RAP_683235 - Rapport du Conseil d'Etat au Grand Conseil à la Requête Jean-Michel Dolivo au nom du groupe EP et Jérôme Christen au nom du groupe PDC-Vaud Libre et consorts pour l'institution d'une commission d'enquête parlementaire, selon l'art. 67 de la Loi sur le Grand Conseil (EMPD 129 Fondation de Beaulieu) (202). Rapporteur(s) : Laurence Cretegny.

Séance du Grand Conseil du mardi 1er septembre 2020, point 24 de l'ordre du jour

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Hadrien Buclin (EP) —

Je m'exprime au nom du requérant, M. Jean-Michel Dolivo, ancien député. Le groupe EP vous appelle à soutenir la requête de notre ancien collègue Jean-Michel Dolivo en faveur de l’institution d’une Commission d’enquête parlementaire (CEP) pour faire la lumière sur les déboires de la Fondation de Beaulieu. Nous vous invitons donc à accepter d’entrer en matière sur cet objet.

L’ampleur des fonds publics injectés sur le site de Beaulieu depuis deux décennies est de plus de 100 millions de francs. Actuellement, une grande partie des fonds injectés l’ont été en vain. Cette débâcle financière justifie l’institution d’une CEP. Les principales étapes des injections de fonds publics sont les suivantes: en 2000, 80 millions de francs ont été injectés comme capital de la fondation de Beaulieu; en 2009, 55 millions de francs ont été débloqués, notamment pour la construction des halles sud, des halles onéreuses qui ne sont actuellement presque plus utilisées;

À ces injections de fonds s’ajoutent les coûts indirects, comme des réductions de loyer à répétition en faveur du MCH Group, malgré les investissement consentis par les pouvoirs publics qui ont largement profité au groupe privé. Dès lors que trois représentants du canton siégeaient au conseil de la fondation de Beaulieu, il en va de la responsabilité du Parlement de questionner de manière critique l’action de l’autorité cantonale dans ce dossier. La démarche nous paraît d’autant plus nécessaire que, dans son rapport, le Conseil d’Etat rejette toute responsabilité et toute erreur politique. La procédure judiciaire lancée contre l’ancien secrétaire de la fondation est, d’une certaine manière, bien commode pour les autorités. Elles peuvent ainsi faire porter le chapeau à un homme, en faisant oublier la présence continue de représentants du canton au conseil de fondation. Pourtant, toutes les décisions stratégiques concernant Beaulieu remontaient au Conseil d’Etat par ses représentants au conseil de la fondation. Par ailleurs, les autorités du Conseil d’Etat étaient directement en prise lors de séances ad hoc où une délégation du Conseil d’Etat était présente.

Les sommes englouties sur le site de Beaulieu sont bien plus importantes que les déficits qui font polémique aujourd’hui du côté de l’Hôpital Riviera-Chablais (HRC). J’appelle donc les députés qui demandent une CEP sur la gestion de l'HRC à faire preuve de  cohérence en soutenant celle que nous demandons sur un dossier autrement plus coûteux pour le contribuable. Dans le dossier de Rennaz, on peut à tout le moins se rassurer en se disant que l’argent a été utilisé pour financer un déménagement multisite compliqué, pour payer les salaires du personnel et pour soigner des patients. S’agissant de Beaulieu, la  situation est tout autre. L’argent public n’a en tout cas pas profité au personnel du site, puisque les salariés ont été  progressivement licenciés par le MCH Group, de manière insidieuse, par petites tranches, pour éviter que le groupe n'ait à financer un plan social. Finalement, plus de 80 emplois ont été perdus. Comment les représentants du canton ont-ils pu laisser faire une telle casse sociale, en dépit des sommes considérables d’argent public  injectées sur le site? La question mérite d’être approfondie par une CEP. 

Les fonds publics injectés, malgré leur ampleur, n’ont pas non plus profité aux mandataires dont certains restent impayés à ce jour, alors qu’ils ont participé de façon importante au développement des projets en cours de réalisation. On ne peut pas balayer ces interrogations du revers de la main en prétendant que le MCH Group était confronté à des difficultés financières liées au déclin du modèle de la foire commerciale. En effet, cela n’a pas toujours été le cas, loin de là. Le groupe est parvenu, durant de longues années, à louer ses surfaces 240 francs le mètre carré aux exposants. Ainsi, le site de Beaulieu a bel et bien été rentable pour le groupe. Des bénéfices non négligeables sont partis chez les actionnaires à Bâle. Les pertes, elles, ont été entièrement assumées par les collectivités publiques, le canton, la ville et d’autres communes vaudoises, ainsi que par les salariés du site et les mandataires qui n’ont toujours pas été payés pour les travaux effectués. Privatisation des bénéfices-socialisation des pertes: une dérive que l’on constate, hélas, dans de nombreux partenariats publics-privés, des partenariats que notre groupe a toujours critiqués, pas uniquement s’agissant de Beaulieu. 

