23_MOT_7 - Motion Mathilde Marendaz et consorts - Inscrivons le respect des droits fondamentaux dans la loi vaudoise sur la police.

Séance du Grand Conseil du mardi 11 février 2025, point 17 de l'ordre du jour

Texte déposé

Dans la loi cantonale genevoise sur la police (LPOL), l’article 45 al.1 (légalité, proportionnalité, intérêt public) prévoit que « la police exerce ses tâches dans le respect des droits fondamentaux et des principes de légalité, de proportionnalité et d’intérêt public ». Une telle disposition n’est pas présente dans la loi vaudoise sur la police, qui prévoit que la police cantonale « a pour mission générale d’assurer, dans les limites de la loi, le maintien de la sécurité et de l’ordre publics ». Le cadre genevois permet d’assurer que les actions de la police s’inscrivent dans le stricte cadre des droits fondamentaux.
 

Cette différence est importante, car les droits fondamentaux, tels que le droit à la vie, à la dignité, de son intégrité, ou l'interdiction des traitements inhumains ou dégradants, se trouvent au sommet de notre ordre juridique. En effet, l'article 35 alinéa 1 de la Constitution fédérale rappelle que les droits fondamentaux doivent être réalisés dans l’ensemble de l’ordre juridique. Le droit ne se limite pas à la loi, la loi n'étant que l'une des sources de droit. Et la loi n'a de validité, et doit être appliquée dans le respect de la hiérarchie des normes, et notamment de la primauté des droits fondamentaux, qui lui sont supérieurs. Le droit et la loi ne sont pas des synonymes. C’est pourquoi inscrire dans la loi que la Police doit exercer ses tâches dans le respect des droits fondamentaux, pourrait sembler une évidence. Comme tout organe de l’État, la police est déjà tenue au respect des droits fondamentaux. Mais qui n'a jamais entendu d’un procureur ou d’un commandant de police – « je ne fais qu'appliquer la loi » ?
 

L'art. 1 al. 1 PolCant entretient ainsi l’idée que la Police ne devrait qu’appliquer la loi, n’assurant pas explicitement le respect des droits fondamentaux, qui se trouvent au sommet de l’ordre juridique. C'est pourquoi la présente motion propose de modifier l'art. 1 al. 1 de la loi cantonale sur la police en vue d’assurer l’alignement de l’action de la police avec le respect des droits fondamentaux, selon l’article 35 al. 1 de la Constitution fédérale.


La modification proposée permet d’expliciter le cadre de l’activité répressive de l’État, et de garantir une protection effective des droits fondamentaux dans l'ensemble de l'ordre juridique comme le demande l'art. 35 al. 1 Cst. Cela permet d’encadrer plus explicitement l’activité de celles et ceux qui exercent le monopole de la violence et de la force publique.
 

Les député·es soussigné·es demandent par voie de motion la modification de la loi sur la police cantonale vaudoise (LPOL), à l’article 1 et 1a :
 

Art. 1 al. 1 La police cantonale a pour mission générale d'assurer, dans le respect des droits fondamentaux, des limites du droit, et des principes de légalité, de proportionnalité et dans l’intérêt public, le maintien de la sécurité et de l'ordre publics.
 

Art 1a al 1. La police cantonale assure, en collaboration avec les polices municipales, la prévention criminelle dans la mesure de ses moyens et dans les limites du droit.

Conclusion

Renvoi à une commission avec au moins 20 signatures

Liste exhaustive des cosignataires

SignataireParti
Théophile SchenkerVER
Sébastien HumbertV'L
Sylvie Pittet BlanchetteSOC
Didier LohriVER
Valérie ZoncaVER
Romain PilloudSOC
Julien EggenbergerSOC
Céline MisiegoEP
Elodie LopezEP
Hadrien BuclinEP
Claude Nicole GrinVER
Felix StürnerVER
Alice GenoudVER
Thanh-My Tran-NhuSOC
Jessica JaccoudSOC
Alberto MocchiVER
Sylvie PodioVER
Yannick MauryVER
Joëlle MinacciEP
Oriane SarrasinSOC

Documents

Transcriptions

Visionner le débat de ce point à l'ordre du jour
Mme Florence Bettschart-Narbel (PLR) — Rapporteur-trice de majorité

La Commission des affaires juridiques a traité la motion Mathilde Marendaz « Inscrivons le respect des droits fondamentaux dans la Loi vaudoise sur la police ». Pour rappel, la motionnaire veut introduire dans la Loi sur la police vaudoise un article sur le respect des droits fondamentaux, article qui indiquerait que la Police cantonale a pour mission générale d’assurer, dans le respect des droits fondamentaux, des limites du droit et des principes de l’égalité et de proportionnalité et dans l’intérêt public, le maintien de la sécurité et de l’ordre public. La Police cantonale assure, en collaboration avec les polices municipales, la prévention criminelle dans la mesure de ses moyens et dans les limites du droit.

