22_POS_23 - Postulat Léonard Studer et consorts - Pour une compensation des baisses de revenus liées à une élection.
Séance du Grand Conseil du mercredi 13 décembre 2023, point 14 de l'ordre du jour
Texte déposé
Notre système de milice attend d'un citoyen élu ou d’une citoyenne élue à une charge (municipalité ou députation) qu'il ou elle continue à exercer, éventuellement à temps partiel, l'activité professionnelle qu'il ou elle avait auparavant. Suivant l'intensité du mandat public exercé, il peut même arriver que la personne élue soit contrainte d'abandonner complètement son travail précédent.
Cette réduction du taux de travail induit une réduction de salaire qui n'est pas toujours compensée par les indemnités reçues pour la charge élective.
Si le cas individuel d'un élu ou d’une élue subissant une perte suite à une élection peut laisser indifférent, il ne faut pas oublier que ces baisses de revenus, si elles sont trop conséquentes, peuvent être de sérieux freins à accepter des charges électives pour bon nombre de nos concitoyens et concitoyennes. Ce n'est certainement pas une bonne chose quand on connait les difficultés qu'ont certaines communes à trouver des personnes prêtes à s'engager pour la collectivité en acceptant un mandat public.
Accepter une charge élective, c'est rendre un service à la collectivité. On peut s'attendre à ce que, en retour, la collectivité soutienne raisonnablement les élues et élus, en particulier en assurant que le mandat public reste financièrement supportable. Parallèlement, il est clair que ce mandat ne doit pas mener non plus à une accumulation salariale indécente, ce qui serait tout autant problématique.
D’une certaine façon, ce service à la collectivité est analogue à d'autres services auxquels les habitantes et habitants de ce pays sont appelés à répondre tels que le service dans l'armée suisse, la Protection civile, la Croix-Rouge ou encore à la participation à des cours fédéraux ou cantonaux Jeunesse+Sport.
Par le système des allocations pour perte de gain, notre pays a mis en place un système qui couvre efficacement et équitablement les conséquences financières de la participation à ces services fédéraux.
Nous postulons qu'un système analogue aux APG mais dédié aux personnes élues à une charge aurait l'avantage d'atténuer les conséquences financières qui en découlent. Les citoyens et citoyennes seraient ainsi plus à même de s'engager pour la collectivité.
Il va de soi que ce système ne doit ni devenir un oreiller de paresse, ni inciter à professionnaliser la fonction politique. Il ne doit s'appliquer qu'aux mandats publics impliquant un engagement en temps incompatible avec la poursuite d'un emploi à plein temps. Seraient essentiellement concernés les mandats de municipales, municipaux, députées et de députés.
Dans le concret, comme pour l'APG fédérale, un tel système ne devrait compenser que 80% de la perte de revenus ensuite de l'acceptation d'une charge élective.
Comme pour l'APG fédérale, le cas échéant, ce système pourrait aussi allouer une compensation pour enfant, pour l'exploitation et pour les frais de garde. Mais, à la différence du système fédéral et afin de tenir compte que, bien souvent, les mandats publics sont des occupations à temps partiel, les trois allocations supplémentaires seraient calculées en proportion du temps consacré à la charge élective (et non pas selon la perte de revenus).
Bien entendu, comme dans le cas de l’APG-fédérale, le revenu total après acceptation d'une charge élective, composé de la compensation pour perte de revenus présentée ici, de l'allocation pour enfant, de l'indemnité reçue pour la charge élective et des autres revenus (salaire par exemple) ne devrait pas dépasser le revenu que réalisait la personne avant l'acceptation de la charge élective, ni un revenu plafond (l'APG-fédérale prévoit une allocation maximale de de 196.-/jour, ce qui correspond à un revenu annuel de 88200.-)
Un tel système doit être financé, ce qui pourrait être fait par l'impôt car tous les habitants doivent contribuer d'une manière équitable au fonctionnement de nos institutions.
Conclusion
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Nous demandons au Conseil d'État d'étudier la faisabilité d'un tel système de compensation de perte de gain pour les citoyens élus et citoyennes élues à des charges électives communales ou cantonales.
