20_MOT_13 - Motion Jean Tschopp et consorts - De l’oxygène pour les locataires de baux commerciaux (Développement et demande de prise en considération immédiate).

Séance du Grand Conseil du mardi 24 novembre 2020, point 26 de l'ordre du jour

Texte déposé

Plus intense encore que la première vague de pandémie, la deuxième vague de coronavirus frappe durement la Suisse et le canton de Vaud en particulier. L’état de nécessité imposé le mardi 3 novembre 2020 par le Conseil d’Etat pour raison sanitaire a conduit à la fermeture de secteurs entiers de l’économie. Déjà très affectés par la première vague, sans nouvelle aide, de nombreux restaurants, bars, cafés, clubs, espaces de loisirs et locataires de baux commerciaux en tous genres ne se relèveront pas et feront faillite. L’état de nécessité doit durer jusqu’à la fin du mois de novembre mais pourrait se poursuivre bien au-delà, sachant que nous ne sommes qu’au début de l’automne. Cette crise entraînera son lot de chômage pour de nombreux salariés sortis du chômage technique (réduction de l’horaire de travail) et fera émarger plusieurs indépendants et anciens salariés à l’aide sociale.

 

Le mercredi 4 novembre 2020, le Conseil fédéral attribuait CHF 17 millions au canton de Vaud au titre de l’aide d’urgence, à compter du 1er décembre 2020, un montant très en-dessous des attentes. Le jeudi 5 novembre, le Conseil d’Etat annonçait notamment un montant complémentaire de CHF 50 millions pour les cas de rigueur. Il débloquait 10% de compléments de revenu aux salariés au chômage technique rémunérés à 80% de leur salaire habituel (faisant passer leur revenu à 90% de leur salaire habituel). D’autres montants de soutien à l’industrie, aux milieux culturels et au pouvoir d’achat étaient aussi annoncés.

 

Partout où des faillites ou fermetures d’entreprises interviendront, le chômage technique ne sera plus possible. Plus que jamais, les restaurants, bars, cafés, clubs, espaces de loisirs et locataires de baux commerciaux dont la fermeture est imposée ont besoin d’aide.

 

Pour ces acteurs, les loyers commerciaux représentent une charge importante et incompressible. Le secteur des cafés-restaurants notamment, place en tête de ses revendications la prise en charge des baux commerciaux. Pour tout propriétaire, il est préférable de renoncer temporairement à tout ou partie de son loyer, plutôt que de se trouver sans repreneur et sans revenu durant une plus longue période. Cette demande avait déjà émergé au moment de la première vague, au printemps 2020, pour aboutir à un accord entre bailleurs, locataires et Etat de Vaud couvrant les loyers de mai et juin 2020. Le Grand Conseil a par la suite renvoyé au Conseil d’Etat le postulat du 01.07.2020 du député Jérôme Christen « Pour un soutien aux commerce et café-restaurants illusoirement plus solides ».

 

Les député.e.s soussigné.e.s demandent l’adoption d’un nouvel accord tripartite entre bailleurs, locataires et Etat de Vaud pour une prise en charge équilibrée des loyers commerciaux des cafés, restaurants, clubs, espaces de loisirs et autres locataires de baux commerciaux destinée à soulager les tenanciers et indépendants durant toutes les périodes de fermeture imposée par les autorités et à éviter pertes d’emplois, faillites et fermetures définitives. Cet accord devra s’élaborer en consultations avec les représentants des cafetiers-restaurateurs, des artisans, des milieux culturels, de l’événementiel, des partenaires sociaux et des différents milieux concernés.