Depuis 2011, les signaux de la débâcle se sont accumulés sans réaction suffisante des autorités et sans débat public sur l’avenir du site. Le fait de confier la gestion du site à un groupe privé était bien commode pour esquiver le contrôle démocratique, notamment de la part du Grand Conseil. Toutefois, il n’est pas trop tard pour que l’instance parlementaire reprenne ses droits à travers une commission d’enquête. Mettre au jour les faits et tirer des leçons politiques seraient d’autant plus utile que les problèmes avec les entités parapubliques se répètent.  Je pense notamment à l’évolution inquiétante de la gestion de la Vaudoise Arena au sein de laquelle se retrouvent certains des administrateurs de Beaulieu. 

Je vous invite à relire, à la page 11 du rapport du Bureau, le mandat qui serait confié à la commission. Chacun conviendra que les questions posées constituant le mandat de la commission ne sont pas résolues à ce jour et méritent donc d’être étudiées. Il s’agirait de déterminer si les fonds publics cantonaux ont été utilisés conformément à ce qui avait été annoncé et si non, dans quelle mesure et pourquoi; de déterminer si le canton et ses représentants dans la fondation ont suivi et contrôlé l’usage des fonds publics cantonaux d’une manière satisfaisante; de proposer des recommandations pour que de telles situations ne se reproduisent pas. Ces questions sont légitimes, mais le Conseil d’Etat n’y répond que très partiellement dans son rapport. Une commission d’enquête permettrait de s’y pencher et de tourner la page de manière sereine, en tirant des leçons des erreurs commises dans  ce dossier.

M. Jérôme Christen —

La déconfiture de la gestion du Palais de Beaulieu est édifiante. C’est un échec monumental dans lequel plusieurs dizaines de millions de francs ont été engloutis. Il nous apparaît donc inconcevable de ne pas engager une CEP sur un tel objet, alors que d’aucuns en avaient proposé une pour le Service pénitentiaire (SPEN), un dossier certes important, mais où le fonctionnement du service n’était pas remis en question. Il s’agissait d’un dysfonctionnement sectoriel où les responsabilités politiques n’étaient pas directement engagées. On ne pouvait donc pas parler d’un événement de grande portée. Ainsi, dans ce cas, le groupe des LIBRES n’avait pas soutenu l’institution d’une CEP.

A ce stade, j’aimerais rappeler les propos de l’économiste Bernard Jaquier relatés dans 24heures: « si on a le souci d’une bonne gouvernance, une série de questions doivent se poser. Quelles sont les compétences et la formation des membres du conseil de fondation? Quels sont les liens personnels qu’ils entretiennent? Combien de fois se réunissent-ils par année? Y a-t-il un spécialiste des expositions, des congrès, des manifestations? Y a-t-il un spécialiste des finances? Comment ces personnes sont-elles choisies et par qui? Sont-ils suffisamment disponibles? Existe-t-il des conflits d’intérêts? Quel est le degré d’importance des membres entre eux? Quels sont les liens entre le conseil de fondation et le directeur général? Comment ce dernier est-il choisi? Quels sont les mandats des membres du conseil, en plus de leurs activités régulières? Quel est le degré de pénétration du politique dans la gestion économique? »

A-t-on obtenu des réponses à ces questions ? Non, aucune. M. Jaquier concluait que tous les membres du conseil de fondation sont responsables et doivent faire l’objet d’une enquête au même titre que l’ancien secrétaire général de la fondation. S’il n’y a pas de responsabilité pénale, il y a des responsabilités politiques que seule une CEP peut établir. Nous le répétons: il est frappant de constater à quel point le gouvernement avec, d’une certaine manière, la complicité du Parlement, a laissé engloutir des sommes faramineuses d’argent public dans la gestion du Palais de Beaulieu, parvenant à convaincre que le salut était en point de mire. Force est de constater que nous avons péché par naïveté et manqué à notre devoir de surveillance en tant que Parlement. Refuser une CEP reviendrait à ne pas assumer nos erreurs.

