20_HQU_45 - Question orale Julien Eggenberger - Quelle base légale pour les quarantaines sociales?.

Séance du Grand Conseil du mardi 8 décembre 2020, point 3.10 de l'ordre du jour

Texte déposé

Parmi les mesures permettant de contenir la pandémie, les quarantaines et isolements sont des instruments très importants. L’art. 4 al. 1 let. b de l’Ordonnance fédéral Covid 19 « transport international des voyageurs » prévoit des allégements dans certaines circonstances. Or il arrive régulièrement que des allégements soient décidés par l’office du médecin cantonal aussi dans le cadre des quarantaines imposée aux personnes présumées malades ou infectées (art. 35 al. 1 LEp). Cette situation provoque des inquiétudes parmi les collègues qui se trouvent contraints de côtoyer des personnes qui seraient mises en quarantaine dans un autre contexte. Du point de vue de la personne concernée, il est à craindre qu’elle soit incitée, sciemment ou par négligence, par son employeur à alléger sa quarantaine. Finalement, cette pratique affaiblit la cohérence du dispositif et l'adhésion de la population aux mesures sanitaires.

 

Sur quelles bases légales se fondent les autorisations de se soustraire à une quarantaine ou de pratiquer une « quarantaine sociale » alors que les conditions d’une quarantaine au sens de l’art. 35 LEp sont réunies ? 

Transcriptions

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Parmi les mesures permettant de contenir la pandémie, les quarantaines et isolements sont des instruments très importants. L’article 4, alinéa 1, lettre b de l’Ordonnance fédérale Covid 19 « transport international des voyageurs » prévoit des allégements dans certaines circonstances. Or, il arrive régulièrement que des allégements soient décidés par l’Office du médecin cantonal aussi dans le cadre des quarantaines imposées aux personnes présumées malades ou infectées (article 35, alinéa 1 de la LEp). Cette situation provoque des inquiétudes parmi les collègues qui se trouvent contraints de côtoyer des personnes qui seraient mises en quarantaine dans un autre contexte. Du point de vue de la personne concernée, il est à craindre qu’elle soit incitée, sciemment ou par négligence, par son employeur à alléger sa quarantaine. Finalement, cette pratique affaiblit la cohérence du dispositif et l’adhésion de la population aux mesures sanitaires.

Sur quelles bases légales se fondent les autorisations de se soustraire à une quarantaine ou de pratiquer une « quarantaine sociale » alors que les conditions d’une quarantaine au sens de l’article 35 de la LEp sont réunies ?

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Dans le canton de Vaud, mon département, qui inclut le Médecin cantonal et son Office, est l’autorité compétente pour ordonner les mesures d’isolement et de quarantaine prévues par la Loi fédérale sur la lutte contre les maladies transmissibles de l’homme. Dans la situation sanitaire particulière actuelle, l’Office du Médecin cantonal doit trouver l’équilibre entre différents enjeux qui, à première vue, peuvent sembler s’opposer. Il doit notamment veiller à la bonne exécution des mesures de protection de la population, mais également garantir la disponibilité en nombre suffisant de professionnels de la santé, ainsi que la disponibilité et la continuité de la chaîne de soins, mais également des institutions essentielles et des infrastructures critiques du canton. Il doit, en outre, arbitrer des situations où les intérêts privés familiaux, économiques, professionnels, sociaux et culturels doivent être mis en balance face aux impératifs de la lutte contre la pandémie de COVID-19.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’Office du Médecin cantonal ne délivre pas « d’autorisations de se soustraire à une quarantaine ou de pratiquer une quarantaine sociale », mais rend des décisions administratives fondées en fait et en droit et tenant compte de chaque situation particulière. Deuxièmement, il convient de préciser que l’Ordonnance sur les mesures destinées à lutter contre le COVID dans le domaine du transport international de voyageurs ne prévoit pas expressément d’allégement de quarantaines. De plus, cette ordonnance ne s’applique qu’aux voyageurs et non aux personnes mises en isolement ou en quarantaine suite à un test positif ou à un contact avec une personne infectée. Cette ordonnance définit une obligation générale de quarantaine pour tous les voyageurs qui entrent en Suisse en provenance d’un Etat ou d’une zone à risque — il s’agit de l’article 2. Des dérogations à cette obligation sont prévues à l’article 4 de ladite ordonnance. La notion de quarantaine sociale n’existe pas dans les textes de loi ni dans les ordonnances. La confusion provient de plusieurs textes différents issus de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) et de l’Office du Médecin cantonal concernant les règles de quarantaines que les particuliers doivent suivre. Dans les consignes sur la quarantaine publiées par l’OFSP, figure comme mesure de précaution à prendre pendant la quarantaine « l’éloignement social et professionnel ». Il s’agit de respecter les injonctions suivantes : rester à la maison ou dans un hébergement approprié pendant 10 jours ; éviter tout contact avec d’autres personnes mises à part les personnes également en quarantaine qui vivent sous le même toit ; suivre les règles d’hygiène et de conduite.

