LEG_678004 - Exposé des motifs et projet de décret instituant des mesures de soutien à la diversité des médias et Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur le postulat Valérie Induni et consorts – Pour un vrai soutien à la presse et aux médias (17_POS_238) (190) (1er débat).
Séance du Grand Conseil mercredi 16 décembre 2020, point 5 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa commission a siégé six fois pour traiter de cet exposé des motifs et projet de décret sur des mesures de soutien à la diversité des médias. Afin de se doter des informations nécessaires pour une bonne appréciation des mesures proposées dans ce décret, la commission a auditionné neuf représentants de divers acteurs du paysage médiatique vaudois et de la formation. Pour votre édification personnelle, vous trouverez la synthèse de leurs propos en annexe du présent rapport.
La commission a également été chargée de traiter de la motion de notre collègue Raphaël Mahaim intitulée « Plus indispensable que jamais, la diversité de la presse doit survivre à la crise ». Vous l’avez vu, cette motion fait l’objet d’un rapport séparé et devrait être traitée à l’issue du dernier débat sur cet exposé des motifs et projet de décret. Mais ladite motion était intrinsèquement liée à l’examen de ce projet de décret, dans la mesure où un amendement visant à introduire, dans ce décret, les buts poursuivis par la motion a été accepté par une majorité des membres de la commission. J’y reviendrai ultérieurement.
Le présent décret vise à proposer des mesures de soutien indirectes à la presse pour répondre aux difficultés que doit affronter le monde médiatique, éditeurs et journalistes compris, difficultés, vous le savez, ô combien exacerbées par la crise COVID que nous traversons actuellement. Rappelons-le, ces mesures ont pour objectif :
a. le maintien de la diversité et de la pluralité de la presse, en prévoyant d’augmenter les dépenses d’annonces et d’information de l’Etat dans les différents médias vaudois, avec un plan média d’annonces publicitaires ;
b. le soutien à la production du contenu, soit principalement un coup de pouce de l’Etat à l’agence de presse ATS, en finançant un poste de journaliste qui traiterait de l’actualité locale et cantonale vaudoise et qui permettrait ainsi aux petits médias d’avoir un accès à moindres frais aux produits d’une agence de presse ;
c. l’aide à l’innovation, en créant une plate-forme d’abonnements au kiosque numérique et en finançant diverses études et recherches en la matière ;
d. l’encouragement d’une culture de l’information favorisant l’information auprès des jeunes par un accès facilité au kiosque numérique et de la formation de l’opinion de ces mêmes jeunes, notamment par une éducation au numérique et aux médias.
A cet effet, 6,3 millions seraient investis sur cinq ans. Considérant, d’une part, que l’Etat peut et doit soutenir la presse pendant qu’il en est encore temps, que l’Etat peut amener les jeunes à lire les journaux, qu’il peut aussi intervenir sur la formation des jeunes, que par ailleurs les journaux vaudois contribuent à former, et qu’il peut aussi intervenir sur les transformations numériques qui frappent le journaux ; considérant, d’autre part, que les mesures proposées dans ce décret sont ciblées, limitées dans le temps, transitoires et qu’une évaluation de ces mesures permettra de déterminer s’il convient de les reconduire ou non, la majorité de la commission est entrée en matière sur ce projet de décret par 13 voix contre 2.
Vous l’avez lu, quatre amendements vous sont proposés par la majorité de la commission. Les deux premiers visent, à l’article 4 du décret, à améliorer de manière complémentaire le système proposé d’évaluation de ces mesures. Le troisième amendement vise à l’introduction, dans un article 4bis, des dispositions transitoires donnant la base légale au Conseil d’Etat pour prendre des mesures urgentes d’aide à la presse et permettant ainsi de répondre et de traiter la motion Mahaim mentionnée au début de mon intervention. Le dernier amendement, à l’article 5, est un amendement de plume. Je reviendrai sur ces différents amendements lorsque nous traiterons concrètement les différents articles de ce décret. Finalement, c’est par 13 voix contre 2 que la commission vous recommande d’adopter le présent décret amendé.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Après de nombreuses et riches séances de commission pour la prise en compte du postulat, puis six séances pour l’examen de l’exposé des motifs et projet de décret, nous voici enfin arrivés à la discussion en plénum sur les propositions du Conseil d’Etat pour l’aide à la presse. J’avais déposé mon postulat en 2017, suite à la disparition de L’Hebdo qui m’avait interpellée, comme beaucoup de monde. S’en est suivie la disparition du Matin papier, puis localement celle du journal Le Régional. D’autres journaux régionaux vivent des moments compliqués, comme les journaux locaux regroupés dans l’association Vaud Presse. Ces difficultés sont liées à la baisse des annonces et à celle des abonnements, au changement dans les habitudes de lecture de l’actualité, notamment chez les jeunes qui se sont habitués à se renseigner prioritairement via les réseaux sociaux ou les journaux gratuits. La notion même qu’il faut payer pour obtenir un journal semble être un peu reléguée aux oubliettes par une partie de notre population. Puis le coronavirus est arrivé et des difficultés supplémentaires sont apparues : nouvelle baisse des annonces des entreprises, restaurants, lieux culturels ou sportifs qui ont vécu et vivent encore plusieurs périodes de fermeture. Une grande partie de la matière journalistique locale a disparu : plus de manifestations culturelles, plus de match, plus de fête locale ou régionale, plus de comptoir et autres manifestations économiques et, pour la première vague, suppression même des séances de conseils communaux et généraux. Bref, c’est le désert dans l’actualité, en dehors des articles sur le coronavirus. Les journaux ont fait montre d’une immense créativité pour leur contenu, pour inventer de nouvelles formes d’abonnements ou d’annonces, mais l’équilibre reste fragile et nombreux sont ceux qui craignent de ne pouvoir passer l’épaule en cette fin d’année.
Pour répondre à ces difficultés conjoncturelles liées à la situation sanitaire, le Conseil d’Etat a dégagé un crédit de 1,2 million, par la suite complété par un crédit supplémentaire destiné à mettre des annonces sous forme d’information au public et aux entreprises liées à la situation sanitaire et économique dans les différents journaux de notre canton. La commission a pu constater que l’aide de l’Etat était distribuée de manière très égalitaire entre les différents journaux locaux et régionaux. Un soutien complémentaire COVID figure dans un amendement accepté par la commission. Aujourd’hui, nous sommes appelés à adopter les mesures prévues par l’Etat de Vaud pour un soutien à une presse diversifiée et vivante. Elle se décline sous forme de quatre mesures phares qui font en particulier la part belle à la formation :
- maintien de la diversité et de la pluralité dans le paysage vaudois des médias ;
- soutien à la production de contenu et à la formation ;
- soutien à l’innovation ;
- soutien à la culture de l’information, avec une large place donnée à la formation des jeunes aux médias et à la presse, avec la mise en place de packs média pour les écoles et d’un kiosque numérique qui pourrait être proposé aux jeunes adultes.
Cette mesure de soutien à la formation des jeunes, pierre angulaire du projet de notre gouvernement, fait également écho au postulat dont nous parlerons plus tard. Ces quatre mesures forment un tout, elles ne permettront pas à elles seules de sauver la presse, ce n’est pas là leur objectif, puisqu’elles ont un rôle subsidiaire, mais elles posent les bases d’un soutien structurel à la presse de demain et à la formation des générations futures de lecteurs et lectrices, que ce soit sous forme de journaux papier ou numériques payants. Le groupe socialiste salue les mesures prévues dans l’exposé des motifs et projet de décret. Il est convaincu qu’une presse plurielle, quel que soit son champ d’activité, national, régional ou local, est un bien de première nécessité dans un système démocratique tel que le nôtre. Nous avons toutes et tous besoin, pour connaître ce qui se passe dans notre pays, dans notre région, mais aussi ailleurs sur la planète, pour pouvoir forger nos propres décisions, de journaux qui transmettent des informations vérifiées, mises en perspective, donnant des outils de réflexion et d’analyse, et ce, que l’on parle de grands sujets de société ou de ce qui se passe tout près de chez nous. Le travail journalistique, ce savoir-faire, ainsi que celui de tous les métiers directement impliqués dans la fabrication d’un journal doivent être soutenus et doivent pouvoir se transmettre de génération en génération par la politique de formation. Le groupe socialiste entrera en matière sur ce projet de décret et adoptera l’ensemble des mesures prévues dans celui-ci. Par ailleurs, il soutiendra les amendements proposés quant au bilan sur l’évaluation de l’aide à la presse, ainsi que l’amendement instituant des mesures de soutien supplémentaires COVID. Je vous remercie de soutenir l’entrée en matière sur ce projet de décret et ses différents articles, ainsi que les amendements de la commission.
C’est un dossier délicat. Nous verrons si nous accepterons in fine l’entrée en matière et le déroulé du scénario. En tout cas, mon groupe politique s’est posé la question suivante : avons-nous été séduits par un plan de ce type ? Bien sûr, la première réflexion qui pourrait nous venir à l’esprit est la suivante : s’agit-il d’une aide directe liée à un contrôle de qualité ou d’une aide indirecte ? Force est de constater que le paquet présenté par le Conseil d’Etat nous semble équilibré, parce qu’il laisse à la presse une indépendance totale au travers des aides octroyées. Ces aides octroyées de 6,2 millions sur cinq ans pourraient paraître minces dans la plupart des cas, surtout pour les journaux en difficulté qui ne survivraient pas malgré cette aide. Nous pensons que les mesures qui pourraient être prises seraient plus à chercher du côté des entreprises de presse qui font d'énormes bénéfices. Force est de constater que ces entités ne financent plus le journalisme de qualité ; elles aussi doivent voir comment sauver les journaux de qualité que nous avons encore sur notre territoire.
Sur la mesure du kiosque virtuel qui pourrait faire revenir une partie de nos jeunes dans le giron de l’information payante, nous restons mitigés pour la simple et bonne raison que la volonté sur ce point particulier nous paraît difficile à comprendre, d’autant plus que, à l’heure actuelle, ces jeunes bénéficient bien sûr d’une information gratuite. Les jeunes ont été habitués à l’information gratuite. Les éditeurs sont aussi les premiers coupables dans cette politique de donner de l’information gratuitement, en ayant le secret espoir d’avoir le plus de publicité possible — ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle sur les divers sites sur lesquels vous pouvez lire vos journaux préférés. Effectivement, la publicité est plutôt en baisse. Faire payer les jeunes pour un produit qu’ils ont gratuitement nous laisse perplexes : un retour en arrière nous paraît difficile à envisager.
Ce plan d’action n’a pas convaincu l’ensemble de mon groupe politique. Dès lors, l’entrée en matière sera bigarrée ; vous le verrez au moment des votes.