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Trois exemples pour illustrer le système envisagé.
Exemple 1 :
Avant d'être élu, le citoyen à un revenu moyen mensuel de 7'000.-
Après être élu, il réduit son activité précédente de 50% (pour un revenu désormais à 3'500.-) afin d'assumer sa charge qui est indemnisée à hauteur de 2'000.- par mois.
La perte de revenus est de 7'000 - 3'500 - 2'000 = 1'500.- Cette perte sera compensée à 80%, c'est à dire 1'200.-
Après élection, les revenus de ce citoyen seront donc de 3'500 + 2'000 + 1'200 = 6'700.-
Exemple 2 :
Avant d'être élue, la citoyenne à un revenu moyen mensuel de 10'000.-
Après être élue, elle réduit son activité précédente de 80% (pour un revenu désormais à 2'000.-) afin d'assumer sa charge qui est indemnisée à hauteur de 4'000.- par mois.
La perte de revenus est de 10'000 - 2'000 - 4'000 = 4'000.- Cette perte serait compensée à 80%, c'est à dire 3'200.-
Après élection, les revenus de cette citoyenne pourraient être de 2'000 + 4'000 + 3'200 = 9'200.- MAIS ce revenu étant supérieur à la limite supérieure du revenu compensé (88'200/an ou 7'350/mois), la compensation sera donc limitée à 7'350 - 2'000 - 4'000 = 1'350.-
Après élection, les revenus de cette citoyenne seront donc de 2'000 + 4'000 + 1'350 = 7'350.-
Exemple 3 :
Avant d'être élu, le citoyen à un revenu moyen mensuel de 3'000.-
Après être élu, il abandonne entièrement son activité précédente afin d'assumer sa charge qui est indemnisée à hauteur de 6'000.- par mois.
Dans ce cas-ci, il n'y pas de pertes de revenus. Il n'y a donc aucune compensation.
Après élection, les revenus de ce citoyen seront donc de 6'000.-
Léonard Studer
Yannick Maury
Conclusion
Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures
Liste exhaustive des cosignataires
Signataire | Parti |
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Eliane Desarzens | SOC |
Pierre Wahlen | VER |
Hadrien Buclin | EP |
Claude Nicole Grin | VER |
Anne Baehler Bech | |
Maurice Mischler | |
Alice Genoud | VER |
Andreas Wüthrich | V'L |
Yannick Maury | VER |
David Raedler | VER |
Olivier Epars | |
Didier Lohri | VER |
Pierre Zwahlen | VER |
Muriel Cuendet Schmidt | SOC |
Séverine Evéquoz | VER |
Sylvie Pittet Blanchette | SOC |
Jean-Louis Radice | V'L |
Felix Stürner | VER |
Pierre Fonjallaz | VER |
Elodie Lopez | EP |
Vincent Keller | EP |
Sabine Glauser Krug | VER |
Documents
- 22_POS_23-Texte déposé
- Rapport de majorite de la commission - 22_POS_23 - Carole Dubois
- Rapport de minorié de la commission - 22_POS_23 - Elodie Lopez
Transcriptions
Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourLa séance de la Commission des institutions et des droits politiques a eu lieu en l’absence du député postulant, ce dernier n’étant plus membre du Grand Conseil. Il convient de préciser d’emblée que, dans mon exposé, le mandat électif faut référence à celui de municipal ou de député au Grand Conseil.
L’accession à une fonction élective exercée à temps partiel s’accompagne très souvent d’un réel sacrifice salarial, sacrifice qui peut dissuader des citoyens et citoyennes de s’engager pour leur communauté. Ainsi, aux yeux du postulant, il paraît judicieux d’étudier la faisabilité d’un système dont la fonction serait de remplacer de manière adéquate la perte de revenus et de gains due au service à la communauté, d’introduire un pendant cantonal aux fameuses allocations perte de gain (APG) fédérales. On notera que le système proposé n’induit pas une augmentation de revenus par rapport à la situation précédente, mais se contente de limiter la perte de revenus.
