REP_673852 - Réponse du Conseil d'Etat au Grand Conseil à l'interpellation Raphaël Mahaim et consorts - RSV, BLV: késako SVP ? (19_INT_319).
Séance du Grand Conseil du mardi 19 janvier 2021, point 21 de l'ordre du jour
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Visionner le débat de ce point à l'ordre du jourComme le veut la tradition, je remercie le Conseil d’Etat pour sa réponse à mon interpellation, mais je dois dire que le cœur n’y est pas vraiment. En effet, je trouve la réponse du Conseil d’Etat un peu décevante. D’emblée, j’admets qu’il ne s’agit certainement pas de l’objet politique qui a la plus grande portée de cette législature — c’est un euphémisme de le dire ainsi. Il s’agit d’un point assez technique, mais il n’en demeure pas moins que cette réponse est assez irritante et que la décision qui a été prise à l’époque par le canton de Vaud est assez incompréhensible. De quoi s’agit-il ? Le recueil de toutes les lois cantonales s’appelle le Recueil systématique vaudois (RSV) depuis des décennies et des décennies. C’est le recueil dans lequel tous les juristes, avocats, tribunaux et chercheurs vont chercher les informations dont ils ont besoin. Les trois lettres RSV sont, en quelque sorte, devenues la manière de citer les lois, une manière de faire que tout le monde connaît dans les milieux qui travaillent avec des bases légales. Le système, sous l’angle informatique, a fait l’objet d’une réforme : le moteur de recherche pour les bases légales a été modifié, mais on a aussi décidé de renommer ce système pour l’appeler désormais la Base législative vaudoise (BLV). Je le disais en préambule, c’est tout sauf une matière politique, mais cette décision est franchement incompréhensible. En effet, cette abréviation RSV figure dans toutes les références de jurisprudence, dans tous les livres utilisés par les praticiens du droit. Je ne sais pas si celles et ceux qui pratiquent dans un autre domaine peuvent peut-être trouver cette comparaison pertinente, mais c’est comme si on disait, du jour au lendemain, que l’on va arrêter d’appeler les normes SIA, mais qu’elles seront désormais appelées les normes SWX, parce que ça fait chic et parce que c’est sympa. Que se passe-t-il alors ? Dans tous les livres d’ingénierie et d’architecture, il faudrait, à chaque fois, remplacer SIA par SWX.
Jusque-là, on peut se dire que c’est un peu difficile à comprendre. La réponse du Conseil d’Etat fait mention d’une nouvelle base de données, un outil qui nécessitait d’être relooké ou qui méritait un petit coup de jeune. C’est un peu comme Orange qui a décidé, du jour au lendemain, de s’appeler Salt, parce que ça faisait bien… Je suis navré de le dire ainsi, mais c’est un peu le sentiment que nous avons eu dans cette affaire. Néanmoins, l’appellation Recueil systématique vaudois figure dans un certain nombre de bases légales cantonales. C’est-à-dire que les lois elles-mêmes prévoient comment on appelle le recueil des lois. C’est comme si on disait que les normes SIA s’appellent ainsi et que c’est ainsi qu’elles sont désignées dans les lois.
Pour des raisons qui m’échappent, mais peut-être que Mme la conseillère d’Etat Luisier Brodard pourra nous l’expliquer, la loi n’a pas été révisée. Peut-être un peu malicieusement, je suspecte que ce sont les informaticiens qui ont travaillé sur ce nouveau système qui ont décidé de changer son nom et que les juristes n’ont été consultés que de façon marginale et que les bases n’ont pas été pas modifiées. Du reste, dans sa réponse, le Conseil d’Etat admet que les milieux concernés n’ont pas réellement été consultés. C’est-à-dire qu’on a demandé l’avis de quelques juristes proches de la couronne et que personne n’y voyait de problème, mais on n’a pas demandé l’avis des tribunaux, de l’Université et de tous ceux qui travaillent au quotidien avec ces références. La conséquence, c’est que, maintenant, tout le monde doit s’amuser, dans les modèles de lettres et dans les livres, à modifier RSV en BLV. Etant donné que la base légale n’a pas été modifiée, je dépose la détermination suivante :
« S’il entend maintenir cette nouvelle appellation « Base législative vaudoise » au détriment de « Recueil systématique vaudois », le Conseil d’Etat est prié de soumettre rapidement au Grand Conseil une modification des bases légales pertinentes. »
En clair, si l’on change l’appellation de l’instrument de travail de tous les juristes du canton, on doit le faire en modifiant la loi. Le Grand Conseil est un peu surpris que le travail n’ait pas été fait jusqu’au bout. Si on avait modifié la loi, cela aurait été l’occasion de réfléchir à la nécessité de changer le nom de ce recueil, l’occasion de savoir si le nouveau nom était plus adéquat que l’ancien. En d’autres termes, est-ce que le relookage — pour faire plaisir à Jérôme Christen — était vraiment nécessaire pour cet instrument ? Si cela était passé devant le Grand Conseil, nous aurions pu avoir cette discussion. C’est la demande contenue dans cette détermination que je vous soumets.
La discussion sur la détermination est ouverte.