Au-delà de la question des responsabilités, une CEP doit viser à comprendre où cela a péché, à déterminer comment et pourquoi ce type de dérives s’est produit, de constater où résident les manquements dans la maîtrise du paquebot et les erreurs de gouvernance pour ne plus les commettre à nouveau et en tirer les enseignements nécessaires. Pour avancer, pour évoluer, il est indispensable d’analyser les manquements et de comprendre pourquoi et comment ils se sont produits. Face à des dégâts d’une telle ampleur, un travail d’introspection est indispensable.

En démocratie, il est indispensable d’établir une relation de confiance entre les gouvernants et les administrés. Or, ce type de dossier met à mal cette relation de confiance. La perte de confiance est aggravée si les responsabilités ne sont pas reconnues et si l’autorité refuse de faire la lumière sur ces dernières. Clairement, le secrétaire général, même s’il a commis des erreurs, est un lampiste. Selon le constat de témoins internes, mais qui mériterait d’être vérifié, les Bâlois auraient engrangé des bénéfices tandis que l’ardoise aurait été pour les Vaudois. Privatiser les bénéfices, étatiser les pertes: voilà la formule bien connue du néolibéralisme. Au vu du rapport du Bureau et de ce que nous allons entendre, d’après ce que j’ai compris, des chefs de groupes qui s’exprimeront, les partis gouvernementaux sont déterminés à protéger leurs conseillers d’Etat au-delà de la considération du bien commun que constitue l’usage des deniers publics. On peut également se demander s’il existe, dans notre canton, un semblant de séparation des pouvoirs, entre l’exécutif et le législatif. Vous l’aurez compris: nous vous encourageons à soutenir l’institution d'une CEP.

Mme Laurence Cretegny (PLR) — Rapporteur-trice

Permettez-moi de ne pas refaire tout l’historique qui nous amène à débattre de la mise en place d’une CEP sur la fondation de Beaulieu. Le rapport du Conseil d’Etat ainsi que celui du Bureau me paraissent suffisamment détaillés et précis sur ces aspects. Vous avez reçu ces rapports avant la pause estivale, ce qui vous a permis de les étudier et même d’en débattre dans vos séances de groupes politiques respectives.

Avant d’aller plus avant, je tiens à remercier le Secrétariat général pour son aide précieuse ainsi que mes collègues du Bureau pour l’esprit particulièrement appliqué et constructif qui a régné lors des séances du Bureau. Ceci a permis de travailler dans un climat empreint de la responsabilité institutionnelle qui revient au Bureau.
Les membres du Bureau se prononcent, dans leur majorité, en défaveur de l'institution d'une CEP. Parmi plusieurs considérations, qui figurent dans le rapport aux pages 3 à 5, la principale est que le Bureau a pris acte des décisions claires acceptées par le Grand Conseil lors des débats entourant le traitement de l’exposé des motifs et projet de décret (129). Les membres du Bureau considèrent également qu'à la lumière du rapport établi par le Conseil d’Etat, l’institution d’une CEP sur la gestion de la fondation de Beaulieu ne constitue pas l'instrument adéquat et qu’elle revêtirait, au contraire, un caractère disproportionné. En l’état actuel, le Bureau souhaite faire remarquer qu’une autre voie intermédiaire n’a pas été explorée : celle des commissions de surveillance, comme le prévoit l’article 53 de la Loi sur le Grand Conseil.  Si le besoin d’investigations dans ce domaine était avéré pour la majorité du Grand Conseil, cette voie serait plus adaptée, autant par une décision du plénum que par une décision propre à l’une ou l’autre des commissions de surveillance.

Autre élément limitatif : comme le rappellent les requérants, le canton n’a été que l’un des bailleurs de fonds de la fondation de Beaulieu. La Ville de Lausanne, Lausanne Région et d’autres communes se trouvent également dans cette situation. Or, le pouvoir d’investigation d’une CEP ne dépasserait pas les éléments du ressort du canton, du Conseil d’Etat et de l’administration cantonale.

Dans ces circonstances, l’institution d’une CEP constituerait un acte excessif et coûteux, alors que si la thématique doit être ultérieurement approfondie, les commissions de surveillance du Grand Conseil donneraient toutes les garanties pour traiter les questions soulevées par les requérants et pour adresser des recommandations au Conseil d’Etat.

Le Bureau souhaite encore attirer l’attention sur le fait qu’une procédure pénale est en cours dans ce dossier. En conclusion, de l’avis de la majorité du Bureau, les conditions à remplir pour la mise en place d’une CEP sur la fondation de Beaulieu ne sont pas réunies. Je vous invite donc à rejeter l’entrée en matière.

La discussion est ouverte.

