RAP_673999 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil Préavis du Conseil d'Etat au Grand Conseil sur l'Initiative législative cantonale Stéphane Montangero et consorts demandant au Conseil d'Etat vaudois d'intervenir auprès des autorités fédérales afin d'introduire la possibilité pour les cantons de créer ou non une institution cantonale d'assurance-maladie (19_INI_015) et Exposé des motifs et projet de décret portant sur le dépôt d'une initiative cantonale auprès de l'Assemblée fédérale l'invitant à modifier la LAMal afin que les cantons qui le souhaitent puissent créer par voie législative une institution cantonale chargée de fixer et percevoir les primes et financer l'entier des coûts à la charge de l'AOS (164) (1er débat).

Séance du Grand Conseil du mardi 2 février 2021, point 6 de l'ordre du jour

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M. Vassilis Venizelos — Rapporteur-trice de majorité

La Commission de la santé publique s’est réunie le 13 décembre 2019. Entretemps, la crise sanitaire a frappé, avec ses impacts, ses conséquences. Nous avons pu constater l’efficacité de notre système de santé qui a bien résisté. Les coûts liés à cette crise seront importants et toucheront aussi notre système de santé. Ainsi, une discussion sur la maîtrise des coûts de la santé et de la hausse des primes s’avère plus que jamais d’actualité. La législation actuelle confie aux cantons différentes responsabilités, d’importantes missions de santé publique, comme l’organisation du système de soins, son accessibilité, notamment par les subsides aux primes d’assurance-maladie ou la planification hospitalière. Par contre, il n’existe pas, dans la législation, de compétence cantonale en matière d’activité et d’organisation des assurances-maladie. Grâce à cette initiative, ce principe pourrait évoluer. L’initiative n’impose rien aux autres cantons, mais propose un système qui pourrait être repris par ces derniers. Pour rappel, cette proposition a fait l’objet d’un vote populaire en septembre 2014, elle a été refusée par une majorité de la population suisse, mais acceptée par une majorité de la population vaudoise. Les discussions de commission ont été sereines et constructives. Je me limiterai, en la présence d’un rapport de minorité, à synthétiser les points favorables à l’initiative.

Pourquoi faut-il envisager une institution cantonale telle que présentée par l’initiative ? D’abord, la création d’un bassin commun d’assurés permettrait par effet de nombre une meilleure mutualisation des risques et, par conséquent, une diminution des réserves nécessaires pour les couvrir, éliminer la chasse aux bons risques — processus bien connu — et ainsi augmenter la stabilité des primes. La concurrence entre les caisses maladie existerait non plus sur les primes, mais uniquement sur la qualité des services offerts par les différentes caisses. La transparence des coûts serait accrue grâce aux données anonymisées, et la possibilité de bénéficier d’une vue d’ensemble des prestations fournies et du parcours des soins des assurés permettrait enfin de développer des politiques publiques visant non seulement à stabiliser l’évolution des coûts, mais aussi à optimiser la prise en charge des patients en particulier des personnes souffrant de maladies chroniques. Disposer de ces informations permettra d’améliorer le pilotage du système de soins et aussi de renforcer la prévention.

Tous les assurés du canton de Vaud seraient concernés par l’institution cantonale chargée de prélever une prime uniforme, car indépendante du profil de risque de chaque assureur. Les caisses existantes abandonneraient dès lors les tâches de fixation des primes et d’encaissement de ces dernières, voyant ainsi leurs charges administratives diminuer d’autant. L’institution cantonale procèderait à la réalisation auprès des assureurs des ressources récoltées. Sans être totalement comparables, l’AVS et l’assurance-chômage forment des systèmes analogues avec des financements fonctionnant par le biais de prélèvements uniformes sur les salaires, une réallocation des ressources aux caisses pour le paiement des prestations. Il est à noter qu’au niveau suisse, les réserves constituées par les caisses maladie, sujet qui nous occupera un peu plus tard dans l’ordre du jour, représentent 8 à 9 milliards, soit le double des exigences posées par les ordonnances fédérales.

En conclusion, le système de santé actuel se veut libéral ; néanmoins, la législation fédérale impose des éléments, tout ou parties, en contradiction avec cet esprit. Le caractère obligatoire de l’assurance-maladie et les compétences accordées au canton, mais surtout la concurrence qui s’exerce depuis son introduction entre les prestataires n’apporte pas les effets voulus en matière de maîtrise des coûts. En effet, dans le domaine de la santé, la concurrence fonctionne imparfaitement, et les différents acteurs, y compris les patients, n’adoptent pas nécessairement des comportements conformes à une rationalité économique pure. Enfin, expérimenter une solution innovante, comme celle proposée par notre collègue Montangero — parfois qualifiée d’idéologique par ses adversaires — se montre moins dogmatique et beaucoup plus pragmatique qu’une vaine tentative de se cramponner à un système de pseudo concurrence qui ne fonctionne manifestement pas.

La majorité de la Commission de la santé publique vous invite par 8 voix contre 5 et 1 abstention à entrer en matière sur le projet de décret ; les mêmes équilibres vous invitent par la suite à approuver les articles 1, 2 et 3.

Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice de minorité 1

Les commissaires de minorité considèrent que la question des caisses publiques a finalement déjà été tranchée en votation populaire à plusieurs reprises et estiment inutile de présenter à nouveau un tel projet. La minorité aimerait également rappeler que l’initiative qui avait aussi été lancée au sujet d’une telle institution cantonale d’assurance-maladie n’a pas abouti. Par conséquent, revenir sur cette question nous semble totalement excessif. En outre, nous nous montrons dubitatifs quant aux buts de l’initiative, surtout quant à l’effet que pourrait produire une institution cantonale d’assurance-maladie sur les primes et le financement de la santé dans le canton. Les explications reçues en commission ne nous ont pas démontré comment il serait possible de gagner en efficacité, puisqu’il s’agirait d’une certaine manière d’ajouter une « feuille » au « mille-feuilles » administratif, c’est-à-dire une caisse chargée de prélever les primes, qui les redistribuerait ensuite aux caisses encore existantes. Cela équivaut à ajouter une couche au dispositif en place. Nous estimons que cela n’aura aucun effet sur la maîtrise des primes ; au contraire, que cela pourrait même en renchérir le coût. En outre, les coûts en lien avec les tarifs des assurance-maladie et ceux en lien avec les modalités de prélèvement des primes ne représentent en réalité qu’une infime partie des coûts globaux de la santé. Les chiffres avancés au niveau des statistiques fédérales démontrent à quel point la charge administrative actuelle des caisses maladie n’est plus problématique. Dès lors, il convient de s’attaquer au vrai problème : la maîtrise des coûts de la santé.