Mon collègue Raphaël Mahaim a tort de s’excuser. Dans un siècle qui vante la communication, où on passe son temps à payer des communicants, on ne cesse de parsemer les textes juridiques — mais pas seulement ces derniers — d’abréviations en tout genre qui font que, dans quelques siècles, il faudra un Champollion performant pour, à l’instar des hiéroglyphes égyptiens, arriver à comprendre ce que nous voulions dire en 2021. C’est particulièrement vrai en médecine où il y a non seulement des abréviations en tout genre, qui sont parfois de véritables créations professorales totalement locales, avec une bonne ration de termes anglais par-dessus le marché. Après plusieurs dizaines d’années de pratique de la médecine, votre serviteur se demande parfois de quoi il est question, par exemple quand on remplace le mot « axe » par « bras ». Aujourd’hui, en médecine il y a des « bras ». Bien sûr, chacun a deux bras, mais j’ai appris qu’il y avait aussi des bras — et non plus des axes — en matière de recherche. Non seulement il n’y a plus de bonne utilisation de la terminologie française, mais il y a, par-dessus le marché, de nombreuses abréviations que je vous épargne volontiers. M. Mahaim, même s’il se focalise sur son métier et sur les aspects juridiques, soulève un problème qui est une vraie plaie, une plaie pour laquelle il n’y a malheureusement actuellement pas de vaccin et qui se montre autrement plus agressive que le coronavirus, toute l’année durant et depuis des années. Je remercie M. Mahaim de créer cette brèche au niveau juridique, j’espère qu’elle s’élargira à d’autres milieux, les milieux médicaux en particulier.
On peut effectivement se demander quelle mouche a piqué les services de l’Etat pour vouloir faire de l’innovation ou du modernisme à tout prix. Il est vrai que, à l’époque, le département avait une autre configuration, avec une autre conseillère d’Etat à sa tête. Notre collègue Mahaim me pardonnera cette pique : il faisait allusion aux juristes proches de la couronne, j’eusse espéré que, à l’époque, la couronne ait interpellé notre éminent collègue Raphaël Mahaim ; nous aurions évité ce qu’il faut bien appeler une bavure. Sur le fond, je partage évidemment les propos de notre collègue. J’y ajoute que, au niveau suisse, le Recueil des lois s’appelle le Recueil systématique suisse. Nous avions pour coutume, et cela relève d’une logique assez implacable, d’appeler le recueil de nos lois cantonales vaudoises le Recueil systématique des lois vaudoises (RSV). La pertinence de cette réforme laisse songeur, tout comme son opportunité et son utilité. Cela complique tout, mais je crois surtout que notre collègue, met le doigt sur un élément fondamental : nous sommes le Parlement, nous sommes le législateur, si l’on modifie une référence, un titre, il faut que toutes les références légales qui utilisent cette dénomination soient corrigées et cela passe évidemment par une modification légale. Cela paraît très compliqué, parce qu’il faudra sans doute une commission et un rapport du Conseil d’Etat. C’est la raison pour laquelle on ne peut que s’étonner de cette initiative à la fois inopportune, non aboutie, parce que si on n’avait voulu faire les choses correctement, il fallait à l’époque modifier les bases légales qui font référence à ces documents. En ce qui me concerne, je vous invite à soutenir cette détermination, ne serait-ce que pour que nous ayons un Recueil systématique vaudois — ou une Base législative vaudoise — parfaitement en accord avec notre législation.
Je prends acte de la détermination de M. Mahaim et des propos que nous venons d’entendre concernant cette réponse de juin 2019. Je me réjouis de l’intérêt qui est porté à cet objet et à cette abréviation d’importance. Vous retrouverez, dans la réponse du Conseil d’Etat, les raisons ayant motivé le changement de nom. Cela étant, ce qui m’importe avant tout, ce qui est prioritaire, c’est l’outil lui-même. Indépendamment de la détermination déposée aujourd’hui, j’aimerais quand même saluer tout le travail qui a été effectué par les services s’agissant du contenu même de cette base législative qui a très fortement évolué en une base exhaustive, avec des moteurs de recherche performants et la possibilité d’accéder à l’historique des textes. Le terme de « base légale » n’est que la traduction de ces changements qui ont été testés, non seulement par les juristes de la couronne, mais aussi par les faîtières d’avocats, de notaire et d’agents d’affaires brevetés.
Cela étant, nous ferons ce que vous voudrez ; la détermination vous appartient. Nous examinerons aussi l’opportunité réelle de ces changements deux ans après l’entrée en vigueur de ce nouveau nom, parce que potentiellement, notamment s’agissant des questions informatiques et de l’application SIEL qui est maintenant en fonction à l’Etat de Vaud, cela pourrait se chiffrer en dizaines de milliers de francs. Nous ferons une balance entre les coûts, les opportunités et les bénéfices par rapport aux éléments qui viennent d’être évoqués. Nul doute que nous prendrons en considération tous les arguments qui viennent d’être évoqués aujourd’hui.
Retour à l'ordre du jourLa discussion est close.
La détermination Raphaël Mahaim est adoptée à l’unanimité.
Ce point de l’ordre du jour est traité.