21_RES_14 - Résolution Carine Carvalho et consorts au nom Au nom du groupe socialiste - Soutenir les personnes réfugiées afghanes (Développement et mise en discussion avec au moins 20 signatures).

Séance du Grand Conseil du mardi 12 octobre 2021, point 15 de l'ordre du jour

Texte déposé

Vu la dégradation de la situation humanitaire en Afghanistan, le grand Conseil demande au Conseil d’État d’intervenir auprès des autorités fédérales pour accorder le statut de réfugié à tout·e·s les Afghan·e·s présent·e·s en Suisse, plus particulièrement aux personnes vulnérables (femmes, enfants, familles...), et pour faciliter le droit au regroupement familial, notamment pour les femmes et les personnes employées récemment par les organismes occidentaux

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Circé FuchsV'L
Rebecca JolyVER
Julien EggenbergerSOC
Eliane DesarzensSOC
Sonya ButeraSOC
Delphine ProbstSOC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Philippe VuilleminPLR
Jean TschoppSOC
Maurice Mischler
Jean-Louis RadiceV'L
Arnaud BouveratSOC
Céline MisiegoEP
Vincent JaquesSOC
Monique RyfSOC
Claire Attinger DoepperSOC
Yves PaccaudSOC
Amélie CherbuinSOC
Cendrine CachemailleSOC
Jérôme Christen
Guy GaudardPLR
Stéphane MontangeroSOC
Stéphane BaletSOC
Séverine EvéquozVER
Cédric EchenardSOC
Serge Melly
Muriel ThalmannSOC
Isabelle FreymondIND
Anne-Sophie BetschartSOC
Jean-Claude GlardonSOC
Denis CorbozSOC
Sébastien CalaSOC
Valérie InduniSOC
Didier LohriVER
Hadrien BuclinEP
Graziella SchallerV'L
Felix StürnerVER
Nathalie JaccardVER
Alice GenoudVER

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La résolution étant accompagnée de 39 signatures, la présidente ne demande pas l’appui de 20 membres.

Mme Carine Carvalho (SOC) —

A l’heure où les organisations de la société civile demandent au Conseil fédéral d’accueillir davantage de personnes réfugiées d’Afghanistan, cette résolution se concentre sur un aspect différent, celui des personnes déjà présentes sur le sol helvétique. En Suisse, comme ailleurs en Europe, l’Afghanistan est depuis plusieurs années l’un des principaux pays de provenance des personnes demandant l’asile. Toutefois, la guerre civile n’est pas considérée comme un motif valable pour obtenir l’asile, puisque la persécution n’est pas ciblée au sens de l’article 3 de la Loi sur l’asile (LAsi). Les personnes déplacées par ces conflits armés obtiennent généralement l’admission provisoire, le permis F. C’est notamment le cas de la plupart des requérantes et requérants d’asile afghans.

En 2020, selon les chiffres publiés par le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), seuls 16 % des personnes ont obtenu le statut de réfugié, presque autant ont été frappées d’une décision de non entrée en matière, et 67 % ont obtenu une admission provisoire. La situation sécuritaire en matière de droits humains en Afghanistan est critique depuis la prise de pouvoir des Talibans, bien qu’elle le fût déjà depuis longtemps. Malgré cela, les autorités suisses ont longtemps jugé acceptable, dans certaines circonstances, le renvoi des personnes afghanes vers certaines villes, comme Kaboul. En août 2021, le SEM a toutefois annoncé sa décision d’y renoncer au vu de la dramatique détérioration de la situation.

Selon les organisations comme l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ou Amnesty International, pour les personnes déboutées et expulsées vers l’Afghanistan, le seul fait de s’être rendu en Europe les expose à des violences. Sur place, les femmes et les personnes ayant travaillé pour des organisations internationales ou encore les journalistes sont particulièrement visés par le régime. Plusieurs personnes afghanes vivant en Suisse ont peur pour leurs proches. Raison pour laquelle cette résolution demande aux autorités fédérales de leur accorder un réel statut de réfugié. Le terme d’admission provisoire donne l’impression que les gens sont ici de passage ; l’expérience montre pourtant que les personnes admises provisoirement restent longtemps en Suisse. Toutefois, leur statut de séjour décourage les employeurs potentiels, ce qui complique grandement leur inclusion sur le marché du travail. L’intégration de ces personnes se heurte aux obstacles dont fait l’objet le regroupement familial. Comment construire une vie dans un nouveau pays, apprendre une langue, trouver un emploi quand on a peur pour ses proches, sa conjointe ou son conjoint, ses frères et sœurs ou les enfants laissés dans les pays en guerre ou dans des camps de réfugiés. Afin de donner un signe de solidarité aux Afghanes et Afghans présents sur le sol vaudois et dans notre pays, je vous invite à soutenir cette résolution.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Alice Genoud (VER) —