 

Lausanne, le 13 novembre 2020

 

Conclusion

Prise en considération immédiate et renvoi au CE

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Stéphane MontangeroSOC
Pierre DessemontetSOC
Carine CarvalhoSOC
Circé FuchsV'L
Jérôme Christen
David RaedlerVER
Anne Baehler Bech
Arnaud BouveratSOC
Cendrine CachemailleSOC
Séverine EvéquozVER
Céline BauxUDC
Marc VuilleumierEP
Léonard Studer
Blaise VionnetV'L
Jean-Marc Nicolet
Sébastien CalaSOC
Graziella SchallerV'L
Gilles MeystrePLR
Jean-Claude GlardonSOC
Vincent JaquesSOC
Vincent KellerEP
Delphine ProbstSOC
Raphaël MahaimVER
Denis CorbozSOC
Salvatore GuarnaSOC
Cédric EchenardSOC
Rebecca JolyVER
Hadrien BuclinEP
Aliette Rey-MarionUDC
Muriel Cuendet SchmidtSOC
Valérie InduniSOC
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Alexandre DémétriadèsSOC
Didier LohriVER
Felix StürnerVER
Alice GenoudVER
Stéphane BaletSOC
Nathalie JaccardVER
Claire Attinger DoepperSOC
Taraneh AminianEP
Vassilis Venizelos
Monique RyfSOC
Julien EggenbergerSOC
Jessica JaccoudSOC
José DurusselUDC
Yves PaccaudSOC
Isabelle FreymondIND
Eliane DesarzensSOC
Muriel ThalmannSOC

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
M. Jean Tschopp (SOC) —

Ce qui aurait dû rester un film de science-fiction est devenu notre quotidien, une réalité faite d'isolement, de renoncement à toutes les activités de loisirs et de sport qui font le sel de nos existences. Dans le même temps, poussé dans ses derniers retranchements, notre personnel soignant fait face, sans relâche, à ce virus, cet ennemi invisible. La pandémie de coronavirus a changé nos existences comme aucun événement auparavant. Après deux mois de fermeture ce printemps, les cafés, restaurants, espaces de loisirs et de culture sont à nouveau contraints de fermer leurs locaux. Les factures, quant à elles, ne s'arrêtent pas. Après le premier confinement de deux mois sans entrée d'argent et à la suite de ce nouveau mois de fermeture, beaucoup d'indépendants ne s'en relèveront pas et disparaîtront sans aide pour le paiement de ces charges incompressibles. Pour un restaurateur ou encore un indépendant qui a utilisé ses économies, son deuxième pilier, qui pendant 30 ans — l'effort d'une vie — s'est astreint à des horaires de nuit pour créer un espace de convivialité, se retrouver en faillite en raison de cette saleté de virus contre lequel il ne peut absolument rien est insupportable.

Pour la collectivité aussi, le coût social et humain engendré par l'augmentation des demandes d'aide sociale en faveur d'indépendants n'est pas une réponse. Nous devons aider ces indépendants et entrepreneurs à passer le cap afin que, dans quelques mois, ce cauchemar ne soit plus qu'un mauvais souvenir. Ce printemps, un accord négocié entre l'Etat de Vaud, les bailleurs et les locataires permettait à des milliers d'indépendants de ne plus payer que 25 % de leur loyer durant les deux mois de fermeture imposés, l'Etat prenant en charge l'autre 25 % et les propriétaires le 50 %. L'Etat de Vaud a ainsi débloqué 5 millions auxquels se sont ajoutés 10 millions consentis par les propriétaires. Cet accord a permis de soulager plusieurs milliers d'indépendants d'une de leurs charges les plus lourdes et incompressibles qui, pour le seul secteur des cafés-restaurants dans le Canton de Vaud, pèse 17 millions par mois.

Nous demandons la reconduction d'un accord de ce type. Les indépendants et l'Association suisse des locataires, section vaudoise (ASLOCA Vaud) le demandent également. Nous ne voulons pas réinventer la roue. Même si cet accord repose sur une base volontaire, il constituera une incitation forte à soulager les indépendants. Les locataires pourront se prévaloir auprès de leur bailleur d'un accord initié par l'Etat de Vaud et ces mêmes bailleurs réaliseront qu'ils ont tout intérêt à modérer provisoirement leur loyer pour éviter de se trouver ensuite, pendant de longs mois, avec des locaux vides et impayés. Le Conseil d'Etat a annoncé plusieurs aides concrètes pour faire face à cette deuxième vague, à commencer par des aides à fonds perdus. Selon les critères de la Confédération, ces aides pour cas de rigueur seront accessibles aux indépendants ayant perdu en une année plus du 40 % de leur chiffre d'affaires. Ces aides auront ainsi des effets de seuil. Que dire à l'indépendant qui, privé de son gagne-pain pendant trois mois de fermeture, n'aura perdu que 25 % de son chiffre d'affaires et ne sera pas éligible aux aides à fonds perdu ? Même si le canton dev ait assouplir ces critères pour ouvrir l'aide d'urgence à une perte de 30 % du chiffre d'affaires, de très nombreux indépendants n'en profiteront pas, d'où la nécessité de soulager nos cafés, restaurants et espaces de loisirs de ces charges incompressibles.