Par ailleurs, la liberté cantonale aboutirait à une disparité, compliquerait les différents systèmes parallèles mis en place. D’un point de vue global sur la situation de l’organisation du système de santé, cela impliquerait que l’Etat contrôle à la fois l’organisation du système de santé, la planification hospitalière, l’accessibilité aux soins, les subsides aux primes et l’activité en matière d’assurance-maladie. Cette institution cantonale de compensation consacrerait une étatisation exagérée du système de santé, faisant clairement disparaître toute forme de concurrence.

Enfin, les initiatives cantonales adressées à l’Assemblée fédérale rencontrent en général peu de succès et, dans le cas présent, nous nourrissons effectivement quelques doutes sur les chances d’aboutir d’un tel décret, puisque l’initiative qui avait déjà été déposée avait récolté insuffisamment de signatures en Suisse allemande. Par conséquent, nous ne voyons pas comment elle pourrait être acceptée au niveau fédéral. En conclusion, la minorité de la commission vous recommande de refuser l’entrée en matière.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Cette initiative a pour but de demander à la Confédération de permettre aux cantons, qui le souhaiteraient, de mettre sur pied une caisse publique cantonale : ni plus ni moins. Le fédéralisme permet de fixer un cadre offrant aux cantons la liberté de choisir ou non cette voie. Nous — à savoir l’ensemble des groupes cosignataires de l’initiative ainsi que quelques personnalités excellentes connaisseuses du domaine — demandons une nouvelle liberté pour les cantons dans un domaine où ces derniers ont surtout des contraintes. Le projet de décret du Conseil d’Etat montre bien les avantages de cette solution, qui permet aux cantons qui le souhaitent, de créer une institution cantonale chargée de fixer et de percevoir les primes et de financer l’entier des coûts à la charge de l’assurance obligatoire de soins.

Comme la plupart des arguments ont été avancés par le rapporteur de majorité, je me permets d’insister sur quatre points. D’abord, les réserves, dont il est beaucoup question en ce moment. En effet, plus de 11,328 milliards dans les caisses au 1er janvier 2020 représentent largement plus du double nécessaire — énormément d’argent immobilisé dans les comptes des assureurs-maladie. Ainsi, la solution proposée permettrait de les réduire drastiquement par un simple effet de nombre. A fortiori, les montants payés par la personne assurée suivront cette dernière, alors qu’actuellement, à tout changement de caisse le montant versé — trop souvent excédentaire — reste dans ladite caisse. Ensuite, cela mettrait un terme à la chasse aux bons risques. Par nature, une institution unique compose de manière plus efficace avec les risques entre l’ensemble des assurés du canton : c’est à nouveau l’effet du nombre. L’institution cantonale permettrait de passer d’une compensation des risques à une compensation des coûts. Ensuite, le système garantirait que l’augmentation des primes se limite chaque année, pour tous les assurés, exactement à l’évolution des coûts de la santé, ni plus… mais peut-être moins, selon les économies réalisées dans le domaine de la prévention, ce qui m’amène à mon dernier point, à mon sens, fondamental.

En effet, l’augmentation des maladies chroniques et l’apparition de nouvelles pathologies de plus en plus coûteuses à traiter nécessitent une action en amont et donc des mesures de prévention. Or, actuellement, le système de santé ne prévoit aucune incitation à développer la prévention. Une des organisations faîtières des assureurs a reconnu elle-même, dans un débat public, que la prévention ne constituait pas du tout le cœur de ses activités… Entendre de la part des assureurs, qui brassent des milliards, estimer qu’avec le prélèvement de 4,8 francs annuels par personne assurée, la prévention est garantie dans notre pays est un peu fort de café ! Relevons que le terme employé était « garantie » et non « assurée », on se demande bien pourquoi ! La politique de prévention menée par exemple par l’Etablissement cantonal d’assurances (ECA) qui dispose dans le canton de Vaud du monopole dans son domaine d’action se montre plus active que dans les cantons où la concurrence joue en la matière. De même, la SUVA a très bien compris qu’il fallait investir dans les campagnes de prévention pour payer moins plus tard. Ainsi, lorsqu’un accident se répète fréquemment, la SUVA met sur pied des campagnes et fait en sorte que cet accident se produise moins — un bras de levier très important pour parvenir à réduire les coûts. Ce système est donc un réel incitatif à une politique de prévention de la santé, l’un de nos biens les plus précieux, comme nous avons pu le constater, hélas, depuis près d’un an. Enfin, j’ajouterai peut-être un argument quant à la mention de Mme Narbel, sous la forme du renforcement de notre fédéralisme, dont nous avons pu voir, ces derniers mois, les limites. Cette initiative montre les côtés positifs de ce dernier, la flexibilité possible. Il convient de saisir cette chance pour notre canton.

L’urgence décrite en 2019 existe, hélas, encore. Notre système de santé est toujours malade, et il nous faut au plus vite le soigner. Le Conseil d’Etat l’a bien compris, puisqu’il avait fait diligence en répondant rapidement à la demande du Parlement, sans doute parce que notre canton a compris que le poids de l’assurance-maladie sur le porte-monnaie des ménages se fait toujours plus insupportable. Nous avons également introduit une limite maximum dans le ratio entre le revenu des ménages et le poids des primes d’assurance-maladie. En effet, quand les primes sont trop hautes, les gens optent pour les franchises les plus élevées, ce qui marque le début de la spirale infernale, puisqu’une franchise élevée dissuade d’aller consulter son médecin, ce à tel point qu’on estime aujourd’hui, qu’en Suisse, 10 à 20 % des personnes assurées renoncent à se faire soigner par peur de la facture. Dans une société riche et évoluée comme la nôtre, cela est tout simplement inadmissible. Depuis près d’un an, nous avons appris qu’il vaut mieux prévenir que guérir. Ainsi, cette démarche permettra aux cantons qui le souhaitent de créer une institution cantonale d’assurance-maladie et de renforcer la prévention qui, sans incitatif fort, n’aura pas lieu.