Le groupe PLR soutiendra, dans sa grande majorité, l’entrée en matière sur ce projet de décret. Nous sommes évidemment conscients des difficultés que traverse la presse depuis plusieurs années, et ce, d’autant plus en cette calamiteuse année 2020. Nous saluons d’ailleurs les mesures urgentes qui ont été prises par le Conseil d’Etat pour soutenir la presse, durant cette année, notamment par la publication d’annonces institutionnelles qui paraissent d’autant plus importantes qu’elles donnent des messages importants à la population sur les mesures sanitaires et sur ce qu’il faut faire durant cette période.
Les longs travaux de la commission ont permis d’identifier les mesures qui semblent les plus adéquates pour soutenir la presse. Toutefois, le PLR émet quelques réserves : tout d’abord, les modèles économiques développés par les entreprises de presse, notamment avec leurs titres gratuits, ont en réalité péjoré la situation. L’exposé des motifs et projet de décret le dit lui-même, dans son chapitre intitulé « l’aide étatique sujette à controverse » en page 19. L’aide à la presse écrite, en France, a certainement sauvé des titres de la disparition, mais sans leur conférer un modèle économique durable. Pour nous, les mesures proposées sur cette durée de cinq ans sont, en quelque sorte, des emplâtres sur une jambe de bois. Si les mesures visant à compenser les pertes publicitaires par des annonces institutionnelles ou celles visant à la formation des journalistes nous paraissent adéquates, nous avons plus de doutes sur les mesures de soutien à l’innovation. En effet, l’idée de la création d’une plate-forme numérique et d’un kiosque virtuel semble difficile à réaliser. Des initiatives privées visant ce même but avaient été annoncées il y a quelque temps. Or, d’après ce que l’on sait, il n’y a pas eu de suite donnée à celles-ci. Ce kiosque serait proposé aux jeunes dès 18 ans contre émoluments, mais nous n’y croyons pas. S’adresser d’abord aux jeunes de 18 ans est pour nous trop tardif : 18 ans, c’est la fin du gymnase ; c’est la fin de l’apprentissage. Nous pensons que c’est un peu tard pour aider les jeunes à s’intéresser à la presse. Selon nous, c’est dès la fin de la scolarité obligatoire que ces mesures devraient être prises. Nous regrettons un peu que le Département de la formation, de la jeunesse et de la culture ne soit pas plus intégré dans les mesures d’éducation à la presse pour les jeunes. Nous avons eu une audition très intéressante, lors des travaux de la commission, du directeur du gymnase de Provence qui avait mis sur pied un certain nombre de mesures dans son gymnase, mesures qui paraissaient très intéressantes. Je pense que le département aurait pu être un peu mieux intégré dans les travaux de cet exposé des motifs et projet de décret.
Comme l’a dit notre collègue Jobin, les jeunes s’informent déjà beaucoup via les réseaux sociaux. De nouveaux modèles existent — Brut, Konbini ou des plates-formes YouTube — et les touchent particulièrement. J’en sais quelque chose, puisque j’ai deux adolescents à la maison. Ils reviennent souvent avec des choses vues sur ces réseaux, souvent sous forme de vidéos. Le PLR est assez sceptique sur ce train de mesures qui semble se baser sur des modèles qui, en réalité, sont déjà dépassés. Toutefois et comme cela a déjà été dit, attachés à la formation d’une opinion forgée par une presse indépendante, nous soutiendrons l’entrée en matière sur ce projet de décret et nous reviendrons au fur et à mesure des débats sur les amendements proposés.
La commission a siégé à six reprises, de janvier à août 2020, soit depuis avant et jusqu’après la première vague COVID, alors que les vagues suivantes n’étaient pas encore à l’horizon. La commission a auditionné de nombreux acteurs du domaine de la presse et a pu se forger une idée plutôt claire de la situation. En fait, rien de vraiment nouveau : des médias déjà fragilisés par la fuite des revenus publicitaires dans les géants du web Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM) et autres réseaux sociaux divers et variés. Puis il y a eu un coup de massue dû au COVID suite, notamment, à l’annulation de toutes les manifestations habituellement annoncées et organisées via les médias locaux au sens large - papier, radio ou TV.
On a déjà assisté à la disparition de plusieurs titres, et non des moindres. D’autres ne pourront que suivre cette descente aux enfers si rien n’est fait pour les soutenir de manière pérenne. Avec une question de fond : faut-il que l’Etat interfère dans l’économie privée de l’information, avec le risque de perte d’indépendance éditoriale qui pourrait en découler ? Mais sans aucune aide, cette même économie privée va soit progressivement disparaître, soit trouver des financements étrangers, au risque là aussi de perdre son indépendance rédactionnelle et son intérêt pour la vie vaudoise. C’est la quadrature du cercle, mais il est important de ne pas baisser les bras ; la diversité de l’information est en jeu. Or, cette diversité est le fondement même de notre démocratie, puisqu’elle permet aux citoyens et électeurs de se forger une opinion et de voter régulièrement en bonne connaissance de cause. La vivacité et la survie de notre système démocratique en dépendent.
Dans le même ordre d’idée, la diversité des médias traditionnels est indispensable pour la formation de l’esprit critique des très jeunes, notamment dans le cadre scolaire, avant même leur accession au droit de vote. Cet esprit critique est vital pour leur permettre de résister aux fausses informations et autres sirènes complotistes qui foisonnent sur les réseaux sociaux.
Dès lors, le groupe vert’libéral soutiendra le décret qui nous est présenté aujourd’hui, estimant que la question est suffisamment cruciale pour que l’Etat intervienne pour participer à la stabilisation de la situation. L’Etat l’a d’ailleurs déjà fait dans le cadre des urgences COVID, notamment par l’insertion d’annonces relatives aux mesures de lutte contre la pandémie.
Le groupe vert’libéral soutiendra les amendements acceptés en commission, y compris celui introduisant un article 4bis. Celui-ci représente une réponse à la motion Mahaim dans le cadre de la crise en cours. Cette crise se prolonge ; on ne voit pas encore le bout du tunnel et cet article répond sur la durée à la motion. Quant aux types de mesures énumérées par le décret, l’éventail est large. Certaines mesures seront efficaces et d’autres moins. Mais elles valent toutes la peine d’être tentées. En conclusion, le groupe vert’libéral vous encourage à faire comme lui : accepter l’entrée en matière, puis soutenir le décret.
Je déclare tout d’abord mes intérêts : j’ai été membre actif de l’Association vaudoise des journalistes, ancêtre du syndicat Impressumvaud, durant 20 ans, et je suis membre passif d’Impressumvaud depuis 14 ans, depuis que j’ai quitté cette profession qui m’est toujours chère, en raison du rôle citoyen qu’elle joue au service du bien commun.
Les médias sont dans une situation périlleuse, en particulier la presse écrite romande. Sa diversité risque d’être réduite à la portion congrue ; le peu qui lui en reste est même menacé par la crise pandémique et des mesures de soutien plus larges que celles déjà mises en vigueur dans l’urgence sont nécessaires. Ce constat inquiétant ; nous le faisions déjà avant la pandémie. Depuis, la situation s’est aggravée, à tel point que l’hebdomadaire gratuit Le Régional, en dépit d’un apport en capital d’un grand groupe de presse, a dû tirer la prise. Les journaux du groupe Tx Media accusent eux une perte de 50 % depuis le début de la crise. C’est un chiffre qui date de quelques mois et qui a certainement dû s’aggraver depuis. Le rapport de la commission nous apprend même que le Journal de Morges a perdu 95 % de sa publicité. Ce ne sont que quelques signes qui constituent la partie émergée du bateau qui est en train de couler.
Il y a encore deux ans, pour certains députés, la question d’un éventuel soutien à la presse devait être écartée. C’était également le point de vue exprimé par la direction de Tx Media qui y voyait une mise en cause de l’indépendance des médias indispensable au bon fonctionnement de la démocratie et qui freinerait l’innovation - pour citer son représentant. Néanmoins, on constate aujourd’hui que le ton a changé, puisque le risque de naufrage touche également les gros navires. Tx Media voyait surtout le risque d’un soutien des médias qui constituent des grains de sable dans le développement de son activité à tendance monopolistique. La question de la liberté de la presse et son risque d’indépendance est légitime ; c’est une question centrale. Lors du débat sur le postulat de notre collègue Induni, nous avions d’ailleurs rappelé que la Radio Télévision Suisse (RTS) était un média financé par les pouvoirs publics et que nous devions nous rendre à l’évidence : la RTS ne manquait en aucun cas d’indépendance vis-à-vis du pouvoir politique.
On peut par ailleurs ajouter que la RTS, dont le fonctionnement ne dépend pas de recettes publicitaires, dispose d’une indépendance vis-à-vis de tout groupe de pression, en particulier des groupes commerciaux, ce qui n’a pas été le cas des médias dont le fonctionnement dépend des recettes publicitaires. Vous vous rappelez peut-être des pressions que le quotidien Le Temps avait subies il y a quelques années de la part d’un groupe horloger qui avait retiré ses contributions publicitaires suite à un reportage peu apprécié. Des journalistes sous pression, avec une menace permanente de perdre leur emploi, sont-ils vraiment indépendants, lorsque les annonceurs deviennent menaçants ? Il n’en demeure pas moins que le risque d’une prise de contrôle du pouvoir politique sur des médias existe. Les politiques dépendent des journalistes pour faire parler de leurs actions ; les journalistes dépendent des politiques pour obtenir de l’information. Leurs interactions peuvent provoquer des situations de dépendance néfastes pour la qualité, voire la véracité de l’information. Il est donc indispensable de ne pas accentuer cette situation de dépendance par un soutien inapproprié qui pourrait servir de levier à une pression larvée. A cette question fondamentale, nous répondons, au sein du groupe des Libres et après examen, que les mesures proposées sont intelligemment adaptées, de telle sorte qu’elles ne remettent pas en question l’indépendance de la presse. La pertinence des mesures proposées, pour qu’elles atteignent la bonne cible, était déterminante pour notre groupe. Nous aimerions relever ici la qualité du projet présenté par le Conseil d’Etat, qui non seulement a su s’entourer d’experts reconnus, mais qui a également su les entendre pour faire les bons choix.