Nous nous réjouissons de cette nouvelle aide aux consommateurs — je suis bien placé pour le savoir en tant que responsable conseiller à la Fédération romande des consommateurs — avec la reconduction du Plan WelQome. Toutefois, cette aide ne sera pas toujours d'un grand secours lorsque le restaurant ou le lieu de divertissement préféré d'un client aura fait faillite. Cette motion d'aide aux indépendants a pour objectif de préserver des emplois et d'éviter des faillites, elle est donc peut-être moins attendue de la part de notre formation politique. Comme le dit très bien le collectif « Qui va payer l'addition », composé d'indépendants rassemblés à Yverdon et aux quatre coins du canton, qui fait face à une grande détresse, en compensant une fermeture imposée par nos autorités pour des raisons sanitaires, nous n'attribuons aucun bénéfice aux indépendants — ce n'est d'ailleurs pas ce qu'ils demandent — mais nous ne faisons que les soulager de leur loyer, cette charge incompressible. Cette motion a été pensée comme un texte allant au-delà des affiliations partisanes.

Nous sommes fiers de ce texte — notamment M. Gilles Meystre, président de GastroVaud qui connaît mieux que moi les vicissitudes traversées par la branche des cafés-restaurants, d'autres députés du camp PLR, le président du groupe UDC Philippe Jobin, les Verts, la présidente de groupe des Vert'libéraux Graziella Schaller, le président des Libres Jérôme Christen, ou encore Ensemble à Gauche et POP — et nous le considérons appropriés. Faites de même. En demandant une aide à moyen terme pour les troisième et quatrième vagues, la motion Buffat joue sur une autre temporalité. Or, cette motion demande de l'aide pour tout de suite, car nous avons besoin d'un signal clair pour soutenir les indépendants et les salariés. Ce soutien passe par un accord entre toutes les parties concernées, dans les meilleurs délais, pour soulager les indépendants de leur loyer, cette charge incompressible.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Graziella Schaller (V'L) —

Je vous invite à prendre cette proposition en considération immédiate. Plusieurs collègues des partis de droite, dont nous faisons bien évidemment également partie, ont soulevé le fait que cette demande n'avait pas été très sollicitée au moment de la première vague. Nous nous sommes donc demandé s'il s'agissait d'une bonne aide. Je souhaite rappeler que les conditions posées lors du premier recours à cette aide étaient très contraignantes. De ce fait, elles avaient exclu des entreprises qui en auraient eu besoin, mais qui ne répondaient pas aux critères édictés. Dès lors, il est erroné d'indiquer que cette demande n'a pas été sollicitée et qu'il ne s'agissait pas d'une bonne mesure. En effet, il aurait peut-être fallu assouplir les règles, ce que vise la demande déposée par notre collègue Tschopp. J'ai obtenu quelques chiffres sur ce que représenteraient ces exonérations, soit 18 à 20 millions de francs. Ce n'est donc pas un milliard et c'est une aide nécessaire. Chacun pourra amener sa part. Des discussions devront probablement être menées avec les bailleurs. Dans tous les cas, il faut chercher des pistes et les soutenir. Je vous invite par conséquent à soutenir le renvoi immédiat au Conseil d'Etat.

Mme Carole Dubois (PLR) —

En préambule, nous tenons à indiquer que nous sommes conscients du profond préjudice que représente cette deuxième vague, notamment pour les cafés-restaurateurs et que des mesures d'aide aux secteurs contraints de fermer doivent être activées. Comme le motionnaire l'a mentionné dans son texte, le Conseil fédéral a d'abord attribué 17 millions au Canton de Vaud au titre d'aide d'urgence, montant augmenté mercredi dernier et complété par les 50 millions pour les cas de rigueur décrétés par le Conseil d'Etat. Une partie du montant lié aux cas de rigueur sera restitué à la branche de la restauration. Les modalités d'octroi cantonal ne sont néanmoins pas encore connues, elles seront décrites dans les décrets dont notre Grand Conseil devra se saisir très bientôt, en décembre.