Tout cela plaide en faveur de ce projet de décret. Rappelons-le : cette initiative a pour but de demander à la Confédération de permettre aux cantons qui le souhaiteraient de mettre sur pied une caisse publique cantonale, ni plus ni moins. Aujourd’hui, nous pouvons procéder à un acte important, enclencher le processus qui dotera les cantons d’une liberté nouvelle en matière d’assurance-maladie, dans l’intérêt des assurés, de celui du système de santé et dans le nôtre. Je vous remercie de soutenir ce projet en offrant une nouvelle liberté à notre canton, à l’ensemble des cantons qui le souhaiteraient, et d’entrer en matière.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Nous avions soutenu l’initiative « une baisse d’impôts pour la classe moyenne » et dont le but était de soutenir concrètement les ménages, ce que j’appelle encore aujourd’hui un fait concret. Le peuple, à plusieurs reprises, a rejeté sans équivoque un projet de caisse maladie unique, en 1994 par 77%, en 2003 par 73%, en 2007 par 71% et dernièrement, en 2014 par 61,5%. L’exemple des caisses publiques à l’étranger le montre clairement, les systèmes de santé régis par les pouvoirs publics se traduisent par des budgets plafonnés, une rationalisation et, surtout, une restriction de la liberté de choix. En cas de caisse unique publique détenant un monopole dans le canton de Vaud, par exemple, pour l’assurance-maladie de base, les coûts administratifs, à l’avis de mon parti, augmenteraient, faute de concurrence. Un système d’adhésion obligatoire sans autre alternative aurait un impact négatif, d’une part, sur la qualité du service et de l’offre et, de l’autre, probablement sur la qualité des prestations médicales. Vous l’aurez compris, mon parti n’entrera pas en matière sur cette initiative, quand bien même je comprends très bien les propos de M. Montangero. La résolution de la problématique de l’augmentation constante des primes de l’assurance-maladie demeure tripartite : au niveau fédéral, entre les caisses maladie, les médecins et l’Etat. J’appelle le parti socialiste à inciter son ancien conseiller d’Etat, M. Maillard, à appuyer de façon conséquente au niveau fédéral.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Le groupe vert’libéral soutiendra, à l’unanimité, l’entrée en matière sur ce projet de décret. Les différentes enquêtes de satisfaction montrent que notre système de santé est jugé très bon par la population suisse. Toutefois, il coûte très cher — l’un des plus chers au monde. Les coûts continueront d’augmenter surtout en raison de la proportion grandissante de la population âgée, mais aussi de la poursuite des avancées médicales. Le décalage qui existe, année après année, entre l’augmentation réelle des coûts de la santé et l’augmentation des primes d’assurance-maladie est surprenant, voire incompréhensible, ce sans que personne ne puisse ou ne veuille bien nous en expliquer la raison. Ainsi et premièrement, l’initiative législative proposée permettrait de retrouver une adéquation entre les coûts réels de la santé au niveau cantonal et les primes, de pouvoir fixer leur montant en fonction de ces coûts et non pas en fonction de prévisions, comme c’est le cas actuellement. Deuxièmement, cette initiative permettrait aussi de mutualiser les réserves qui actuellement représentent 20 % de nos primes. Cela permettrait de les abaisser considérablement probablement à 10 %. Troisièmement, cette initiative permettrait d’uniformiser le montant des primes et ainsi d’éviter le bal des transferts d’assurés, qui a lieu en fin d’année, et dont le coût administratif est estimé à 200 francs par assuré, pour chaque transfert. Quatrièmement, l’initiative permettrait enfin de s’occuper du domaine de la prévention. En effet, actuellement, les caisses-maladie n’ont pas d’intérêt à faire de la prévention auprès de leurs assurés, ne sachant pas si ces derniers en feront encore partie dans les années à venir. L’initiative permettra enfin de promouvoir la prévention pour le bien de la population de tout notre canton, et comme nous le savons, en médecine, il vaut mieux prévenir que guérir. En conclusion, cette initiative n’est pas un combat gauche-droite : la santé nous concerne tous.

Enfin, la population vaudoise avait soutenu le projet de caisse publique à 56 %, même si la population suisse, elle, s’y était opposée. Ainsi, cette initiative constitue une belle occasion de mettre en pratique des projets-pilotes pour les cantons qui le souhaitent. En effet, le Conseil fédéral avait proposé dans son premier projet de mesures que des projets expérimentaux puissent être mis en place pour envisager des solutions qui cherchent à freiner la hausse des coûts de la santé. Le groupe vert’libéral vous invite à soutenir un tel projet innovant. Soyons audacieux, pionniers et soutenons l’entrée en matière !

M. Marc Vuilleumier (EP) —

Depuis très longtemps, les composantes du groupe Ensemble à Gauche et POP sont favorables à l’instauration d’une caisse-maladie unique et publique au niveau fédéral et cantonal. Il y a fort longtemps, le POP avait d’ailleurs fait aboutir une initiative cantonale, qui avait ensuite été invalidée faute de base légale fédérale, ce à quoi l’initiative Montangero peut remédier. Par conséquent, nous souhaitons que ce projet aboutisse. En effet, un bassin d’assurés beaucoup plus important permet une meilleure réduction des risques, une diminution des réserves, des primes de base unifiées, une transparence des coûts, de meilleurs contrôles démocratiques, une meilleure prévention, la fin de la chasse aux bons risques et la fin de l’absurde concurrence entre les caisses — des avantages certains par rapport au système actuel. Mais le chemin est encore long, très long. En effet, entre le dépôt de l’initiative et son traitement, presque une année et demie s’est écoulée… sans compter l’éventuel prochain passage et traitement par Berne, le retour dans le canton de Vaud, un traitement au Grand Conseil… nous ne serons plus très loin de la neutralité carbone! Mais puisqu’il faut bien se mettre en chemin une fois, allons-y !