Le document vaudois publié par l’Office du Médecin cantonal intitulé « Quarantaine contact COVID-19 ou SARS-COV-2. Consignes de mise en quarantaine à domicile pour personne ayant eu un contact étroit avec un cas de COVID-19 confirmé » mentionne comme mesure de précaution à prendre pendant la quarantaine : « Eviction sociale et professionnelle ». Il s’agit ici encore de respecter des injonctions particulières telles que :

  • Rester à la maison pendant 10 jours. La quarantaine débutant le jour suivant le dernier contact que vous avez eu avec la personne testée positive ou l’apparition des symptômes si vous vivez sous le même toit.
  • Toute visite à domicile est proscrite. Eviter tout contact avec des personnes et des animaux domestiques. Les personnes vulnérables doivent, dans la mesure du possible, suivre ces consignes en s’isolant de leurs proches afin de limiter les risques de contagion.

Le 18 septembre 2020, le Conseil d’Etat a publié un communiqué de presse qui précisait la notion de « quarantaine sociale ». Ce communiqué indiquait que, dans certaines situations particulières, il existe une norme nationale Swissnoso — Association des spécialistes du domaine des maladies infectieuses nosocomial et de l’hygiène hospitalière — reprise le 25 juin 2020 dans un document de l’OFSP, plus particulièrement dans un chapitre intitulé « gestion des personnes contact », et qui indique : « en cas de pénurie de personnel, les professionnels de santé qui travaillent en contact avec des patients et qui ont été exposés sans protection à un cas confirmé (donc un contact professionnel ou privé) peuvent continuer à travailler avec un masque chirurgical en permanence et en respectant une hygiène des mains irréprochable. Elles surveillent leur état de santé et sont testées et mise à l’arrêt de travail en cas de symptômes ». Ces quarantaines de personnes en contact de cas positifs peuvent être adaptées après évaluation par l’Office du Médecin cantonal, si la personne concernée asymptomatique — c’est important de le signaler — est essentielle dans les institutions de santé. Dans une telle situation et conformément aux recommandations de l’OFSP et de Swissnoso que je viens de vous citer, la personne peut travailler et n’est donc pas en quarantaine à proprement parler dans son travail. Elle l’est en revanche dans sa vie sociale, d’où le terme de « quarantaine sociale » employé pour ce seul cercle spécifique.

Au vu des différents éléments que je viens d’évoquer, il faut admettre que l’Office du Médecin cantonal ne délivre pas d’autorisation de se soustraire à une quarantaine ou d’autorisation de pratiquer une quarantaine sociale. Cet office rend des décisions de mise en isolement et de mise en quarantaine et il dispose également, à certaines conditions, de la compétence d’exempter de quarantaine certaines catégories de personnes ou de déroger à la quarantaine dans certains cas fondés. Il peut également prononcer la levée de l’isolement et de la quarantaine ou alors aménager ces deux mesures dans des cadres et à des conditions très spécifiques.

M. Julien Eggenberger (SOC) —

Je remercie la conseillère d’Etat pour ses réponses. Si j’ai bien compris, les différentes situations décrites concernent un très faible nombre de personnes, avec des conditions extraordinaires. Pouvez-vous me confirmer cette interprétation ?

Mme Rebecca Ruiz (C-DSAS) — Conseiller-ère d'État

Je confirme les dires de M. Eggenberger.

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