Le motionnaire demande à rééditer l'aide au loyer que le canton a mis sur pied au printemps dernier, soit un mécanisme tripartite — bailleurs, locataires et canton — d'aide au loyer. Force est de constater que, sur les 20 millions mis à disposition, seuls 5 millions ont été utilisés, et ce, en raison du fait que nombre de bailleurs n'ont pas souscrit à cet accord. Il convient de rappeler que tous les bailleurs ne sont pas de gros propriétaires immobiliers et que certains d'entre eux ont besoin de ce revenu. La question que l'on peut se poser est la suivante : est-ce qu'une réactivation de ce mécanisme tripartite rencontrerait un résultat plus probant aujourd'hui ou faut-il plutôt activer d'autres mesures en priorité ?

Pour ces raisons, une grande partie du groupe PLR juge pertinent de renvoyer cette motion à la Commission des finances, avec la mission qu'elle soit traitée extrêmement rapidement et étudiée par celle-ci à la lumière des modalités d'octroi des aides cantonales concernant les cas de rigueur, exposées dans les décrets urgents qu'elle va devoir traiter ces prochains jours et aussi en vertu des décisions de demain qu'a cité M. le conseiller d'Etat. Cela permettrait d'avoir une vision globale des mesures les plus efficaces pouvant être activées au titre d'aide d'urgence avec ce même signal clair de notre part, soit adopter des mesures efficientes afin d'être actif le plus rapidement possible pour ces secteurs très impactés.

Mme Anne Baehler Bech —

Je suis quelque peu surprise de la position de ma préopinante. La belle unanimité pour un soutien à ceux qui sont le plus durement frappés par cette pandémie est déjà envolée et je le regrette fortement. Comme vous le savez, les Verts sont convaincus de la nécessité de montrer notre solidarité et responsabilité vis-à-vis de ceux frappés par cette pandémie. Ils sont également convaincus de la nécessité d'un soutien aux locataires de baux commerciaux. Ce soutien peut s'exprimer de différentes façons et la motion de M. Tschopp mérite d'être soutenue. Mme Dubois a posé une question intéressante : l'accord tripartite doit-il être reconduit tel quel ? L'ASLOCA, dont je suis la Secrétaire générale, a demandé non pas une réactualisation, mais une réouverture avec les mêmes protagonistes. Il s'agit en effet de tirer enseignement de ce qui s'est passé et pas forcément de reproduire des choses ayant mal fonctionné.

La motion de M. Tschopp doit donc être soutenue et envoyée directement au Conseil d'Etat pour que celui-ci puisse faire diligence et qu'une aide soit apportée aux locataires de baux commerciaux. Cette aide diligente est d'autant plus importante que, à Berne — si vous suivez un peu l'actualité — l'espoir de voir une loi fédérale visant à une répartition différente du montant des loyers, soit 40 et 60 %, s'amenuise de plus en plus. La nécessité d'une intervention vaudoise et de soutien pour les locataires commerciaux devient de plus en plus importante. Fort de ces arguments, je vous recommande de soutenir cette motion et de l'envoyer directement au Conseil d'Etat.

M. Marc-Olivier Buffat (PLR) —

J'aimerais d'abord rappeler mes intérêts : je suis membre du conseil d'administration d'une régie immobilière notamment active dans les cantons de Vaud, Genève et Neuchâtel. En préambule, dans ma fonction d'avocat également, j'ai toujours soutenu non seulement un accord tripartite, mais aussi un accord bipartite entre locataire et propriétaire. Il faut être réaliste : si vous avez un locataire qui est là depuis de très nombreuses années, avec un bail encore valable pendant plusieurs années, vous avez tout intérêt à trouver une solution pour passer ce cap difficile plutôt que de courir le risque d'avoir des locaux vides ou alors de les relouer à un tarif plus bas, lorsqu'on voit la quantité de locaux commerciaux sur le marché. Sur le principe, ces accords constituent une bonne solution et la régie à laquelle je faisais allusion a appliqué, à chaque fois que cela était possible, ce qui était prévu dans les cantons de Vaud, Genève et Neuchâtel.