La motionnaire rappelle que, dans différents cantons, ces principes fondamentaux sont inscrits dans les lois sur les polices. Pour cette raison, elle souhaite que ces droits fondamentaux soient aussi inscrits dans la Loi sur la police vaudoise. Le Conseil d’Etat nous rappelle que ces droits fondamentaux sont inscrits aussi bien dans la Constitution suisse que dans la Constitution vaudoise et dans la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), et que ces dispositions, dans ces lois fondamentales, s’appliquent à l’activité de la police, même si ces droits ne sont pas inscrits dans la Loi sur la police. Des garanties plus précises en matière de droits fondamentaux figurent dans diverses lois et la question est très présente dans la formation initiale des policiers et dans leur formation continue. Un classeur accompagne la formation des policiers avec différents chapitres sur les droits fondamentaux, les droits de l’Homme et un comportement éthique. Des modules sont également enseignés dans la formation de base, relatifs à des situations liées à l’asile, au racisme ou à des discriminations. Par ailleurs, le conseiller d’Etat estime que la deuxième proposition de la motionnaire, en lien avec la prévention criminelle, n’est pas très compréhensible, puisqu’elle demande d’ajouter que la prévention criminelle s’exerce dans les limites du droit. Il s’agit d’une lapalissade, parce qu’aucun programme de prévention n’est contraire aux droits supérieurs. Il y a donc une incompréhension quant à la notion de prévention criminelle, parce qu’il existe des missions de prévention délivrées par la police.

Lors de la discussion générale, une vive discussion a lieu sur la motion. En effet, certains commissaires estiment que dans la mesure où d’autres cantons connaissent, dans leur législation, l’inscription de ces droits fondamentaux dans leur loi sur les polices, le canton de Vaud ferait bien de s’en inspirer. Au contraire, d’autres commissaires estiment que la Constitution étant la norme fondamentale, il n’y a pas besoin d’inscrire en plus, dans la Loi sur la police, ces notions déjà couvertes par la Constitution vaudoise et la Constitution fédérale et que cette motion est donc inutile. Un commissaire rappelle d’ailleurs qu’une motion a pour but de changer quelque chose dans la vie des Vaudoises et des Vaudois, et que la plus-value de la mise en œuvre de cette motion serait pratiquement nulle.

Une autre discussion s’est engagée pour savoir si la motion cible la bonne loi ou si elle ne devrait pas plutôt concerner la Loi sur l’organisation de la police vaudoise. La question reste ouverte, mais le Conseil d’Etat aurait préféré que la motion vise la Loi sur l’organisation de la police vaudoise. 

Finalement, Mme la commandante a distingué les notions de violence et de force publique, puisque la motion parle de la violence. Or, la violence représente un jugement de valeur. La force publique implique d’exercer la contrainte en respectant la proportionnalité, l’intérêt public prépondérant, le respect de la loi et des droits fondamentaux. 

Enfin, nous avons beaucoup parlé d’une transformation de la motion en postulat, ce que la motionnaire a refusé. En revanche, elle a modifié sa motion en supprimant le deuxième paragraphe sur la prévention criminelle, ainsi que le terme de violence et en remplaçant les termes de « limite du droit » par « limite de la loi ». La motionnaire a donc maintenu sa motion, avec une prise en considération partielle. La commission a recommandé au Grand Conseil de ne pas prendre partiellement en considération cette motion par 8 voix contre 6 et 1 abstention.

