21_LEG_49 - EMPL Modification du Code de droit privé judiciaire vaudois (CDPJ) (1er débat).
Séance du Grand Conseil du mardi 30 novembre 2021, point 11 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourL’exposé des motifs et projet de loi qui nous est proposé aujourd’hui modifie le Code de droit privé judiciaire vaudois (CDPJ). En effet, il y a eu une modification des articles 28c du Code civil et 341, alinéa 1bis, du Code de procédure civile et ces dispositions prévoient que les victimes de violences domestiques ou de harcèlement peuvent désormais demander au juge civil d’ordonner la mise en place d’une surveillance électronique, dans le sens d’une mesure de protection. Ces mesures entraînent dès lors une révision du CDPJ qui porte sur cinq points :
- tout d’abord, on désigne l’autorité judiciaire compétente pour ordonner la surveillance électronique ;
- on définit les sanctions en cas de non-respect de la mise en œuvre de la mesure ;
- il y a une désignation du service chargé de la surveillance électronique ;
- les modalités de conservation et de destruction des données relatives à la surveillance ;
- les modalités de la facturation des coûts relatifs à la surveillance.
Il s’agit ainsi de transposer la logique de la surveillance électronique existant dans le droit pénal au droit civil. Le mode de surveillance sera passif, selon le souhait du législateur fédéral. Un des avantages est la mise en œuvre peu exigeante au niveau des moyens humains et financiers, mais il y a évidemment toujours un risque que l’auteur d’une interdiction puisse continuer ses violences. Concernant la mise en œuvre opérationnelle, c’est le Service pénitentiaire (SPEN) qui sera l’organe de surveillance, car il possède l’expérience dans la surveillance électronique pénale. En revanche, ce sera la Fédération vaudoise de probation (FVP) qui sera chargée de la pose et de la surveillance technique de ce dispositif. Les présidents des tribunaux d’arrondissement seront quant à eux les autorités d’exécution.
Lors de la séance de commission, une discussion a eu lieu sur le choix de la surveillance passive au lieu d’active. Il est vrai que le législateur fédéral a laissé une certaine lacune dans son message, dans la mesure où il n’a pas vraiment précisé s’il fallait une surveillance active ou passive. Néanmoins, il estime que la surveillance active donne un faux sentiment de sécurité. La plupart des cantons ont indiqué à la Confédération qu’ils ne voulaient travailler qu’avec une surveillance passive. Toutefois, le canton de Vaud essaie d’ores et déjà de convaincre les autres cantons de trouver une technologie permettant une surveillance active. Le projet de loi tel que prévu permettrait à ce que l’on aboutisse à un cas de surveillance active, sans nécessité d’être modifié.
Il y a une erreur dans le rapport de la commission : on parle bien de la Fondation vaudoise de probation et non pas de la fédération vaudoise de probation. En commission, la question suivante a été posée : a-t-il été envisagé de confier cette mission à un autre organisme que la FVP, en particulier à une société privée ? Il a été répondu par la négative et que ce sera seulement par la FVP.
S’agissant de la surveillance électronique en tant que telle, il est clair qu’elle ne garantit pas un risque zéro ; elle intervient comme l’un des moyens mis à disposition du juge. C’est à ce moment que la justice estime s’il y a lieu de mettre en place un périmètre de protection en cas de volonté de vivre séparément. Le bracelet électronique étant une mesure invasive et psychologiquement lourde par rapport à une situation où peut régner une certaine violence, c’est au juge d’interpréter s’il faut une telle mesure.