Je remercie Mme Baehler Bech d'avoir éclairci ma lanterne. En effet, je dois admettre que j'avais cru comprendre que, du côté des locataires, on estimait que le système était de la gnognote — excusez-moi du terme mais il est parfois bon de parler vaudois. D'ailleurs, le vague succès de l'opération — 5 millions utilisés sur 20 à disposition — démontre qu'il aurait fallu un système plus coercitif. J'en reviens à la case départ : le système mis en place ce printemps n'était peut-être pas si mauvais, encore que je n'ai pas tout à fait compris ce que souhaitait Mme Baehler Bech, qui nous indique qu'il ne faut pas reconduire, mais rouvrir. On verra bien mais, encore une fois, cette solution a été mise en œuvre et pourquoi pas. A l'époque, du côté des locataires, cette solution n'avait pas été jugée optimale. Si ces milieux ont changé d'avis, tant mieux !

On peut se poser la question suivante : l'aide favorise-t-elle vraiment les accords ? A partir du moment où on la conditionne à des accords, on peut s'interroger... Dans ma pratique, j'ai pu constater que les locataires sont d'accord par principe, l'aide étant forcément déterminante. Encore une fois, tant mieux si cela peut faciliter les rapports locataires-propriétaires. Par contre, il faut être conscient que cette aide sera par essence subsidiaire à l'aide à fonds perdu. Si vous octroyez des aides parce que vous subissez des pertes, celles-ci sont calculées sur la base du loyer réel que vous devez payer ou devriez payer ; si vous touchez des aides pour le loyer, cela sera bien évidemment déduit. Quand on parlait tout à l'heure du fonds de soutien, j'ai parlé de la règlementation globale de toutes ces aides. Ce n'est en effet pas si évident que cela. Ceux qui toucheront des aides à fonds perdu continueront à les toucher mais les deux aides ne se cumuleront pas.

En outre et comme l'a évoqué tout à l'heure Mme Baehler Bech, une troisième remarque s'impose : une loi fédérale existe. En effet, les chambres sont saisies d'une loi fédérale d'aide aux locaux commerciaux, soit la Loi COVID-19 qui prévoit, sauf erreur, un rabais de l'ordre de 60 % pour les locataires. Mme Baehler Bech l'a dit : avec une non-entrée en matière, cette loi a été fraîchement accueillie par le Conseil des Etats. Il semblerait que le Conseil national entre en matière et y soit plutôt favorable. Cela ne va bien évidemment pas accélérer les choses et il y aura sûrement des débats et des navettes entre les deux chambres. Toujours est-il que ce projet n'est pas enterré, loin de là. Selon les informations que j'ai encore reçues ce matin de bonne heure de la part d'élus fédéraux, il y aura des débats dès la reprise, soit début décembre, sur ce sujet. Je ne suis pas du tout certain que nous puissions avoir une place dans cet arsenal fédéral. Si la Confédération décide de légiférer s'agissant du droit du bail qui est de compétence fédérale, c'est bien cette matière fédérale qui s'appliquera. C'est peut-être une bonne chose pour les locataires, car j'ai également entendu certains milieux dire que la loi fédérale était presque trop généreuse. Tant pis pour les propriétaires. Je crains toutefois que l'on arrive à une solution, quel que soit le résultat de notre vote, pour laquelle la question ne se posera plus, si tant est que le droit fédéral impose une solution directement depuis Berne.

Pour le surplus et s'agissant des règles de procédure — renvoi en commission, etc. — M. le conseiller d'Etat s'est clairement exprimé tout à l'heure. Nous obtiendrons de toute façon et très rapidement des réponses à ces trois motions. Les équilibres politiques font que ces trois objets seront traités. J'exprime un bémol s'agissant de cette proposition et du contexte à Berne. Encore une fois, si la loi fédérale est votée, le droit cantonal n'aura plus de place en la matière. Par contre, j'adhère complètement à ces préoccupations. Il faut aller vite et si cela se passe de cette manière à Berne, tant mieux.

