expérience provenant du terrain. En tant que membre du Comité de l’AVIVO Morges, je me suis entretenu récemment avec des concitoyennes et concitoyens âgés de ma commune qui ont eu la désagréable surprise – c’est un euphémisme – de constater une augmentation très substantielle de leurs impôts, alors que retraités, ils perçoivent de très faibles revenus et n’ont perçu aucun franc supplémentaire par rapport à l’année antérieure. Cet effet doit être corrigé, car il provoque une injustice envers les plus démunis. Je voterai par conséquent en faveur du rapport de minorité et je vous demande de faire de même.
Je m’aligne sur les considérants de mon collègue Berthoud... assortis de certains commentaires. Dans ce Parlement, personne ne nie qu’une différence de quelques centaines de francs dans un budget annuel peut être lourde de conséquence et peut induire un sentiment compréhensible d’injustice. Lorsqu’on parle d’injustice, par rapport à la sincérité de l’impôt, j’ai toujours été perplexe sur le fait que certaines catégories de contribuables puissent déduire des frais non payés. Au niveau de cette sincérité de l’impôt, il y a quelque chose de boiteux. Il faut effectivement réexaminer ce problème, mais non par le biais d’une motion – je rejoins sur ce point la position de mon collègue Berthoud – mais par un postulat, car il y a matière à réflexion.
J’interviens tardivement, ce dernier argument m’interpellant. Si on lit attentivement la motion Vuilleumier, on réalise que, dans ses conclusions, elle reste relativement ouverte en ne privilégiant pas une voie plutôt qu’une autre. Elle identifie un problème, car quand on gagne 2300 francs par mois de revenu de PC, que l’on est dans une situation précaire – alors même que l’on a été un ancien salarié ou indépendant – et que l’on se retrouve avec une petite rente, cela est extrêmement choquant et c’est indéfendable de payer deux fois plus d’impôt. Nous n’avons pas combattu la hausse de déduction pour l’assurance-maladie, mais personne n’a voulu de l’effet pervers de cette révision. Sans doute que beaucoup d’entre nous l’avions sous-estimé et la motion que vous avez sous les yeux et que je vais relire, car il faut toujours avoir le texte en tête, prévoit : « Nous demandons des mesures appropriées, par exemple en revisitant la déduction pour contribuables modestes (...) ». MM. Berthoud et Chollet ont indiqué que cette déduction pouvait poser problème, mais d’autres pistes sont envisagées, la motion précisant « ou par toute autre mesure ». Dès lors :
- soit on considère qu’il est indécent de voir les impôts de personnes qui gagnent à peine plus que 2000 francs par mois doublés, on veut une réponse et il faut alors accepter la motion Vuilleumier, laquelle est ouverte et permet au Conseil d’Etat d’envisager toutes les voies possibles ;
- soit on considère qu’il n’y a pas de problème et on se contente d’une vague étude qui nous confirmera ce que l’on sait déjà.
La situation que nous avons sous les yeux est choquante et il faut désormais agir.
La discussion est close.
Au vote, 67 députés prennent la motion en considération, 67 s’y opposent et 5 s’abstiennent. Le Grand Conseil prend la motion en considération, la présidente ayant tranché en sa faveur.
Je demande un vote nominal.
Retour à l'ordre du jourCette demande est appuyée par au moins 20 députés.
Si vous suivez les conclusions de la majorité de la commission (classement de la motion) vous votez oui, si vous suivez les conclusions de la minorité de la commission (prise en compte), vous votez non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, 70 députés prennent la motion en considération, 70 s’y opposent et 1 s’abstient. Le Grand Conseil prend la motion en considération, la présidente ayant tranché en sa faveur.
* Introduire vote nominal.