En ce qui concerne les frais relatifs à ce dispositif, le Conseil d’Etat table sur une montée en puissance de celui-ci. Cela prendra effectivement plusieurs années pour que cette mesure soit bien connue par les autorités et par les victimes. Il sera possible de facturer tout ou partie des frais à l’auteur, toutefois le Conseil d’Etat estime que ces recettes seront faibles. S’il y a une violation du périmètre par l’auteur, la procédure sera la suivante : il faudra une requête auprès d’un juge qui estimera si cette dernière est justifiée. A ce moment-là, une dénonciation pénale pourra être ouverte. S’il y a une violation du périmètre du bracelet électronique, la justice pénale prendra le pas et pourra toujours utiliser l’article 292 du Code pénal pour sanctionner la personne qui viole ses obligations.
La commission a accepté l’entrée en matière à l’unanimité des membres présents. Certains articles ont fait l’objet d’un amendement, j’aurais l’occasion d’y revenir lors de la discussion article par article.
La discussion sur l’entrée en matière est ouverte.
Comme l’a relevé la présidente de la commission chargée de cet objet, il s’agissait pour la Confédération de transposer la logique de la surveillance électronique existante dans le droit pénal au droit civil. C’est chose faite via la Loi fédérale sur l’amélioration de la protection des victimes de violences. Il s’agit maintenant pour notre canton de réviser notre CDPJ suite à l’adoption de cette loi.
Le PLR ne peut que soutenir cette mécanique juridique et harmonieuse tel un champ de coquelicots qui vient fixer le cadre légal cantonal en la matière et qui vise – in fine et surtout – à donner au juge les moyens nécessaires pour améliorer et renforcer la protection des victimes de violences, ce dont nous nous réjouissons.
La discussion est close.
L’entrée en matière est admise à l’unanimité.
Il est passé à la discussion du projet de loi, article par article, en premier débat.
Article premier. –
Art. 6. –
Cet article a été adopté à l’unanimité des membres présents tel que présenté par le Conseil d’Etat.
L’article 6 est accepté à l’unanimité.
Art. 51a. –
L’alinéa 4 précise que c’est le SPEN qui est chargé de l’exécution de la surveillance électronique et qu’il peut déléguer cette tâche à une entité publique ou privée. En commission, il y a eu une discussion pour savoir s’il fallait donner cette compétence à la FVP ou s’il fallait plutôt laisser une formulation assez large. C’est ce que la commission propose avec l’amendement suivant, à l’alinéa 4 :
« Art. 51a. – al. 4 : Le Service pénitentiaire est chargé de l’exécution de la surveillance électronique. Il peut déléguer cette tâche à une entité publique ou à l’entité chargée de la probation. Un règlement d’application du Conseil d’Etat en définit les modalités. »
La commission a accepté cet amendement à l’unanimité des membres présents, tout comme elle a accepté à l’unanimité l’article 51a ainsi amendé.
Je souhaite également déposer un amendement à l’alinéa 1 de cet article 51a. En bonne logique, le projet de loi que nous sommes en train d’adopter se réfère, dans son titre et à son article 1, à l’article 28c nouveau du Code civil qui traite de la surveillance électronique. Je remercie le Secrétariat général de bien vouloir projeter cet article qui entrera en vigueur au 1er janvier 2022.
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A la lecture de cet article, vous constaterez que le législateur fédéral, le Code civil, prévoit que le juge peut, si le demandeur le requiert, ordonné le port par l’auteur de l’atteinte d’un appareil électronique non amovible. Ce n’est donc qu’à la requête de la partie demanderesse d’une mesure d’interdiction, telle qu’elle découle de l’article 28b du Code civil, que le juge procède à cette mesure. L’article 51a, alinéa 1, tel qu’il nous est proposé ne contient pas cette précision. On pourrait ainsi penser, si on lit uniquement la disposition cantonale, que le juge peut ordonner la surveillance électronique d’office. Ce qui n’est pas le cas : on ne peut pas, au niveau cantonal, donner au juge des pouvoirs plus étendus que ceux que confère le droit fédéral. Pour éviter de fausses attentes et des risques de confusion et afin de respecter le droit fédéral, je pense qu’il convient d’ajouter à la rédaction de l’article 51a, alinéa 1, du CDPJ le libellé suivant :
« Art. 51a. – al. 1 : Lorsqu’une interdiction d’approche ou de périmètre ou une expulsion de domicile est prononcée, le président du tribunal d’arrondissement peut, si la partie demanderesse le requiert, astreindre l’auteur de violence, menace ou harcèlement à une surveillance électronique. »
Vous constaterez au passage que la formulation proposée est un peu plus neutre que celle du Code civil qui utilise paradoxalement le masculin. Je vous propose quelque chose de plus neutre, mais du même esprit : il s’agit bien d’un juge qui entend une partie demanderesse et non pas qui décide lui-même et d’office d’une pareille mesure. Je vous remercie de soutenir cet amendement.