M. Jérôme Christen —

Le groupe des LIBRES soutiendra le projet de décret du Conseil d’Etat, estimant la démarche intéressante et légitime, même si elle comporte un certain nombre de points d’interrogation. Ne nous leurrons pas : la raison principale du coût élevé de la santé réside évidemment dans la surabondance d’offres, qui conduit à une surconsommation de prestations, ainsi que le niveau qualitatif élevé de notre système de santé. Pourquoi ne pourrait-on pas proposer des services assumés par l’Etat en concurrence avec le secteur privé ? De manière générale, nous sommes plutôt favorables au principe de subsidiarité, mais dès lors que le système ne fonctionne pas à satisfaction, nous pouvons légitimement nous demander ce que nous perdrions à tenter d’emprunter la voie de la caisse cantonale, qui pourrait être plus compétitive, dès lors que son rôle n’est pas de réaliser des profits, mais de fournir des prestations à prix coûtant. Pourquoi ne pas introduire un nouvel acteur qui pourrait jouer un rôle d’aiguillon. Par conséquent, nous estimons que tout plaide en faveur de l’acceptation de ce projet de décret.

M. Werner Riesen (UDC) —

Depuis des années, je suis préoccupé par la constante augmentation des coûts de la santé liée aux nombreuses incohérences du système, de son manque de transparence et des intérêts des lobbies. Il manque clairement une volonté politique pour corriger ces dérives. Il convient d’abord de s’attaquer aux vrais problèmes, soit de maîtriser les coûts de la santé pas d’une caisse unique publique. Par exemple, premièrement, il est urgent de négocier pour enfin réduire la valeur tarifaire en vigueur des médecins, à l’exception de la médecine de famille, comme je l’ai proposé dans ma motion transformée en postulat et acceptée par ce plénum par une large majorité. Pour rappel, cette valeur a encore un caractère historique sans que la démonstration d’une juste rémunération ait pu être effectuée. Deuxièmement, il faut introduire une propharmacie restrictive, comme pratiquée dans les cantons de Berne et des Grisons. La dispensation médicale, à part des économies, a aussi pour avantage de faciliter la vie des patients, surtout dans les régions rurales ; ainsi, il apparaît judicieux de revenir sur notre proposition de 2014. Troisièmement, il est important, pour éviter de nombreuses surmédicalisations, d’accélérer la transmission des dossiers informatiques, ce qui permet une meilleure communication au sein du corps médical.

En conclusion, ce projet de décret incite à créer de néfastes disparités cantonales. Pour ces raisons, et comme mon chef de groupe l’a indiqué, le groupe UDC vous invite à refuser l’entrée en matière sur ce projet de décret.

M. François Cardinaux (PLR) —

Une fois n’est pas coutume, je ne peux accepter ce qui a été dit par mes préopinants. J’ai l’impression d’entendre de mauvais perdants qui, déplorant l’absence de majorité au niveau suisse, veut que le canton de Vaud fasse différemment. Pourquoi ? Comment devons-nous l’interpréter ? Aujourd’hui, (il montre un billet de 100 francs) sur ce billet, 4 francs représentent le coût de l’administration pour les caisses-maladie. Je rappelle que tout le reste équivaut à ce que nous redonnons à ceux qui ont payé, respectivement ceux qui sont assurés. Ensuite, une fois pour toutes, il faut revenir sur la définition d’Alfred Manes, un brillant homme, qui nous a laissé la définition des assurances. Je me permets de déclarer mes intérêts comme agent général auprès de la Vaudoise Assurances, ancien directeur d’Intras, rachetée par CSS, en 2005. Mais le sujet continue à m’intéresser. Sa définition est la suivante : « L’assurance est la couverture mutuelle d’un risque aléatoire, mais estimable d’avance dont sont menacés d’égale manière une multitude d’entités économiques. » Si nous considérons cette définition, nous parvenons très bien à comprendre que les propos de M. Montangero et sa comparaison entre l’AVS, l’ECA et les caisses maladie, respectivement l’assurance-maladie, ne peuvent être tenus. En effet, et je souhaite à tous que vous soyez en pleine forme jusqu’à la fin de votre vie, que vous n’ayez pas tout à coup la maison qui brûle… car lorsqu’elle brûle, si vous êtes assuré pour 800’000 francs, c’est la somme qui vous est versée. Un cancer…une maladie orpheline… les médicaments… tout cela coûte cher ! Considérez-vous qu’aujourd’hui, nous, politiciens du canton de Vaud, nous soyons meilleurs que toutes les personnes qui font des études et connaissent les coûts véritables ? Que du jour au lendemain cela fonctionne ? C’est un leurre… d’ailleurs, le refus au niveau fédéral est significatif. Quant à la chasse aux bons risques, je vous rappelle qu’en ce moment nous parlons de la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal). Je ne connais pas d’assureurs qui vont y chercher les bons risques…car ils s’y emploient dans un autre domaine, c’est-à-dire la complémentaire aux assurances-maladie. Par conséquent, il s’agit d’une fausse bonne idée, que je combats, et que je vous invite à combattre avec moi ! Ceux qui y sont favorables ne se rendent pas compte des conséquences.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

Alors que j’étais en train de rédiger une résolution, j’écoutais les différentes interventions ; j’avais l’impression d’être au Conseil national, en entendant les grands discours qui ne nous concernent que par le biais d’une initiative cantonale, dont évidemment les Chambres fédérales et la Confédération feront ce qu’elles veulent, c’est-à-dire, sans doute, pas grand-chose…

Très objectivement, je partage beaucoup des analyses émises par ceux qui proposent l’initiative, sur le malaise et le marasme de ce système, sur sa difficulté d’évolution, le manque de transparence dans le calcul des primes ; la liste est longue. Néanmoins, j’entends à grand renfort d’affirmations pour le soutien de cette initiative que la concurrence entre les caisses ne fonctionne pas. Il y a quelques années, je partageais cette opinion, mais elle fut démentie par un rapport du Conseil fédéral émanant d’un département tenu par les socialistes, et qui parvenait à la conclusion contraire : c’est-à-dire que finalement la concurrence entre les caisses ne fonctionne pas si mal. Cela ne veut pas dire que ce soit une bonne chose, mais nous empêche de dire que la concurrence est inutile. Deuxièmement, on critique le va-et-vient entre les caisses… Mais c’est ce que nous avons voulu ! Nous avons souhaité que les gens puissent passer facilement d’une caisse à l’autre en cas d’insatisfaction. Si cela pose des problèmes administratifs — on voit d’ailleurs que statistiquement il y a ceux qui font la chasse à la bonne prime et changent de caisse chaque année — globalement, les gens ont fini par se rendre compte qu’une caisse un peu chère une année devenait un peu moins chère l’an d’après. Au bout de 5, 6 ou 7 ans, on réalise que cela ne change pas forcément grand-chose.