Lors de notre débat de 2018, nous avons souligné le fait qu’un soutien était indispensable, mais que ses conditions d’octroi devaient être ciblées pour une autre raison que la liberté de la presse : pas question que l’argent de l’Etat serve à engraisser des actionnaires gloutons qui se fichent éperdument de la qualité de l’information, dès lors que leur seul intérêt est un rendement financier à deux chiffres. Lors des travaux de la commission, Isidore Raposo, journaliste émérite, fondateur du journal La Région Nord vaudois, a d’ailleurs relevé le fait que les éditeurs qu’il a connus au début de sa carrière étaient d’authentiques éditeurs, avec la passion d’informer, tandis que leurs enfants sont plutôt des passionnés de finances. Sur cette question aussi, notre groupe estime que le Conseil d’Etat apporte les bonnes réponses, avec des mesures qui privilégient un soutien ciblé qui limite le risque de détournement des objectifs visés. Le défi est de taille ; les enjeux considérables : la nécessité de préserver les emplois, de maintenir un journalisme de qualité, la survie des titres qui contribuent à favoriser les interactions sociales. Je le souligne : la presse sert de lien communautaire, en particulier la presse locale, pour tout ce qui touche au monde associatif, du sport, de la culture, des loisirs. Sur le plan cantonal et national, elle permet à chacun de se forger des opinions. Elle permet de fournir des éclairages sur des enjeux fondamentaux. C’est donc un pilier de notre démocratie, dans le sens qu’elle joue aussi un rôle de contre-pouvoir. Dans le cadre des travaux de la commission, nous avons d’ailleurs entendu avec intérêt les propos tenus par Cédric Jotterand, président de Vaud Presse, qui a expliqué que la presse jouait un rôle dans les régions pour le débat démocratique et le débat d’idées. A cet égard, il a cité plusieurs exemples. M. Jotterand a notamment insisté sur la nécessité de soutenir les médias de proximité qui jouent un rôle social déterminant : conseil communal, votation de village, giron de jeunesse, manifestation contre la nuit des épouvantails, etc. C’est un ancrage ; c’est l’identité d’un village, d’un district, d’un canton, qui risquerait de s’évanouir avec des dangers évidents.
Pour conclure, nous estimons que le projet est bon, mais qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Nous estimons que des mesures complémentaires sont à affiner. C’est dans ce sens que nous soutiendrons l’amendement qui consiste à avoir un rapport annuel sur les mesures prises. Nous vous encourageons à entrer en matière sur ce projet de décret.
Au nom du groupe des Verts, je vous invite à entrer en matière sur le paquet qui nous est proposé par le Conseil d’Etat. En préambule et sans répéter ce qui a déjà été dit, j’aimerais insister sur l’idée d’un bouquet de mesures. Dans un domaine aussi sensible, on le sait, si on misait tout sur le même cheval, il y aurait un risque de porter atteinte à l’indépendance de la presse, de biaiser les règles du jeu si délicates et si difficiles à préserver dans ce secteur. Par conséquent, le choix de ces moyens diversifiés est un choix judicieux que nous saluons chaleureusement.
Evidemment, ce bouquet a été présenté dans une logique pré-COVID ; on ne peut pas en faire le grief au Conseil d’Etat, puisque tel était le calendrier lorsque ce projet a été présenté. Entre-temps, il y a eu un tremblement de terre — ou plus précisément une pandémie. Le COVID a fonctionné comme un accélérateur de tendances. Il a accéléré des tendances qui étaient déjà à l’œuvre, mais aussi créé de nouvelles tendances et de nouvelles difficultés. Il a plongé le paysage médiatique dans une situation encore plus difficile, parfois même catastrophique, qu’avant le COVID. C’est la raison pour laquelle nous avons dû rajouter un étage à la fusée dans nos réflexions de commission.
En votant ce paquet, je pense qu’il faut se poser la question de la raison pour laquelle nous faisons tout cela : nous faisons tout cela, parce que nous sommes toutes et tous attachés à ce pilier absolument indispensable de notre vie démocratique qu’est la presse et en particulier son indépendance.
Pour conclure ce propos introductif, j’aimerais revenir sur cet épisode de COVID et voir à quel point nous avons toutes et tous dévoré les médias. Nous avons toutes et tous compté sur les médias pour nous orienter durant la crise. D’abord, avec cet exercice si difficile de la recherche de la vérité. Dans les premières phases de la crise, en particulier au printemps, il a fallu chercher des informations, alors que les informations les plus farfelues circulaient. Il a fallu que certains aillent rechercher la vérité ; c’est le travail extraordinaire qui a été fourni par les médias. Durant cette période, il a aussi fallu confronter les points de vue pour avancer dans une crise sans précédent, une crise que nous n’avions encore jamais connue sous nos latitudes. Enfin, il a fallu critiquer les autorités lorsqu’il fallait le faire, mais aussi relayer leurs messages, notamment de prévention, lorsqu’il fallait le faire. Ce travail est fondamental. Le grand paradoxe, c’est que nous n’avons jamais eu autant besoin des médias que durant la crise, mais qu’ils n’ont jamais été autant impactés par la crise, en raison de la chute des revenus publicitaires. C’est la raison pour laquelle il faut donc ajouter cet étage à la fusée. C’était le but de la motion déposée par le groupe des Verts au printemps. Nous soutenons évidemment toutes les mesures prises par le Conseil d’Etat à cet égard. La situation est particulière pour les médias, comme vous le savez, étant donné que la baisse de revenus provient notamment de la baisse des recettes publicitaires. On ne peut pas recourir aux réductions de l’horaire de travail (RHT), comme dans d’autres secteurs. Cela ne permet pas de pallier les manques. Plus important encore, parce que le secteur est si particulier, il a été exclu des mécanismes d’aides que nous avons votés hier. Le secteur de la presse en était exclu, parce que d’autres mécanismes sont prévus. Il est donc indispensable de voter la disposition transitoire prévue en commission et qui vient en appui à l’action du gouvernement. Comme l’a relevé notre collègue Florence Bettschart-Narbel tout à l’heure, ces mesures étaient indispensables. Elles ont été prises dans l’urgence, avec une situation juridique floue. Avec le paquet que nous nous apprêtons à voter, nous ajoutons un étage à la fusée : des mesures d’aide d’urgence qui seront ancrées dans la loi et qui permettront de pallier les difficultés. Nous reviendrons sur le reste des amendements dans le courant de la discussion, article par article.
(Le débat est interrompu.)
La séance, levée à 12 h 05, est reprise à 14 heures.
(Le débat est repris.)
Le groupe Ensemble à Gauche-POP soutient une qualité dans les médias et cette qualité passe par une pluralité de la presse. Cette pluralité doit passer par un soutien public de la presse. Il partage partiellement les constatations du Conseil d’Etat sur le manque de liquidités que connaissent dramatiquement les médias aujourd’hui. Et pourquoi partiellement ? S’agissant de cette analyse et des constats sur l’état de la presse dans le canton — l’érosion de la presse imprimée payante, le recul des recettes et les nouveaux usages numériques — il s’étonne tout de même de cette antienne que l’on a tendance à entendre et à lire souvent : l’information non sourcée, souvent manipulée par des algorithmes non fiables sur les réseaux sociaux soi-disant gratuits, serait la première source d’information des jeunes générations et uniquement elle. Si l’on observe ce qui se passe ailleurs que sous notre beau soleil vaudois — ou le stratus de l’Ouest lausannois — cela n’est pas le cas. L’exemple étasunien est, en ce sens, assez symptomatique : ce ne sont pas les générations Z — pour reprendre une taxonomie connue — qui hurlent avec une casquette rouge et demandent de stopper le compte sur les réseaux sociaux, loin de là, mais celles des baby-boomers — pour reprendre la même taxonomie — voire plus ancienne pour le journaliste en chef, depuis son agence de presse, à 1600 Pennsylvania Avenue à Washington D.C. Mais loin de nous l’idée de diviser la société en générations. Cela est vain et n’aidera pas la presse. Nous savons que l’objectivité dans le journalisme est une chimère et ce n’est pas ce que nous, lecteurs, cherchons. Peut-être qu’une dépêche de l’Agence télégraphique suisse (ATS) répond à cette définition, mais nous savons qu’une dépêche n’est qu’une part de la discipline du journalisme, même si elle est importante. En ce sens, le soutien de l’Etat à la rédaction de contenu journalistique vaudois va dans le bon sens. Nous sommes convaincus que les journalistes sont indépendants dans leurs pensées et leurs écrits ; cela n’est pas négociable. Nous sommes convaincus qu’ils n’appartiennent pas au Conseil d’Etat, comme on a pu le lire dans le rapport de la commission. Nous savons qu’un journaliste ou une journaliste a le droit à ses opinions, qu’il ou elle a le droit de les mettre en avant dans un article ou une interview. Nous savons aussi qu’il ou elle a le droit de ne pas être attaqué dans son intégrité pour avoir poussé dans ses retranchements l’une ou l’autre des personnes interviewées. Le nerf de la guerre, c’est l’argent. Nous ne sommes pas favorables à des monopoles des très grands groupes de presse qui contrôleraient l’entier des médias dans une région. C’est malheureusement ce que l’on peut observer un petit peu aujourd’hui. C’est aussi pourquoi l’Etat doit s’investir pour soutenir la presse. Pour toutes ces raisons, le groupe Ensemble à Gauche-POP acceptera l’entrée en matière sur ce projet de décret.
L’aide à la presse reste une question controversée dans les sociétés dites libérales. Faut-il laisser les médias naître, vivre et disparaître en fonction des marchés, de l’offre et de la demande ? Tant de titres ont sombré ou fusionné ces dernières années — des exemples ont déjà été donnés dans cette salle. L’évolution digitale permet à d’autres titres d’apparaître, souvent plus spécialisés. Le Conseil d’Etat a soupesé avec soin des solutions fines, ciblées, limitées, afin de favoriser la diversité. Bien sûr, des journalistes nous agacent, nous énervent parfois. Leur subjectivité relative, leurs critiques, leurs investigations nourrissent les opinions et les débats publics. Ils forgent une citoyenneté mieux informée. Parlementaires et gouvernants n’ont pas seulement besoin des reflets imparfaits des médias, nos démocraties trouvent dans le quatrième pouvoir une source de transparence. Encore faut-il que les nombreuses facettes du réel, la richesse des points de vue soient transmises par les journaux, par les médias. Plusieurs titres, mais surtout des regards, des avis, des enquêtes différents sont nécessaires. La pandémie en a encore accru l’urgence. Dès lors, nous vous invitons à entrer en matière.
Si, pour nous, une journée fait 24 heures, Dieu merci notre quotidien est différent pour chacun d’entre nous. De par nature, l’homme plaide pour la diversité et va généralement combattre le monopole de fait, le monopole de droit et la pensée unique. C’est dans cet esprit et dans ce but qu’il est juste de soutenir tous moyens permettant d’assurer une diversité des médias, et en particulier une diversité de la presse, au même titre que nous nous efforçons de maintenir et de soutenir notre biodiversité — si vous me permettez ce parallèle. Le quatrième pouvoir est salutaire, mais il se doit d’être ouvert, divers et non ploutocratique. Mieux vaut une pluralité de subjectivités qu’une unique et prétendue objectivité. Il me paraît dès lors logique que nous, députés, premier pouvoir, dans notre diversité, soutenions l’entrée en matière, et le présent décret instituant des mesures de soutien à la diversité des médias.