Mme Carole Dubois (PLR) —

La fondation de Beaulieu a été créée en 2000. Le modèle économique de l’époque postulait que la fondation émancipée de ses dettes pourrait contracter de nouveaux emprunts pour financer des investissements immobiliers et que les intérêts de ces emprunts seraient financés par les loyers. Dans les faits, la fondation a renoncé à contracter ces nouveaux emprunts. Cette approche prudente a permis de maintenir une situation financière avec un endettement très limité, mais a conduit à un retard d’investissement important au vu de la vétusté des immeubles. Cette vétusté et l’urgence d’investissements lourds ont amené la fondation à solliciter à nouveau les pouvoirs publics pour le plan d’investissement du projet Beaulieu 2020. L’essentiel des ressources financières de la fondation étant englouti par l’entretien et les réparations et la part privée de l’investissement ayant échoué à être réunies, seules les halles sud ont été démolies, puis reconstruites. En 2014, le refus de Taoua a motivé la décision de mettre la priorité sur l’assainissement du Palais de Beaulieu ainsi que sur la venue de l’Ecole de la Source et du Tribunal arbitral du sport. Le refus du projet Taoua et la possibilité de diversification immobilière et hôtelière ont mis en évidence que le modèle économique, avec une activité uniquement événementielle, n’était pas viable et qu’il nécessitait un changement de stratégie. L’exposé des motifs de 2019 documente largement la nouvelle gouvernance proposée et la nécessité d’un nouveau modèle financier incluant une implication publique clairement définie, soit la constitution d’une société anonyme (SA) avec la Ville de Lausanne, comme actionnaire. 

En résumé, les fonds publics octroyés en 1997 et 2009 ont été utilisés conformément à leur destination, mais avec une structure de financement trop faible. Il ne s’agit pas d’un mauvais usage des fonds publics, mais plutôt d’une gouvernance et d’un modèle économique inappropriés. Certes, la situation dans laquelle se trouve Beaulieu est fâcheuse et le PLR est attaché à démontrer à quel point les questions de gouvernance et de transparence sont importantes. Toutefois, dans le cas de Beaulieu, tout a été dit et une enquête pénale est en cours. Des leçons doivent être tirées et nous soutenons le Conseil d’Etat dans sa volonté de renforcer son contrôle des fondations et d’adopter les directives de la mise en œuvre de la Loi sur les participations de l’Etat, des communes et des personnes morales. Cependant, pour conclure, le groupe PLR estime que les éléments du dossier ont été largement exposés et documentés. Il vous encourage à rejeter l’entrée en matière de la requête de CEP. 

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Il est particulier de se prononcer sur une demande d’enquête parlementaire déposée le 1er octobre 2019. Cette requête fait suite aux débats que nous avons menés en plénum au sujet du décret (129), comme Mme Dubois l’a relevé. Les deux requérants sont les députés qui soutenaient le rapport de minorité, qui n’a pas été la voie choisie par le plénum à l’issue des débats sur le décret. 

Depuis le 1er octobre 2019, un événement important s’est produit : l’ordonnance de classement rendue par le Ministère public a été cassée par la Chambre de recours pénale. Le dossier est donc de retour à l’instruction. C’est un élément important qui interviendra dans les suites qui pourraient être données à la demande de CEP, mais qui n’est pas déterminant pour la prise de position du groupe socialiste que je vais évoquer dans un instant. 

Le rapport du Bureau du Grand Conseil indique un élément essentiel: la voie de la Commission de gestion. En effet, une des particularités du dossier est que nos commissions de surveillance, Commission de gestion ou Commission des finances, n’ont pas été saisies, au préalable, de cette demande de CEP et n’ont pas eu l’occasion de s’exprimer dans le cadre de leurs compétences. 

La réponse donnée par le Bureau du Grand Conseil rejoint, par ailleurs, un des éléments soulevés par le groupe socialiste lors de la consultation et évoqués dans notre réponse. A savoir, que nous partagions une partie des soucis exprimés par les requérants dans leurs motivations, mais que nous ne partagions pas la forme demandée pour mener les investigations. Une étape fondamentale dans le cheminement institutionnel au sein du Grand Conseil n’avait pas été franchie, puisque aucune de nos commissions de surveillance n’avait été sollicitée ni par le Grand Conseil ni par l’un de ses groupes. 

Vous l’aurez compris: le groupe socialiste souhaite privilégier le travail d’une commission de surveillance, sans intermédiaire. Cette solution a le mérite de pouvoir être mise en place rapidement et répondre à nombre de questions élaborées par le Bureau dans le cadre du mandat qui serait accordé à la CEP. De plus, le travail de la Commission de gestion n’entraînerait pas les coûts découlant de la mise en place d’une CEP, coûts rappelés dans le rapport du Bureau. L’instrument adéquat pour répondre aux questions légitimes soulevées par les requérants est bien celui de la Commission de gestion. 