M. David Raedler (VER) — Rapporteur-trice de minorité

La minorité de la commission, composée de six personnes, a d’emblée relevé dans son rapport que la modification proposée par la motionnaire est symbolique, dans la mesure où, d’un point de vue juridique, la police vaudoise demeure bien soumise à l’entier des droits fondamentaux. Néanmoins, la symbolique n’enlève rien à l’importance du sujet, car il est important d’exprimer un message clair sur l’importance et le rôle des droits fondamentaux dans l’action de la police. A ce titre, le rapport de la minorité souligne que le canton de Vaud ne serait pas le seul à procéder à une telle mention. Des mentions explicites aux droits fondamentaux existent, par exemple, dans les lois sur la police des cantons de Genève, de Fribourg, de Neuchâtel et de Zurich. En outre, même dans le canton de Vaud, plusieurs lois font explicitement état des droits fondamentaux, notamment la Loi sur l’exécution des condamnations pénales. Cette dernière prévoit explicitement que les établissements pénitentiaires sont tenus de veiller au respect des droits fondamentaux. Dès lors, la modification proposée par la motion ne serait pas un Sonderfall, mais exprimerait simplement l’attachement du canton de Vaud à la reconnaissance de l’importance de ces droits. 

En parallèle, la minorité de la commission relève aussi que ce changement apporterait une logique sémantique au texte, dans la mesure où l’article 1 de l’actuelle Loi sur la police exprime uniquement le fait que la police doit intégrer ses activités dans les limites du droit. Or, il serait plus juste de mentionner, comme le fait la motion déposée, les droits constitutionnels et les droits fondamentaux, ce qui apporterait une logique plus claire.

Concernant l’argument discuté en commission sur le lieu dans lequel la mention devrait se réaliser − soit la Loi sur la police, soit la Loi sur l’organisation policière vaudoise − la minorité de la commission relève que la Loi sur l’organisation policière vaudoise traite uniquement de l’organisation et du financement de la police, mais pas des activités et de la mission de cette dernière. Les missions de la police et le cadre de ses activités sont mentionnés dans la Loi sur la police. Comme c’est ce volet qui doit être couvert par les droits fondamentaux, c’est dans ce contexte et dans la Loi sur la police que l’on devrait y mentionner explicitement les droits fondamentaux.

Finalement, la minorité de la commission relève que la Constitution vaudoise ne contient aucune référence explicite à la police, ce qui renforce la nécessité d’une mention explicite dans la loi, pas pour s’assurer que les droits fondamentaux s’appliquent, mais pour le message passé. En conclusion, la minorité de la commission vous invite à prendre en considération partiellement la motion et à la renvoyer au Conseil d’Etat.

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est ouverte.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Je remercie le rapporteur et la rapporteuse de majorité et de minorité d’avoir pu résumer les arguments de fond de cette motion qui propose d’aligner les pratiques vaudoises avec celles de différents cantons, comme Genève, en inscrivant le respect des droits fondamentaux dans la Loi sur la police.

J’aimerais ajouter aux arguments de base présentés dans le rapport de minorité que cela fait plusieurs années que le canton de Vaud est épinglé par diverses organisations internationales pour ses pratiques policières, de même que d’autres cantons suisses, mais Vaud en particulier, en raison du nombre préoccupant de personnes noires victimes d’homicides par les forces de l’ordre. Les pratiques policières ont donc été épinglées depuis plusieurs années, dans notre canton en particulier, par ces organisations de protection des droits humains fondamentaux. Suite à sa visite en Suisse en 2024, le rapport du Comité européen contre la torture (CPT) fait état de plusieurs allégations de mauvais traitements physiques ou d’usages excessifs de la force, ainsi que, parfois, de plaquages au sol dans les cantons de Genève, du Valais et de Vaud. Le Comité des Nations unies pour l’élimination de la discrimination raciale avait précédemment mis en avant, il y a quelques années, que la police en Suisse devait être davantage formée à la question du profilage racial ou encore que la Suisse devait créer un organe indépendant du Ministère public chargé d’enquêter sur les allégations de discrimination raciale.

Les mesures recommandées depuis de nombreuses années par ces organisations internationales de protection des droits humains – comme l’organe indépendant de plainte ou les reçus automatiques lors des contrôles – ne sont pas prises en compte par les exécutifs, notamment dans le canton de Vaud. En juin dernier, avec mon regretté collègue Nicolas Di Giulio, agent de police, nous avions déposé une motion pour demander la réception d’un reçu automatique lors des contrôles d’identité afin de prévenir le profilage racial. Nous avions mis en avance que ces mesures, pour une adéquation avec les recommandations de respect des droits humains prononcées par ces instances de protection des droits fondamentaux, permettraient aussi de reconstituer un lien de confiance entre certaines communautés, peut-être plus victimes que d’autres de certaines discriminations. C’est dans l’intérêt d’une grande partie des Vaudoises et des Vaudois − je réponds ici à l’argument selon lequel la motion n’œuvre pas pour le quotidien des Vaudois. Tous les Vaudois ne sont traités sur le même pied d’égalité. Des personnes pourraient voir leur vie changée avec ces mesures. Par conséquent, ces mesures permettraient de recréer un lien de confiance entre ces communautés et l’institution policière. Œuvrer pour davantage de garanties des droits fondamentaux et pour un lien de confiance et de transparence, c’est aussi ce que nous défendions avec M. Di Giulio. C’est l’objet de cette motion qui propose très simplement d’inscrire le respect des droits fondamentaux dans la Loi sur la police.