Les Vertes et les Verts vont bien sûr soutenir cette résolution. La situation en Afghanistan est dramatique. Comme Mme Carvalho l’a indiqué, il s’agit de personnes qui, du jour ou lendemain, ont perdu emploi, maison et, pour les femmes, de nombreux droit acquis ces dernières années. Il semble par conséquent normal que les personnes qui sont déjà présentes en Suisse et au bénéfice de permis provisoires puissent être régularisées afin de pouvoir envisager l’avenir dans notre pays. Les Verts se sont aussi engagés au niveau du Parlement fédéral pour pousser à ce que non seulement les personnes déjà présentes puissent obtenir ces permis, mais aussi pour que les contingents de personnes venant d’Afghanistan puissent être augmentés. De nombreuses organisations – Amnesty International, Solidarité sans frontières ou encore Alliances des villes et communes pour l’accueil des réfugiées et réfugiés, dont fait notamment partie Lausanne – soutiennent la demande de Mme Carvalho. La Suisse a les moyens de faire plus. Nous nous rengorgeons parfois d’être une terre d’accueil à la tradition humanitaire forte ; nous pouvons maintenant agir concrètement. Je vous encourage à soutenir cette résolution.

M. Hadrien Buclin (EP) —

Le groupe Ensemble à Gauche et POP soutient avec conviction la résolution déposée par notre collègue Carine Carvalho. Comme elle l’a rappelé, dans le canton de Vaud, de nombreuses personnes originaires d’Afghanistan ne disposent que d’un permis F – admission provisoire et situation précaire – qui limite très fortement le droit au regroupement familial. La détérioration de la situation en Afghanistan, avec l’arrivée au pouvoir d’un régime autoritaire et obscurantiste, justifie pleinement d’accorder à ces personnes un permis de séjour plus durable, un permis B, et de favoriser le droit au regroupement familial pour que des Afghanes et des Afghans présents en Suisse puissent si nécessaire faire venir des proches menacés. En matière d’asile, selon moi et selon de nombreuses associations de soutien aux réfugiés, suite à la prise de pouvoir des Talibans, la réaction des autorités fédérales n’a pas été à la hauteur, ne montrant aucune évolution par rapport à la ligne très restrictive mise en œuvre ces dernières années par la Confédération.

Par conséquent, il est opportun qu’une pression vienne d’en bas, que ce soit de la part d’associations de soutien, mais aussi des villes ou, en l’occurrence, du canton, pour amener le Conseil fédéral à faire évoluer sa position. C’est pourquoi nous vous recommandons de soutenir cette résolution afin que le Conseil d’Etat plaide auprès de la Confédération en faveur des Afghans présents sur le territoire vaudois pour qu’ils reçoivent des permis de séjour plus durables.

Mme Carvalho a rappelé que l’octroi de permis durables agit aussi dans l’intérêt du canton, puisqu’il est clair qu’au plan économique et social, du point de vue du vivre ensemble, de manière générale, il est bien plus facile pour une personne de trouver sa place dans la société d’accueil, si des perspectives stables lui sont offertes plutôt que de l’incertitude et des chicanes administratives, ce qui est souvent la réalité pour les titulaires de permis F. Enfin, j’ajoute que le canton a largement les capacités d’accueillir ces personnes, ne serait-ce que parce que les demandes d’asile ont fortement baissé ces dernières années depuis le pic de 2015. Pour rappel, l’année dernière, la Suisse n’a enregistré que 11’000 demandes d’asile contre presque 40’000 en 2015. On observe que les capacités existent ; elles avaient été fortement augmentées en 2015.