Je vous remercie pour vos prises de parole, dont je retiens l’essentiel : l’Etat ne peut pas tout, mais l’Etat ne peut pas rien ! Le calibrage de l’action de l’Etat est précisément celui qui nous a animés dans l’élaboration de ce rapport. Nous avons eu à répondre dernièrement, lors de l’Heure des questions, à un député qui nous demandait de censurer l’article d’un journaliste, au nom d’un soutien financier de l’Etat. Nous avons eu ici l’occasion de dire que la question ne doit pas être posée dans ce sens. L’intervention de l’Etat ne vise aucune des deux choses suivantes. Premièrement, ce ne peut pas être une censure, ce n’est pas au nom du soutien financier de l’Etat que celui-ci peut exercer une quelconque censure à l’encontre d’un article qui présenterait des faits qui seraient désagréables à l’Etat. Nous devons respecter en tous points la liberté rédactionnelle garantie par la Constitution. Deuxièmement, on ne peut pas considérer que, dès lors que l’Etat soutient un organe de presse, il devient un canal officiel de propagande étatique.
Cela étant posé, l’action de l’Etat est fondée parce que nous considérons que, dans le débat démocratique de notre société contemporaine, avec le foisonnement notamment des réseaux sociaux, avec l’apparition des vérités alternatives, il est plus que jamais nécessaire que quelqu’un s’attache à la très haute et noble mission de l’établissement des faits. L’établissement des faits est, dans une démocratie, un pilier pour que chaque citoyen puisse s’appuyer sur des sources sures. Cela passe par une professionnalisation du métier et par une déontologie qui impose une vérification. Sur la base de cela, la liberté rédactionnelle est évidemment garantie, mais nous avons besoin d’une presse qui garantisse les faits. L’autre aspect qui nous paraît essentiel est de garantir une pluralité des opinions. Cette pluralité des opinions dans l’espace public est centrale dans une démocratie telle que la nôtre, surtout lorsque, comme en Suisse, les citoyens sont appelés régulièrement aux urnes pour s’exprimer sur les sujets qui concernent le développement, l’avenir du pays. Cette maturité sur laquelle nous comptons de la part de nos concitoyens doit s’alimenter avec un débat qui doit nourrir les opinions. Une des sources d’information est évidemment la presse, mais ce n’est pas la seule : il y a les partis politiques, les débats. Néanmoins, la presse fait partie du canal d’information privilégié pour la formation des opinions dans notre espace public démocratique. En clair, le fondement de l’action de l’Etat, en direction d’un soutien aux médias, c’est que les médias constituent un bien tutélaire, au même titre que l’éducation et la culture, dans nos sociétés, avec des effets très positifs. Le plan du canton est de dire que ce n’est pas un plan d’aide à un média. Le plan du canton, ce n’est pas un plan aux médias en tant que titre. Le plan du canton dit que nous cherchons tout d’abord à contribuer à forger une éducation aux médias. C’est cette approche qui nous a animés. Dans le cadre de cette contribution à l’éducation aux médias, dans un moment où un certain nombre de personnes sont nées avec l’apparition des titres gratuits, la culture des médias payants nous paraît centrale pour faire perdurer une presse de qualité. De plus, beaucoup de gens s’informent grâce aux médias gratuits, soit sur les réseaux sociaux. Il est donc important d’avoir un paysage pluriel des médias, y compris des médias locaux. Dans le canton de Vaud, nous avons une presse locale et régionale très riche, qui ne reflète pas uniquement les réalités du monde, mais aussi les réalités de nos communes. Il est fondamental que ces titres puissent continuer à exister. C’est pour cette raison que le premier volet est d’instaurer une culture et une information aux médias. Evidemment, cela s’adresse beaucoup aux jeunes. C’est pourquoi nous passons par des soutiens d’abonnements, la création d’un kiosque avec un accès aux jeunes de 18 ans et toute une politique d’accompagnement à l’éducation aux médias, notamment à l’école.
Je voudrais dire à Mme Bettschart-Narbel, qui s’est étonnée de l’absence du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture dans ce plan, que je la renvoie aux pages 44 et 45 de l’exposé des motifs et projet de décret où il est précisé que, au contraire, le rôle du département est central. Nous avons conçu ce projet de décret avec Mme Amarelle, parce qu’aux côtés de la Semaine des médias qui existe et qui est conduite dans les établissements scolaires, ce projet de décret consacre un million de plus pour l’achat d’abonnements et pour permettre aux établissements scolaires d’avoir une politique pédagogique d’accompagnement, et ce, avant les 18 ans. Cet âge étant le moment symbolique où nous considérons que l’Etat peut intervenir auprès des jeunes, car à 18 ans vous recevez le droit de vote et il est fondamental d’indiquer que l’exercice du droit de vote se fait la plupart du temps grâce à une large formation d’opinions. Par ailleurs, nous avons essayé d’apporter un soutien à la presse comme institution, et non un soutien à la presse pour son contenu — c’est une nuance qu’il s’agit vraiment de retenir dans cette approche — au travers de deux soutiens possibles : la formation des journalistes qui nous semble essentielle pour garantir un avenir de la profession et un point d’attention porté à l’ATS. A l’époque, beaucoup d’entre vous avaient manifesté le désir et le besoin de disposer d’une ATS qui reflète les réalités régionales du canton de Vaud. Face à des plans de restructuration, nous avons ici prévu que l’on puisse soutenir l’existence d’une agence qui reflète les réalités de nos régions. Le troisième volet, pour résumé, consiste en une aide économique indirecte, sans influence sur le contenu, au travers d’une politique massive d’annonces de l’Etat dans les journaux et radios, pour réserver des contenus avec des objectifs d’information. Cette année 2020 a été le théâtre d’une multiplication de besoins d’annonces de l’Etat, d’informations directes à la population. En plus de ce plan, l’Etat a injecté 2 millions depuis le mois de mars, uniquement dans des aides d’urgence en direction des médias, pour donner de l’information liée aux arrêtés COVID et aux diverses mesures de soutien ou de prévention sanitaire en direction des citoyens. Enfin, ce plan prévoit qu’il puisse se décliner sur cnq ans, parce que nous sommes partis avec l’idée modeste que personne ne sait aujourd’hui quels seront les éléments qui auront un véritable impact définitif. Nous savons que nous sommes dans un contexte relativement mouvant d’une redéfinition du périmètre médiatique. Il est donc important que l’on puisse régulièrement se poser la question de savoir si les mesures retenues sont toujours les bonnes, si elles doivent être complétées, abandonnées ou renforcées. L’idée d’un examen périodique des mesures et de leurs effets nous paraît essentielle pour pouvoir commencer à construire une vision générale d’une nouvelle politique publique en direction d’un soutien à la diversité des médias. Je vous remercie du soutien que vous apportez à cette vision du Conseil d’Etat.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise par 82 voix contre 25 et 7 abstentions.
Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.
Art. 1. et 2. —
Les articles 1 à 3 ont été acceptés en commission par 13 voix contre 2.
Les articles 1 et 2 sont acceptés avec 6 avis contraires et 4 abstentions.
Art. 3. —
Nous vous proposons un amendement à l’article 3bis, qui vise à conditionner les soutiens accordés aux médias qui respectent les dispositions des conventions collectives de travail (CCT) en vigueur en Suisse romande pour tous les métiers de la branche, ou qui appliquent des conditions équivalentes. Au sein du groupe des Libres, nous estimons qu’on ne peut pas imaginer l’aide de l’Etat à des entreprises qui ne seraient pas respectueuses du partenariat social.
« Art. 3bis. — (nouveau) Ces mesures de soutien sont exclusivement accordées aux médias qui respectent les dispositions des conventions collectives de travail en vigueur en Suisse romande pour tous les métiers de la branche ou appliquent des conditions équivalentes. »
Je remercie les collègues qui ont fait des remarques sur la formulation de cet amendement, en particulier sur le terme « appliquent des conditions équivalentes », car on ne peut pas obliger une entreprise à adhérer à une association qui adhère à une CCT. En l’occurrence, il y a une CCT qui lie Impressum à Médias Suisses et une CCT qui lie Impressum à l’Union des radios régionales (URR). On peut imaginer qu’il y ait d’autres CCT et qu’un média qui n’appartiendrait pas à Médias Suisses ou à l’URR applique des conditions équivalentes à cette CTT et respecte ainsi ce que je vous propose.
Au début, je m’étais focalisé sur la profession de journaliste, mais par cohérence, j’ai étendu cet amendement aux métiers de la branche, puisque notamment les animateurs radio sont mentionnés dans la convention de l’URR et on pourrait imaginer qu’il y en ait d’autres.
L’exposé des motifs et projet de décret qui nous est soumis a pour objectif de conserver la diversité des médias dans ce canton. Au moment d’émettre des exigences d’éligibilité concernant les potentiels bénéficiaires de ce soutien aux médias, il faut savoir de qui et de quoi l’on parle. Exemple récent : de mars à septembre de l’année particulière que nous vivons, le Conseil d’Etat a eu l’occasion d’utiliser les canaux de petits ou grands médias, pour notamment faire passer les messages successifs montrant comment se protéger du coronavirus, des messages qui sont toujours d’actualité. Au cours de l’année covidienne 2020, ce sont ainsi trois médias électroniques et 24 publications très différentes les unes des autres qui ont été choisis par l’Etat de Vaud comme véhicule informant l’ensemble de la population par publication de pavés illustrant les gestes et attitudes barrières, et ce, pour un total de plus d’un million de francs. Parmi eux, figuraient cinq ou six quotidiens connus dans tout le canton, mais aussi une dizaine de petites publications hebdomadaires, bihebdomadaires ou autres feuilles d’avis locales dont on sait qu’elles seront lues de la première à la dernière ligne. De L’Echo du Gros-de-Vaud au Journal du Pays-d’Enhaut, du Journal de Sainte-Croix à la Feuille d’Avis de la Vallée de Joux,du Journal de Cossonay au Courrier d’Oron, ces modestes, mais indispensables feuilles rurales apportent notamment dans les ménages des nouvelles de proximité qu’aucun autre canal d’information ne transmet. Ces publications jouent, à moindre coût pour leurs abonnés, un rôle de lien d’intérêt générationnel, comme ils sont un élément de cohésion sociale dont se préoccupent à tous niveaux les autorités politiques qui, en zones urbaines, engagent du personnel pour créer de tels liens. Ces petits journaux n’ont pas signé et n’ont pas les ressources humaines ou financières nécessaires pour signer ou appliquer à la lettre la convention collective paritaire de la branche. Seuls les médias nationaux et régionaux ont les moyens d’appliquer cette convention collective liant éditeurs et salariés, un cordon essentiel qui oblige à une rétribution échelonnée conforme aux responsabilités, à des horaires de travail réglés, ainsi qu’à d’autres spécificités du métier. Aujourd’hui, mon confrère journaliste Jérôme Christen propose d’exclure de la liste des possibles bénéficiaires de l’aide cantonal à la presse tous ces petits ou moyens journaux, où le correspondant de service est payé au lance-pierre pour rédiger une chronique culturelle et qui s’en contente. De même, la personne qui suit le foot des talus le fait par passion ; idem pour l’institutrice qui résume le Conseil général de sa commune, car c’est une plume dans son métier. Oui, ces petits médias-là ont aussi le droit d’exister, d’être soutenus. Souvent liés à une imprimerie familiale, ils font partie des activités de ces PME et ils ont eux aussi leurs coûts d’impression et leurs frais de port à régler et leurs correspondants à dédommager. Pour le bien de notre population, ils font eux aussi partie des efforts utiles, un vivre ensemble bien compris. Aussi, je vous demande de suivre le Conseil d’Etat et la commission en refusant fermement l’amendement qui vous est proposé par la voix de M. Christen et par le groupe des LIBRES.