Je précise que l’amendement de notre collègue Masson n’a pas fait l’objet d’une discussion en commission. J’entends la lecture très judicieuse que notre collègue a fait de la modification du Code civil qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et de l’aspect systématique qu’il entend mettre en œuvre. Cela étant, de mon côté, je dois vous avouer que le contenu du texte qui nous est proposé aujourd’hui par le Conseil d’Etat me convient extrêmement bien, avec l’aspect potestatif de la disposition. On se trouve dans un cas où le président du tribunal peut astreindre l’auteur de violences à une surveillance électronique, on n’est donc pas dans un cas où cette surveillance électronique s’appliquerait de manière automatique. Il y a un pouvoir d’appréciation qui est donné au président du Tribunal d’arrondissement afin de se déterminer sur l’opportunité et sur la réalisation de cette surveillance électronique.
Il y a également un autre aspect : finalement, à force de toujours faire porter sur les épaules des victimes de violences domestiques la décision de porter les litiges devant la justice, on se retrouve systématiquement dans des cas de culpabilisation de la victime, avec un poids de plus en plus lourd sur ses épaules. Ce n’est pas pour rien que le système du « qui frappe part » a été mis en place ; cela a permis d’ôter la culpabilité qui pesait sur les épaules de la victime, puisque c’est l’autorité qui se doit de prendre la décision d’expulsion, laquelle ne dépend donc pas de la demande de la victime. Cela permet ainsi de protéger les victimes de violences conjugales et de violences domestiques, sans qu’elles n’aient à démarrer les procédures.
Au-delà de l’argutie juridique, le fait que notre droit cantonal se limite à indiquer que le président du Tribunal d’arrondissement peut astreindre l’auteur de violences à une surveillance électronique, sans indiquer expressément que la partie demanderesse – ou la partie requérante, peu importe comment on la nomme – doive en faire la demande expresse, permet de pouvoir donner véritablement du contenu à cette disposition. Ma crainte est la suivante : à force de systématiquement demander aux victimes de violences domestiques de créer l’impulsion afin de mettre en œuvre des mesures pour les protéger, celles-ci ne le seront tout simplement pas, puisqu’on sait que lorsque que ces victimes doivent être initiatrices des demandes de protection, elles se rétractent souvent, malheureusement souvent sous pression des auteurs de ces violences, sous de faux prétextes ou de fausses excuses qui entrainent souvent des phénomènes de récidive. Je vous invite donc à rejeter l’amendement proposé par M. Masson.
Effectivement, l’amendement de notre collègue Masson n’a pas fait l’objet d’une discussion au sein de la commission.
Un chiffre : 23 ! C’est le nombre de féminicides commis en Suisse depuis le début de l’année. Cela représente une femme tuée toutes les deux semaines. C’est un fléau contre lequel nous sommes bien peu armés, tant au niveau fédéral qu’au niveau cantonal. Une conclusion à laquelle notre canton était déjà arrivé au moment de l’acceptation de la Loi vaudoise d'organisation de la prévention et de la lutte contre la violence domestique (LOVD). Il s’agit maintenant de continuer dans cette même dynamique en visant à renforcer la prévention, mais aussi les moyens de combattre les violences domestiques. Que ce soit au niveau fédéral ou au niveau cantonal, la teneur de cet amendement est un très mauvais signe aux femmes, aux victimes, dans la situation actuelle. Il induit une possibilité supplémentaire de pression sur les personnes victimes de violences, ce qui rend impossible la justice. C’est la raison pour laquelle je vous appelle à refuser cet amendement.