Je vous remercie de réserver un bon accueil à la résolution de notre collègue du parti socialiste.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Je décline mes intérêts comme maître d’apprentissage. J’ai deux jeunes Afghans majeurs en formation. L’un est arrivé en Suisse avec une partie de sa famille, et comme il a trouvé une place d’apprentissage, il bénéficie d’un permis F et d’une autorisation de travailler, ce dont ne jouit pas le reste de sa famille qui sera, très certainement, à moyen terme, renvoyé. C’est l’une des raisons pour laquelle j’ai signé la résolution de notre collègue Carvalho et la soutiendrai, en étant conscient que le risque d’ouvrir une brèche à d’autres ethnies qui solliciteront l’asile en Suisse est grand.

Je ponctuerai mes propos en vous rapportant un épisode assez douloureux vécu avec les collaborateurs de mon entreprise. L’un de mes apprentis afghans a vu ses parents se faire assassiner par Daech et les Talibans. Il a fui l’Afghanistan du Nord – sa partie perse. Lors de son arrivée en Suisse, il a été aiguillé dans différents centres et a pu commencer un apprentissage dans mon entreprise. Après 16 mois, il a préféré rentrer en Afghanistan, a rompu le contrat, parce qu’une partie de sa famille y avait été renvoyée, ceci bien avant les événements des derniers temps.

La situation est délicate. Je ne suis pas un spécialiste de l’Afghanistan, mais il est vrai que nous avons une responsabilité sociale par rapport aux Afghans qui sont en Suisse. La résolution de ma collègue Carvalho mérite, par conséquent, d’être soutenue.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

J’ai également signé cette résolution, ayant été désagréablement impressionné par le fait que d’emblée certaines autorités se sont montrées extrêmement indifférentes par rapport à l’idée que nous puissions accueillir un certain nombre de personnes. Heureusement que cela ne fut pas le cas lors de la crise du Tibet, parce que nous n’aurions pas pu faire preuve de l’accueil dont nous aimons à nous flatter. J’aurais apprécié un peu plus d’empathie.

Je déclare aussi mes intérêts comme ayant quelques patients afghans qui sont dans le pays depuis longtemps. Je peux comprendre leur grande inquiétude face aux événements ainsi que la nécessité de rendre un certain regroupement familial possible. Ma pratique m’a aussi enseigné que la notion de famille, là-bas, peut être à géométrie variable. Par conséquent, je suis favorable à un regroupement familial compris dans le sens propre du terme. Cela est nécessaire, et je pense que nous devons nous montrer un peu moins frileux que ce que nous avons entendu jusqu’à maintenant, non pas tellement de la part du Conseil d’Etat du canton de Vaud, mais plutôt de Berne, raison de mon soutien à cette résolution que je vous demande d’imiter.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d’Etat

Même si le Conseil d’Etat ne s’est pas déterminé sur la présente résolution, je peux, en son nom, vous indiquer qu’il suit évidemment de près la question afghane – si je peux résumer la problématique par le biais de cette expression – celui qui vous parle peut-être encore plus que d’autres. Cela étant, la situation en Afghanistan est particulièrement compliquée. Naturellement, elle l’est moins pour les Afghans qui sont ici. Comme cela a été rappelé par l’auteure de la résolution, il n’y a plus de renvois en Afghanistan ; ces derniers ayant été suspendus par Berne, compte tenu de la situation.

Ici, la situation des Afghans n’est d’aucune façon menacée. Des renvois Dublin peuvent avoir lieu vers des pays européens, exception faite de la Grèce, mais les Afghans ne sont pas menacés ni en Allemagne ni en Suède.

Compte tenu de la solidarité dont nous devons faire preuve à l’endroit des Afghans, nous sommes en relation étroite avec le Conseil fédéral – j’ai d’ailleurs eu un entretien avec Mme Keller-Sutter en charge de ces questions, lors d’une conférence intercantonale sur les questions d’asile et de politique sociale. Le canton de Vaud a été actif dans ce domaine. Je ne souhaite pas m’exprimer plus longtemps sur ces questions, mais une communication sera élaborée ultérieurement. J’amènerai d’ailleurs des précisions complémentaires, lors de la réponse à la question de M. Buclin, qui sera traitée cet après-midi à 14 heures.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Président-e

La discussion est close.

La résolution est adoptée avec quelques avis contraires et abstentions.

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