Dans cette dynamique, le 25 août dernier, le groupe des Verts et le groupe socialiste ont contacté officiellement la Commission de gestion, par le biais de son président, pour lui demander d’entrer en matière sur une investigation et un rapport à l’intention du plénum en posant exactement les mêmes questions que celles rédigées par le Bureau du Grand Conseil. Les interrogations soulevées par les requérants et rapportées par le Bureau portent essentiellement sur la manière dont l’argent de l’Etat a été géré et dont les représentants politiques ou nommés par le politique ont suivi le dossier. Nous sommes intervenus dans ce cadre auprès de la Commission de gestion. Elle a eu la possibilité, avant nos débats au Grand Conseil, de nous confirmer qu’elle acceptait d’entrer en matière sur la demande de nos groupes et sur les questions élaborées par la Bureau du Grand Conseil.

Selon la position de notre groupe, la demande adressée à la Commission de gestion et le rapport qui en suivra permettront d’atteindre les buts des requérants. Cette manière de procéder est proportionnée, puisque nous utilisons un outil institutionnel prévu par la Loi sur le Grand Conseil. Le débat se répète concernant les CEP: l’outil est extrêmement lourd et doit donc concerner des circonstances exceptionnelles. Enfin, la demande auprès de la Commission de gestion respecte le principe de subsidiarité selon lequel cette commission doit être saisie pour mener une enquête précise dans un contexte précis en premier lieu, avant qu’une CEP ne soit éventuellement nommée par le Parlement. 

Par ailleurs, dans l’hypothèse où la Commission de gestion, dans son rapport, mettrait en avant des éléments relevant de circonstances exceptionnelles, d’une situation grave et d’événements d’une grande portée, le groupe socialiste se réserverait le droit de revoir sa position concernant l’institution d’une CEP. Il revient à la Commission de gestion de mener une première enquête et de venir auprès du plénum avec un rapport. A ce moment, il sera légitime de nous poser à nouveau la question de savoir si, au vu des circonstances, la CEP est l’outil adéquat pour poursuivre les investigations. 

Sur cette base, le groupe socialiste vous invite à rejeter la demande de CEP, au profit d’une investigation menée par la Commission de gestion, et d’attendre le rapport qui sera présenté au Grand Conseil. 

M. Philippe Jobin (UDC) —

Je me réjouis que la Commission de gestion ait été saisie de la problématique, comme je viens de l’apprendre. Depuis le dépôt de la requête d’une CEP, quelques vicissitudes sont survenues dans l’affaire Beaulieu. D’abord, il y a eu le classement de l’affaire, puis en mai, le Ministère public vaudois a dû reprendre l’enquête. Avouez tout de même que nous pouvons nous poser quelques questions non seulement de nature financière, mais également de nature politique. Cette débâcle, contrairement à ce que j’ai entendu, a coûté plusieurs dizaines de millions de francs aux collectivités publiques, à savoir à vous et moi contribuables. Pour le groupe UDC, c’est le moment de demander l’institution d’une CEP afin d'accéder à une vision claire du dossier et de rapporter au Grand Conseil. Une telle commission pourra accomplir une excellent travail, n’en déplaise au Conseil d’Etat. Par ailleurs, nous avons passé l’éponge sur 15 millions de francs dernièrement concernant cette affaire. Trop c’est trop. Ainsi, le groupe UDC appuiera la demande et vous prie de faire de même.

M. Vassilis Venizelos —

En effet, il s’agit d’un énorme gaspillage d’argent public, un gaspillage de plusieurs dizaines millions de francs. Il règne encore beaucoup d’incertitudes sur cette affaire, avec des soupçons d’irrégularités importantes.  

Toutefois, la position des Verts sur l’opportunité d’instituer une CEP a toujours été constante. Une telle commission doit être réservée aux cas emblématiques et exceptionnels, uniquement après avoir épuisé l’ensemble des commissions de surveillance sur lesquelles le Grand Conseil peut s’appuyer pour éclairer les zones d’ombre qui subsisteraient. Pour cette raison, nous sommes associés à la démarche portée par le groupe socialiste pour demander à la Commission de gestion de poursuivre ses investigations afin d’identifier de potentielles erreurs de gestion, de mettre au jour les responsabilités politiques et de s’assurer que les fonds publics ont été utilisés pour des raisons clairement identifiées en amont du processus. 