Ma préopinante a déjà indiqué l’essentiel, mais le groupe socialiste pourrait avoir de la sympathie pour cet amendement qui demande le respect des conventions collectives de travail, celle des journalistes en particulier, signée entre Médias Suisses et Impressum notamment — le syndicat des journalistes — mais aussi les autres conventions collectives. Vous verrez peut-être cette diversité dans le vote de notre groupe.
Si on prend la liste des journaux régionaux ou locaux du canton de Vaud, nous pouvons constater que La Côte, le Journal de Morges, La Région, Le Courrier Lavaux-Oron, L’Echo du Gros-de-Vaud, la Feuille d’Avis et Journal de Vallorbe et environs, par exemple, ont signé la CCT. En ce qui concerne Le Temps, en main de Ringier encore jusqu’à la fin de l’année, s’il n’a pas signé cette CCT, il applique l’équivalence de la CCT. Tous ces journaux ont été soutenus par les mesures d’urgence du gouvernement en cette période de COVID, une aide indirecte par la publication d’annonces. Il y a trois journaux qui ont eu aussi des publications : le Journal de Cossonay, le Journal de Sainte-Croix et la Feuille d’Avis de la Vallée de Joux, qui ne sont pas du tout signataires de la CCT et qui ne respectent vraisemblablement pas certains éléments, faute de moyens. Si on appliquait l’amendement proposé par notre collègue Christen, ils seraient exclus des soutiens à la presse. Ces petits journaux travaillent avec une, voire deux personnes professionnelles, mais ce sont souvent des correspondants dans les villages qui apportent une contribution de pigiste souvent peu ou pas rémunérée. Ce sont déjà des journaux fragiles financièrement, qui ont un bassin de lecteurs restreint, mais qui sont extrêmement importants sur le plan local. Si on devait appliquer cet amendement, ces journaux risqueraient fortement de disparaître. Nous vous proposons donc de ne pas mettre aujourd’hui de barrières supplémentaires aux mesures de soutien à la diversité des médias. Pour l’aide d’urgence aux médias qui a été déployée jusqu’ici, il n’a pas été fait de distinction. Tous ces journaux locaux, régionaux ou cantonaux ont pu poursuivre leur travail d’information. Nous vous invitons à ne pas soutenir cet amendement — tout en rappelant que le groupe socialiste est divisé sur ce point. Néanmoins, nous invitons le Conseil d’Etat à veiller aux conditions de travail qui sont appliquées dans les médias qui seront soutenus.
Il me semble que cette proposition d’amendement devrait aller de soi, dans la mesure où je ne vois pas comment de l’argent public pourrait soutenir des organismes qui ne respectent pas les conditions et tout ce qui est lié aux conventions collectives de travail. Mais à y regarder de plus près, lorsqu’un groupe basé dans la célèbre tour de la rue de la Gare à Lausanne a cessé la parution du journal Le Matin, nos représentants du Conseil d’Etat — Mme l’actuelle présidente et M. Leuba — ont essayé honnêtement et opiniâtrement de négocier non seulement pour le maintien de la parution, mais aussi pour le respect de certaines conventions et certaines garanties liées au personnel qui était apparemment sur un siège éjectable. Ils se sont heurtés à des groupes de direction venant d’outre-Sarine aussi peu disposés à la négociation qu’un camion de chantier à une course de Formule 1. Si nous votons cet amendement qui nous paraît aller de soi, alors je me demande vraiment comment il pourra, lorsqu’il y aura véritablement une épreuve de force, être suivi d’effets. Je vous remercie d’éclairer notre lanterne.
A la suite des propos de mes préopinants, j’aurais bien voulu appuyer la réflexion de Mme Ryf, qui fait le distinguo entre les rédactions et les publications qui créent des postes de rédacteurs et de journalistes à temps plein — qui ont donc des salariés qui, à mes yeux, devraient être soumis aux CCT — des autres publications. Par exemple, je sais que le Journal d’Orbe, hebdomadaire, a juste deux salariés, à ma connaissance, et à peu près 25 personnes qui collaborent presque bénévolement à la réalisation de ce journal. Aux Ormonts, il y a un petit journal sur abonnement qui s’appelle Le Cotterg. A ma connaissance, il n’a ne recourt qu’à des bénévoles. C’est pour cela que j’ai de la sympathie pour les propos de M. Christen, qui dit qu’on pourrait exiger un respect des CCT pour les salariés à plein temps, mais ce serait ignorer qu’un certain nombre de ces journaux qu’on apprécie — et qui sont lus, comme l’a dit Mme Roulet-Grin, de la première à la dernière ligne — sont faits à peu près bénévolement. Je ne sais plus comment appréhender l’amendement de M. Christen. On ne va pas mettre l’ensemble de ces publications sous le même régime. J’aimerais bien que l’on trouve une ouverture à moyen terme.
J’irai dans le même sens que ma collègue Ryf. Je vous propose de refuser cet amendement. En effet, celui-ci n’est pas applicable en l’état à certains petits journaux. Mme Ryf a cité l’exemple du Journalde Sainte-Croix. En effet, ce journal n’est pas signataire d’une CCT. Pourtant, les personnes à la tête de ce journal ne sont pas d’obédience de droite, puisque l’ancien rédacteur en chef était député socialiste et que le rédacteur actuel était membre du conseil communal sous les couleurs socialistes. Ce sont des personnes qui sont soucieuses du salaire de leurs employés. Néanmoins, je vous propose de refuser cet amendement. Ne nous tirons pas une balle dans le pied !
Le groupe des Verts a évidemment beaucoup de sympathie pour cette approche qui vise à dire qu’on cherche à niveler par le haut les conditions de travail dans un secteur difficile, avec des emplois précaires — ces fameux pigistes, ces fameux emplois à temps partiel cités par Monique Ryf, notamment. Il faut qu’on trouve des solutions. Cela dit, le groupe des Verts est quand même partagé sur l’opportunité de l’ajouter dans le décret de façon aussi rigide, et ce, pour deux raisons.
Premièrement, on ne va pas faire un nivellement par le bas, mais il faut remarquer qu’on n’a prévu ce type de conditions pour aucun des secteurs qu’on a aidés ces derniers jours ; on a voté un paquet de mesures pour d’autres secteurs économiques, mais on n’est jamais allé jusqu’à poser ce type de conditions. Je pense que ce serait faire un cadeau empoisonné aux médias que de dire « Vous qui êtes particulièrement touchés, qui êtes particulièrement indispensables dans cette crise, on vous pose des conditions qu’on n’a pas même osé poser à tous les autres ! » Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas, ce n’est pas un plaidoyer pour niveler par le bas, c’est un plaidoyer pour travailler sur le nivellement par le haut, mais sur le long terme.
Deuxièmement, il y a quand même un enjeu de défense du paysage médiatique en tant que tel, avec toutes les spécificités que cela comporte. Sans tomber dans les caricatures, on peut dire que les plus grands groupes sont souvent ceux qui peuvent avoir des CCT, qui peuvent avoir des conditions de travail assez favorables, et les plus petits médias sont ceux qui ont parfois plus de difficultés à s’adapter à ces standards. En d’autres termes, ce constat que je fais est plutôt empirique ; j’avoue qu’il n’est pas documenté, mais cela pourrait vouloir dire qu’on rend plus service aux grands qu’aux petits. Par conséquent, cela pourrait revenir à dire qu’on aide automatiquement les grands qui, de toute façon. sont déjà calés sur les standards de la branche et qu’en ce qui concerne les petits titres ou les petits médias — dont on a dû subir la disparition de quelques représentants ces derniers mois — on serait en difficulté. Evidemment, tout cela est fortement influencé par le fait qu’on est en période de crise. Si on était sur une réflexion hors COVID, peut-être que l’amendement pourrait être voté, mais il faut être prudent, ne pas être trop ambitieux vu que l’objectif est de venir en aide à ce paysage médiatique pour notre démocratie. Evidemment, il y a une invitation au Conseil d’Etat à garder cette idée en tête, parce que la question va forcément revenir sur le devant de la scène ces prochaines années. L’idée étant bien sûr d’adapter les standards les meilleurs possibles pour cette profession si difficile à exercer dans notre pays. Pour toutes ces raisons, le groupe des Verts sera probablement divisé au moment de voter formellement cet amendement. Peut-être pourrait-on réfléchir, pour le deuxième débat, à une formulation un petit peu plus ronde et moins exclusive. Dans tous les cas, il est important de continuer à poursuivre cette réflexion.
A titre personnel, je vais refuser ce projet de décret pour l’aide à la presse. Pour moi, c’est un secteur économique comme un autre. Soit ils font leur job comme il faut et ils prennent des parts de marché, soit le travail ne convient pas et ils perdent des parts de marché. Le seul point où je suis d’accord est l’aide à la formation, et uniquement pour la formation. Pour le reste, on n’a pas à soutenir avec l’argent du peuple des médias qui, à mon goût, sont partiaux et orientés. Si l’on doit soutenir des médias, cela doit venir de l’économie ou des personnes qui apprécient les médias. Pour ces médias régionaux, l’argent doit venir de là et non du peuple. Autrement, on va arriver à un système communiste étatique. Je ne sais pas si c’est très électoral, mais c’est mon avis personnel.
MM. Chollet et Mahaim l’ont dit : cet amendement semble aller de soi. M. Nicolet parlait de la différence entre un salarié à plein temps et un pigiste qui va donner de la matière à un journal local ou à un journal régional. J’ai un peu peur, avec la direction que prend ce débat, que nous allions « ubériser » la presse. D’un côté, il y aura les journalistes attitrés, avec un salaire, qui font des articles et qui sont payés pour leur travail et, de l’autre côté, on aura des gens qui vont finalement écrire pendant leur temps libre, peut-être avec une bouteille de vin à la fin de l’année, pour un petit journal — que je respecte complètement d’ailleurs. Je vous avoue que c’est assez rare d’entendre une représentante du parti socialiste aujourd’hui refuser un amendement qui demande simplement des dispositions pour respecter des CCT. Je vous avoue que cela doit être une première dans ce Grand Conseil. Je suis là depuis cinq ans et c’est la première fois que je l’entends. Le groupe Ensemble à Gauche-POP va soutenir cet amendement du groupe des Libres et vous demande de faire de même. Comme l’a dit M. Mahaim, il ne faut pas niveler par le bas, mais par le haut.