Mme Patricia Spack Isenrich (SOC) —

Le respect des droits fondamentaux et des limites du droit ainsi que le principe de l’égalité, de proportionnalité et d’intérêt public sont chers à notre canton, puisqu’ils figurent dans notre Constitution vaudoise, dans la Constitution suisse et dans la CEDH. Ces droits s’appliquent directement à l’activité de la police, puisqu’ils figurent dans la Constitution fédérale et vaudoise, même si la Loi de la police cantonale vaudoise ne les mentionne pas expressément. Dès lors, pourquoi vouloir les préciser dans la loi avec cette motion ? Premièrement, comme l’a indiqué M. Raedler, parce que d’autres cantons cités dans le rapport de minorité – à savoir Genève, Fribourg, Neuchâtel, Zurich et Berne pour une partie – l’ont déjà fait. De plus, insérer ces droits dans la Loi sur la police cantonale (LPol) permettrait de préciser qu’ils s’appliquent non seulement de manière générale, mais aussi dans ce domaine spécifique. Par ailleurs, l’insertion de ces droits dans la loi les rendrait plus facilement invocables par les citoyens et les autorités, puisqu’ils auraient un effet contraignant et une opposabilité directe. Enfin, inscrire les droits fondamentaux dans la Loi sur la police permettrait aussi de les rendre plus visibles et accessibles aux acteurs concernés, et leur éviterait de se référer systématiquement à la Constitution. Pour les tribunaux, un meilleur contrôle de ces droits serait également assuré. En résumé, insérer ces droits dans la Loi sur la police permet une meilleure mise en œuvre de ceux-ci, une application plus concrète et une protection accrue. Pour ces raisons, le groupe socialiste au Grand Conseil vous invite à accepter la prise en considération partielle de la motion.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Mme la présidente rapporteuse de la majorité de la commission a parlé de symbole et d’une motion symbolique, et M. le conseiller d’Etat a expliqué en commission que le dispositif légal actuel garantissait déjà ces droits fondamentaux et leur respect par les forces de police. Dès lors, s’il y a un symbole derrière cette motion, c’est bien celui de faire apparaître aux yeux du public que les droits fondamentaux ne seraient pas respectés actuellement par la police. Cette démarche s’inscrit dans un acharnement − j’ai déjà utilisé ce mot ce matin − de Mme Mathilde Marendaz depuis le début de cette législature à attaquer les forces de police et à les discréditer par tous les moyens. En réalité, cette motion n’a que ce but : contribuer à discréditer nos forces de l’ordre. Pour cela, je vous invite à ne pas la soutenir.

M. Grégory Bovay (PLR) —

Je déclare mes intérêts : j’étais membre de cette commission. A titre liminaire, je tiens à apporter ma totale confiance et mon soutien aux différents corps de police de notre canton et à les remercier pour leur travail. M. Haury l’a très bien dit : il ne faut pas être dupe quant à la réelle intention du texte. La motionnaire sous-entend, de manière à peine voilée, que la police ne respecte pas les droits fondamentaux dans ses activités et que, par conséquent, il existerait une violence policière au sein de la police. Bien sûr, sous des airs de bonnes intentions, la motionnaire nous propose une modification légale, mais qui ne sert à rien. Cela a été rappelé tant par la rapporteuse de majorité que par le rapporteur de minorité : aucune portée pratique et aucune protection supplémentaire d’une hypothétique victime d’une hypothétique violence policière. Par conséquent, cette motion n’est ni plus ni moins qu’une gesticulation politique, une attaque envers nos forces de l’ordre, ce que nous ne pouvons que regretter.