Actuellement, la création d’une CEP nous semble prématurée compte tenu des incertitudes et des leviers d’action dont nous disposons déjà pour éclairer les différents éléments. Dans un premier temps, nous privilégions la voie de la Commission de gestion. En fonction des résultats de son analyse, nous nous réserverons la possibilité d’activer une CEP. C’est une démarche lourde. A titre d’exemple, pour la BCV, il a fallu 47 séances et plus de 16 mois de travaux. Par conséquent, le groupe des Verts ne soutient donc pas la création d’une CEP et privilégie la voie de la Commission de gestion. 

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Beaulieu soulève de nombreuses questions depuis longtemps. On a parlé de gaspillage d’argent public. On ne sait pas tout, mais le saura-t-on un jour? Par sa municipalité, la Ville de Lausanne, où je siège au Conseil communal, a empoigné cette épineuse question. Nous ne sommes pas seuls à vouloir faire la lumière sur tout cela. Toutefois, je me demande si la Commission de gestion dispose des ressources nécessaires pour mener ce type de travail, avec tout le respect que j’ai pour mes collègues qui en font partie, sachant le nombre d’institutions qui se sont déjà penchées sur Beaulieu. Je ne vois pas comment quelques députés pourraient consacrer un temps plein à rechercher toutes les informations, tous les engagements, tout ce dont on a parlé. 

Le groupe Vert’libéral vous propose que l’enquête soit confiée à la Cour des comptes qui dispose des outils nécessaires et dont le travail est de veiller à la bonne utilisation de l’argent public. Ce serait exactement dans ses cordes. Elle est dotée de professionnels et d’auditeurs à plein temps qui pourraient consacrer le temps nécessaire à mener ce travail. Je ne peux concevoir que les deux députés à la sous-commission concernée puissent dégager le temps nécessaire. Je ne remets pas en doute leurs compétences, mais leurs ressources en temps. Nous avons l’outil adéquat, que nous n’utilisons pas suffisamment, mais qui doit être notre bras armé. Je propose que le travail d’investigation soit confié à la Cour des comptes et que l’on renonce à la CEP. 

M. Jean-Luc Chollet (UDC) —

Faire l’histoire du Comptoir suisse et de sa disparition, entraînant dans sa chute l’institution de Beaulieu à laquelle nous sommes attachés dans cette ville et ce canton, revient à faire le procès d’une époque que nous ne pourrons pas ressusciter avec la modestie et l’humilité qui conviennent. Je dis cela à ceux qui croient avoir tout compris à la lumière de ce que l’on sait aujourd’hui, alors qu’à l’époque, la vie, l’argent, les choses se présentaient différemment. Seule une CEP peut retracer l’histoire de ce  déclin à la Titanic d’une institution que l’on croyait insubmersible et dont on n’a pas mesuré les craquements qui auraient dû nous inquiéter. Le procès de tout cela est celui d’une époque, où deux institutions du canton régnaient pour le grand bien du canton: le parti radical et l’agriculture. L’un comme l’autre, pour des raisons différentes mais concordantes, ont commencé à manifester quelques signes d’usure ou de déclin. Peut-on accuser la classe politique de l’époque de n’avoir pas pu, su ou voulu avoir ce don de double vue et prédire que dans quarante ans tout ce qu’on a fait pour « retaconner » le bateau n’a pas empêché son naufrage? Alors, mettons sur pied une CEP pour solder le passé et repartir sur de nouvelles bases. Je salue l’accord entre le Conseil d’Etat et la Municipalité de Lausanne, ainsi que leur courage de vouloir malgré tout, en réduisant la voilure, sauver ce qui peut et doit être sauvé sur le site de Beaulieu. Pour le reste, une fois de plus, on est tellement plus intelligents après…

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

On a parlé de la temporalité de la CEP que l’on a comparée à la CEP demandée pour l’HRC, et pour laquelle on n’a rien décidé d’ailleurs. La différence, le cas échéant, est que la problématique de l’hôpital est toute fraîche, alors que celle du Comptoir est à moitié faisandée...

Je ne suis pas convaincu par l’institution d’une CEP, même s’il y a plusieurs années, j’aurais souhaité une CEP pour Beaulieu. Je me rallie volontiers à l’idée développée par Mme Jaccoud, mais je demande très formellement et très officiellement à être reçu et entendu par la Commission de gestion. En effet, je ne saurais accepter que l’on prétende que, dans les années 2000, les commissions de gestion ne s’étaient pas occupées de l’affaire. Votre serviteur est particulièrement bien placé pour en parler. J’espère que ma demande est enregistrée. 