Je crois que l’on s’écarte un peu du débat. Je parlais des feuilles rurales, notamment, qui sont un bien précieux pour les gens qui n’ont peut-être pas la possibilité de se déplacer et de suivre des manifestations dans leur région. Je trouvais que ces petits journaux avaient toute leur place pour parler de ce qu’il se passe autour d’eux. J’aimerais aussi attirer votre attention sur les grands journaux, comme on les appelle, ceux qui sont situés à l’avenue de la Gare, à Lausanne, le groupe Tamedia, par exemple. On a l’impression que c’est un grand groupe donc on va l’aider pour qu’il se développe, pour qu’on comble les recettes publicitaires qu’il n’arrive plus à avoir, parce que dans chaque région il y a des tous-ménages qui se font et que les publicitaires choisissent leur clientèle aux alentours. J’aimerais vous signaler que la société Tamédia Publications romandes SA à Lausanne — dont on peut dire que c’est une société de proximité qui distribue sûrement des dividendes — vient de nommer des nouveaux administrateurs qui s’appellent M. Müller von Blumencron à Hamburg et Konstantin Richter à Berlin, ainsi que M. Sverre Munck qui habite Oslo, en Norvège. Dès lors, quand on me dit qu’on va soutenir notre presse, vous m’excuserez, mais je me pose quelques questions sur ce sujet.
Pour ma part, je vais soutenir l’amendement de M. Christen pour une simple question de principe. Je trouve que ce souci de garantir de bonnes conditions de travail est tout à fait légitime, dans ce secteur comme dans d’autres. Je ne suis pas convaincu que la formulation telle que proposée soit la meilleure manière d’atteindre l’objectif, parce que le partenariat social ne se décrète pas toujours du jour au lendemain et on a affaire ici à un premier système d’aide qu’on introduit au niveau cantonal pour la première fois. J’imagine bien que le modèle économique de certains journaux ne pas être modifié du jour au lendemain. En revanche, si j’entends bien les propos — je ne suis pas actif syndicalement dans ce secteur, donc je ne parle pas d’un sujet dont je connais vraiment la situation précise — j’entends qu’il y a beaucoup de journaux qui sont conventionnés. Cela doit donc être faisable de garantir progressivement que l’ensemble des ayants droit soient à terme conventionnés. Cela peut être un objectif intéressant dans le dialogue que le Conseil d’Etat pourrait initier avec les titres, sans autres conditions de contenus. Il est intéressant d’avoir aussi les acteurs à la table, c’est-à-dire pas seulement les organisations patronales, mais aussi les organisations syndicales et associations professionnelles actives dans le secteur, pour essayer de trouver des solutions afin de garantir de bonnes conditions de travail. J’espère que le Conseil d’Etat, quel que soit le sort qui sera réservé à cet amendement, pourra prendre le taureau par les cornes et pourra garantir, dans la mise en œuvre de ce décret, des mesures pour améliorer les conditions de travail ou garantir à terme de bonnes conditions de travail dans l’ensemble des titres concernés. Sur d’autres décrets que nous avons votés, ce ne sont pas des méthodes que je trouve très sures, mais une charte a été adoptée pour la mise en œuvre de WelQome. Elle contient quand même quelques prérogatives en matière de conditions de travail. Elles auraient pu être plus précises encore, mais c’est un premier pas. Par analogie, le Conseil d’Etat devrait pouvoir avancer dans une logique similaire pour que, s’il y a une reconduction d’un tel décret par la suite, nous soyons en mesure, à une majorité, de voter l’amendement de M. Christen. Bien entendu, si vous voulez déjà le faire aujourd’hui, je vous invite à le faire, mais dans le cas contraire, ce n’est que partie remise.
Pour répondre à mon collègue Nicolet qui avait quelques doutes, j’aimerais préciser que mon amendement ne vise pas les collaborateurs bénévoles ou semi-bénévoles. Ils sont nombreux, la plupart du temps ce sont des retraités qui n’ont pas besoin de cela pour vivre, ou un enseignant qui fait cela à ces heures perdues. Ce sont des modèles qui existent depuis plusieurs décennies et qui ont un sens pour ce qui est de la presse locale. Mais au fond, mon amendement vise les salariés qui sont inscrits au Registre professionnel ; cela me paraît évident ! Il faut savoir qu’au fil des années, les conditions de travail des journalistes se sont dégradées et que les minima de la convention sont extrêmement bas. Ce ne sont pas des chiffres mirobolants, nous ne sommes pas en train de demander le Pérou.
Par ailleurs, je regrette que, pour certains, le respect du pacte social semble être à géométrie variable. On assiste aujourd’hui à un débat surréaliste. Pourquoi ferait-on une exception ? Je vous rappelle que, dans le décret d’hier, la gauche a demandé le respect des conventions collectives de travail, dans un amendement qui a été refusé, mais la démarche était là. Il me semble que la pandémie risque de permettre toutes les entorses et une complicité à la précarisation ; ce n’est pas imaginable ! Aujourd’hui, la plupart de ces journaux et des petits journaux respectent cette CCT. Je ne peux pas imaginer qu’il en soit autrement. D’ailleurs, on a déjà eu cette discussion sur la question du revenu minimum d’insertion. A un moment donné, si une activité économique ne permet pas de donner des salaires qui permettent à des gens de vivre correctement, elle n’a pas de sens ! Quand on parle de nivellement par le haut, cette proposition d’amendement va avoir pour conséquence que, à un moment donné, ceux qui ne s’y sont pas mis vont s’y mettre. Ce ne sera pas un sacrifice énorme, parce que cela va viser peut-être un, ou au maximum deux collaborateurs pour ces petits journaux. Ce que je vise, c’est de limiter les dégâts, parce qu’on assiste à une dégradation, depuis une vingtaine d’années, depuis que j’ai quitté ce métier en tout cas. J’observe que j’étais privilégié, or aujourd’hui c’est extrêmement compliqué. A un moment donné, il faut dire « stop ! » Si on donne un soutien de l’Etat, c’est notre devoir de fixer des conditions et dire « vous devez vous adapter à une situation qui permette de payer des salaires qui sont corrects. »
Je déclare mes intérêts : j’ai cotisé pendant 15 ou 18 ans à la Fédération suisse des journalistes en tant que journaliste RP (rédacteur professionnel). J’étais aussi syndiqué. Malgré tout, je crois que je ne vais pas soutenir cet amendement. En effet, en l’état actuel des choses et pour avoir passé une demi-journée par simple curiosité pour savoir comment survivait une petite publication telle que le Journal d’Orbe, je me rends compte que ce n’est pas jouable ! Je m’explique, au risque de me répéter : à Orbe, j’ai cru comprendre qu’il y avait deux salariés, dont un seul qui était inscrit au registre professionnel des journalistes. L’autre personne est secrétaire de rédaction, mais sans être formellement titulaire d’un titre RP. La deuxième personne, journaliste professionnelle, est une personne retraitée d’un grand média romand qui s’est engagée pendant sa retraite à aider à faire survivre cette publication qui est assez exemplaire en la matière. Même le président du conseil d’administration, par ailleurs ancien député, met de l’argent de sa poche et renonce à tout dédommagement pour toutes les heures qu’il passe au sein de ce journal, afin de lui permettre de survivre. L’amendement Christen risquerait d’exclure de l’aide cantonale des mesures de soutien, risquerait d’exclure une publication aussi précieuse que celle du Journal d’Orbe, qui touche 18 communes. Dès lors, je ne soutiendrai pas cet amendement.
A un moment, il faut être clair. Tout ce qui est demandé aujourd’hui, ce sont des aides. On revient ensuite à la charge afin d’essayer, dans une aide, de faire passer un élément ou un autre. Or, tous ces éléments sont, selon moi, des éléments perturbateurs. Soit on veut cette aide, soit on ne la veut pas, mais on n’essaie pas de changer les opinions et manières de vivre à travers des arrêtés d’urgence. Je ne peux pas soutenir l’amendement Christen.
J’aimerais savoir de quoi on parle quand on parle de journalistes et de journalistes professionnels, parce qu’il me semble que l’on s’égare largement. En Suisse, la profession de journaliste n’est pas certifiée par les pouvoirs publics. Ce n’est ni un CFC, ni un titre décerné par une haute école, ni une licence universitaire. Ce sont les acteurs partenaires de la branche — journalistes, éditeurs de journaux, directeurs de chaînes TV-radios et autres médias électroniques qui ont créé, il y a quelques décennies, des centres de formation de part et d’autre de la Sarine. Celui des Romands est établi à Lausanne. Pour entrer dans le métier, il convient de trouver un média qui vous engage comme stagiaire. Pour bénéficier de la formation d’un de ces centres, il faut présenter un contrat de travail respectant les grandes lignes de la convention collective — au niveau des salaires et des vacances —convenues entre patrons et salariés de la branche. Cette formation, dispensée par des professionnels aguerris, dure deux ans en cours d’emploi et les frais sont pris en charge par l’employeur. En fin de formation, le candidat dont la production journalistique aura été examinée par un jury professionnel, recevra son certificat de fin de stage de journaliste et sera ainsi reconnu par ses pairs comme journaliste RP inscrit au registre professionnel. C’est de cela que l’on parle pour les grands journaux ; dans les petits journaux, les gens qui écrivent savent très bien à quoi s’attendre. Pour les petites feuilles rurales, ils ne prétendent pas à des salaires reconnus par une convention collective. Ils rendent service à leur région. Ce lien que l’on veut entre les gens d’un village, d’une région ou d’une contrée, est utile à tout le monde. Je crois que ce lien social créé par ces petits journaux mérite aussi d’être aidé. La preuve est que le Conseil d’Etat a investi, durant sa campagne pour les deux vagues du coronavirus, dans des publicités dans ces petits journaux, parce qu’il sait qu’ils sont lus
Nous prenons ce débat sous deux axes différents. D’une part, il y a les journaux, c’est-à-dire les médias, qui doivent être soutenus et, d’autre part, il y a les journalistes qui sont les reporters de ces journaux. Pour ma part, un journaliste doit être un homme de terrain, un homme que l’on doit rencontrer à beaucoup de places, qui doit être présent au conseil communal encore à 22 heures autour de la tournée et au bar d’une fête régionale à 4 heures du matin. Il ne faut pas tout confondre. Je refuserai cet amendement.