Durant cette séance, nous avons entendu la position du Bureau qui estime que cela relève de l’autonomie communale. Concernant le Grand Conseil, le Bureau souhaite en rester au décret fixant pour chaque législature les indemnités pour ses membres. Le Conseil d’Etat, présent aussi à cette séance, nous a communiqué son positionnement par la bouche de sa présidente. Cette dernière relève que le postulat comporte deux aspects : la problématique touchant aux élus municipaux et celle relative aux membres du Parlement.
Concernant les députés, si un élément de défraiement est modifié, alors l’ensemble du système doit être revu, notamment la problématique de la fiscalisation des indemnités, de l’assujettissement à l’AVS. S’agissant des membres des municipalités, le Conseil d’Etat relève que l’article 29 de la Loi sur les communes dit clairement que la rémunération des conseils municipaux est de compétence du Conseil communal – ou général – sur proposition de la municipalité, tout comme la rémunération des membres du Conseil, de son président et du secrétaire du conseil.
Attaché à l’autonomie communale, le Conseil d’Etat estime que le système proposé par le postulat poserait un certain nombre de questions, notamment quant à la standardisation de la rémunération des élus. Les débats ont permis de relever qu’aucun des cantons voisins ne met en œuvre ce type d’assurance. On constate les inégalités induites par l’autonomie communale. Dans certaines petites et moyennes communes, de nombreuses personnes ne se présentent malheureusement pas, car la fonction s’avère incompatible avec leur emploi ; ce qui est un vrai problème. En règle générale, tous les membres de la commission conviennent que la question de la rémunération des municipalités découle de l’autonomie communale. Peut-être que certaines communes prendraient la bonne voie en rémunérant valablement leur autorité et résoudraient ainsi une partie du problème de manque de candidats.
Dans le cadre du Grand Conseil, si nous mettions en place ce système – dans le sens du postulant – il faudrait revoir l’ensemble du système. Passer d’un système d’indemnités défiscalisées à 85 % à un système de rémunération s’approcherait du salaire – remettant fortement en cause le système – et coûterait probablement beaucoup plus cher. Le système proposé par ce postulat créerait une inégalité au sein des membres du Grand Conseil. Pour une séance identique, par exemple, chacun aurait des jetons de présence différents. De plus, en cas d’absence à une séance, quid de la compensation salariale ? Par conséquent, il s’agit d’un système boiteux, inégal et très compliqué à gérer administrativement. En outre, le système des APG serait discriminatoire pour certaines catégories, par exemple pour les députés ou députées qui sont en études, puisque le problème serait de gérer les études et non la réduction du temps de travail. Enfin, une proposition de prise en considération partielle a été amenée qui élimine du texte original les charges électives communales et conserve simplement la partie cantonale. Par 8 voix contre 6, la commission refuse la prise en considération partielle tandis que, par 9 voix contre 6 voix, elle recommande le classement du postulat.
Le postulat de notre collègue Léonard Studer pose le problème des baisses de revenus liées à l’accession à des charges électives dans les municipalités et au Parlement cantonal. La minorité de la commission estime qu’il s’agit d’un problème à prendre au sérieux pour plusieurs raisons. D’abord, parce que si consacrer son temps à la communauté est honorable et que notre système de milice est une force qu’il faut conserver et renforcer, la minorité considère qu’il ne faut pas qu’un mandat électif conduise à des conditions décourageantes, voire précaires. Le fait qu’un engagement pour des mandats électifs puisse conduire à des situations précaires est une réalité. En effet, l’acceptation d’un mandat implique de devoir faire un choix entre une activité salariée initiale et le mandat électif en question. Cela peut avoir deux conséquences : refuser une élection ou alors devoir changer d’activité professionnelle. Cela peut aussi tout simplement impliquer de ne pas s’engager. Les questions de précarité peuvent également poindre leur nez au moment de la retraite, puisque l’on sait aussi que les mandats politiques impliquent qu’on ne cotise pas forcément. Là encore, la précarité peut arriver plus tard.