Qui gérera cette caisse publique qui tait son nom — et dont M. Vuilleumier pense grand bien ? Faudra-t-il engager des fonctionnaires ou passer par des contrats de mandat avec les caisses maladie ? On ne voit pas très bien pourquoi ces gens, qui ont l’habitude de gérer les primes et la sinistralité, ne pourraient pas continuer à s’y employer. Finalement, j’aimerais aussi vous rappeler que les réserves des caisses sont nationales, qu’il est faux de prétendre qu’elles seraient affectées à un canton. Dans le cadre des calculs effectués par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), la répartition entre les cantons est aussi arbitraire que peu transparente. Comment pensez-vous procéder pour détricoter ce système, pour identifier ceux qui dépendent d’un calcul différent ? Cela va être complètement ingérable et, à mon sens, largement irréaliste.

Ensuite se pose la question de la mutualité. M. de La Palice vous l’aurait dit, la base de l’assurance repose sur la mutualité : les biens portants finançant les malades ; c’est ainsi qu’elles furent créées entre 1846 et 1850 pour les principales. Sectoriser la sinistralité serait désastreux compte tenu de la diminution du nombre de personnes pour répartir les risques. Pour ma part, je plaide depuis de nombreuses années, y compris au sein de mon parti, pour que cette mutualité s’exerce sur le plan national. Nous avons des réserves nationales ; par conséquent, un système de mutualité national et non plus par caisses est essentiel — les deux choses allant évidemment de pair.

Quant à la critique sur les primes et le montant des franchises, M. Montangero a raison : le système ne fonctionne pas. Il faudra sans doute passer par un système de primes au niveau suisse — je ne le verrai peut-être pas comme politicien. Je considère que la seule solution consistera à avoir des primes unifiées, selon des systèmes de calcul identiques, quitte à ce qu’il y ait des variations en fonction des franchises. L’AVS admet un système identique, la Loi sur l’assurance-accidents (LAA) aussi. Ainsi, si nous voulons faire baisser les coûts, la mutualité doit porter sur 8, 9 ou 10 millions d’habitants et non pas sur 750’000 ou 800’000. C’est une solution qui prendra du temps. Enfin, cette initiative, qui segmente le marché, n’est en tous les cas pas la solution. Je suis favorable à une réforme fondamentale du système actuel, du type tabularasa. En revanche, je ne crois nullement à tous les avatars qui consistent à faire croire aux gens que le canton détient la solution, qu’il se débrouillera seul. Je m’opposerai par conséquent à ce texte.

M. Pierre Volet (PLR) —

J’ai quelque peine à entendre une partie de nos préopinants qui réclament une assurance cantonale en argumentant que les réserves des caisses d’assurance-maladie sont trop grandes et mal distribuées. N’étant pas expert en la matière, il me semble néanmoins que les caisses ont seulement trois ou quatre mois de réserve leur permettant de lisser les hausses et les éventuelles baisses des primes sur les années. La SUVA, pour sa part, a des réserves de 53, 8 milliards, et une augmentation de primes de marge de cette réserve de 4,1 milliards par année. De plus, à son bilan, elle possède deux cliniques et un centre administratif qui présentent un bilan au franc près, c’est-à-dire sans aucune dette. La SUVA est une caisse publique qui, en plus, compte environ 11 ou 12 % de frais administratifs, alors que ce sont entre 4 et 5 % pour une caisse privée… la SUVA, elle, est gérée par des instances publiques… j’aimerais donc qu’il me soit expliqué comment on compte faire des économies avec de pareils pourcentages de frais administratifs. De surcroît, la SUVA n’assure pas l’entier des habitants du pays, contrairement aux caisses maladie. Les réserves de la SUVA sont donc disproportionnées sans occasionner de baisse de primes. Par ailleurs, c’est l’utilisation de l’assurance par les assurés qui amène les primes à augmenter. En conclusion et selon moi, nul ne sert d’entrer en matière ; ne croyons pas que la création d’une caisse cantonale diminuera les coûts de la santé — c’est un leurre.

Mme Florence Gross (PLR) —

Monsieur Montangero, vous parlez dans ce texte de respect du fédéralisme, alors que la révision de la LAMal appelle à davantage de concurrence pour plus d’efficience et de réduction des coûts, notamment au travers du tarif médical (TARMED) et des points DRG (groupes de cas liés au diagnostic). Le problème dont nous parlons concerne justement la réduction des coûts. Le coût d’un assuré — mes chiffres ne sont pas récents — se monte, dans le canton de Vaud, en moyenne à 4200 francs, alors que la moyenne suisse indique 3780 francs. Par conséquent, attaquons où nous le pouvons ! Faut-il agir sur l’assurance ou sur les prestations ? Je vous pose la question et en appelle à la réforme de santé 2020, appuyée par M. Berset, collègue de parti de M. Montangero.

Ce que vous appelez spirale infernale, soit le choix individuel de la franchise la plus haute, n’est pas un refus de soins, mais bel et bien une liberté individuelle, notamment dans la manière de payer ses soins. Ces mêmes personnes qui assument une grande partie de leurs soins en choisissant la franchise la plus haute, participent au paiement, via la solidarité qui nous est chère dans ce canton, au paiement des soins pour les personnes qui sont dans le besoin, par leurs impôts. Nous devons accepter aujourd’hui le principe de libre concurrence, ce pour le bien-être de tous. Le rôle de l’Etat ne consiste pas à devenir multiple. Or, si nous acceptons ce texte, nous parviendrons à une situation dans laquelle l’Etat contrôlerait tant la négociation des points qui tariferaient les prestations de santé, l’organisation du système de santé via la planification hospitalière, l’accessibilité aux soins et l’activité en matière d’assurance-maladie ; l’étatisation serait donc totale et la libre concurrence ne serait plus active. Dès lors, rien ne nous promet une baisse des primes de l’assurance-maladie et le maintien d’un système de qualité, car il nous faut des contrôles, de la qualité, de l’efficience ; ce texte ne nous l’amènera pas.