Evidemment, le Conseil d’Etat entend ce qui est dit ici. Il tient toutefois à apporter un point qui nous semble important. Nous sommes dans une politique d’aide à un secteur qui est en difficulté et c’est principalement les petits titres régionaux qui le sont davantage. Or, en réalité, avec ce type d’amendement, même si le Conseil d’Etat adhère aux principes généraux, on s’aperçoit que ceux qui vont d’emblée être exclus de l’aide ce sont ceux qui en ont le plus besoin aujourd’hui. Je l’ai dit tout à l’heure, ce sont ces petits titres qui reflètent les réalités locales et qui bénéficient d’une aide qui est souvent salvatrice. Quelle que soit finalement votre approche des grands groupes, il faut mentionner que ceux-ci sont déjà signataires de la convention collective de travail. En réalité, l’application de cet amendement ne va pas prétériter les grands groupes en mains de détenteurs exogènes, mais elle va exclure de fait des titres très locaux, avec des gens qui sont les reflets de nos réalités immédiates. Dès lors, le partenariat social auquel il faudrait inviter ces titres doit être fait avec des moyens très soft et non avec un couperet d’emblée. L’inscription de cet amendement dans la base légale que vous vous apprêtez à voter a cet effet guillotine sur ces titres qui, aujourd’hui, ne sont pas signataires de cette convention collective. En matière de signature de conventions, l’Etat de Vaud a toujours privilégié de se poser en facilitateur, en médiateur, pour accompagner les partenaires sociaux à signer des accords. L’Etat de Vaud n’est pas signataire des CCT, c’est le fait des partenaires sociaux. Dès lors, dans toutes les lois dans lesquelles il a posé les principes d’une affirmation à la nécessité de conclure des CCT, l’Etat a toujours donné un temps aux partenaires sociaux pour s’adapter. Ici, on poserait d’emblée cette exigence, qui n’a jamais été discutée avec ces petits titres, et on les exclurait à priori d’une aide dont ils ont réellement besoin ; il s’agit de ceux qui, aujourd’hui, ne bénéficieraient d’aucune autre aide. Dès lors, le Conseil d’Etat privilégierait plutôt une voie d’accompagnement de ces titres. Dès lors que nous avons prévu une évaluation périodique des aides que nous apporterions, il serait tout à fait loisible de documenter cette question. Etant donné que, chaque année, on procéderait à une évaluation des aides apportées, on pourrait documenter cette question du dialogue social, de la question des niveaux de rémunération, des conditions salariales, des conditions de travail dans les différents titres. Nous savons qu’une transparence, qu’une publicité faite sur ces questions, qu’un dialogue parfois, qu’une objectivation des conséquences d’une signature de conventions collectives de travail peuvent amener les partenaires sociaux à en signer. J’en sais quelque chose, je viens d’accompagner une négociation dans le secteur de la petite enfance, où pendant 26 ans les partenaires sociaux ne s’étaient pas mis d’accord. Le fait qu’on ait pu accompagner ce secteur, qu’on ait pu objectiver les écarts salariaux, qu’on ait pu dire qu’il y avait aussi un accompagnement financier aux effets de la part des communes et de l’Etat a permis aux partenaires sociaux d’entamer ce dialogue et de le faire aboutir par cette signature. C’est un processus plus lent que celui d’une inscription un peu brutale à priori qui d’emblée change le champ d’application de l’aide qu’on s’apprête à donner. Dans ce sens, on serait plutôt favorable, dans cette première phase des cinq ans, à dire que cette question peut et doit faire l’objet plutôt d’une documentation dans le cadre de l’évaluation périodique, parce que cette préoccupation est quand même essentielle ; c’est bien tout l’objet du soutien que l’on apporte à cette profession, au travers de la formation, mais évidemment ensuite, une fois qu’on est formé, il faut qu’on puisse exercer sa profession dans des conditions de travail équivalentes au reste de la branche économique dont il est ici question.
Pour certains secteurs, d’aucuns se battent comme des lions pour le respect des conventions collectives et, quand il s’agit de gens dont on est peut-être un peu plus proche, on oublie ces grands principes. Je le regrette profondément et j’attire votre attention sur la conclusion de mon amendement : « ou appliquent des conditions équivalentes ». Il n’est pas absolument nécessaire de faire partie de Médias Suisses et de respecter la CCT pour pouvoir avoir accès à cette aide. J’ai précisé également que cela ne visait que les collaborateurs professionnels inscrits au registre professionnel. Cela devrait aller de soi. Il me paraît surréaliste de proposer cela dans le cadre de ce projet de décret, mais apparemment ce n’est pas si surréaliste que cela, puisque ce qui est évident pour les uns ne l’est pas forcément pour les autres.
L’article 3 est accepté avec 3 avis contraires.
L’amendement Jérôme Christen (article 3bis nouveau) est refusé par 83 voix contre 27 et 23 abstentions.
Art. 4. —
Deux amendements distincts sont proposés à l’article 4. Le premier alinéa vise à compléter l’alinéa 2 de cet article 4, par l’ajout d’une phrase. Il s’agit ici de permettre une évaluation des mesures proposées plus rapide que celle souhaitée par le Conseil d’Etat, qui souhaitait qu’une évaluation des mesures proposées soit faite d’ici 5 ans. La commission a considéré qu’il serait plus efficace de diminuer ces 5 ans et de les faire passer à 3 ans. Cela permettrait notamment, si une mesure ne devait pas rencontrer le succès espéré, de pouvoir être stoppée ou modifiée et ce, 3 ans après son entrée en vigueur. Cet amendement a été accepté en commission par 13 voix contre 1 et 1 abstention.
« Art. 4. — Al. 2 : Le Conseil d’Etat établira à l’attention du Grand Conseil un rapport d’évaluation sur les effets des mesures prévues par le présent décret. Au surplus, il présentera un rapport intermédiaire trois ans après l’entrée en vigueur du présent décret. »
Le groupe PLR soutiendra cet amendement. En effet, nous estimons qu’il est important que nous puissions déjà faire une évaluation avant la fin du délai de cinq ans. Cette évaluation permettra de voir si les mesures proposées sont efficaces et répondent aux besoins. On pourra ainsi les adapter dans ce délai de cinq ans, pour qu’il n’y ait pas un gap, que l’on ne se retrouve pas avec des mesures inutiles après cinq ans et qu’on revienne ensuite avec quelque chose qui n’a rien à voir. Il est donc important d’avoir cette évaluation au bout de trois ans ; elle permettra ainsi de vraiment bien voir si ces mesures sont efficaces.
L’amendement de la commission (alinéa 2) est accepté avec 2 abstentions.
Un deuxième amendement est présenté à cet article 4. Il se présente sous la forme d’un ajout d’un alinéa 3. Il vise à proposer un monitoring annuel des mesures, tout en évitant la lourdeur d’un rapport intermédiaire. Il ne s’agirait pas d’un rapport à proprement parler, mais d’informations sur un aspect du dossier. L’objectif de cet amendement est de pouvoir jauger l’impact des mesures annuellement, tout en prenant en compte que les effets des différentes mesures ne se déploieront vraisemblablement pas avec la même temporalité, et en laissant à cette fin une certaine marge de manœuvre au Conseil d’Etat. En commission, il a été accepté par 11 voix contre 2 et 2 abstentions.
« Art. 4. — Al. 3 (nouveau) : Le Conseil d’Etat réexamine chaque année la nécessité de prendre des mesures complémentaires et adaptées à l’évolution de la situation et en informe le Grand Conseil dans le cadre du budget. »
L’amendement de la commission (alinéa 3 nouveau) est accepté avec 2 abstentions.
L’article 4, amendé, est accepté avec 1 avis contraire.
La commission vous présente un amendement qui consiste à introduire un article 4bis nouveau à ce décret. Cet amendement est à mettre en lien avec le traitement de la motion Mahaim qui demande des mesures urgentes pour aider la presse à survivre. Pour des raisons de temporalité et d’efficacité qui ont été exposées dans le rapport, cet amendement vise à introduire, dans le décret, les buts poursuivis par cette motion. Il faut considérer les dispositions prises et proposées comme des dispositions transitoires permettant de fonder l’action du Conseil d’Etat pendant les cinq prochaines années, soit de prévoir la base légale permettant au Conseil d’Etat de prendre des mesures urgentes qui cela s’avère nécessaire. Les montants en jeu pourraient ne pas être anodins et le Grand Conseil serait renseigné annuellement par le biais d’un bref rapport sur ces mesures d’urgence d’aide à la presse. Si, par aventure, la situation se normalise et que le COVID n’est plus qu’une mauvaise souvenir, il n’y aurait plus la nécessité ni de prendre des mesures d’urgence ni de faire un rapport spécifique. Par 8 voix contre 7, la commission a accepté cet amendement.
« Art. 4. — Al. 4bis (nouveau) :
Dispositions en lien avec la situation particulière du COVID-19
1 Dans le cadre de la lutte contre les effets économiques de la pandémie du COVID-19, l’Etat peut engager des mesures de soutien d’urgence à la diversité de la presse, dans le respect des principes du présent décret.
2 Le Conseil d’Etat établira à l’attention du Grand Conseil un bref rapport annuel d’évaluation sur les effets des mesures d’urgence prévues par le présent article. »
Le groupe PLR refusera cet amendement. Nous estimons qu’il y a un certain nombre de mesures qui ont été mises en place d’urgence par le Conseil d’Etat pour pouvoir vivre en cette période de COVID et pouvoir soutenir la presse le mieux possible, en particulier durant la période de semi-confinement que nous avons vécue en mars et en avril. Aujourd’hui, nous votons un projet de décret qui a une visée pérenne. Avoir cette disposition d’urgence dans ce décret nous paraît tout à fait superflu, dans la mesure où les mesures urgentes ont déjà été prises. Dès lors, nous refuserons cet amendement.