Cela dit, il faut que, du côté de la commune de Lausanne, on mène les investigations nécessaires. En effet, si ma mémoire est bonne, dans les années 2000, j’ai rencontré plus de Lausannois que de conseillers d’Etat. 

Monsieur Chollet, je veux bien suivre votre explication, mais benoîtement, le déclin du parti radical n’a rien à voir avec cette affaire. Quand à l’agriculture, on espère qu’elle ne décline pas trop. 

M. Blaise Vionnet (V'L) —

Il était question de novice tout à l’heure, à plus ou moins bon escient. En tant que novice – je l’assume, car j’appartiens à cette noble assemblée depuis quelques heures seulement – j’aimerais savoir à combien on estime le coût d’une CEP. Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Je vous remercie. 

M. Yvan Pahud (UDC) —

L’affaire à été classée: circulez, il n’y a rien à voir ! Ensuite, le dossier a été réouvert. On se pose  donc quelques questions. Cela a été répété : plusieurs dizaines de millions de francs ont été perdus dans la gestion calamiteuse du dossier. Les questions qui doivent être examinées par la CEP sont essentielles et pertinentes. J’en cite quelques unes: déterminer si le canton et ses représentants à la fondation de Beaulieu ont suivi et contrôlé l’usage des fonds publics cantonaux de manière satisfaisante; déterminer si des erreurs ont été commises par le canton et ses représentes, et si oui, par qui. Ces questions n’ont pas de portée judiciaire, mais politique. Je regrette la position des partis gouvernementaux qui refusent de faire la lumière sur cette affaire désastreuses et d’être éclaboussés de près ou de loin. 

Je vous rappelle le serment que nous avons prêté: servir le bien public. Dès lors, je soutiens l’institution d’une CEP pour faire toute la lumière sur cette affaire et éviter que cela ne se reproduise.

M. Philippe Cornamusaz (PLR) —

J’aimerais dire deux mots à la suite de la prise de parole de M. Chollet. L’agriculture et le parti radical ne portaient pas le Comptoir suisse; ce dernier n’était pas la vitrine de l’agriculture et du parti radical. C’est l’économie vaudoise unie qui était représentée à la foire.

J’accorde ma pleine confiance à la Commission de gestion. J’ai fait partie de cette dernière pendant dix ans, dont cinq à la sous-commission du Département de l’économie, nous avons toujours étudié et examiné tous ses secteurs. Je vous invite à renoncer à la CEP.

M. Guy Gaudard (PLR) —

Plus de 70 millions ont été investis par les communes dans la fondation de Beaulieu. La grande partie de cet argent a été utilisée pour rembourser les dettes d’exploitation. C’est un montant colossal. On ne peut ignorer que des erreurs de gestion et de gouvernance aient été commises. Il importe d’en connaître les causes. 

Par ailleurs, plusieurs municipaux, dont des Lausannois, siégeaient au conseil d’administration. Les responsabilités sont donc à chercher de ce côté. Je suis très étonné de la discrétion de certaines communes qui ont pourtant investi pas mal d’argent dans cette affaire. 

Enfin, on est en train de voir naître une affaire assez similaire du côté de Malley où la Vaudoise Arena, dont le coût des travaux prend l’ascenseur. On ne peut pas rester sur les pattes arrières avec Beaulieu, en disant que c’est la fatalité. Pour ma part, je voterai en faveur de l’institution d’une CEP. 

M. Hugues Gander (SOC) —

Je m’exprime en tant que président de la Commission de gestion. Cette dernière a reçu, le 25 août, une demande conjointe des groupes Vert et socialiste pour mener des investigations sur les événements concernant la fondation de Beaulieu. Ces groupes reprennent à leur compte les questions figurant dans le rapport du Bureau du Grand Conseil. Selon l’article 52, alinéa 2, de la Loi sur le Grand Conseil, la demande est recevable. La Commission de gestion en a parlé dans sa séance du 26 août : il s’agirait de délimiter le périmètre des investigations qui, selon moi, devraient être centrées sur le rôle des représentants de l’Etat et sur les conséquences des investissements de ce dernier. Il s’agira aussi de déterminer la temporalité de la période étudiée – allons-nous remonter avant 1999 ? – et surtout de délimiter et d’estimer les ressources humaines à disposition et nécessaires. Telles sont les premières réflexions de la Commission de gestion. Entre temps, depuis 2016, elle n’est pas restée inactive ni inattentive à la situation de Beaulieu. Toutefois, conformément à la coutume, étant donné la procédure pénale, elle a cessé ses investigations, mais elle peut les reprendre.