A travers cet amendement, je n’entends pas donner un signe. Je n’étais pas présent lors des travaux de la commission, ne voyez donc pas derrière cet amendement de dernière minute une manœuvre quelconque. Après une relecture de ce texte et après avoir discuté avec certains professionnels, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y a un court-circuit juridique. La problématique est relativement simple : si cet article ne comporte pas cet ajout, il viole le droit fédéral. Il ne s’agit pas, dans ce Parlement, de refaire une discussion qui a certainement eu lieu aux Chambres fédérales. Je crois qu’il y a une volonté du législateur fédéral de dire qu’il y a une condition potestative qui appartient au juge, mais que celle-ci ne s’exercera qu’à la demande d’une partie. C’est la volonté du législateur fédéral telle qu’elle se traduit dans l’article 28c du Code civil. Franchement, on ne peut pas changer cette approche : la discussion a eu lieu à Berne et je pense que le canton de Vaud ne peut que prendre acte de ce système qui, au demeurant, me paraît somme toute logique : dans le cadre d’un litige, une des parties – pas forcément le demandeur – pourrait le requérir. Cet amendement ne vise qu’à rectifier un problème juridique. Vous l’aurez tous compris, je vous invite à le soutenir.
Je vous invite aussi à rejeter cet amendement, parce que nous avons déjà une loi qui ne propose qu’une surveillance passive. C’est déjà un gros problème dans les cas de féminicide : c’est souvent une personne qui est interdite d’entrée dans un périmètre qui le fait quand même. Cette loi n’est donc pas assez forte ; elle n’offre pas de surveillance active automatique. Si l’on met un poids supplémentaire sur les épaules de la victime, qui doit encore intervenir pour obtenir quelque chose, cela péjorera encore la situation. Je vous invite donc à refuser cet amendement.
Indépendamment des questions de fond évoquées dans cette loi, nous avons un problème de procédure qui n’a rien à voir avec la problématique des féminicides et de la protection des victimes. Il y a deux façons de voir les choses : soit on fait mine de ne pas comprendre et on mélange les thématiques, le fond et la forme, en laissant le texte légal actuel. Que va-t-il dès lors se passer ? La personne qui va recourir va évidemment gagner, puisque la décision n’est pas conforme au droit fédéral. Le dossier nous reviendra alors et nous modifierons à nouveau la loi. C’est une évidence ! C’est programmé ! On dira alors que ce n’est pas de notre faute, que c’est le Tribunal fédéral ou le Tribunal cantonal qui a dit cela… On dira que les juges sont bizarres ; qu’ils ne comprennent pas l’intérêt de la protection des victimes. Comme l’a très bien dit notre collègue Masson, il y a une disposition de droit fédéral qui s’impose à nous. Nous n’aimons pas cela, parce que nous nous sentons corsetés, parce que nous aurions peut-être souhaité faire différemment – peut-être mieux – pour prendre en considération l’intérêt des victimes, mais ce n’est pas le débat qui doit nous occuper aujourd’hui.
Le débat d’aujourd’hui consiste à savoir si nous voulons anticiper une problématique qui va inévitablement se poser dans l’application de la disposition de droit cantonal qui nous est soumise et qui aboutira à l’annulation d’une éventuelle décision judiciaire qui serait rendue d’office, c’est-à-dire sans requête de la partie demanderesse, ou si nous voulons prendre acte de ce qu’a soulevé le député Masson à juste titre, dire que cela ne plaît pas à certaines et à certains dans cet hémicycle, mais en prendre acte, en disant que les Chambres fédérales auraient pu faire différemment, mais que nous pouvons faire avec ce que le droit fédéral nous permet de faire et reprendre cette disposition de droit fédéral telle qu’elle doit s’appliquer.