J’aiécouté attentivement notre collègue Bettschart-Narbel et j’avoue que je peine à comprendre cette position pour la raison suivante. Nous venons ici, nous parlementaires, donner une base légale à l’action du gouvernement que vous avez saluée tout à l’heure. En d’autres termes, nous faisons ce que nous avons fait avec tous les autres secteurs économiques auxquels nous sommes venus en aide ces dernières heures et ces derniers jours. Nous devons avoir une assise dans ce qui est un acte du Parlement, en l’occurrence un décret — ce n’est même pas la loi, mais c’est un stade suffisant, puisque cela émane du Parlement — et nous devons le faire parce que, sinon, le gouvernement va continuer à naviguer à vue. Du reste, dans le cadre des débats de la commission, cet ancrage de l’aide d’urgence dans les dispositions transitoires a déjà permis au gouvernement d’engager les moyens qui ont été annoncés et communiqués il y a de cela un mois, c’est la deuxième enveloppe d’aide via les insertions publicitaires, suite au premier montant de 1,2 million débloqué au printemps. En d’autres termes, ce qu’on vient faire ici, c’est apporter un soutien, via un acte du Parlement, à la politique du gouvernement. Ce soutien est calibré, il est maintenant ancré dans la loi. Il est limité au COVID et à cette période d’urgence. Alors, si cela venait à être refusé, je ne peux pas imaginer, après ce que vous avez dit madame Bettschart-Narbel, que cela signifie que vous pensez que le Conseil d’Etat ne doit plus faire ce qu’il a fait. Si c’est ce que vous signifiez, alors je vois une énorme contradiction entre ce que vous avez dit au début de votre intervention et votre vote. Je pense qu’il est à la fois démocratiquement beaucoup plus juste de poser ce principe dans cette disposition transitoire. Et il est surtout important que le Parlement signifie clairement qu’il estime que le soutien à la presse est aussi important que d’autres soutiens.
Tout à l’heure, quand on parlait de cette fameuse clause sur les CCT de l’amendement Christen, on a fait des comparaisons entre les différents mécanismes d’aide. Dans les décrets que nous avons votés, il y a plusieurs clauses d’exception qui disent « cela ne concerne pas la presse ». Forcément, cela ne concerne pas la presse, puisque l’on a un mécanisme spécial pour la presse. On ne peut pas dire dans les décrets généraux, pour les cas de rigueur et pour les réductions d’horaire de travail (RHT) : « la presse est exclue » et ensuite, quand il s’agit de la presse, dire que l’on ne prépare pas de base légale pour fonder l’action du gouvernement. Il y a message vraiment paradoxal qui est assez difficilement compréhensible sous l’angle du soutien à tous les secteurs concernés, en particulier à ceux qui sont aussi importants que celui de la presse. Comme je l’ai déjà annoncé, je considère que ma motion, qui demandait une aide d’urgence à la presse, est satisfaite avec cet amendement. Par conséquent, ma motion sera retirée si l’amendement est intégré dans le décret. Bien sûr, on pourrait traiter la motion, refaire une loi et repartir à zéro, mais il est totalement inutile de passer par un long processus alors qu’on peut amender ce décret.
J’abonde dans le sens de ce qui a été déclaré par M. Mahaim, toutefois en nuançant son propos dans la mesure où il faut se rappeler que ce projet de décret du Conseil d’Etat date d’avant la période COVID. Avant déjà, la situation était préoccupante et elle s’est encore aggravée avec le COVID. Il me paraît nécessaire d’avoir un bilan intermédiaire annuel, parce que je pense qu’il ne faut pas s’arrêter en si bon chemin. Le Conseil d’Etat nous a proposé un projet avec des mesures ciblées qui sont excellentes, mais qui ne sont pas suffisantes. Lors des auditions, Impressum Vaud, par son président Edgar Bloch, a souligné le fait que ce décret était modeste et qu’il ne pourrait pas sauver à lui seul la presse vaudoise. On est bien conscient que, même si l’on prend des mesures complémentaires, on ne sauvera pas forcément la presse vaudoise dans son ensemble et la presse en général, mais il a été ajouté qu’il y avait des propositions plus larges qui avaient été faites pour les petits journaux, notamment un pacte de l’enquête et du reportage. Il s’agirait de mettre sur pied un fonds de financement et une structure qui permettrait de favoriser le lancement et la publication d’enquêtes et de reportages originaux. C’est une idée, mais il y en a certainement d’autres. Dans ce contexte, nous devons jouer le rôle d’évaluateur d’une politique publique. Il faudra voir l’évolution ; peut-être que le kiosque numérique n’est pas la bonne formule ; certains ont émis des doutes. On pense que la plupart de ces mesures auront un effet positif, mais nous n’en sommes pas certains. Peut-être qu’il faudra les corriger. Il est important que le Parlement soit saisi d’un bilan régulier de ces mesures, afin de voir s’il faut les adapter, puis donner des impulsions, année après année, pour essayer de trouver la meilleure solution pour tout le monde.
Je ne comprends pas l’intervention de M. Christen, car on a déjà voté la question de la réévaluation année après année. Le problème que j’ai avec l’amendement Mahaim, c’est qu’il met des mesures COVID dans ce décret, qui est déjà un décret de soutien. La situation est différente de ce qu’on a vécu dans les autres domaines. C’est un projet de décret qui est arrivé avant le COVID, qui prévoit un certain nombre de mesures de soutien. Rajouter cette disposition COVID est vide de sens. Le projet de décret prévoit 1,9 million de plans d’annonces médias sur 5 ans. Je ne comprends donc pas cette redondance spéciale COVID, alors que les mesures ont été prises pour avoir des aides d’urgence pendant la période de ce début d’année. Ce projet de décret s’appelle d’ailleurs « instituant des mesures de soutien à la diversité des médias ». Nous sommes déjà dans un mode de soutien. Pour moi, votre amendement est inutile. Dès lors, je pense qu’il faut le refuser.
Ce projet de décret a été conçu et présenté avant la période COVID. Dès le moment où l’on a imaginé la voilure financière que l’on pouvait consacrer à des annonces dans la presse, par exemple pour annoncer une fermeture de route ou pour une mise à l’enquête d’un classement d’un monument historique — l’Etat a mille manières d’intervenir dans la presse locale — nous avons imaginé un volet financier ordinaire pour apporter un soutien indirect à l’institution économique que sont les titres régionaux. En plus de cela est apparue la nécessité, durant l’année 2020, pour l’Etat de communiquer plus activement sur des mesures sanitaires, de prévention ou d’information. Est apparue aussi la situation qui s’est très fortement péjorée pour un certain nombre de titres, notamment des titres régionaux. Une partie des annonces payantes dans ces journaux locaux sont le fait d’acteurs culturels, de manifestations culturelles, de comptoirs régionaux, de toute une série d’événements qui ont été annulés et qui n’ont pas pu faire l’objet d’annonces dans la presse locale. Il y a donc eu une perte de revenus assez forte pour ces titres. Le canton de Vaud a, durant cette période, injecté pas loin de 2 millions de francs dans la presse locale régionale, à travers plusieurs campagnes d’informations et d’annonces. Lorsque M. Mahaim est venu avec sa proposition, dans le cadre de la commission, le Conseil d’Etat a estimé que l’année prochaine, on ne serait pas sorti complètement de la période extraordinaire que nous sommes en train de vivre et que, par rapport au plan initial que nous avions prévu, s’ajoute aujourd’hui la nécessité d’avoir quelques annonces qui trouveront leur justification l’année prochaine. Pour pouvoir engager cet argent au-delà de ce que le projet de décret prévoit, on a estimé qu’il serait intéressant d’avoir la base légale qui fonde la possibilité pour le Conseil d’Etat de continuer d’injecter de l’argent par le biais d’annonces, et notamment d’annonces spécifiques liées à la situation COVID. Les campagnes de vaccination vont commencer, en tout début d’année. Il y aura vraisemblablement besoin d’informer nos citoyens sur les lieux, les horaires. Il y aura, en parallèle, des lieux de dépistage qui continueront. Il y aura des arrêtés qui continueront d’être prononcés par le Conseil d’Etat, puisqu’au fur et à mesure que l’on construira cette immunité collective, il y aura besoin de déconfiner progressivement. Il y aura besoin de dire quels sont les secteurs qui rouvrent et lesquels restent fermés. En 2021, il y aura encore la nécessité, en plus des moyens ordinaires, de pouvoir soutenir la presse, d’autant plus que l’annulation d’événements culturels va concerner en tout cas les prochains mois. Dans ce sens, l’amendement Mahaim nous donne la possibilité, la base légale, pour pouvoir avoir une manne engagée supérieure à celle prévue dans le projet de décret, qui a été conçu avant le COVID.
L’amendement de la commission (article 4 bis nouveau) est accepté par 63 voix contre 53 et 3 abstentions.
Art. 5. —
Il s’agit d’un amendement de plume. Il s’agit ici d’un décret, et non d’une loi. La commission a accepté cet amendement à l’unanimité.
« Art. 5. — Le Conseil d’Etat est chargé de l’exécution du présent décret. Il en publiera le texte conformément à l’article 84, alinéa 1, lettre a de la Constitution cantonale et en fixera, par voie d’arrêté, la date d’entrée en vigueur ».
L’article 5, amendé, formule d’exécution, est accepté avec 1 avis contraire et 2 abstentions.
Le projet de décret est adopté en premier débat.
Compte tenu du bon accueil qui a été fait à ce projet de décret et de la nécessité de permettre au Conseil d’Etat d’initier les mesures proposées le plus rapidement possible, je demande le deuxième débat immédiat.
Notre groupe pourrait être tenté de refuser ce deuxième débat immédiat, dans l’objectif de revenir avec un amendement plus modéré que celui qui vous a été proposé en premier débat et qui a été refusé. Nous estimons toutefois, après avoir fait une pesée d’intérêts, et par pragmatisme, qu’il est urgent d’avancer avec ce dossier. Nous avons trop attendu. Notre groupe regrette d’ailleurs le temps considérable qui a été pris pour traiter ce dossier, avec une commission qui a « pétouillé » de longs mois, pour finalement accoucher de ce rapport et de ce débat aujourd’hui. Par conséquent, nous soutiendrons le deuxième débat immédiat, quitte à revenir ultérieurement avec une résolution qui vise à avancer dans le soutien aux conditions de travail des collaborateurs du secteur de la presse. Nous vous encourageons à soutenir le deuxième débat, afin d’avancer dans ce dossier urgent.
Je peux vous proposer une suspension de séance de cinq minutes, pour voir si vous arrivez à vous mettre d’accord sur un texte, afin d’éviter de devoir y revenir par la suite.
Je vous remercie de votre générosité, mais nous souhaitons ce deuxième débat immédiat. Nous n’allons pas encore perdre du temps cet après-midi sur cette question. On reviendra avec une résolution. Le message a été transmis au Conseil d’Etat, qui en a pris acte. On ne lui fait pas toujours confiance, mais sur ce sujet, je pense que nous pouvons le faire.
Je suis étonné d’entendre dire que nous sommes dans une situation toute tranquille et toute belle. Je pense que l’on a eu un débat qui permettrait de se poser quelques questions pour savoir où l’on va. Par conséquent, je vous invite à refuser le deuxième débat immédiat.
En effet, nous avons déjà pris beaucoup de temps en commission pour arriver maintenant à ces propositions de mesures. Les mesures urgentes sont en cours. Je vous invite à soutenir le deuxième débat immédiat.
Retour à l'ordre du jourLe deuxième débat immédiat est refusé, la majorité des trois quarts n’étant pas atteinte (61 voix contre 54 et 4 abstentions).
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.