Ainsi, la minorité de la commission soutient une prise en considération partielle du postulat visant à se concentrer uniquement sur la rémunération des députés, puisqu’elle s’accorde sur le fait qu’une certaine autonomie doit être laissée aux communes par rapport à la rémunération de leur exécutif. C’est le mandat de député qui est du point de vue de l’investissement et de la rémunération très problématique, étant donné l’incertitude liée au revenu que cela implique. En outre, la minorité estime que les questions de baisse de revenu peuvent s’avérer plus décisives pour certaines catégories professionnelles au sein de la population. Elle estime ainsi que l’étude demandée va dans le sens d’une ouverture des mandats électifs à des catégories de population et de secteurs professionnels sous-représentés, voire nullement représentés. Elle soutient qu’une meilleure représentativité de la population et de la diversité des corps de métier est d’une importance capitale pour la bonne santé de nos institutions et pour leur crédibilité vis-à-vis de la population. Par ailleurs, la minorité est consciente que certaines questions se posent, notamment par rapport aux jeunes en formation. Elle est également consciente que le fait de travailler à un nouveau système de rémunération des députés induirait un changement de paradigme. Elle a aussi entendu le fait que le modèle des APG pourrait ne pas être le meilleur. Toutefois, elle estime qu’en demandant un rapport au Conseil d’Etat, nous avons l’opportunité d’étudier un système, de le documenter et de laisser toute liberté au Conseil d’Etat de proposer d’autres pistes pour répondre aux problèmes soulevés qui méritent qu’on s’y intéresse. Pour ces raisons, la minorité de la commission vous invite à accepter la prise en considération partielle du postulat et à le renvoyer au Conseil d’Etat.
La discussion est ouverte.
Je prends la parole au nom de M. Léonard Studer, ancien député. Ce dernier observe à juste titre que nous connaissons toutes et tous des citoyens ou des citoyennes, notamment de petites communes, qui doivent renoncer à une charge municipale ou à se porter candidat sur des listes du Grand Conseil, car la baisse de revenu qui s’ensuit n’est tout simplement pas supportable. Parfois – mais à l’évidence non de façon systématique – accepter une charge élective implique de renoncer totalement à son emploi, si ce dernier n’est pas compatible avec un pourcentage réduit et les aléas d’une charge élective. En effet, on sait que la charge élective prend du temps, temps qui ne peut être consacré à gagner pleinement son revenu. Ainsi, il est du devoir de la société – de notre canton en l’occurrence – de ne pas rendre ces charges électives trop dissuasives. Dès lors, le postulat propose l’idée d’une APG pour députés municipaux, municipales, certaines personnes qui acceptent un mandat électif devant parfois, tout simplement, lâcher leur emploi ; ce qui peut s’avérer très problématique.
Le mécanisme proposé ne double en aucun cas la mise – comme on dirait au casino – puisque comme pour l’APG fédérale, la compensation est limitée à 80 % de la perte subie. L’APG fédérale prévoit aussi des mécanismes intéressants pour les indépendantes et indépendants, agriculteurs et agricultures, par exemple, ou pour les personnes qui sont encore aux études, et dont on pourrait s’inspirer dans ce mécanisme cantonal. Selon une estimation faite par M. Studer, cette mesure coûterait l’équivalent – dans le cadre d’une prise en considération pleine – d’un ou deux cafés par année par habitant de ce canton, si ce système est mis en place à la fois pour les membres d’une municipalité et de la députation ; c’est donc un coût dérisoire, qui peut encore être réduit puisque la prise en considération partielle permet de cibler la problématique sur la députation. En outre, il s’agit d’un postulat qui laisse – comme l’a très justement relevé Mme Lopez, rapportrice de minorité – une latitude assez large au Conseil d’Etat. Par conséquent, il serait intéressant d’accepter ce texte pour permettre une réflexion à ce sujet et concrètement amener des pistes pour améliorer la situation.