Au fond, c’est une nouvelle forme de provocation de la part de notre collègue à l’égard de la police, qui a déjà, dans un récent passé, démontré le peu de considération − c’est un doux euphémisme − qu’elle porte au travail des forces de l’ordre. Ceci est d’autant plus une provocation que la motion et ce texte ne visent que la police. Pourquoi uniquement la police ? Tout un chacun doit respecter les droits fondamentaux et l’autorité en premier lieu, étant donné son pouvoir de coercition et de décision. Alors, pourquoi ne pas inscrire, à titre de symbole, puisque le symbole est important, dans l’ensemble des règles cantonales de droit public, que l’Etat et les autorités doivent respecter les droits fondamentaux de leur action étatique et décisionnelle, par exemple dans la Loi sur la préservation et la promotion du parc locatif, dans la Loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions et dans les règles fiscales, pour ne donner que trois exemples ?

Enfin, peut-être de manière plus réjouissante, étant donné que la motionnaire semble avoir les droits fondamentaux chevillés au corps, j’ai bon espoir qu’elle ne manquera pas de dénoncer les activités extrêmes zadistes, d’Extinction Rébellion, d’antispécistes et d’autres extrémistes de cet acabit, lorsque ces derniers investissent sans droit un terrain privé, empêchent un commerce de tourner, caillassent une boucherie ou se collent les mains au bitume, violant ainsi la garantie de la propriété privée, la liberté économique et la liberté de mouvement, des droits fondamentaux eux aussi inscrits dans nos constitutions.

Mme Mathilde Marendaz (EP) —

Je me dois de répondre rapidement. Monsieur Haury et monsieur Bovay, je ne sais pas si le fait que le rapport du Conseil de l’Europe de 2024 en Suisse, fasse état de violences policières à multiples reprises dans le canton de Vaud, qui ne sont pas adressées par les autorités, ou les nombreux rapports des Nations unies sont littéralement une provocation ou un acharnement de militants zadistes. Il y a quelques comparaisons à éviter. Le Conseil de l’Europe ou l’ONU sont quand même des institutions reconnues et dont la crédibilité est établie. Pour ma part, avec cette motion et d’autres interventions, je me fais le relais de ces organisations de protection des droits humains. Par ailleurs, mon collègue Di Giulio préconisait les mêmes mesures, mais il n’était pas nécessairement un zadiste acharné.

Monsieur Haury, j’aimerais peut-être aussi parler de votre acharnement à attaquer les jeunes femmes en politique… C’est un autre type d’acharnement, un autre type de problème.

M. Denis Dumartheray (UDC) —

Le groupe UDC soutiendra le rapport de majorité. Du reste, notre regretté collègue Di Giulio avait, en tant que commissaire, suivi le rapport de majorité et non pas signé le rapport de minorité, comme pourraient le laisser entendre les propos de Mme Marendaz. De plus, je ne peux que soutenir les propos de mes deux préopinants, en particulier ceux de M. Haury : il est bien joli de prendre des exemples, nous pouvons certainement en trouver ailleurs qu’au Conseil de l’Europe ou à l’ONU, mais nous sommes chez nous, en Suisse. Nous avons nos règles, nos lois, et nous les appliquons. Soutenons notre police qui fait un merveilleux travail chez nous et qui n’est pas assez soutenue, à mon sens.

M. Philippe Jobin (UDC) —

Madame Marendaz, nous pourrions aussi vous dire que vous attaquez les hommes d’âge mûr de cet hémicycle, que nous sommes tous désolés et que nous avons un petit mouchoir, etc. Nous parlons aujourd’hui du texte d’une motion ; restons sur ce texte.

Je rejoins les propos de mes collègues Dumarterey et Haury : dans un premier temps, la situation actuelle ne montre pas de carence majeure dans le respect des droits fondamentaux par la police. Cela rend la modification que vous souhaitez difficile à justifier comme étant une priorité dans notre canton. Les préoccupations liées aux droits fondamentaux sont déjà traitées dans d’autres dispositifs juridiques et pourront être renforcées dans les futures révisions législatives. Nous vous attendons à ce sujet et nous en réjouissons d’avance. Dès lors, une telle motion peut être perçue comme une fausse bonne idée dans le contexte actuel. En résumé, bien que votre proposition de motion soit perçue comme un effort pour renforcer la transparence et l’engagement en matière des droits fondamentaux, elle est susceptible de créer des redondances juridiques et symboliques et n’apporterait pas de garanties supplémentaires. Je vous encourage donc à ne pas soutenir cette motion.