Je vous invite à sortir de l’aspect purement polémique ou émotionnel de cette situation. Encore une fois, le droit fédéral s’impose à nous. Si nous édictons aujourd’hui une disposition contraire au droit fédéral, elle se fera casser lors du premier recours venu et nous devrons ensuite modifier cette disposition. Honnêtement, cela s’apparente à du travail de singe et je vous invite vivement à dépassionner le débat, à aller au-delà des opinions que l’on peut avoir sur la position prise par les Chambres fédérales lors de l’adoption de l’article 28c du Code civil et à accepter l’amendement raisonnable et intelligent de notre collègue Masson.
Depuis ma dernière intervention, j’ai trouvé quelques éléments nouveaux dont j’aimerais vous faire part. A l’appui de mon exposé, j’aimerais qu’il soit à nouveau projeté à l’écran le contenu de l’article 28c, alinéa 1, du Code civil qui entrera en vigueur le 1er janvier 2022 et sur lequel M. Masson fonde son argument.
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Si vous lisez l’entier de cet alinéa, il est effectivement indiqué que le demandeur doit requérir, qu’il doit contacter le juge afin que le port d’un bracelet électronique puisse être exigé. Cela étant, je vous invite à lire la toute dernière phrase de cet alinéa qui précise : « permettant de déterminer et d’enregistrer à tout moment le lieu où il se trouve ». Cet alinéa permet donc au juge d’introduire une surveillance active qui permet aux autorités compétentes de pouvoir déterminer et d’enregistrer à tout moment où se trouve le porteur du bracelet électronique. C’est la raison pour laquelle, étant donné qu’il s’agit d’une mesure extrêmement invasive, le législateur fédéral a indiqué que, pour que le port d’un bracelet qui permet cette surveillance active ait lieu, il faut que la victime le requiert. Or, c’est précisément là-dessus que Mme Bettschart-Narbel a axé son exposé lorsqu’elle vous a indiqué le contenu des travaux de la commission, notre droit cantonal prévoit la mise en œuvre d’une surveillance dite passive. Le bracelet électronique qui sera apposé à la cheville des personnes qui font l’objet d’une telle mesure fera l’objet d’une surveillance dite passive. Cette dernière ne permet pas d’enregistrer et de déterminer à tout moment le lieu où se trouve la personne qui porte ce bracelet. Comme l’a dit la présidente de la commission, c’est une mesure qui est peut-être moins efficace, mais c’est en tout cas une mesure moins invasive. Dès lors, il me semble tout à fait cohérent, contrairement à ce qu’ont dit mes deux éminents confrères qui se sont exprimé tout à l’heure, d’avoir une mesure de droit fédéral qui prévoit une mesure plus invasive sur la demande de la victime et une disposition de droit cantonal qui permet le port d’un bracelet électronique avec une surveillance uniquement passive, sans qu’il ne soit nécessaire que la victime en fasse la demande.
Nous ne sommes donc pas du tout dans un cas où il y a un conflit de normes ; nous sommes dans un cas où le droit cantonal permet une mesure moins lointaine, moins forte, que celle que permet le droit fédéral. C’est la raison pour laquelle nous pouvons parfaitement estimer que, dans le cas qui nous occupe dans le canton de Vaud, il n’est pas nécessaire que la victime, qui a déjà bénéficié de mesures d’interdiction de périmètre ou d’expulsion de domicile, saisisse le juge afin qu’une mesure de surveillance soit ordonnée, pour les raisons que j’ai exposées tout à l’heure, notamment le poids qui pèse sur les épaules de la victime, à savoir de devoir systématiquement saisir les autorités pour obtenir des mesures de protection. Sur cette base, parce que nous sommes au XXIe siècle et qu’il est temps de renverser le fardeau de la preuve et le fardeau de la protection, je vous invite à rejeter fermement cet amendement.