Par conséquent, je vous laisse réfléchir au système de santé et de sécurité sociale des pays qui nous entourent, car ils peuvent parfois nous faire envie par des lunettes ou des verres de contact, des soins dentaires payés. Mais à quel prix ? A celui de la qualité, de l’efficience, de la concurrence, mais surtout de la solidarité qui prime dans ce canton, que nous avons acceptée encore dernièrement lors du vote du budget, notamment par les subsides à l’assurance-maladie pour les personnes qui sont dans le besoin. Ce système fonctionne. L’étatisation, soit le contrôle total par le canton, ne nous amènera aucune amélioration. Par conséquent, adressons-nous à nos élus fédéraux pour améliorer ce système, la réforme santé 2020 menée par M. Berset. Car, en effet, des améliorations sont nécessaires. Toutefois, ce n’est pas par le biais de la reprise totale par le canton que nous améliorerons l’efficience du système de santé.

Je ne reviendrai pas sur la question des réserves, notre président de groupe, M. Buffat, en a parlé. Il a relevé combien cela constituait un faux argument, les réserves étant fédérales. Gardons un système concurrentiel tout en maintenant la qualité des soins, leur efficience, mais surtout la solidarité telle qu’elle est permise aujourd’hui. Je vous invite à refuser l’entrée en matière.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

D’abord, en réponse à mon collègue Jobin, j’ai beaucoup apprécié qu’il retrace l’historique de la progression du oui pour les différents modèles de caisse publique au niveau suisse. L’honnêteté aurait consisté à dire que la dernière votation y était favorable à 56 %.

A mon collègue Cardinaux, si le niveau fédéral bloque tout — un secret pour personne — cela est notamment à imputer au lobbyisme de la plupart des assureurs-maladie — pour ne pas dire la totalité, au Parlement fédéral : un point noir dans notre système démocratique — un chantier auquel il faudra d’ailleurs aussi s’atteler. Ce n’est pas à M. Cardinaux que je vais apprendre que, par rapport à un portefeuille d’assurés, plus ce portefeuille est grand, plus le risque est réparti et plus les primes sont basses : une simple règle de trois. Ce serait la moindre des choses que de le reconnaître.

A mon collègue Buffat, je tiens à rappeler qu’une initiative cantonale sur dix est acceptée même si on peut aussi dire que neuf sur dix sont refusées… Pour ma part, je considère que le droit d’initiative existe au sein de notre système fédéral et qu’il faut l’utiliser lorsqu’on tient un bon texte, une bonne idée ; ce à quoi nous nous employons aujourd’hui. Par rapport aux différents problèmes, que ce soient les réserves ou les risques, vous reconnaissez qu’elles existent, mais que rien ne fonctionnera. Néanmoins, il faut faire tabula rasa. Le seul problème réside dans le fait que votre tabula rasa arrivera après des mouvements populaires très forts, au moment où cela sera devenu totalement insupportable pour les gens de s’acquitter des primes d’assurance-maladie.

Pour notre collègue Volet, je regrette qu’il n’ait pas prêté davantage attention aux propos de notre collègue Vionnet, puisque ce dernier a bien expliqué la transparence des coûts et ce que cela amenait en termes d’économicité.

Enfin, en réponse à Mme Gross sur la question de la libre concurrence, nous répondons qu’il s’agit plutôt d’un système de pseudo concurrence, qui a montré son échec total. Là aussi, cela ne se limite pas à nous autres, à gauche — puisque vous voulez absolument placer ce débat sur un front gauche-droite — mais plutôt à nous autres, qui avons signé ce texte, y compris les LIBRES, et les Vert’libéraux. Le système libéral ne fonctionnera pas à force d’affirmer que ce sera le cas. En l’occurrence, on observe que ce système de pseudo concurrence entre les caisses maladie ne fonctionne pas. Par rapport aux réserves, dont vous ne considérez pas la gravité et pour lesquelles vous acceptez de continuer à payer en trop… je vous épargne le débat entre un certain Pierre-Yves Maillard et Pascal Couchepin, dont le second disait au premier que ses chiffres étaient faux, ce à quoi le premier répondait « ce sont vos chiffres ! ». Si une avancée a eu lieu sur les réserves, nous sommes encore loin du compte. Enfin, je me réjouis que vous indiquiez à quels endroits vous proposez des coupes sur les prestations par le bench-marking à tout va et l’élagage du calendrier des prestations, que vous indiquiez à la population, notamment vieillissante, ce que vous envisagez de supprimer comme prestations. Quand on veut noyer son chien, on l’accuse d’avoir la rage, quand on veut tuer une initiative parlementaire à l’intention des Chambres fédérales, dont on ne veut pas par dogmatisme, on lui trouve tous les défauts du monde. Je vous recommande encore une fois d’entrer en matière.

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Mme Bettschart prétend qu’une telle caisse cantonale donnerait beaucoup de pouvoir au canton. La lecture attentive du texte nous apprend qu’il ne s’agit pas seulement de donner du pouvoir au canton, puisque dans cette caisse cantonale, les prestataires de soins et les patients seraient intégrés dans le processus décisionnel.

En réaction aux propos de M. Volet, il s’agit de se montrer prudent dans les comparaisons avec la SUVA. En effet, cette dernière ne s’occupe pas seulement de l’assurance de soins, mais également des pertes de gains — les coûts administratifs engendrés s’avérant, de fait, très différents.

Quant à M. Cardinaux, il serait appréciable qu’il nous explique pourquoi les caisses maladie font une telle publicité pour chercher à avoir de nouveaux assurés, puisque les assurances-maladie n’osent pas faire de bénéfice. La seule raison d’une telle publicité consiste à s’assurer une porte d’entrée pour que ces gens deviennent potentiellement clients pour une complémentaire.

Enfin, pour M. Buffat et son souhait de tabula rasa, nous sommes dans notre système de santé comme dans une maison. Ainsi, faire tabula rasa équivaudrait à détruire la maison, aller ailleurs, pour en construire une nouvelle. Nous ne pouvons faire cela, mais devons plutôt nous occuper des pièces les unes après les autres et les améliorer, car notre système de santé doit continuer à fonctionner. Le principe de la tabula rasa est une vision d’esprit qui n’est pas réaliste.

M. François Cardinaux (PLR) —

Monsieur Montangero, vous parlez de lobby au niveau fédéral ; j’estime que c’est ce que vous faites en ce moment au niveau cantonal — cela fait partie du jeu.