Quant à la séparation des pouvoirs que mentionne M. Christen, les rapports sur le SPEN et sur l’affaire S3 n’étaient pas complaisants vis à vis de l’exécutif. 

J’ai bien entendu la demande de M. Vuillemin; j’en prends acte. Nous nous réjouissons d’entendre notre collègue lors d’une séance de la Commission de gestion.

M. Philippe Vuillemin (PLR) —

Je salue la déclaration de M. Pahud qui, comme Paul sur le chemin de Damas, décille enfin ses yeux. D’après ce dont je me souviens, nous avons toujours bénéficié du soutien plein et entier du groupe UDC du Grand Conseil depuis 1999 pour tout ce qui concernait Beaulieu. Vous souhaitez maintenant en savoir davantage. Je vous félicite, mais je ne vous suivrai pas. 

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Je n’étais à l’époque ni membre du parti radical ni agriculteur. J’étais peut-être député au moment où les fonds publics, dont l’investissement est aujourd’hui critiqué, ont été alloués notamment par le Grand Conseil. Je m’exprime donc dans la continuité de l’Etat, en tant que conseiller d’Etat qui assume également ce que d’autres ont fait avant lui. C’est conforme à nos institutions. Cela me permet toutefois une forme de liberté d’expression. 

Premièrement, contrairement à ce qu’a affirmé M. Christen, le Conseil d’Etat a été parfaitement transparent dans le rapport qu’il a déposé à votre intention ainsi que dans les différents documents présentés sur la stratégie de Beaulieu et le désengagement, acceptés avant la suspension des travaux parlementaires. D’aucuns d’entre vous, souvent critiques à l’endroit du Conseil d’Etat, ont d’ailleurs souligné le caractère  transparent, sans complaisance, des documents élaborés en 2019 par le Conseil d’Etat dans le cadre de la crise de Beaulieu. Le procès qui consiste à affirmer que le Conseil d’Etat ne veut pas faire la lumière sur la situation, mais qu'il veut se protéger d’on ne sait quoi et mettre la poussière sous le tapis relève incontestablement d'un procès politique sans fondement. Nous vous avons soumis un rapport sur Beaulieu avec une stratégie. Le rapport a été validé très largement par le Grand Conseil. Encore une fois, le Parlement a souligné combien les textes étaient dénués de toute complaisance et pourvus d’un regard critique rarement constaté dans les documents déposés par le gouvernement. 

Deuxième élément: dans la prise en considération du Conseil d’Etat à la suite du dépôt de la requête de l’institution d’une CEP, là aussi, nous avons expliqué pourquoi l’outil nous semble largement disproportionné à un moment, en 2020, où le Conseil d’Etat et l’Etat de Vaud ne sont plus partie prenante à Beaulieu. Contrairement à d’autres cas de figure, nous ne sommes plus dans l’institution Beaulieu, puisque vous avez validé le retrait complet de l’Etat de Vaud et la constitution de la SA en mains de la Ville de Lausanne.

Troisièmement, certains ont évoqué la patinoire de Malley. Permettez-moi de vous rappeler que dans ce cas, l’Etat de Vaud est subventionneur, par une commission parlementaire qui se réunira. C’est tout. Il n’est pas partie prenante à la gestion de la patinoire de Malley. La similitude est dénuée de fondement. Pour le surplus, je m’exprime au nom du Conseil d’Etat, ce dernier sera évidemment transparent et collaborera à toutes les formes d’investigation que vous souhaitez conduire – CEP, demande de la Commission de gestion ou toute autre demande. Le Conseil d’Etat n’a strictement rien à cacher. Il a été extrêmement transparent tout au long de la période et vous a associés à l’ensemble des décisions qui ont porté sur le site de Beaulieu.

Fort du fait que le Parlement dispose de la position du Conseil d’Etat et de tous les éléments exposés en toute transparence, je ne m’exprimerai pas davantage. Le Conseil d’Etat n’a aucune volonté de protéger qui que ce soit ni de cacher quoi que ce soit. 

La discussion est close.

L'entrée en matière est refusée par 86 voix contre 41 voix et 5 abstentions.

M. Yvan Pahud (UDC) —

Je demande le vote nominal.

Cette demande est appuyée par au moins 20 députés.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

Celles et ceux qui acceptent l’entrée en matière votent oui ; celles et ceux qui la refusent votent non. Les abstentions sont possibles.

Au vote nominal, l'entrée en matière est refusée par 84 voix contre 39 et 6 abstentions.

Retour à l'ordre du jour

Partager la page

Partager sur :