Je voulais apporter une information pour ceux qui s’intéressent à ce sujet : notre ancienne conseillère d’Etat, Mme Jacqueline de Quattro, qui est maintenant au Conseil national, a déposé en mars une initiative à Berne. Cette initiative, signée par des conseillères nationales de tous les partis est maintenant entre les mains du Conseil fédéral. Cette initiative est appuyée par la conseillère fédérale Karin Keller Sutter et demande à ce que le bracelet électronique soit rapidement mis en service.
Ce qui est toujours ennuyant, avec des amendements présentés au dernier moment, c’est que l’on a de la peine à se faire une opinion et qu’il faut réagir sur le moment, mais cela fait partie des charmes nos débats. En l’occurrence, la question soulevée par notre collègue Masson est de savoir s’il y a un problème de conformité au droit fédéral. En gros, est-ce que la formulation retenue dans le projet de loi est conforme au droit fédéral ? Je relève tout d’abord que pour la Direction générale des affaires institutionnelles et des communes (DGAIC) et les juristes de la couronne, la formulation n’a pas posé de problème. Au demeurant, il est assez rare que les juristes de la couronne décident délibérément de piétiner le droit fédéral pour lequel ils ont – en principe – le plus grand respect.
Par ailleurs, quoi qu’on en dise, l’amendement de notre collègue va substantiellement réduire la marge de manœuvre de tout ce dispositif de lutte contre le harcèlement et les violences. On va un peu réduire les possibilités d’action, notamment des tribunaux. Franchement, s’il n’y a pas de problème avec le droit fédéral, je trouve dommage de se tirer une balle dans le pied. Pour des raisons non vérifiées – ou non confirmées par les juristes de la couronne – nous sommes en train de nous tirer une balle dans le pied et de réduire notre marge de manœuvre pour ce dispositif. Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter cet amendement en premier débat et de demander aux juristes de la couronne de nous faire une petite analyse pour confirmer qu’il n’y a pas de problème de contrariété au droit fédéral. Il est parfaitement possible que notre collègue Masson ait vu un problème que personne d’autre n’a vu ; cela arrive. Si c’est le cas, nous reverrons notre copie pour le deuxième débat.
Je trouve que c’est une bêtise d’accepter aujourd’hui de réduire les possibilités d’action dans ce dispositif. Cela nous prive de moyens importants dans une politique publique et que tout le monde semble appeler de ses vœux, même notre ancienne conseillère d’Etat Jacqueline de Quattro – c’est dire à quel point le sujet est transversal. Je vous remercie donc de rejeter cet amendement et d’y réfléchir sereinement d’ici au deuxième débat.
J’ai apprécié la plaidoirie de Mme Jaccoud que l’on pourrait intituler « Comment noyer le poisson pour mieux renverser le fardeau de la preuve », mais le problème n’est pas aussi compliqué qu’il n’y paraît. Vous avez tous pu lire l’article 28c qui a été affiché. On dit souvent que les juristes travaillent à la virgule et c’est précisément le cas. Si l’on prévoit une assertion qui dit « si le demandeur le requiert » entre deux virgules et que celle-ci précède un verbe, il n’y a pas besoin d’aller disséquer la suite du complément d’objet direct ; ordonner peu importe quoi, il y a un verbe avant : « ordonner, si le demandeur le requiert (…) ».
Monsieur Mahaim, nous ne sommes pas en train de nous tirer une balle dans le pied ; nous sommes simplement en train de dire que l’on ne peut pas, même si nous le souhaitions, admettre que le juge cantonal du Tribunal d’arrondissement peut systématiquement et donc d’office ordonner une pareille mesure. Je crois que le législateur ne l’a pas voulu. Je pense qu’il nous appartient de respecter sa décision. Je vous invite donc à soutenir cet amendement.