Je reste bien entendu conscient – et M. Studer l’est lui aussi – que ce système ne va pas nécessairement pouvoir être mis en place. En revanche, des systèmes alternatifs pourraient être proposés par le Conseil d’Etat ; ils éviteraient que certaines personnes renoncent à des charges électives. Ce problème existe depuis des décennies – si ce n’est plus – dans un certain nombre de cas, principalement au niveau communal, puisque c’est moins le cas au niveau cantonal, voire pas du tout. Mais au niveau communal, beaucoup de communes n’ont parfois pas suffisamment de candidatures pour certains postes – un vrai problème. Raison pour laquelle nous vous recommandons d’accepter ce postulat qui finalement engage peu de choses, si ce n’est de tenter d’améliorer une situation problématique.
Ce postulat demande d’étudier la faisabilité d’un système dont la fonction serait de remplacer la perte de revenus et de gains due à une élection communale ou cantonale, en introduisant un pendant cantonal aux APG fédérales. Ce postulat ouvre une discussion relative aux élus et élues cantonaux. En ce qui concerne la partie communale, notre parti est clairement attaché à l’autonomie éponyme. La loi est très claire à ce sujet : la rémunération de la municipalité et du conseil communal relève du conseil communal ou du conseil général, sur proposition de la municipalité. Il ne revient donc pas à notre Parlement de délibérer à ce sujet.
Pour la partie qui traite des élues et des élus cantonaux, ce postulat engendre une forte augmentation des inégalités. Les députés et députées recevraient des indemnités différentes pour le même travail au Grand Conseil. Il deviendrait alors nécessaire de revoir l’entier du système d’indemnités des membres du Parlement, y compris la question de l’exonération fiscale et des charges sociales. Il s’agit par conséquent d’une discussion plus globale, nouvelle, sur le changement du système d’indemnités des membres du Parlement. Prenons l’exemple d’une personne qui devrait être député ou députée et qui serait aux études. Comment calculer son indemnité ? Sur la base de quel salaire ? Si cette personne rallonge ses études pour cause d’élection, le système devrait-il en tenir compte ? Bon nombre de questions devraient être réglées, presque au cas par cas, de nouveau avec des risques d’inégalités importantes ; idem pour les personnes indépendantes. D’énormes inégalités de traitement pourraient avoir lieu, car les revenus peuvent varier d’année en année dans ces métiers-là. Le travail des commissions serait également touché, puisque tous les commissaires ne recevraient pas les mêmes indemnités pour un travail fourni identique. Pour toutes ces raisons, notre groupe refusera ce postulat, même partiellement, et je vous invite à en faire de même.
Le groupe socialiste vous invite à prendre partiellement en considération le postulat, ce qui revient à demander au Conseil d’Etat d’étudier la faisabilité d’un système de compensation de perte de gain pour les citoyens élus et les citoyennes élues à des charges électives cantonales. Nous nous limitons donc à la députation sans toucher aux prérogatives communales. En effet, accepter une charge élective mène généralement à une baisse de revenu, puisque le fraîchement élu doit diminuer son temps de travail et trouver un nouvel arrangement avec son employeur s’il est salarié. La fonction de député exige de libérer au moins un jour de travail par semaine, ce qui peut induire une baisse de revenu. S’y ajoute le fait que le nouvel élu n’est pas sûr de pouvoir retrouver un poste à 100 %, lorsqu’il ou elle quittera notre hémicycle ; en outre, il n’alimente pas non plus son deuxième pilier. Les sacrifices financiers ne sont par conséquent pas rares, sans mentionner la prise de risque quant à l’avenir professionnel. S’il est vrai que consacrer son temps à la communauté est honorable et que notre système de milice est une force qu’il s’agit de conserver et de renforcer, il convient cependant également d’éviter qu’un mandat électif conduise à des conditions décourageantes, voire précaires. Le mandat de député et de députée est problématique du point de vue de l’investissement et de la rémunération, étant donné l’incertitude liée au revenu. De plus, les indemnités varient en fonction du nombre de commissions, de vacances, de séances supplémentaires, etc.