Mme Jessica Jaccoud (SOC) —

Je souhaite revenir sur quelques points évoqués par Mme Dubois et M. Buffat. Lors de son exposé, mon collègue Tschopp a parlé des conditions extrêmement restrictives dans lesquelles les cas de rigueur pourront être aidés, sur la base de l'ordonnance fédérale. C'est bien seulement dans l'hypothèse où une perte de 40 % est enregistrée en 2020 — en comparaison sur le chiffre moyen des années 2018-2019 — que ces aides pour cas de rigueur pourront être allouées. La particularité du système veut que, si l'entreprise ou l'indépendant a touché pendant l'année 2020 des aides à fonds perdu ou des indemnités pour réduction de l'horaire de travail (RHT), ces aides doivent être intégrées dans le chiffre d'affaire. Cela signifie qu'il faut subir une perte de 40 %, malgré le versement de RHT ou d'éventuelles allocations pour perte de gain (APG). Dans cette perspective, on se rend compte que les cas d'entreprises ou d'indépendants touchés par cette mesure seront relativement restreints, tant la perte subie en 2020 doit être massive et tant les liquidités de ces entreprises doivent être importantes pour avoir réussi à absorber le choc jusque-là.

En plus d'être limitées à un certain nombre de personnes au vu des pertes « nécessaires » pour les obtenir, ces aides seront limitées à 10 % du chiffre d'affaires effectué en 2019. Malgré cette perte de 40 % sur 2020, l'aide se limitera à 10 % du chiffre d'affaires 2019. Il s'agit là encore d'une limitation importante. C'est la raison pour laquelle nous pensons qu'une aide pour cette charge incompressible qu'est le loyer est absolument nécessaire. Peu importe si la société, l'entreprise ou encore l'indépendant est éligible au cas de rigueur. Au final, si votre activité a été interdite d'exploitation pendant un certain temps et quelle que soit la perte sur votre chiffre d'affaires et bénéfice, le fait est que vous n'avez pas pu utiliser les locaux qui ont donc fait l'objet d'un défaut. C'est pour cette raison qu'une partie, voire la totalité — la question reste ouverte — du loyer doit être supprimée.

Le fonds mis en place lors de la première vague a été peu utilisé ou en tout cas pas utilisé dans les proportions imaginées à ce moment-là. Plusieurs hypothèses ont été évoquées pour expliquer une telle situation. On peut ainsi imaginer que certains bailleurs qui ont reçu des demandes de locataires n'ont pas voulu de ce système. On peut aussi penser que certains locataires n'en aient pas fait la demande, pensant au final que la crise s'arrêterait à cette première vague et ces premiers mois difficiles ; qu'ils arriveraient à passer le cap et à terminer l'année 2020 avec des effets de rattrapage bénéfiques. On peut aussi songer au fait que la situation de nombreux locataires et de de bailleurs est désormais différente. En effet, les bailleurs ont tout intérêt à éviter la faillite de leur locataire. Leur prise de conscience sera peut-être plus importante dans le cadre de cette deuxième vague qu'elle ne l’a été lors de la première, l'ampleur de la crise économique se faisant de plus en plus sentir et les secteurs d'activité touchés criant plus fortement. De nombreux locataires seront poussés aussi à faire des demandes, alors qu'ils ne l'avaient pas fait lors de la première vague pour les raisons énoncées tout à l'heure.

La question de la prise en charge des baux ou en tout cas des réductions de loyer est sur le point d'être résolue au niveau fédéral. Monsieur Buffat, je suis ravie de savoir que le projet n'est pas mort. Je n'ai pas eu d'échos similaires de la part des groupes de droite au Conseil national. Toutefois, puisque vous le dites, je veux bien vous croire. Si une solution fédérale pouvait être trouvée, j'en serais plus que ravie. En effet, si une solution fédérale devait être trouvée, notre système ne s'appliquerait que subsidiairement. Nous n'avons dès lors pas grand-chose à perdre en renvoyant cette motion directement au Conseil d'Etat, puisque soit le système fédéral n'entre pas en vigueur, vos groupes politiques l'ayant refusé, et à ce moment-là nous avons un système vaudois qui permet de le pallier ; soit un système fédéral entre en vigueur grâce à la voix du PLR, monsieur Buffat — j'ai vu que M. Wehrli était dans la salle des pas perdus tout à l'heure et j'espère que vous avez pu à cette occasion lui glisser un mot, afin qu'il soutienne ce système au Conseil national lors de la session d'hiver — dès lors, notre système deviendrait subsidiaire et nous aurons eu un débat intéressant, mais qui n'aura pas eu besoin de se concrétiser par les actes.