Quant à vous monsieur Vionnet, vous venez exactement de dire ce qu’il ne fallait pas : cette initiative passe par les prestataires de soins et les assurés, on en oublie tous les autres. Si les prestataires de soins et les assurés dictent la conduite de notre canton en matière d’assurance-maladie, on n’a pas fini de rire… mais cela n’amènera en tout cas pas d’économie ! Enfin, quant à la recherche de nouveaux assurés, je vous donne pleinement raison. Il ne s’agit absolument pas du cadre de la LAMal, mais de celui des assurances complémentaires. Je vous garantis que cela n’a rien à voir. Pour revenir sur mon expérience propre, nous avions à l’époque d’INTRAS 390’000 assurés et 435 000 téléphones pour le remboursement des frais. Cela était apprécié des clients et des autorités de surveillance.

M. Vassilis Venizelos —

Nous vivons un débat très riche et intéressant. J’aimerais rappeler que le canton de Vaud n’est pas seul à entreprendre une démarche de ce type, puisque Neuchâtel ou Genève ont également déposé des interventions similaires. Il convient de rappeler que si une majorité de la population suisse a refusé cette initiative, la majorité de la population vaudoise l’a acceptée. Quant aux réserves excédentaires, il est vrai que l’initiative ne dit rien sur la répartition des 9 milliards évoqués tout à l’heure. En revanche, si nous évoquons les réserves à venir, avec un système qui concentrerait les réserves sur une seule caisse, un effet de nombre et de seuil permettrait de réduire les taux de solvabilité et d’ainsi diminuer les réserves au niveau du canton de Vaud, pour financer d’autres prestations, comme la prévention, qui est évidemment un élément crucial du système de santé.

Sur l’appel de certains à s’attaquer au « vrai problème » lié aux augmentations des coûts de la santé, l’objectif ne consiste pas vraiment à réduire les coûts de la santé, mais plutôt à en maîtriser la hausse, un objectif plus réaliste, plus en phase avec les besoins et les attentes de la population, de son vieillissement, du développement des maladies chroniques. J’attends évidemment d’autres propositions émanant des personnes appelant à amener de « vraies solutions » — que je n’ai toujours pas vues. Si des majorités peuvent se construire pour trouver des solutions en phase avec les attentes de la population vaudoise au niveau fédéral, et si nous parvenons à trouver des solutions qui nous permettent d’avancer, on ne peut toutefois pas brandir la sacro-sainte concurrence pour justifier un statu quo, car le système montre qu’il est à bout de souffle. Nous nous trouvons aujourd’hui en présence d’une solution innovante qui permet au canton de reprendre la main sur le pilotage de son système de santé. En conclusion, je vous invite à entrer en matière.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

J’avais promis à mon groupe de ne rien dire… mais cela m’est impossible ! (Rires.) Je suis complètement d’accord avec tout ce que mes collègues PLR ont dit… sauf que… j’en ai assez d’attendre…c’est un peu, d’ailleurs, l’inconvénient de siéger depuis longtemps — trop longtemps diront certains. A force que l’on me promette le paradis, on ne voit pourtant rien venir ! Deux choses me désespèrent depuis que je suis en politique : d’une part, l’égalité salariale entre les hommes et les femmes et, d’autre part, que cela bouge au niveau des caisses maladie. A force d’afficher de la compréhension, de se dire que les mécanismes sont compliqués, que tout le monde est armé d’une incroyable bonne foi, il ne se passe quand même… rien ! Excédé par cet immobilisme, je m’étais décidé, à l’époque, à faire partie de ce comité d’initiative. Certes, ce n’était pas la panacée, mais plutôt une façon de dire, à titre personnel, que j’en avais plus qu’assez qu’on me mène en bateau sur les caisses-maladie, des primes et de la façon de concevoir peut-être modèle un peu plus contemporain, qui comportera forcément aussi ses défauts, mais qui aura un certain nombre de qualités, et qui permettra de recentrer le débat sur notre canton. D’ailleurs, le COVID a quand même montré une chose : qu’il faut faire attention à ne pas constamment obéir aux 70 % de la Suisse qui nous dirigent. De temps en temps, il faut savoir se montrer quelque peu frondeur, même si cela n’est pas tout à fait bienséant, pour faire avancer les choses. Après tout, en tant que minoritaire au sein de la Confédération, ce rôle nous incombe.

M. François Cardinaux (PLR) —

Je me permets de reprendre l’expression de notre médecin : « Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » En effet… toutefois, cela n’est pas en entendant les propos de tout à l’heure que nous allons avancer… Sur la question de la prévention — qui serait accentuée au niveau cantonal — il faut comprendre que davantage de prévention coûtera plus que ce que nous prélevons déjà aujourd’hui par unité. En outre, quant au fait que beaucoup de cantons entreprendraient la même démarche, c’est faux, car il ne s’agit que de quelques cantons — à l’initiative du canton du Tessin — qui ont déposé des initiatives, pour certains au niveau du Parlement, mais pour l’instant nous sommes sans nouvelles. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas le moment de bouger. Enfin, les réserves ne sont pas faites pour un jour ni deux, mais par personne assurée. S’il s’agit de montants importants, ils correspondent grosso modo à trois mois de votre prime d’assurance. Par conséquent, refusons d’aller de l’avant, ne soyons pas mauvais perdants.

M. Olivier Mayor (VER) —

« Mutualiser », « réserves au niveau fédéral », « solidarité »… des termes magnifiquement utilisés par la droite. Et, M. Cardinaux qui s’envole dans un incroyable lyrisme, presque de gauche… ! Toutefois, vous omettez d’indiquer, dans vos explications professorales, que les réserves, aujourd’hui, sont constituées par personne et que, lorsqu’un assuré change de caisse, les réserves restent à la caisse — une pratique scandaleuse qui doit changer. En effet, depuis des années, cette pratique anormale est montrée du doigt. Si vous souhaitez mutualiser au niveau fédéral dans un esprit de solidarité, allez-y ! Nous serons d’accord. En attendant, il s’agit de changer le système des réserves. C’est d’ailleurs ce qui avait provoqué à l’époque le scandale Visana, qui avait augmenté massivement ses primes, faisant en sorte que beaucoup de personnes ne puissent plus suivre, qui s’était dégagée des mauvais risques pour récupérer de bons risques avec des jeunes, en revenant deux ou trois en plus tard avec des primes attrayantes. Ce sont des choses qui ne doivent pas arriver, on ne doit pas jouer avec le système. En ce sens, je suis d’accord avec M. Vuillemin, lorsqu’il diverge de ses collègues PLR, mais pas dans le cas inverse.