M. Jacques-André Haury (V'L) —

Madame Marendaz, je compte effectivement parmi les aînés dans ce parlement. Le conseil que je vous donne est de ne pas vous acharner. En raison de votre acharnement contre la police, cette motion est perçue comme une attaque contre nos forces de police, et non pas comme un moyen de faire avancer notre droit. Je suis prêt à admettre que si cette motion avait été présentée par quelqu’un d’autre, nous aurions pu réfléchir et accepter d’entrer en matière. Toutefois, parce que vous vous acharnez contre la police, j’invite nos collègues à la refuser. C’est peut-être l’expérience et la sagesse d’un vieux politicien que j’essaye de vous transmettre.

M. Vassilis Venizelos (C-DJES) — Conseiller-ère d’Etat

Je craignais que ce débat dérape… Je dois confirmer que, contrairement à ce que l’on peut entendre parfois, les agents de police ne sont pas des « robocops » ou des brutes épaisses. Ils sont effectivement soumis aux droits fondamentaux, comme tout citoyen, par la Convention européenne des droits de l’homme. Cela a été évoqué à plusieurs reprises. L’action de la police est aussi cadrée par la Loi sur la police, qui interdit notamment aux policiers de faire subir à quiconque un outrage ou de mauvais traitements. La police peut utiliser la force dans une mesure proportionnée aux circonstances lorsqu’il n’existe pas d’autres moyens d’agir – le cadre légal cantonal le rappelle. Evidemment, le droit pénal fédéral s’applique ensuite pour tout agent de sécurité, notamment les agents de police. Malheureusement, ce débat prend des proportions… j’allais dire inattendues, mais pas vraiment, puisque nous pouvions nous attendre à certains dérapages – ce que je regrette.

Je tiens aussi à rappeler que la police suit une formation de base et des formations continues obligatoires consacrées aux droits de l’homme, à l’éthique professionnelle, à l’éthique et à la déontologie. Les agents et agentes de police doivent suivre ces formations de base et continues de façon régulière. On parle souvent de l’action de la police sous l’angle répressif, mais il y a une division de prévention de la criminalité très active sur le terrain, qui véhicule aussi les messages liés à l’éthique et aux droits fondamentaux. Ce lien de confiance est alimenté de façon régulière. Plusieurs choses sont déployées : la plateforme permanente avec les communautés, les associations étrangères, le bureau cantonal d’intégration. 

Quel que soit votre vote, je ne souhaiterais pas que l’on donne l’impression d’une inaction en la matière et d’une insensibilité de la police aux préoccupations relatives aux droits fondamentaux. Modifier la LPol en intégrant les droits fondamentaux ne fera qu’ancrer un principe déjà fixé dans le droit supérieur, déjà en œuvre au quotidien dans les opérations, déjà intégré dans les formations policières. La police pourra tout à fait vivre avec une modification de ce type. Cependant, en ciblant la LPol, vous allez cibler la Police cantonale uniquement ; les polices communales ne seraient pas soumises à la volonté du Parlement de renforcer le principe du respect des droits fondamentaux. 

Je pars du principe que l’on se prononce sur la prise en considération partielle de la motion. Je n’ai aucun problème à rappeler, dans la loi, que les droits fondamentaux sont respectés et doivent être respectés. C’est déjà le cas et cela continuera à l’être, quel que soit votre vote. Toutefois, je ne souhaiterai pas, dans le cadre de ce débat, que l’on donne une fausse image de l’action de la police sur le terrain. Non, les policiers ne sont pas des brutes épaisses. Ils sont formés à l’usage de la force de façon proportionnée et au respect des droits humains. Ils sont très sensibles à ces éléments au quotidien, non seulement lors d’actions répressives, mais aussi dans toute la palette des mesures de prévention qu’ils déploient.

M. Théophile Schenker (VER) —

Je suis désolé d’intervenir après M. le conseiller d’Etat. Les agents de police ne sont certainement pas, de manière générale, des brutes épaisses. Toutefois, les violences policières posent un problème réel. Certains ont utilisé le conditionnel à de nombreuses reprises, mais le problème existe et il faut le traiter. Ce n’est pas par simple plaisir que le CPT a notamment épinglé le canton de Vaud pour ses pratiques. Agir contre les violences policières permettra précisément de maintenir la confiance envers la police. 

Monsieur Haury, il est parfaitement ridicule de décider du soutien ou non à une proposition en fonction de son auteur. Je vous invite donc personnellement à soutenir cette motion. 

M. Jean-François Thuillard (UDC) — Président-e

La discussion est close. 

Le Grand Conseil refuse la prise en considération de la motion par 79 voix contre 47 et 9 abstentions.

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