Au travers de cet exposé des motifs et projet de loi, nous avons effectivement voulu transposer les mesures du droit pénal au droit civil. Tous les cantons font la même chose. Au fond, nous avons voulu inscrire une ingénierie juridique avec une désignation de l’autorité judiciaire, la définition des sanctions et la définition du service. C’est ce qui vous est proposé dans ce projet de loi.
L’article 28c du Code civil est un article générique. Lorsqu’il a été débattu aux Chambres fédérales, la conseillère fédérale, Mme Karin Keller Sutter, voulait effectivement une surveillance globale active, mais les cantons n’en voulaient pas. La Conférence des directrices et directeurs des départements cantonaux de justice et police (CCDJP) et un certain nombre de conférences intercantonales se sont préoccupées de cette surveillance active, parce qu’il y a des coûts. En effet, pour une surveillance active, il faut une mise à disposition de la police très rapide. Cela nécessite donc une multiplication des effectifs. Par ailleurs, cela peut aussi engendrer un faux sentiment de sécurité. C’est la raison pour laquelle tous les cantons, sauf le canton de Vaud, ne visent, à ce stade, qu’une surveillance passive. C'est ici que réside cette différence entre la surveillance passive et la surveillance active. Lorsque je dis que le canton de Vaud ne s’est pas rangé à l’analyse des autres cantons, c’est parce que nous estimons que la centrale de surveillance – qui fait l’objet d’une discussion au sein de l’association Electronic Monitoring, qui regroupe l’ensemble des cantons – doit aussi pouvoir envisager, à terme, une surveillance active. Ce que nous vous proposons, parce que nous en avons besoin au 1er janvier 2022, c’est d'abord un outil juridique pour la surveillance passive.
L’amendement Stéphane Masson est refusé par 67 voix contre 55 et 12 abstentions.
Je demande un vote nominal.
Cette demande est appuyée par au moins 20 membres.
Celles et ceux qui acceptent l’amendement Stéphane Masson votent oui ; celles et ceux qui le refusent vote non. Les abstentions sont possibles.
Au vote nominal, l’amendement Stéphane Masson est refusé par 70 voix contre 61 et 8 abstentions.
*insérer vote nominal
Je pars de l’idée que, comme l’a suggéré notre collègue Raphaël Mahaim, d’ici le deuxième débat, nous aurons quelques éclaircissements. Indépendamment des arguments qui ont été soulevés tout à l’heure par notre collègue Jessica Jaccoud – et qui peuvent avoir une pertinence – ce n’est pas forcément certain. Le simple fait d’avoir un bracelet électronique est déjà en soi une mesure conforme au droit fédéral, de sorte que l’application de l’article 28c pourrait se poser. Encore une fois, ce n’est pas une question de fond : ce que nous souhaitons faire, c’est une loi applicable, une loi qui ne fera pas l’objet d’un recours, pour éviter que des décisions judiciaires rendues d’office dans certaines situations soient ensuite annulées, ce qui nous obligerait à reprendre la loi. Je crois qu’il y a une évidente bonne volonté de l’ensemble de ce Grand Conseil d’arriver à quelque chose de précis. Je remercie le département ou le service juridique de nous éclairer un peu mieux pour savoir s’il existe une marge de manœuvre et si les argumentations de Mme Jaccoud et de notre collègue Masson sont pertinentes ou pas.
L’amendement de la commission est accepté à l’unanimité.
L’article 51a, amendé, est accepté à l’unanimité.
Art. 174a. –
Il n’y a pas eu de discussions sur cet article ; il a été adopté par la commission à l’unanimité des membres présents.
L’article 174a est accepté à l’unanimité.
L'article premier, amendé, est accepté.
Art. 2. –
Cet article a aussi été accepté à l’unanimité.
Retour à l'ordre du jourL’article 2, formule d’exécution, est accepté à l’unanimité.
Le projet de loi est adopté en premier débat.
Le deuxième débat interviendra ultérieurement.