Au final, nous n'avons strictement rien à perdre à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. Nous gagnons un peu de temps et ce dernier est très précieux en ce moment. Enfin, que ce soit de ce côté de l'hémicycle ou de l'autre, notre Parlement évoque la solidarité. En vertu de ce principe, il n'y a aucune raison pour que les bailleurs, qu'ils soient petits ou grands, jeunes ou vieux, institutionnels ou privés, ne fassent pas leur part dans cette crise, une part peut-être importante pour certains, mais Dieu sait que les personnes qui ont fait une part importante dans ce canton sont nombreuses. Il n'y a donc aucune raison que les propriétaires immobiliers ne le soient pas. Je vous invite ainsi à ne pas traîner et à renvoyer cette motion au Conseil d'Etat.

Mme Rebecca Joly (VER) —

Je serai brève. Je déclare mes intérêts : je suis Secrétaire générale adjointe de l'ASLOCA Suisse et, à ce titre, j'ai suivi d'extrêmement près les travaux des Conseil national et Conseil des Etats sur la Loi COVID-19 concernant les loyers commerciaux. Je tenais à apporter une précision qui pourrait peut-être éclairer nos débats et surtout vous inciter encore plus à renvoyer cette motion directement au Conseil d'Etat. En effet, le projet de loi fédérale tel qu'il a été proposé par le Conseil fédéral prévoit — cela n'a pas été changé pour l'instant en commission — que tous les accords conclus entre les locataires et les bailleurs avant l'entrée en vigueur de la loi restent valables. Ainsi, toute solution vaudoise qui serait appliquée avant et tout accord conclu avant la fin de l'année, voire plus tard si la loi fédérale aboutit — ce qui est loin d'être sûr — entre les bailleurs et les locataires avec une aide de l'Etat de Vaud seraient maintenus, d'autant plus que, si l'on se dirige vers une analogie avec la solution dessinée au printemps, l'aide cantonale serait plus favorable pour les bailleurs et les locataires que celle fédérale. Toutes les parties ont dès lors intérêt à ce qu'une nouvelle solution vaudoise soit trouvée et celle-ci conserverait toute sa pertinence, y compris en cas d'adoption d'une loi fédérale.

M. Gilles Meystre (PLR) —

Ayant participé à la négociation du premier accord sur les loyers, j'aurais souhaité réfuter un certain nombre d'arguments entendus dans ce plénum quant à son échec, respectivement quant à la question de l'intégration des loyers dans les cas de rigueur. Je vous en ferai grâce, car beaucoup a déjà été dit et je souhaiterais que l'on arrive jusqu'au point 29 de l’ordre du jour dans les 35 minutes restantes.

M. Philippe Leuba — Conseiller-ère d'État

Je croyais avoir traité l'ensemble des points 25 à 29 dans mon intervention précédente et je n'entendais pas intervenir à chacune de ces motions, dans la mesure où, encore une fois, le résultat du travail du Conseil d'Etat sur l'ensemble de ces questions vous sera communiqué demain à 16 heures. Il s'agit du plus urgent. Dès lors, un peu moins de palabres et un peu plus d'actes.

Mme Sonya Butera (SOC) — Président-e

La discussion est close.

La présidente rappelle que l’auteur ayant demandé le renvoi direct au Conseil d'Etat et certains députés le renvoi en commission, le plénum doit décider du cheminement du postulat.

Le renvoi direct au Conseil d'Etat, opposé au renvoi à une commission, est choisi par 113 voix contre 12 et 5 abstentions.

La prise en considération immédiate est acceptée par 120 voix contre 6 et 7 abstentions.

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