Ainsi, le postulat demande au Conseil d’Etat d’étudier la mise en place d’un système qui permettrait de limiter la perte de revenu et de gains pour se mettre au service de la communauté. L’institution d’un tel système permettrait d’ouvrir l’accession au mandat électif à des catégories de population et des secteurs professionnels sous-représentés, voire absents de notre hémicycle. Le postulat donne une piste précise et son renvoi permettrait d’obtenir un rapport documenté sur la question. Nous vous invitons donc à prendre en considération partiellement ce postulat.
Sans revenir sur tous les arguments de la majorité, j’aimerais relever qu’il s’agit de trouver une solution simple et pérenne. Le problème est le suivant : les indemnités payées au niveau cantonal ou communal – hors considération d’autonomie communale – sont potentiellement trop basses par rapport à des salaires qualifiés de moyens. Ainsi, à mes yeux, si les indemnités payées sont considérées comme trop basses, la solution la plus simple – tant au niveau cantonal que communal –serait de les augmenter.
Le postulat de notre ancien collègue Léonard Studer demande une compensation de perte de gain pour les citoyens élus à des charges électives communales ou cantonales. Si au départ on peut penser que l’idée n’est pas si mauvaise, le système de compensation proposé par le postulant créerait une inégalité entre élus d’une même commune ou entre les députés qui assument des responsabilités similaires, dès lors que la rémunération dépendrait en partie de l’activité exercée avant l’élection. Qu’en serait-il par exemple d’un citoyen qui n’aurait pas de salaire avant son élection, d’un étudiant, d’une mère ou père au foyer, etc. ? Ce volet n’a pas suscité beaucoup d’interventions, puisqu’il s’est vite avéré que les rémunérations des municipaux et des syndicats découlent de l’autonomie communale, ce que la loi sur les communes – qu’un groupe de travail est actuellement en train de réviser – indique clairement. Si modification il devrait y avoir, ce serait à ce niveau-là.
La difficulté à trouver des candidats à la municipalité et à la syndicature dans les petites communes, notamment à cause de la rétribution, est souvent mise en avant. En effet, pour les petites communes, il n’est souvent pas possible de défrayer les membres d’une municipalité à la hauteur de leur engagement. Pour ma part, la fusion de ces petites communes pourrait être une piste à suivre.
S’agissant de la rémunération des membres du Parlement, comme cela a déjà été dit, un système de compensation se heurte aux mêmes problèmes d’inégalités, tant pour les séances de Parlement que pour celles de commission. En outre, cette façon de faire provoquerait un changement de statut des indemnités, comme l’a pertinemment indiqué mon préopinant. Il conviendrait par conséquent de revoir intégralement le système de rémunération pour les membres du Parlement, qui actuellement n’est pas considéré comme un salaire. Dans le canton de Vaud, le système de milice est voulu et soutenu par la population. Il faut que les parlementaires s’engagent pour l’intérêt de la chose publique, en aucun cas, pour son indemnisation. Le groupe PLR suivra les recommandations de la commission et propose de classer le postulat. Je vous invite à en faire de même.
Je souhaite préciser un point suite à l’intervention de notre collègue de Benedictis. En effet, ce que défend la minorité n’est pas tant la question de la potentielle insuffisance des indemnités – je me focalise sur le cas des indemnités liées à la députation, puisque la prise en considération partielle soutenue se concentre sur ce point – il ne s’agit pas d’une question de « trop haut ou trop bas », mais d’une question d’anticipation et d’instabilité. Fondamentalement, l’indemnité de député dépend des vacances, du nombre de séances plénières et de commission ; un aspect instable qui peut se révéler problématique.
J’ai de la peine à suivre le débat, sachant qu’on ne parle vraiment que de la députation et non des communes. Si nous considérons les 480 francs que nous touchons multipliés par le nombre de jours ouvrables, c’est-à-dire à peu près 240, et qu’on y ajoute un coefficient pour la préparation demandée, on passe les 100’000. Il est intéressant d’observer que la question de la compensation vienne plutôt de la gauche de l’hémicycle mais soit destinée à des gens qui gagnent bien leur vie et qui font des efforts pour venir à la députation. En outre, n’oublions pas que nous sommes défiscalisés, c’est-à-dire que la somme est quasiment nette, que nous payons 15 % d’impôt, c’est-à-dire à peu près rien du tout. Un aspect qui n’est de loin pas négligeable. Nous sommes les seuls au niveau du canton – les seuls, j’insiste – à bénéficier de cette exonération fiscale.