M. Stéphane Montangero (SOC) —

Il existe une différence fondamentale entre les personnes qui font du lobby aux Chambres fédérales, qui sont grassement payées pour cela, et moi qui défends l’intérêt des patients et qui ne le suis pas… ! (Réactions.)

M. Werner Riesen (UDC) —

J’aimerais revenir sur quelques éléments. D’abord, dans le cas d’une caisse unique, si une personne change de canton à plusieurs reprises, et doit passer plusieurs fois de caisse unique à caisse maladie, cela risque d’être aberrant. Quant aux propos de M. Mayor sur Visana, à l’époque, le canton, sous la direction de M. Maillard, avait invité des personnes, bénéficiant de prestations complémentaires, mais assurées dans une caisse pratiquant des tarifs élevés, à changer de caisse. S’ils ne s’y employaient pas, alors ils devaient s’acquitter de la différence. A l’époque, Visana avait vu les mauvais risques affluer avec pour résultat une augmentation des primes de 12,5 % d’une année à l’autre. Comme M. Buffat l’a évoqué, la question des réserves serait selon moi aisée à régler. Je vous invite à refuser l’entrée en matière.

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Le Conseil d’Etat est favorable au dépôt de cette initiative cantonale. La législation actuelle confie aux cantons d’importantes missions de santé publique comme l’organisation du système de santé, en particulier par le biais de la planification hospitalière ou de son accessibilité par le truchement des subsides aux primes d’assurance-maladie. Toutefois, elle ne prévoit aucune compétence cantonale concernant l’activité et l’organisation des assureurs maladie. Grâce à cette initiative, les cantons auraient la possibilité de créer une institution cantonale chargée notamment de fixer et de percevoir les primes et de financer les coûts à charge de l’assurance obligatoire des soins. Il est important de souligner que cette initiative n’impose rien, mais créerait une possibilité cantonale supplémentaire qui serait offerte uniquement aux cantons qui souhaiteraient tenter ce type d’expérience. Il s’agirait de l’expérimentation d’un autre type d’organisation au niveau local sans remettre en cause la structure générale. Les cantons qui, dès lors, ne désireraient pas s’engager dans cette voie pourraient évidemment continuer avec le modèle actuel. Cela a été largement rappelé dans le cadre du débat, différentes sensibilités existent sur ces questions dans notre pays. En effet, en septembre 2014, la population vaudoise s’est montrée favorable par 56 % à l’initiative populaire pour une caisse publique d’assurance-maladie contrairement à la majorité de la population du pays qui l’avait refusée.

Cette initiative permettrait précisément de tenir compte de ces sensibilités et des déterminations différentes en fonction des régions du pays. S’agissant de la création d’une telle institution cantonale proprement dite, le simple effet du nombre permettrait de mutualiser les risques et donc de diminuer le niveau nécessaire de réserves pour couvrir ces risques. La chasse aux bons risques serait supprimée. Tous ces éléments permettraient ainsi de pouvoir augmenter la stabilité des primes. La concurrence entre les caisses s’exercerait uniquement sur la qualité administrative du service offert. Un tel système permettrait également d’augmenter la transparence des coûts grâce à des données, évidemment rendues anonymes, qui pourraient être récoltées sur les prestations fournies et, surtout, sur les parcours de soins, en particulier dans une phase où nous savons que les parcours de soins vont prendre de plus en plus d’importance avec le vieillissement de la population. Grâce à ces données, nous pourrions donc améliorer à la fois le pilotage du système de santé, mais aussi la prévention, puisqu’un effectif important et stable d’assurés pousse en effet à développer la prévention. Aujourd’hui, une telle incitation n’existe malheureusement pas en raison des mouvements importants des assurés d’une caisse à l’autre, chaque année. Car, en effet, ces transferts existent bel et bien chaque année, non pas tellement, pour reprendre les termes d’un député, pour s’amuser à la chasse à la bonne prime, mais bien pour éviter des augmentations de primes qui, parfois, peuvent aller jusqu’à 10 %.

Bien sûr, les contours exacts que prendrait une telle institution devraient évidemment, le cas échéant, être définis. A ce moment, le Grand Conseil aurait son mot à dire, la population vaudoise également, puisqu’il faudrait modifier la législation cantonale. Le stade est donc encore préliminaire. En effet, si le texte est déposé, tout un processus reste à suivre pour pouvoir remplir les différents objectifs que pose cette initiative. Au nom du Conseil d’Etat, je vous invite à suivre sa position.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

L’entrée en matière est admise par 73 voix contre 69.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je demande le vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est soutenue par au moins 20 députés.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Celles et ceux qui soutiennent l’entrée en matière votent oui, celles et ceux qui s’y opposent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’entrée en matière est admise par 73 voix contre 70.

*insérer vote nominal.

Il est passé à la discussion du projet de décret, article par article, en premier débat.

L’article 1 est accepté par 72 voix contre 70.

L’article 2 est accepté par 73 voix contre 72.

M. Alexandre Berthoud (PLR) —

Je demande le vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui acceptent l’article 2 votent oui, celles et ceux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’article 2 est accepté par 73 voix contre 72.

* Insérer vote nominal

L’article 3, formule d’exécution, est refusé par 72 contre 68. (Réactions)

(Un problème technique est constaté ; il est ensuite réglé.)

M. Yves Ferrari (VER) —

Je demande le vote nominal.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Celles et ceux qui acceptent l’article 3 votent oui, celles et ceux qui le refusent votent non ; les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l’article 3, formule d’exécution, est accepté par 72 voix contre 70.

* Insérer vote nominal

Le projet de décret est adopté en premier débat.

M. François Cardinaux (PLR) —

J’aimerais relever que pendant le problème technique certains ont profité pour aller à l’endroit où le roi va seul, pensant que le vote était effectué. En fait, il n’en est rien et le résultat du nouveau vote est différent du précédent. Je ne considère pas que cela soit très sérieux.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Le deuxième débat interviendra ultérieurement.

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