J’observe que le débat dérive sur nos indemnités : sommes-nous bien ou mal payés ? Or, à mon avis, ce n’est pas vraiment le débat. Rappelons qu’il y a quelques années, nous avions soutenu une motion déposée par notre ex-collègue Dolivo qui visait justement à mettre fin à cette défiscalisation exceptionnelle. Notre collègue Chapuisat l’a dit, nous bénéficions à peu près de la seule indemnité qui est autant défiscalisée. Je rappelle également qu’il s’agit d’un postulat, par conséquent qui invite le Conseil d’Etat à réfléchir à la question de l’incertitude du revenu, mais aussi à celle des charges sociales. Un dernier point sur lequel je voudrais insister.
En effet, les indemnités impliquent une cotisation minime aux charges sociales. Pour ma part, en tant que jeune femme, cela me touche assez directement, parce que ce système implique – pour moi et pour d’autres personnes ici – probablement un trou dans ma retraite à long terme, un trou dans mon deuxième pilier et dans mon premier pilier. Il s’agit aussi d’un sacrifice auquel je consens en venant siéger. Vous riez ? Mais je sais fort bien que mon deuxième pilier ne me permettra que de vivoter à ma retraite. Tant mieux si pour vous, ce n’est pas le cas. Mais pour moi, cela le sera. En effet, j’ai toute ma vie travaillé à temps partiel et vais probablement continuer, en tout cas pendant une bonne partie de ma vie. Dans pratiquement toutes mes activités, je travaille plus que les heures pour lesquelles je suis payée. En outre, pour une partie d’entre elles, je ne cotise pas aux charges sociales, ce qui a des conséquences sur ma retraite. Que vous le vouliez ou non, pour un certain nombre de personnes, il s’agit d’un problème. Pour ma part, si je n’ai aujourd’hui pas de problème d’argent, je regarde aussi vers l’avenir. Renvoyer ce postulat permettrait peut-être aussi de réfléchir à la façon dont on considère notre travail ici, puisque cela nous oblige quand même à nous engager pour une journée par semaine, voire pour deux, ce qui occasionne des pertes sonnantes et trébuchantes pour un certain nombre de personnes.
D’abord, je me réjouis que le texte ne porte plus que sur les aspects cantonaux, puisqu’il est vrai qu’en termes d’autonomie communale, il aurait été assez compliqué de réceptionner un texte visant une harmonisation complète de cette question, notamment en ligne avec les grandes différences qui existent entre les communes, et la liberté laissée d’un point de vue décisionnel aux conseils communaux, en tout cas aux législatifs, de régler ces aspects.
S’agissant du Grand Conseil, il en va évidemment de votre discussion et de votre décision. Il m’appartient simplement d’en rappeler les enjeux, dont le premier est de principe. Estime-t-on que les députés sont indemnisés, défrayés ou qu’ils reçoivent un salaire ? La question est assez philosophique. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons toujours parlé d’une indemnité et non d’un salaire ; nous serions donc face à un changement de paradigme. En outre, je confirme ce qui a été dit en commission : si un système de compensation était institué, alors, effectivement, les députés recevraient des rémunérations différentes pour la même activité au Grand Conseil. A fortiori, les indemnités changeraient de statut, et toute la question de la défiscalisation devrait être revue, de même que le pourcentage de revenu soumis à l’AVS. Par conséquent, il faudrait complètement revoir le système de rémunération des membres du Parlement en y incluant les questions des exonérations fiscales et des charges sociales : un réel changement de philosophie qui vous appartient.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
Le Grand Conseil refuse la prise en considération du postulat par 71 voix contre 44 et 4 abstentions.